22 mars 2009

Le rapport Ménard : une première impression

Cette semaine a été marqué par la publication du rapport Ménard sur le décrochage scolaire. Celui-ci a ceci de particulier qu'il s'agit d'une initiative citoyenne et non d'un comité ministériel. Mais avant d'aller plus loin dans une analyse de celui-ci dans un autre billet, permettez-moi, si vous le voulez bien, de situer la publication de ce rapport dans son contexte.

L'oubli: meilleur ennemi des idées

Dans une chronique, également parue cette semaine et que je vous invite à lire tant elle est intéressante, Jean-Marc Léger affirme à juste titre: «80% des nouvelles ne durent justement que 24 heures.» Que croyez-vous qu'il va arriver au rapport Ménard?

Déjà, récemment, le congédiement du coach du Canadien a suffi à éloigner de l'actualité les pertes de 20 milliards de la Caisse de dépôts et placements. Pensez-vous sérieusement que le rapport Ménard va rester dans la mémoire collective plus qu'une semaine? Médiatiquement, le décrochage est un phénomène social dont on a tant parler sans y donner suite qu'il est rendu malheureusement banal et banalisé, comme s'il s'agissait d'une réalité incontournable contre laquelle on ne peut rien faire.

Le MELS s'occupe déjà du problème

Une autre raison pour laquelle le rapport n'atteindra pas les objectifs qu'il s'est fixé, du moins rapidement, est qu'il remet en question le travail déjà fait actuellement par diverses organisations gouvernementales. Pour le MELS, on s'occupe déjà du problème. C'est du moins ce que laisse entendre la ministre Courchesne en entrevue. On a l'impression d'un enterrement assez expéditif.

Rappelons que c'est aussi la même ministre qui croit que le PQ est responsable de la situation actuelle alors que le parti Libéral est au pouvoir depuis six ans. J'ai toujours été convaincu de la bonne foi de Mme Courchesne, mais cette fois-ci elle me met résolument à l'épreuve...

Enfin, il ne faut pas oublier qu'il s'agit du même ministère qui permet à des décideurs scolaires de recevoir 800 000$ de bonus basés sur leur bon rendement alors que plusieurs aspects du système de l'éducation du Québec sont tout simplement lamentables, notamment en ce qui a trait au décrochage scolaire. N'est-ce pas là un signe inquiétant que certains croient que tout va bien en éducation et que les gens en place font un excellent travail?

Pour toutes ces raisons donc, j'espère que M. Ménard aura la patience de ses convictions. Il lui faudra constamment ramener ses solutions auprès des décideurs et surtout, stratégiquement, trouver une façon de leur faire croire qu'il s'agit de leurs idées. Parce que le décrochage scolaire est davantage un problème politique que pédagogique.

4 commentaires:

bobbiwatson a dit…

Toutes les bonnes intentions énoncées/annoncées suite au rapport sur le décrochage scolaire de M. Ménard ont été balayées avec l'énoncé du budget gouvernemental d'hier!

L'oubli sera rapide surtout que ce sujet n'a pas été avantagé dans le budget 2009.

Anonyme a dit…

Dans un autre registre que politique médiatique ou économique, je suis surpris que l'on ne remette pas en question l'« objet conceptuel » du décrochage scolaire, c'est à dire qu'on en fait un phénomène positif (par positif je veux dire concret, identifiable, réel)alors qu'il s'agit précisément d'un objet négatif : les jeunes « cessent de fréquenter » l'école.

On en fait un objet extérieur à la l'école ou au milieu social, une manifestation étrangère « contre laquelle on lutte ». Alors on cible un ensemble de mesures « concrètes » pour «prévenir et combattre » ledit décrochage, alors que ce dernier est la mesure passive (rendue objective) du manque de de persistance de la clientèle.


La différence est de taille, car tant que nous considérons le décrochage comme un objet observable comme tel, on peut critiquer les plans de redressement et l'ensemble des mesures sans remettre en question le système dans lequel il survient, on pourra dire : x ou y n'ont pas fait assez pour prévenir le décrochage.

Ce dernier est le symptôme d'une crise dans le système scolaire POINT. La tendance actuelle de «lutte» contre permet de faire l'économie d'une véritable remise en question des services qu'offre l'école.

L'école n'est plus un milieu de vie, combien d'écoles offrent des activités parascolaires dignes de ce nom : génies en herbe, théâtre, danse, impro, musique (de l'orchestre au jazz en passant par les café-concerts rock), club de cinéma, ateliers de photo, club informatique, club scientifique, concours divers, recueil de poésie, salle de jeux (incluant les jeux de hasard et de société), activité d'initiation à la vie politique, radio étudiante, puis toute la gamme des sports : individuels, collectifs, ludiques, de compétition, élite, sans oublier notre cher hockey ET SURTOUT une bibliothèque digne de ce nom.

Les écoles n'ont pas à posséder les infrastructure pour réaliser ces activités, elles peuvent être développée dans le campus immédiat. Une école qui offre un tel milieu de vie est nécessairement au centre de sa communauté, les liens sociaux deviennent naturellement plus riches. Ça ne règle pas tout, mais ça offre déjà un horizon plus vaste que l'école pour adulte et le marché du travail, voire de la rue me semble alors beaucoup plus plate en comparaison.

Commençons donc par « offrir une école » aux jeunes avant de parler de décrochage, parce que décrocher de l'école actuelle, est-ce vraiment avoir donné la pleine mesure de ce que l'école peut offrir?

Évidemment, de vraies écoles, ça coute cher... Effectivement, c'est donc un choix politique.

Étienne

Le professeur masqué a dit…

Etienne: de plus en plus, on tend à parler d'encourager la persistance scolaire plutôt que de contrer le décrochage. Je vis très bien avec ce changement de vision des choses. Encourageons au lieu de dire: Bravo! Tu n'as pas encore lâcher...

Si je partage votre point de vue à l'effet que l'école doit être un milieu de vie, je tiens cependant à souligner que je suis un peu las de constater que, souvent, on oublie qu'il y a d'autres facteurs très importants reliés à la persistance scolaire: valorisation des études, valorisation des enseignants (un jeune va-t-il prendre au sérieux l'école si ses parents dénigrent des profs sans arrêt?), condition socio-économique, situation du marché de l'emploi, détresse personnelle...

Anonyme a dit…

Merci Prof Masqué pour ce regard « de l'intérieur », sauf qu'au travers des journaux, donc de l'opinion publique, la vision que vous défendez ne s'est pas encore actualisée, alors je doute que les mesures à venir tendent à épouser cette approche.

Par ailleurs, l'école, dans sa forme actuelle, n'a que peu d'emprise sur tous ces facteurs sociaux que vous nommez. C'est pourquoi j'insiste sur cette école «milieu de vie» : quand tu assistes comme parent au premier concert de ta vie, parce que ton fils joue de la clarinette dans l'harmonie, peut-être vas-tu troquer certains de tes discours dévalorisants. Si le chef d'orchestre, à qui tu sers la main en partant, te dit que ton fils a du potentiel, ça va te faire plaisir. Peut-être que tu vas même te mettre à changer des habitudes de consommation de ton ménage pour permettre à ton fils de fréquenter un camp musical à l'été. J'en connais qui sont restés à l'école simplement parce que cette dernière leur prêtait une basse électrique.

Tous ces exemples tendent à redonner à l'école ses lauriers,je ne pense pas qu'un seul projet parascolaire peut faire la différence, mais quand ils sont insérés à la grandeur de la province, qu'ils permettent alors un meilleur contact entre les parents et les parents, je pense qu'ils contribuent à diminuer l'aliénation dont l'école est victime, aliénation qui est intriquée dans tous les facteurs dont vous avez parlés.

Toutefois, cette vision de l'école est encore plus couteuse que ce qui sortira probablement du chapeau de la ministre, mais je garde espoir, car vous savoir enseignant au secondaire, c'est signe que tout n'est pas perdu...

Étienne