Depuis 2005, les commissions scolaires et les écoles privées peuvent vérifier les antécédents judiciaires de tout employé oeuvrant en éducation. Je me souviens encore qu'à ma CS, on avait exiger que je produise une photocopie de mon permis de conduire, une procédure à laquelle elle avait dû finalement renoncer. L'opération m'avait laissé un goût amer dans la bouche
Jusqu'à présent, le gouvernement a dépensé 6 millions pour scruter le passé de 14 976 enseignants et futurs enseignants. De ce nombre, 1214 présentaient des antécédents judiciaires (histoires de drogue, petite fraude fiscale ou conduite avec facultés affaiblies) et 18 avaient commis une infraction criminelle que le MELS jugeait incompatible avec un milieu d'éducation.
Des contres
Pour Lysianne Gagnon, «Il devrait y avoir des limites à la paranoïa. Des limites, aussi, à l'intrusion de l'État dans les vies privées.» Elle qualifie de «pêche à l'aveugle» cette mesure qui soulèverait des interrogations «si la police scrutait les dossiers de tous les musulmans dans le but de débusquer de potentiels terroristes islamistes?» Pour elle, parce qu'ils sont des modèles, on demande aux enseignants d'être «parfaits et infaillibles».
L'éditorialiste de La Presse doute de l'efficacité de cette vérification quand on sait que «les quatre enseignants québécois accusés de pédophilie depuis deux ans n'avaient aucun antécédent judiciaire!»
Des pours
Pour Brigitte Breton, il s'agit du «prix à payer pour s'assurer qu'un individu qui a abusé sexuellement de mineurs ou usé de violence ne se retrouve pas à la tête d'une classe. Pour s'assurer aussi que le chauffeur de l'autobus jaune n'a pas perdu son permis pour conduite en état d'ébriété, et que le directeur d'école n'est pas un ancien vendeur de drogues ou un fraudeur.»
Pour cet éditorialiste du Soleil, «La diversité des catégories de personnel nécessaire au bon fonctionnement d'une école justifie la largeur du spectre. La vérification ne peut se limiter aux cas de pédophilie.»
Une opinion très masquée
Pour ma part, au nom du bien des enfants, je considère qu'on verse un peu dans l'exagération. Dépenser 6 millions pour finalement débusquer 18 cas problématiques montre qu'il n'y a pas de véritable problème, d'autant plus que cette vérification n'est pas une garantie du comportement actuel et futur des employés embauchés.
De plus, je remarque qu'on applique aux enseignants des vérifications qu'on ne juge pas essentielles pour des employés pourtant à l'emploi de l'état. Pensons par exemple aux employés de la santé qui sont, eux aussi, en contact avec des enfants. Et à ce que je sache, on peut frauder l'état ailleurs que dans une école. Dans la même veine, à quand la vérification des antécédents judiciaires des commissaires scolaires et des députés?
Dans son éditorial, Mme Breton écrit: «Personne ne souhaite que l'intégrité ou la sécurité de son enfant soit menacée parce que la commission scolaire ou la direction de l'école privée a fait preuve de laxisme à l'embauche ou en cours d'emploi.»
Cette remarque m'a rappelé un incident que j'ai vécu au début de ma carrière. Plusieurs élèves étaient venues me voir parce qu'elles étaient intimidées par le comportement intimidant d'un collègue: regards inappropriés et soutenus, remarques déplacées et à double sens... Après une plus longue vérification personnelle (Prof masqué enquête...) et beaucoup de réflexion, il m'est apparu évident que je devais rapporter ce cas tellement plus les signes montraient qu'il y avait quelque chose qui clochait (par exemple, danser un slow collé et tâter les seins d'une élève mineure dans un bar). Ce fut la seule fois de ma carrière, d'ailleurs.
Finalement, il a été impossible de porter plainte contre cet individu. Les preuves n'auraient pas été suffisantes et les élèves concernées n'avaient pas envie d'être mêlées à un processus judiciaire. Mais bien coincé dans une rencontre avec un directeur, ce dernier avait remis sa démission en échange qu'on n'aille pas plus loin avec cette histoire.
Rien ne figure dans le dossier de ce dernier, qui travaille aujourd'hui dans une commission scolaire voisine, et on ne peut qu'espérer qu'il a compris le message. Sauf qu'un doute a toujours hanté mon esprit.
Alors, le laxisme et les vérifications...
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Au fond, c'est un peu comme si on avait renversé le fardeau de la preuve: chaque personne est coupable jusqu'à preuve du contraire. On la soupçonne jusqu'à temps qu'elle réussit à prouver son innocence.
13 commentaires:
Et dans plusieurs CS, c'est au futur enseignant de produire son certificat d'abscence de dossier criminel. Selon la municipalité, il en coûte 15 à 70$. Alors qu'avec la date de naissance de quelqu'un (et un peu de temps) on peut avoir son dossier criminel gratuitement au palais de justice de Montréal (j'ai déjà fait cette vérification pour mes employés dans "le temps"). Environ une heure de travail, à 12$ l'heure...
Bulle: À quand les échantillons d'ADN?
Depuis quelques années, dans ma CS, les parents bénévoles doivent remplir une fiche attestant qu'ils n'ont aucun dossier criminel.
Est-ce que les professionnels des CS sont tenus à ce genre d'exercice?
Si c'est pour protéger nos enfants que les CS demandent aux enseignants et aux bénévoles de montrer patte blanche, il faudrait que tout le monde scolaire soit visé.
Moi, j'aime bouger... A chaque fois, ils refont la petite enquête... En ce moment, on en refait une!
L'éducation subventionne la justice ou la police!
Jonathan: vous avez enseigné à l'extérieur du Québec, je crois. Y avait-il des enquêtes similaires?
C'est rare que ça arrive, mais je suis plutôt de l'avis de Lysianne Gagnon. Puis, la dame du Soleil n'a pas vérifié très fort les faits. J'ai eu un papa chauffeur d'autobus scolaire et la compagnie pour laquelle il travaillait n'acceptait aucun chauffeur qui avait déjà perdu des points de démérite sur son permis de conduire, encore bien moins conduit avec les facultés affaiblies.
De deux choses l'une, il me semble approprié de faire une simple vérification de dossier criminel, la première fois au début de la carière d'un prof. On le fait pour un chef scout. La police devrait offrir gratuitement un service au CS, auquel devrait s'ajouté les vérifications des personnes ayant obtenu leur pardon ou commis lorsque mineur des crimes sexuels ou avec des organisations criminel.
Par contre, faire une enquête plus poussé me semble un gaspillage d'argent. Si la personne n'a pas été condamné, la probabilité est très faible qu'on en apprenne plus avec une enquête.
J'ai une amie qui enseigne en Ontario... Je serais curieuse de savoir si ce même processus se fait aussi avec les Conseils catholiques, etc. de nos voisins de l'Ouest.
Encore contente qu'on ne nous demande pas de fournir une telle déclaration à chaque année et ce, même si on ne bouge pas de CS. (Je ne le dirai pas trop fort... Au cas où ça donnerait des idées!!)
Ce 6 millions, il n'y avait VRAIMENT pas d'autres moyens de l'investir????? Pourtant, j'ai besoin de 10 secondes de réflexion et des tonnes d'idées me viennent à l'esprit.
Hortensia: je l'ai écrit mais je ne l'ai finalement pas publié mais la madame du Soleil est très pro tout ce qui sort du MELS. Pas surpris de votre commentaire.
Guillaume: gratuitement... ça n'existe que très rarement ce mot.
Ness: chut! Ne donnez pas d'idée à nos élus.
Quand j'ai commencé à faire de la suppléance, il y a environ 6 ou 7 ans, on m'a demandé de fournir, avec mon cv et diplome, une attestation comme quoi je n'avais pas d'antécédant judiciaire.
En fait, ce n'est pas vraiment ça qui m'a frappé, mais plutôt le fait que je fasse de la suppléance sans avoir mon attestation. J'allais remplacer, mais ils ne m'ont pas payé tant que je n'avais pas donné mon attestation.. Un peu bizarre tout ça...
Les élus n'ont pas besoin qu'on leur donne des idées! Ils ont plutôt besoin d'éteignoirs.
Non, je n'ai pas enseigné en dehors du Québec comme je pensais le faire. J'ai profité de la vie et de mon temps libre. Bref, je n'ai pas l'info...
On a commencé par me demander un diplôme (14000$). Puis, un brevet, pis un Céfranc ou un Sel (60$), pis un certificat pour mes antécédents (?$) et, ces derniers temps, si j'étais une femme, un indien (pardon, autochtone) ou une minorité visible ou culturelle et même un handicapé... pour les programmes d'accès à l'égalité... Légalité de qui?
Les bureaucrasses aiment bien nous emmerder...
Lors de mon second stage, la direction de l'école m'a demandé de remplir un formulaire concernant mes antécédents judiciaires. Je l'ai rempli sans hésiter, puisque je n'ai absolument rien à cacher et tout cela m'a paru banal. Je me suis dit que c'était une bonne mesure à prendre pour être certain des personnes engagées dans les écoles.
À présent, lorsque je vois les statistiques (6 millions et 18 cas problématiques) je me dis que c'est exagéré en effet et qu'il ne faut certainement pas tomber dans la paranoïa. Par contre, on voit de plus en plus aux nouvelles de cas d'agressions sexuelles ou des personnes oeuvrant avec des enfants et qui sont accusés de plusieurs chefs à caractères sexuels. Pour ma part, je crois qu'il est important de vérifier si quelqu'un voulant travailler avec des enfants a un casier judiciaire. Cependant, les cas de fraude ou n'ayant pas rapport à des cas d'abus sur des enfants ou des adultes ne devraient pas être considérés.
Bref, il est important de vérifier tout en ne tombant pas dans l'exagération et en ne généralisant pas les cas problématiques à l'ensemble du personnel travaillant dans les écoles.
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