28 octobre 2010

Chouette: on a le droit de tuer des cyclistes quand on est fatigué au volant!


Je n'ai absolument pas compris que l'individu qui a tué trois cyclistes à Rougemont s'en soit tiré sans qu'aucune accusation de quelque nature que ce soit n'ait été portée contre lui. Un peu plus et on a l'impression que ce sont les familles des disparues qui allaient devoir se défendre pour les dommages causés au véhicule impliqué dans cette tragédie: «À quel vitesse roulaient les cyclistes quand elles ont heurté votre camion, monsieur?»

Ce soir, à la télé. ce conducteur a fait son «coming out» et a expliqué... qu'il n'avait à rien expliquer.

Après avoir terminé son travail de nuit, l'homme roule un matin clair de printemps sur une route à quatre voies. La chaussée est sèche. Il a mis en marche le régulateur de vitesse à 105 km-h alors que la limite permise est de 90 et puis, plus rien. Il tue trois cyclistes qu'il n'a même pas cherché à éviter. Aucune trace de freinage n'a été retrouvée sur les lieux de l'accident. Rien.

Pour Canoe, l'homme «ne comprend pas ce qui s'est passé.» Et à lire ses explications, on réalise qu'on n'en saura pas plus. «Je sais que ce serait plus facile si je pouvais comprendre moi-même ce qui s’est passé, mais je ne sais pas quoi répondre. (...) J’ai pris la courbe, puis après ça… J’essaie encore de voir ce qui s’est réellement passé. Moi-même je ne le sais pas. Est-ce que je me suis endormi? Est-ce que j’ai eu un moment d’inattention? Tout ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas eu de vitesse: j’étais sur le "cruise control". Il n’y avait pas d’alcool: je revenais du travail. Il n’y avait pas de cellulaire: je n’avais pas de batterie. J’avais travaillé mon quart de nuit. Mais fatigué? Moi, je trouvais que la route se passait bien. Moment d’inattention, moment de fatigue… oui, c’est possible.»

La dernière fois que j'ai pris connaissance d'un témoignage aussi vague, c'est lors du scandale des commandites: «Je ne me souviens pas... Je ne sais pas, Monsieur le Juge.»

Quand je pense à tout le secret entourant l'enquête de police et celle du coroner, la façon dont les policiers et le procureur ont décidé qu'il n'y avait pas matière à porter des accusations criminelles, le traitement honteux réservé aux familles des victimes et ce témoignage cousu de fils invisibles, je ressens un grand malaise. On est responsable de la conduite de son véhicule, non? Or, ce conducteur indique qu'il ne se souvient de rien. Troublant. Quand on conduit, on doit être attentif, non?

Si les cyclistes avaient causé leur perte en enfreignant la loi, je me dirais qu'elles se sont mises dans le trouble toutes seules. Mais là?

Morale: soyez fatigué ou souvenez-vous de rien au volant. Au Québec, ça fonctionne.

4 commentaires:

imaginezautrechose a dit…

Je vous trouve dur, professeur masqué... Comme je trouve aussi durs les proches des victimes dans leur réaction par rapport au témoignage du conducteur (et non chauffard). Je suis très sensible à tout ce qui s'appelle accident de la route. La plupart du temps, il y a alcool, vitesse et insouciance en cause. Là, ce n'est pas le cas et même en tant que cycliste souvent frustrée contre les automobilistes, je ne saurais condamner le conducteur. Je ne crois pas que son témoignage soit volontairement vague. C'est probablement aussi vague dans sa tête. Des accidents, une fausse manoeuvre, un faux mouvement, ça peut arriver sans qu'il faille nécessairement toujours trouver un coupable. Il y a bien des situations dans ma vie où tout était bien jusqu'à ce que tout à coup, en une fraction de seconde, quelque chose se produise sans savoir exactement ce qui s'était passé. C'est comme lorsqu'on tient un verre et tout à coup il nous tombe des mains sans que l'on sache pourquoi. La situation est ici bien plus malheureuse qu'un simple verre cassé: trois vies ont été fauchées... Et je crois que de chercher un responsable ou un coupable à tout prix, c'est une façon de calmer les esprits des proches des victimes. Je comprends leur colère, mais je crois qu'il ne faut pas mélanger les choses. C'était un accident, pas un acte criminel.

Vous écrivez: "Quand on conduit, on doit être attentif, non?" Qu'est-ce qui vous dit que le conducteur n'était pas attentif? Même en étant le plus attentif du monde, on peut avoir une distraction ou tout à coup fermer les yeux sans s'en rendre compte pendant une fraction de seconde. Ou juste avoir un spasme. Ou encore bien d'autres choses... Et je crois qu'en situation de choc, il peut être tout à fait normal de ne se souvenir très bien de rien.

Marie-Claude a dit…

"Tout ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas eu de vitesse: j’étais sur le "cruise control"."

S'il avait réglé son régulateur de vitesse à 105 alors que la limite est de 90, OUI il y a eu de la vitesse...

Vive le no-fault :-(

(c'est mon premier commentaire sur votre blogue que je lis religieusement depuis quelques mois - félicitations pour votre beau travail, comme qu'on dit ;-))

Le professeur masqué a dit…

Imaginez: Dur, vous trouvez? Regardez l'état du camion et dites-vous qu'il a heurté des humains et des vélos. Pas un mur. Distrait? Inattentif une seconde? Aucune trace de freinage. Aucune. Et pourtant. il est facile d'imaginer la force de l'impact. Quelqu'un d'éveillé aurait normalement eu une réaction. On ne parle pas de chevreuils qui sautent tout à coup sur la route.

Il dormait, le monsieur. Le camion connaissait le chemin, comme on dit. Quand on est fatigué, on ne conduit pas. Il a pris une chance. Il a tué trois personnes.

Il m'est déjà arrivé de conduire tout en étant trop fatigué. De me «réveiller» rendu à la maison. En prenant le volant ces fois fois-là, j'ai pris une mauvaise décision que je n'ai pas eu à regretter. Heureusement.

Vous connaissez la notion d'homicide involontaire? ce conducteur n'a pas fait exprès de tuer ces cyclistes, sauf qu'il n'a simplement pas pris tous les moyens pour éviter un pareil incident. Et ça, à mon avis, c'est criminel. Quand on est fatigué, on ne conduit pas. On se range sur la bord de la route et on dort.

Marie-Claude: Merci à vous. Moi aussi, ça m'interpelle. Donc, la limite de vitesse au Québec, c'est x + 15.

Anonyme a dit…

Attention à toi la saison prochaine!