17 octobre 2010

Décrochage scolaire et motivation politique (correction)

La commission scolaire des Premières-Seigneuries a effectué un sondage auprès de 114 décrocheurs de moins de 16 ans afin de mieux comprend les raisons qui les ont poussés à quitter l'école. L'étude bat en brèches certains préjugés.

La manque de motivation et l'absentéisme sont deux facteurs importants qui expliqueraient le décrochage scolaire. Suivent les difficultés scolaires.

Les raisons du genre l'intimidation, l'influence négative des amis, le manque d'intérêt, le manque d'implication des parents dans leur vie scolaire arrivent en bas de liste.

Les jeunes décrocheurs affirment aussi qu'ils pouvaient facilement trouver un adulte à qui parler à l'école et qu'ils avaient un cercle d'amis. On est donc loin de l'image de l'individu solitaire et rejeté, bien que ces jeunes participaient rarement aux activités de leur école.

Si on regarde de plus près ces chiffres, 60% de ces jeunes étaient en adaptation scolaire. Aucun cependant n'avait redoublé au primaire. D'où ma réflexion:

Les jeunes décrochent-ils parce qu'ils ne comprennent pas ce qu'on leur enseigne?

En classe, j'ai remarqué que mes élèves qui comprennent ce que je leur enseigne sont plus motivés, ont soif d'apprendre, de relever de nouveaux défis. Par contre, si je laisse ceux qui éprouvent des difficultés scolaires baigner dans leur jus et échouer devant des évaluations qui deviennent finalement pour eux insurmontables,, ils se découragent et font rarement les efforts pour s'en sortir. C'est alors que - comme bien des enseignants - je ne compte pas mon temps et j'interviens pour les obliger à travailler en récupération. Et se produit parfois un phénomène intéressant qui se résume à cette phrase d'un élève:

«C'est l'fun d'apprendre quand tu comprends!»

60% de ces jeunes décrocheurs étaient en adaptation scolaire. Aucun n'a redoublé. A-t-on trop attendu pour intervenir? Devrait-on davantage dépister de façon précoce les difficultés d'apprentissage des jeunes comme c'est le cas en Finlande? Oui, oui, la Finlande: LE pays modèle en éducation. Un pays où on ne lésine pas quant aux moyens mis en oeuvre pour aider les jeunes en difficulté.

Chose certaine, il y a de quoi à être découragé quand on lit ce jugement concernant des parents qui poursuivaient le MELS et les commissions scolaires - dont celle des Grandes-Seigneuries (et non des Premières-Seigneuries) - à l'effet qu'ils ne donnaient pas des services adéquats à leur enfant.

Dans La Presse, on pouvait lire: «Le MELS plaidait au contraire que le droit à une éducation gratuite et aux services d'éducation doit s'exercer en tenant compte de différents facteurs, dont les ressources humaines, financières et matérielles. Et les commissions scolaires affirmaient qu'il serait impossible de dépister la dyslexie dès la maternelle chez tous les enfants, car aucun test reconnu scientifiquement ne permet de conclure à la dyslexie et qu'à l'heure actuelle, cette déficience ne peut être reconnue qu'après deux ans d'entraînement à la lecture.»

Pour le juge qui a entendu les parties, «la question de savoir quels services doivent être offerts aux élèves relève du milieu politique et ne doit pas être tranchée par un tribunal puisqu'il n'y a pas discrimination.»

Ce qui revient à dire que certains commissaires vont pouvoir continuer à jouer au golf et à boire du vin à nos frais, que certains directions d'école et certains administrateurs pourront toujours se réunir à Bromont, que les dédoublements administratifs ne seront pas remis en question. Bref, on va continuer à manquer de fric pour effectuer un travail convenable dans nos écoles et auprès des jeunes, mais personne au niveau politique ne semble comprendre qu'il faut revoir nos façons de faire et de gérer. On ne manque pas d'argent en éducation au Québec: on le dépense mal. Voilà la vérité. Et il y a des gens en place qui ne veulent pas soulever cette question par peur de perdre leurs privilèges ou par crainte du changement.

Ah oui! En Finlande, LE pays modèle, il n'y a pas de commission scolaire et la structure bureaucratique n'a rien à voir avec celle, obèse et inefficace, du Québec. C'est à se demander qui manque de motivation: nos jeunes ou certains de ceux qui gèrent l'appareil éducatif québécois?

6 commentaires:

Lud. a dit…

C'est sur qu'il y a bien du gras à couper dans notre système... surtout là-haut. Tiens, ça prendrait un Robin des bois: qui enlève des commissaires aux vocations tigerwoodiennes et abonnés au farniente autour du globe... et donne aux profs et aux élèves ce dont ils ont besoin!!!

Marc St-Pierre a dit…

Tout est perfectible, j'en conviens. Tout mettre sur le dos des CS, c'est un peu gros.En même temps, je comprends. Ça déculpabilise, ça fait porter la responsabilité sur un autre dos que le sien. Parce que je présume que si demain, on abolissait les CS, les enseignants adopteraient des pratiques plus efficaces,tous les enfants ou presque sauraient lire à la fin de la 1ère année,nos pratiques pédagogiques s'appuieraient davantage sur des résultats de recherche et les parents feraint ce qu'ils ont à faire...à la maison? On lirait davantage? Nos orthopédagogues seraient mieux équipés pour dépister et intervenir auprès des élèves dyslexiques et il y aurait tellement d'orthophonistes qui sortiraient des universitée, qu'on pourrait finalement réussir à engager tous ceux qu'on voudrait engager ? Il y aurait aussi des pédopsychiatres sur tous les coins de rue prêts à accourir pour s'occuper de nos élèves avec des problèmes de santé mentale ? Sans compter que les centres jeunesse et les CSSS déploieraient une armée d'intervenants de milieu pour s'occuper de nos TC ?

Et peut-être que des profs comme toi, cher Masqué, finiraient par écrire sur les murs combien ils sont fiers et contents de travailler dans le plusse meilleur système d'éducation au monde, plutôt que de se plaindre de jouer pour un club de pas bons. Évidemment, quand une CS qui a un budget de 250 millions dépense 100000$ en café, en p'tites sandwiches de couleur pis en vin cheap pour des réunions et des Lacs à l'Épaule, cela explique bien pourquoi on est dans la situation où on est. Quand même, 100 000$ sur 250M$, ça représenre quand même quatre centième de un pourcent de son budget total. Wow ! Tout un scoop pour Ménard !

Non, tu veux mon avis Masqué ? On vit une drôle d'époque. Une époque où on revendique tout, y compris l'irresponsabilité. On réclame à grands cris le droit de ne pas être tenu responsable. Beau concept: "L'irresponsabilité revendiquée".

Le professeur masqué a dit…

M. St-Pierre: Le jugement sur les enfants dyslexiques indiquent que les services scolaires sont offerts sur une base politique. Donc, qu'elles relèvent de nos élus, de nos décideurs. Ce sont eux qui font des choix. Reste aux citoyens à les questionner, ce que je fais ici.

Je mets sur le dos des commissions scolaires et d'autres entités administratives de ne pas être toujours aux services des élèves, mais d'être une bureaucratie qui se nourrit elle-même. Certaines façons de dépenser l'argent des contribuables est un indice clair qu'on se fout parfois de dépenser l'argent des autres.

Quant à votre argumentation à l'effet que remettre en question la gestion administrative des deniers publics en éducation est une façon de se déculpabiliser, je préfère retenir mes commentaires. Pour ma part, je crois être, comme bien de mes collègues, des individus que ne se cherchent pas d'excuse parce qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes chaque jour.

Sachez que je n'ai pas proposé d'abolir les commissions scolaires. Je remets en question leur gestion et je remets aussi en question toute la performance de l'appareil gouvernemental en matière de gestion de l'éducation. Ainsi, à quoi servent les directions générales du MELS avec des commissions scolaires devenues des entités régionales avec la fusion des commissions scolaires? Et ces commissions scolaires, ont-elles encore leur raison d'être aujourd'hui avec un réseau d'écoles solidement implantées partout au Québec?

On remarque d'ailleurs qu'au Québec, la bureaucratie prend bien de la place dans le budget de l'éducation comparée à la Finlande.

La situation de nos jeunes s'en porteraient-elles mieux si l'on remettait en question ces sacro-saintes institutions? Elle ne pourrait certainement pas être pire... On manque de fric pour des services de base, sur le terrain. C'est une évidence. Peut-on alors remettre en question comment on gère l'argent en éducation?

Personnellement, une commission scolaire qui dépense 100 000$ à Bromont en payant les frais de transport, le vin et d'autres éléments que des p'tits sandwich de couleur mérite d'être questionnée. Je me fous que cet argent représente quatre centièeme de un pour cent du budget de cette CS! Je me fous même de ce que ça représente sur les 14 milliards qu'on consacre à l'éducation au Québec.

C'est 100 000$, bâtard! Vous êtes assez riche pour le payer de votre poche? C'est de l'argent des contribuables, pas des commissions scolaires! Chaque CS a le devoir de le dépenser de façon efficace et juste. C'est à coup de 100 000$ dépensés de façon discutable ou inefficace ici et là qu'il ne reste plus d'argent pour les services de base.

Dire que ce 100 000$ ne représente pas grand chose, voilà une belle façon de se déresponsabiliser comme gestionnaire.

Johanne Bouchard a dit…

En me préparant pour mon examen SEL sans trouver le sommeil; après avoir appris mon français avec la méthode sablier; après avoir fait des études en anglais parce qu'en sciences, je pensais ne pas avoir besoin de mon français et c'était, à l'époque, trop difficile pour moi; après être devenue biochimiste; après être devenue enseignante des sciences au secondaire; après avoir passer avec B+ un examen de français de TELUQ pour la commission scolaire de l'époque; après avoir eu 4 enfants; après être déménagé en région pour mon x-conjoint; après avoir eu un cinquième enfant; après vouloir faire un retour au travail dans une autre commission scolaire: j'adore vous lire. Dans cette région qui est devenue la mienne, je veux faire un retour au travail et ces fameuses et vastes commissions scolaires me demande de refaire mon examen de français. De plus, je dois m'approprier la nouvelle réforme à l'extérieur du milieu de travail... Ce n'est pas grave. Mon désir est si fort. Mon français écrit s'est amélioré. Je serai capable. Par contre, je m'ennuie des rencontres avec le directeur de l'établissement qui montait lui-même son équipe de travail pour son école et du choix qu'on avait pour les contenues du programme...

Merci pour vos textes éclairés.

Le professeur masqué a dit…

Mme Bouchard: quel parcours que le vôtre!

Marc St-Pierre a dit…

Prof masqué,

J'ai travaillé assez longtemps comme prof pour des ados de 16, 17 et 18 ans qu'on parquait à une certaine époque dans ce qu'on appelait l'ISPJ pour savoir qu'on peut faire beaucoup pour faire réussir des élèves, même quand notre commission scolaire a l'air de nous avoir oublié depuis longtemps. Ce que je sais aussi, c'est que si à l'époque les gens qui dirigeainet ma CS avaient mangé un petit peu moins de sandwich en triangle,ça n'aurait pas fait de différence dans la réussite de mes élèves.

Sur le territoire de ma commission scolaire, il y a une école privée qui accueille 1500 élèves triés sur le volet. Elle offre des services au primaire et au secondaire. Cette école est dirigée par un conseil d'administration de 15 membres qui mangent aussi des p'tites sandwich pas de croûtes. Au quotidien, c'est le DG qui mène la barque et il a autout de lui une équipe de 10cadres. Ma commission scolaire, qui compte 25 000 élèves est dirigée par un conseil des commissaires formés de 23 personnes. Dans deux ans, ce nombre passera à 11. Comme dans l'école privée d'à côté, il y a un DG qui mène les opérations. Il est asssisté d'une équipe d'environ 100 cadres (cadres de services, directions d'écoles et de centres). Ze bureaucratie parasitaire, comme vous le laissez entendre. Le gras du sytème. Alors voyez, appliquer la règle de trois... Si on remplaçait ma CS par 17 écoles autonomes de 1500 élèves, non sélectionnés, en utilisant le même ratio qu'à l'école privée d'à côté, j'aurais quelque chose comme 240 commissaires et 170 cadres. Et on appellerait ça de l'efficacité.

Je ne fais pas partie d'une secte d'adorateurs perpétuels du statu quo. Mais j'aime bien qu'on mette les choses en perspective à l'occasion. Vous me permettez de le faire et je vous en remercie.