11 décembre 2010

Se refuser à l'amélioration

Certains de nos jeunes ne savent pas plus lire, écrire et compter qu'avant. Mais maintenant, au moins, ils réussissent à ne pas le faire avec les nouveaux enseignements qu'on nous a imposés. Est-ce mieux?

- le prof masqué


******************


Je suis sidéré par ce que je viens de lire. Dans La Presse, on traite ce matin de notre voisin ontarien et de ses résultats en ce qui a trait à la lecture selon les tests PISA.

Les moyens ontariens mis de l'avant

La journaliste explique tout d'abord les différents mécanismes mis en place par le gouvernement de cette province pour y parvenir.

1- Augmentation de 40% du financement en éducation depuis 2003.
2- Mesure chaque année des volets lecture, écriture et mathématiques auprès des élèves de première, troisième et neuvième année par le biais de tests administrés par l'Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), un organisme provincial indépendant financé par le gouvernement ontarien.
3- Aide apportée aux écoles qui n'atteignent pas les cibles par le biais du Secrétariat à la littéracie et à la numératie, mis sur pied en 2003, et de ses quelque 80 «agents du rendement des élèves».
4- Mesure, dès leur entrée en maternelle, des forces et des faiblesses des élèves en lecture, écriture et mathématiques.
5- Nomination d'un responsable de l'apprentissage de la lecture par école. «On met énormément d'efforts entre la première et la troisième année, parce que c'est à ce moment que se joue le principal de la compréhension des jeunes élèves en lecture», dit M. Benoît, directeur de l'éducation du Conseil des écoles publiques de l'est de l'Ontario (CEPEO).

Des résultats

- En lecture, les élèves du Québec obtient 522 points en lecture. Les élèves de l'Ontario, 531.
«En 2002, seulement 54% des jeunes Ontariens de troisième et sixième années avaient des résultats supérieurs à la moyenne provinciale dans les matières de base. Cette année, ils sont 68%, une augmentation de 50 000 élèves.»
«Depuis l'implantation de ces méthodes, le CEPEO a vu son taux de réussite en troisième année passer de 47 à 70% en lecture. En sixième année, ce taux est passé de 67 à 78%. «Ça marche très bien», affirme M. Benoît. Cette réussite a un effet direct sur le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires: à la seule CEPEO, il est passé de 88 à 94% en cinq ans. À l'échelle provinciale, le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires était de 79% en 2008-2009 en Ontario, une augmentation de 11% en cinq ans.»

Des dérapages

Bien sûr, qui dit tests dit risques de tricherie. Dix écoles sur cinq mille ont été prises à tricher aux examens nationaux. Mais quand on pense qu'au Québec, c'est le MELS lui-même qui définit les programmes, crée les examens, parfois les corrige et finit par s'auto-évaluer, on se dit que cela ne peut pas être pire.

Un autre conséquence de ces tests est que certaines écoles accordent plus d'importance aux matières de base qu'à des matières comme les sciences, l'histoire, les études sociales et les arts. La Fédération des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEEO) dénonce d'ailleurs ce fait. Et vous savez quoi? Je suis très à l'aise qu'on s'assure de montre à lire, à écrire et à compter aux enfants avant de tenter de leur enseigner autre chose.

Stupéfaction sidérale

Là où je suis sidéré, c'est lorsque je prends connaissance des propos de Louise Lafortune, professeure au département des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Je voudrais bien croire qu'elle ait été mal citée, mais l'ensemble de ses interventions tendent à prouver le contraire.

Pour cette hérault de la réforme scolaire au Québec, le Québec ne devrait pas imiter ce qui a été fait en Ontario. D'après elle, les résultats des élèves québécois sont tout à fait louables: «Ça fait 10 ans qu'on tape sur le système de l'éducation québécois. Mais on est parmi les meilleurs au monde! Pourquoi ne pas regarder nos bons coups?» On croirait entendre Michelle Courchesne.

De plus, Mme Lafortune est d'avis que la situation du Québec est enviable puisque ce dernier obtient des résultats supérieurs à d'autres pays francophones: le Québec a obtenu un score de 522 en lecture, la Belgique, 506, la Suisse, 501 et la France, 496. «Le Québec n'a absolument pas à être gêné! indique Mme Lafortune. Il ne faut pas faire table rase sur ce qu'on a accompli simplement pour imiter l'Ontario.»

Attendez mais, si je comprends bien ce raisonnement, pourquoi le Renouveau pédagogique au Québec si on était déjà parmi «les meilleurs au monde»? Également, en connaissez-vous des gens qui ne cherchent pas à s'améliorer? À lire ce texte de La Presse, Mme Lafortune semble appartenir à cette catégorie. De plus, quand elle parle ce que le Québec «a accompli», de quoi parle-t-elle au fait? Du fait qu'en 15 ans, les performances du Québec aux tests PISA stagnent ou sont en légère régression malgré tout le branle-bas pédagogique qu'elle a contribué à imposer? Du décrochage scolaire qui ne se résorbe pas?

Une lutte de valeurs pédagogiques

Ma conviction est que certaines personnes n'ont pas tant voulu «améliorer» les choses que les changer pour qu'elles correspondent à leurs convictions pédagogiques personnelles. Cet extrait d'un texte de Philippe Meireux, souvent cité dans le cadre du Renouveau, semble d'ailleurs conforter cette piste:

«Voilà qui devrait décourager définitivement toute velléité applicationniste : les résultats proches obtenus par la Finlande et la Corée du Sud ne permettent de conclure “scientifiquement” ni à l’impératif de s’aligner sur la Finlande, ni à celui de s’aligner sur la Corée du Sud. Ils nous obligent, en revanche, à examiner ces modèles sous l’angle non seulement de leurs résultats, mais surtout de leurs valeurs. Plus encore, ils nous contraignent à nous poser la question de notre propre système de valeurs. Si nous voulons améliorer nos performances, voulons-nous le faire avec les méthodes de la Finlande, de la Corée du Sud ou, mieux encore, avec nos propres méthodes qui restent à inventer ?»

Certains de nos jeunes ne savent pas plus lire, écrire et compter qu'avant. Mais maintenant, au moins, ils réussissent à ne pas le faire avec les nouveaux enseignements qu'on nous a imposés. Est-ce mieux? On a tout voulu changer et on n'est pas plus efficace.

Une dernière chose: il me semble clair que le monde de l'éducation a été le lieu d'une terrible lutte idéologique depuis 15 ans. Les considérations idéologiques ont souvent pris le pas sur le bien véritable de l'élève. Et je perçois aujourd'hui que plusieurs partisans de la Réforme sont des adeptes du statut quo et ils feront tout pour ralentir les nouvelles mesures mises de l'avant par Mme Courchesne et Beauchamp. Actuellement dans l'ombre, ils attendent patiemment l'élection d'un Parti québécois dont la chef est plutôt sympathique à leurs visions des choses.

Misère! On n'est pas sortis de l'auberge, croyez-moi.

24 commentaires:

unautreprof a dit…

Une autre inquiétude est que les élèves désertent de plus en plus, ici, au Québec, le système public.

Il me faudrait chercher les statistiques, mais il y a quelques semaines, à la première chaîne, je me rappelle bien avoir entendu qu'en Ontario, cette problématique est moins présente qu'ici.

Mais pourquoi se plaindre? Regardons plutôt les quelques bons côtés. Au yable les services aux élèves qui sacrent le camp, les profs qui s'épuisent et les parents qui se tournent vers le privé.

Anonyme a dit…

Des direction d'écoles appellent en renfort les services éducatifs des commissions scolaire car leur taux de réussite est alarmant bas. En analysant la situation, on se rend compte assez rapidement qu'on n'applique pas le programme de formation dans les classes où le taux de réussite est bas.

Ça fait 15 ans que des acteurs du réseau scolaire boycottent la réforme et continuent à enseigner comme avant, soit mettre de l'avant des savoirs complètement décontextualisés et totalement abstraits pour leurs élèves. Ils n'ont pas ouvert leur programme, n'en comprennent pas les fondements (ou ne les acceptent carrément pas sur la base de leurs valeurs idéologiques) et on est obligé de se battre contre ça dans le système.

La réforme aura apporté l'idée de mettre l'élève dans un contexte d'apprentissage pour qu'il puisse évoluer en tant qu'individu et non seulement en tant que futur élève du niveau suivant. Malheureusement, un grand nombre de profs refuse cela, car il faut alors remettre en question certains aspects de sa pédagogie et de sa planification. Quand t'es à 10 ans la retraite, y'a pas grand chose de stimulant là-dedans.

Et pour les apprentissages uniquement du français et des maths, prof masqué, on repassera car, à mon avis, les sciences et les autres matières, sont des portes d'entrées intéressantes pour faire lire les élèves. La lecture est alors considérée comme un outil et non comme une fin en soi. Mais ça, pour un prof de français, ça semble très dur à accepter, surtout s'il est anti-réforme.

Je suis aussi d'avis qu'il est grand temps que ce débat prennent fin dans le milieu scolaire et qu'on se rende compte de la réalité suivante: la réforme n'aura peut-être pas fait des élèves plus savants mais au moins ils ont droit, lorsqu'elle est appliquée, à une école un peu moins plate et un peu plus connectée avec de leur réalité.

Cessons aussi de nous comparer avec l'Ontario. J'ai vu des enseignements (vidéo en numéracie) où les élèves apprennent des procédures comme des petits robots sans que leur réflexion ou leur intelligence ne soit sollicitée. C'est bien beau de vouloir obtenir les meilleurs résultats mais quand on doit la faire en mettant tous les élèves dans le même moule sans respect pour leur individualité et leur propre processus de pensée, il y aura certainement des répercussions à long terme (on parle de vingt ou trente ans) car une société conformiste n'augure, à mon avis, rien de bon pour le futur.


Smeugd

Le professeur masqué a dit…

Smeugd,

À vous écouter, les enseignants devraient être des petits soldats conformistes qui suivent docilement les ordres d'en haut. Aucun recul critique, aucune appropriation personnelle. Ce que vous réclamez pour les élèves, vous le refusez à leurs enseignants.

Je ne sais pas à quel niveau vous oeuvrez si vous êtes enseignant mais, au secondaire. la réforme a été implantée alors qu'on a donné un an de plus à nos décideurs pour la peaufiner. N'empêche que ce fut un joyeux bordel de retards et de programmes envoyés quasiment à la pièce dans les écoles.

Que vous blâmiez «un grand nombre de profs» comme vous le faites me semble passablement indécent parce que, sans eux, le système de l'éducation québécois exploserait de toutes parts depuis déjà longtemps. Un peu de respect serait de mise pour ces gens qui tiennent le fort sans les ressources et sans les voyages à Cancun qui se paient certains sur notre bras.

Dans votre commentaire, vous parlez de valeurs idéologiques et vous avez raison. Or, quand on fait une révolution, il ne faut pas s'attendre à ce que tous nous suivent si on n'a pas su la légitimer et la vendre. Au Québec, ce fut un échec aussi parce que les décideurs ont compté uniquement sur des arguments d'autorité du genre: «Ça vient du ministère...» Ironiquement, des années plus tard, alors que madame Courchesne était au MELS, les mêmes décideurs se moquait d'elle et de ses décisions en disant: «Ça vient de la ministre.» Branchez-vous dans le respect des autorités...

En tant qu'enseignant de français, mon enseignement a toujours été contextualisé. En finalité, j'ai toujours évalué les élèves quant à leurs compétences. Sauf que je vous dirai que les évaluations ministérielles auxquelles je les ai parfois soumis étaient aussi absurdes et imbéciles qu'un test décontextualisé. Et je ne parle pas des critères que correction qui font que chaque épreuve a des allures de passoire.

Encore aujourd'hui, on me fait des misères quand je parle d'enseigner et d'évaluer des connaissances que je veillerai à ce que les élèves appliquent ultérieurement dans des projets d'écriture. Après 18 ans d'expérience, on me dit qu'ils doivent faire pour apprendre et non apprendre pour faire. Or, en grammaire, il y a des limites - et de temps et d'efficacité - à vouloir utiliser la pédagogie de la découverte et les sacro-saints projets en équipe qu'on cesse de nous demander d'employer.

Quand vous écrivez: «la réforme n'aura peut-être pas fait des élèves plus savants mais au moins ils ont droit, lorsqu'elle est appliquée, à une école un peu moins plate et un peu plus connectée avec de leur réalité.», j'aimerais savoir où vous puisez vos informations. Je regarde le décrochage scolaire que la réforme scolaire devait contrer et je m'interroge sur la validité de vos propos.

Par ailleurs, votre vision de l'enseignement dans le respect de l'individualité et du processus de pensée des élèves, il se fait sur le dos des profs qui n'ont jamais eu autant de feu à éteindre en même temps.

Depuis l'implantation de cette réforme, les divers intervenants travaillent les uns contre les autres, vous savez. Et à ce que je sache, ce ne sont pas les enseignants qui sont les initiateurs manqués du Renouveau.

Vouloir changer des choses sans convaincre les gens est un power trip de gestionnaire.

Anonyme a dit…

PARTIE 1

Prof masqué,

Premièrement, j'aimerais faire amende honorable concernant un propos que vous avez qualifié de indécents concernant "un grand nombre de profs". J'aimerais rectifier le tir par les propos suivants : "certains profs conservateurs et rétrogrades". Malheureusement, ceux-ci se font entendre, parfois avec vélocité, dans le milieu scolaire et minent le moral des autres. Cette raison pouvant expliquer les termes utilisés de mes propos.

Mes premières années en enseignement se sont vécues avec l'ancien programme sous le bras. Objectif, objectif intermédiaire et séquence d'apprentissage, stratégie d'enseignement, cheminement d'apprentissage, etc.
Ex: travail en équipe (tiens! tiens!), travail en laboratoire, plénière, objectif intermédiaire 2.2.1 : L'élève ressent la chaleur dégagée ou absorbée durant une dilution.
2.2.2 ... jusqu'à 2.2.8.

Avec des consignes de ce type, je me demande encore comment un enseignant pouvait avoir l'esprit critique et comment il pouvait avoir une certaine liberté d'action car il était écrit noir sur blanc quoi enseigner et comment.

À la longue, ces programme ont fait des enseignants des techniciens de l'enseignement. Dans ces condition, je me demande bien qui sont les petits soldats.

Anonyme a dit…

PARTIE 2

Même si ce modèle m'a bien servi en tant qu'élève et que les enseignants que j'ai eu le suivait à la lettre, il n'en demeure pas moins que l'école que j'ai vécu était extrêmement plate et j'usais mes fond de culotte sur une chaise tout au long de la journée (vrai de vrai, il y avait des trous!). La seule raison qui m'a poussé à continuer l'école n'étant pas le plaisir d'apprendre mais bien avoir un bon salaire plus tard.

C'est d'ailleurs sous le règne de ce programme que s'est creusé le fossé entre ceux qui réussissent à avoir leur diplôme (grosso modo 60%) et ceux qui décrochent (40%). Non sous le règne du programme actuel.

En tant qu'enseignant, j'ai donc vu arriver ce programme avec un bouffée de fraicheur dans ma pratique. Cela s'est vécue non sans inquiétude. J'ai plongé! Je m'y suis parfois perdu mais j'y ai surtout retrouvé des élèves allumés car j'avais d'autre chose à proposer que l'objectif 2.2.1.

Je puisais dans mes ressources pour proposer des situation (ex: concevoir un cuiseur solaire pour faire cuire un oeuf)où mes élèves arrivaient en classe avec leur idées, s'impliquaient dans leurs apprentissages pendant que dans la classe d'à côté le prof tentait tant bien que mal de faire faire des exercices à ses moineaux.

En tant que professionnel de l'enseignement, je suis heureux d'apprendre que les situation que vous proposez à vos élèves sont concrète. Je sais également que les enseignants en ont plein les bras (et plein d'une zone située un peu plus bas!), pour avoir passé par là et pour avoir l'intention d'y retourner un jour. La situation actuelle est difficile pour les enseignants, l'école étant le reflet de la société.

Malheureusement, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous avancez que les enseignants qui mettent en place le programme de formation dans leur classe sont des petits soldats. Premièrement, je trouve que ça manque de respect pour les efforts qu'ils font et deuxièmement, ils sont libres d'enseigner comme ils le veulent. Le programme stipule que l'école doit contribuer à la socialisation de l'élève, mais en aucun cas dans le programme de ma discipline il est mentionné que l'élève doivent obligatoirement travaille en équipe. Cette interprétation erronée est pratique courante dans la profession enseignante pour dénigrer ceux qui utilisent cette méthode avec succès.

Sur ce, je vous laisse, j'ai une pinte de bière qui m'attend. On est samedi soir, quand même!
Je prends un gorgée à votre santé et pour ce blogue qui m'inspire à mettre par écrit certains arguments par rapport à ma réflexion concernant ce curieux défi qu'est le monde de l'éducation au Québec.

Smeugd

Le professeur masqué a dit…

Smeugd: il est en effet écrit nulle part que le travail doit se faire en équipe, sauf dans le regard de certains conseillers pédagogiques. Tout comme il était écrit nulle part qu'on ne peut pas faire d'examens objectifs, sauf que j'ai côtoyé des patrons qui m'ont formellement enlevé les moyens de le faire.

Jean-Pierre Proulx a dit…

Je suis encore d'avis que la priorité doit être accordée à la lecture. C'est ce que j'ai écrit ailleurs au moment de la dernière campagne électorale de 1998. Voir:
http://recit.org/raeq/index.php/2008/11/21/mes_demandes_electorales_lecture_petite_

L'Ontario a raison de faire ce qu'elle fait.

Cela dit, je ne suis guère impressionné lorsque vous vous plaignez (assez souvent d'ailleurs) d'être subjugué par les conseillers pédagogiques ou les directions d'école.

On oublie qu'un des aspects institutionnels le plus important de la réforme est la reconnaissance formelle de l'autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants tant au plan personnel que collectif.

C'est bien ce qu'a voulu dire l'Assemblée nationale quand au nom de tous les Québécois elle a édicté en 1987 et 1997 que:

"art.19. Dans le cadre du projet éducatif de l'école et des dispositions de la présente loi, l'enseignant a le droit de diriger la conduite de chaque groupe d'élèves qui lui est confié."

En 1987
"L'enseignant a notamment le droit:

1° de prendre les modalités d'intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe ou pour chaque élève qui lui est confié;

2° de choisir les instruments d'évaluation des élèves qui lui sont confiés afin de mesurer et d'évaluer constamment et périodiquement les besoins et l'atteinte des objectifs par rapport à chacun des élèves qui lui sont confiés en se basant sur les progrès réalisés."

En 1997:
art. 96.15. Sur proposition des enseignants [...]le directeur de l'école:

[...]

2° approuve les critères relatifs à l'implantation de nouvelles méthodes pédagogiques;

3° approuve, conformément à la présente loi et dans le cadre du budget de l'école, le choix des manuels scolaires et du matériel didactique requis pour l'enseignement des programmes d'études;

4° approuve les normes et modalités d'évaluation des apprentissages de l'élève, [...]"

Ces règles n'ont pas été édictés pour les Martiens. Quand un conseiller pédagogique ou un directeur trop "pesant" vous, ou imposera ses manières de faire (la pédagogie par projet ou autres procédés pédagogiques qui ne vous conviennent pas), rappelez-lui ces quelques règles de base de l'exercice de votre profession.

Le professeur masqué a dit…

M. Proulx: Comme je n'ai pas le temps de trop chercher, je sais aussi qu'il y a d'autres parties de la loi qui restreint la supposée autonomie professionnelle des enseignants.

Déjà, l'article 19 que vous mentionnez par exemple énonce des restrictions aux pouvoirs dont jouit celui-ci.

J'ai également rencontré certains universitaires qui affirment que l'autonomie professionnelle des enseignants est un mythe. je connais au moins une enseignante de la Rive-Sud qui n'y croit plus depuis deux semaines...

Le professeur masqué a dit…

M. Proulx: quant à l'article 96.15, je citerai un directeur que j'ai connu: «Les enseignants proposent, la direction dispose.»

Le professeur masqué a dit…

D'autres articles qui, je crois, restreignent la liberté de 'enseignant. En vrac.

Art 22. 7 Il est du devoir de l'enseignant de respecter le projet éducatif de l'école.

37.1. Le plan de réussite de l'école est établi en tenant compte du plan stratégique de la commission scolaire.

74. Le conseil d'établissement analyse la situation de l'école, principalement les besoins des élèves, les enjeux liés à la réussite des élèves ainsi que les caractéristiques et les attentes de la communauté qu'elle dessert. Sur la base de cette analyse et en tenant compte du plan stratégique de la commission scolaire, il adopte le projet éducatif de l'école, voit à sa réalisation et procède à son évaluation périodique.

75. Le conseil d'établissement approuve le plan de réussite de l'école et son actualisation proposés par le directeur de l'école.

84. Le conseil d'établissement approuve les modalités d'application du régime pédagogique proposées par le directeur de l'école.

96.12. Sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire, le directeur de l'école s'assure de la qualité des services éducatifs dispensés à l'école.

Il assure la direction pédagogique et administrative de l'école et s'assure de l'application des décisions du conseil d'établissement et des autres dispositions qui régissent l'école.

222. La commission scolaire s'assure de l'application du régime pédagogique établi par le gouvernement, conformément aux modalités d'application progressive établies par le ministre en vertu de l'article 459.

222.1. La commission scolaire s'assure de l'application des programmes d'études établis par le ministre en vertu de l'article 461.

224. La commission scolaire établit un programme pour chaque service éducatif complémentaire et particulier visé par le régime pédagogique, sauf dans les domaines qui relèvent de la compétence d'un ministre autre que le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

230. La commission scolaire s'assure que pour l'enseignement des programmes d'études établis par le ministre, l'école ne se serve que des manuels scolaires, du matériel didactique ou des catégories de matériel didactique approuvés par le ministre.

244. Les fonctions et pouvoirs prévus aux articles 222 à 224, au deuxième alinéa de l'article 231 et aux articles 233 à 240 et 243 sont exercés après consultation des enseignants.

Les modalités de cette consultation sont celles prévues dans une convention collective ou, à défaut, celles qu'établit la commission scolaire.

447. Le gouvernement établit, par règlement, un régime pédagogique.

Ce régime pédagogique porte sur:
3° déterminer des règles relativement aux manuels scolaires, au matériel didactique ou aux catégories de matériel didactique et à leur accessibilité;
4° déterminer des règles sur l'évaluation des apprentissages et la sanction des études;

461. Le ministre établit, à l'éducation préscolaire, les programmes d'activités et, à l'enseignement primaire et secondaire, les programmes d'études dans les matières obligatoires ainsi que dans les matières à option identifiées dans la liste qu'il établit en application de l'article 463 et, s'il l'estime opportun, dans les spécialités professionnelles qu'il détermine.

Ces programmes comprennent des objectifs et un contenu obligatoires et peuvent comprendre des objectifs et un contenu indicatifs qui doivent être enrichis ou adaptés selon les besoins des élèves qui reçoivent les services.

462. Le ministre peut établir la liste des manuels scolaires, du matériel didactique ou des catégories de matériel didactique approuvés par lui qui peuvent être choisis pour l'enseignement des programmes d'études qu'il établit.

Mam'Enseignante a dit…

Des profs qui n'ont jamais appliqué la réforme, il y en a tout plein. Et pas que des profs d'expériences, des jeunes profs aussi...

Quand le quotidien de l'élève se résume à sort un cahier, fait une page, écoute la règle, corrige la page, range le cahier, sort le cahier, écoute la consigne, remplis la page, corrige la page, range le cahier et ainsi de suite, c'est à se demander le rôle de l'enseignant... et comment les enfants font pour survivre à cet abrutissement!

Quand la seule façon d'occuper les plus rapide, c'est de leur faire faire des pages sur de la matière qu'ils ont bien compris, de les faire lire ou dessiner, on manque encore le bateau et on incite les plus fort au décrochage scolaire!

Quand les plus lent et ceux pour qui c'est plus difficile voient les moyens et les forts travailler continuellement ou se voir récompenser par des périodes de jeux, ils en viennent à croire que c'est impossible pour eux d'arriver à un tel niveau et on les amène droit au décrochage!

Et quand le pauvre moyen travaille continuellement et ne voit pas non plus la fin de tout ce travail et cahiers à remplir, il n'est pas plus motivé à continuer!

Quand les seules choses qui sont réforme dans la classe sont les manuels scolaires approuvés par le MELS, et que de surplus, on escamote les bouts trop long à notre goût parce que trop long et trop compliqué de gestion, on ne peut pas prétendre que la réforme ne fonctionne pas: elle n'est pas appliquée!

Je fais la tournée des écoles et des classes en suppléance et le magistral est majoritaire et, dans la majorité des cas, nos élèves s'emmerdent!

Le professeur masqué a dit…

M. Proux: dernier ajout. Quand les conseillers pédagogiques décident des épreuves de fin d'année des commissions scolaires, ils décident aussi du format, ce qui ne laisse pas une grande marge de manoeuvre à l'enseignant et «conditionne» souvent son enseignement.

Mam'Enseignante: vous voyez, je suis un prof qui fait du magistral et mes élèves s'emmerdent rarement parce que j'arrive à les rejoindre, à établir une communication avec la plupart d'entre eux. Parfois, ils travaillent aussi sur des projets, seul ou en équipe. Mais il arrive qu'ils s,ennuient en équipe. Il arrive aussi que certains refusent le travail d'équipe. Aucune formule n'est meilleure. Simplement, certaines sont plus adaptées. Le hic est que l'on a voulu et qu'on cherche encore à m'imposer des trucs dont je ne veux pas et qu'on ne me soutient pas toujours pour ce que je veux.

steve bissonnette a dit…

Hypothèse: les résultats sont relativement similaires réforme ou non alors je crois que l'enseignement a peu changé au secondaire malgré ce qui a été proposé! Ceci dit sans aucune mauvaise pensée.

Jean-Pierre Proulx a dit…

Cher Masqué,

Vous avez une tendance masquée, heu marquée, à voir d'abord les choses en noir!

La plupart des décisions du conseil d'établissement, surtout en matière pédagogique, le sont sur proposition du directeur, lequel doit les préparer avec la participation ou après consultation des enseignantes et des enseignants. C'est aussi le cas du projet éducatif et du plan de réussite. (voir les art. 36.1 77 et 89 de la LIP)

Bien entendu, vous trouverez toujours des cas où des directions agissent en dictateurs et des conseillers pédagogiques qui outrepassent leur mandat. Cela ne change pas ni la lettre, ni l'esprit de la loi.

Quant aux programmes édictés par le ministre, vous connaissez ma position: je pense que les maîtres d'œuvre officiels et publics doivent être les enseignantes et les enseignants. Pour l'heure, cette position n'a pas reçu beaucoup d'écho dans la profession.

Si j'avais votre adresse courriel, je vous ferais parvenir une analyse plus complète des pouvoirs et fonctions des uns et des autres. Vous savez où me rejoindre.

Bon dimanche!

Le professeur masqué a dit…

M. Bissonnete: quant à moi, je crois que ce qui faut retenir est qu'on se maintient, pour l'instant. Mais que toute l'énergie, tout le fric investi dans la réforme ne s'est pas traduit en progrès quant aux tests PISA pour lesquels j'ai commencé à développer certaines interrogations.

M. Proulx: sans vouloir vous dénigrer ou enlever un mérite certain, avez-vous passé dix-huit ans sur le plancher d'une école secondaire? Avez-vous siéger des années sur un conseil d'établissement? Accordez-moi, s'il vous plait, le mérite de mes expériences. Vous invoquez la loi; je vous parle de la réalité du terrain.

Quand je suivais mes cours en sciences politiques, mes professeurs me parlaient parfois des constitutions de différents états et en venaient à la conclusion que celle de la défunte URSS était la plus belle sur papier. Or, aucun n'aurait voulu être citoyen de cette fédération.

L'engagé a dit…

«Ça fait 15 ans que des acteurs du réseau scolaire boycottent la réforme et continuent à enseigner comme avant, soit mettre de l'avant des savoirs complètement décontextualisés et totalement abstraits pour leurs élèves. Ils n'ont pas ouvert leur programme, n'en comprennent pas les fondements (ou ne les acceptent carrément pas sur la base de leurs valeurs idéologiques) et on est obligé de se battre contre ça dans le système»


Hey! ça va faire! La démonstration a été faite 10 fois que la réforme était un torpillage des états généraux, et qu'on a substitué à une réforme de la fin, le curriculum, une réforme des moyens, la pédagogie.

La désintégration des méthodes propres aux disciplines, remplacées par des champs et 1a substitution d'une progression claire des connaissances par la vaseuse notion de compétences, sur laquelle même les conseillers pédagogiques ne s'entendent pas, culminent à la formation des maitres, où encore une fois la formation pédagogique prend le pas sur la formation disciplinaire.

Hannah Arendt l'a expliqué, les systèmes d'éducation progressistes sont les piliers du conservatisme politique et social. La poutine par laquelle passent désormais les maitres les rend justement dépendants des programmes, des directions et des manuels, là où auparavant un prof moderne pouvait incarner une vision singulière de l'éducation.

En voulant faire de l'éducation «funky», on répond à une approche client, il est normal que l'école enseigne au départ des « savoirs décontextualisés » puisque seule une opération de vulgarisation des principes élémentaires sous-tendant la compréhension de la complexité peut justement permettre à l'individu de saisir un jour cette complexité d'une manière indépendante. Nos grands intellectuels sont passés par cette méthode, n'a-t-elle pas fait ses preuves?

Les enfants, les ados ne sont pas des miniadultes, si le système entier énonce avec autorité la nécessité d'apprendre des bases a priori décontextualisées, ils vont se soumettre, mais quand nous sommes nous même en train de douter de la légitimité de nos méthodes précisément parce que l'enseignement que nous dispensons ne correspond pas immédiatement à une analogie avec le «vrai monde», nous ouvrons des brèches à travers lesquelles justement les forces négatives de la société peuvent entrer.

L'école doit être un rempart, un lieu idéal où les meilleurs modèles sont enseignés, pas une reproduction moyenne de la société.

Anonyme a dit…

Prof masqué,

Je ne doute point que vos cours magistraux doivent être fascinants, car je n'ai aucun doute sur le fait que vous semblez être un très bon orateur. C'est probablement l'une de vos forces. Mais est-ce la cas pour tous les enseignants? J'ai eu des enseignants mortels tellement il étaient plate à écouter et il ne faisaient que ça que parler... parler. C'était le seul modèle qu'il connaissaient, j'imagine. La structure de transmission des connaissances mise en place à l'époque uniformisait l'enseignement.

Je crois que les enseignants bénéficient, par l'arrivée du renouveau pédagogique, d'une plus grande liberté d'action.

J'ai fortement l'impression que votre direction semble vous avoir pris en grippe pour d'autres raisons que celle évoqué par votre manque de liberté en tant qu'enseignant (vous ne semblez pourtant pas être si brimé que ça si vous continuez à donner des cours magistraux!).
Vous savez dans certains milieux de travail les "grandes gueules" sont mal vues par certaines personnes et sont des individus à tasser car ils mettent en jeu l'autorité de certaines personnes, justement en situation d'autorité. Ce ne sont pas tous le milieux qui sont comme ça.

Smeugd

Anonyme a dit…

L'engagé,

Nous avons tous droit à notre opinion, car nos expériences sont diverses. Sous quel droit vous permettez-vous permettez de d'écrire "nous ouvrons des brèches à travers lesquelles justement les forces négatives de la société peuvent entrer"?
Je suis né ici, on m'a éduqué ici, je vis ici et je n'ai aucune force négative à propager. La morale de droite n'a pas sa place dans une discussion concernant les majeurs de notre société.

Smeugd

Le professeur masqué a dit…

Smeugd: les directions que j'ai connues m'ont rarement pris en grippe. Bien au contraire. Sur une base personnelle et professionnelle, nos relations ont généralement été harmonieuses. Avec le temps, j'ai cependant décidé de ne plus me charger de certains combats syndicaux ou pédagogiques que les autres me refilaient. J'ai parfois de la difficulté avec cette attitude, mais il y allait d'une question de survie et d'équilibre.

Mais quand on parle évaluation, c'est plus difficile. Ainsi, la direction de mon école est très prenante de la vision «réforme». Je comprendrais sa position si je ne faisais qu'évaluer des connaissances, mais elle se refuse à ouvrir une porte, on dirait.

L'engagé a dit…

Smeugd,

Si jamais vous passez par ici...

Vous donnez à mon propos une tournure qu'il n'avait pas et je n'ai rien dit que vous aviez à prendre d'une manière personnelle.

Comment pouvez-vous même penser que j'introduise «une morale de droite» dans mon propos, quand j'écris «nous ouvrons des brèches à travers lesquelles justement les forces négatives de la société peuvent entrer?» alors qu'il s'agit d'un constat qui provient de penseurs comme Gramsci, Walter Benjamin ou Arendt?

Vous voulez un exemple? On incite dans certaines écoles les jeunes à s'intéresser à l'entrepreneuriat, aux affaires et au commerce sans leur donner d'abord des bases en économie. Voilà ce que j'appelle une brèche par laquelle les influences négatives de la société peuvent corrompre la jeunesse justement. Le commerce, l'entrepreneuriat, l'esprit d'entreprise ne sont pas mauvais en soi, mais l'école est là pour fournir aux jeunes les outils intellectuels pour qu'ils décident par eux-mêmes et évaluer la place que doivent occuper le commerce, l'esprit d'entreprise et l'entrepreneuriat dans leur vie, pas pour faire des projets dans lesquels ils sont en symbiose avec ces sphères.

Pour votre gouverne, voici une lecture, «de gauche» qui m'aide à y voir plus clair...

http://www.ababord.org/spip.php?article257

Je vous soupçonne, Smeugd de ne pas être suffisamment au courant des critiques contre la reforme.

Je ne saurais trop vous conseiller «Contre la réforme pédagogique»
http://www.edvlb.com/ficheProduit.aspx?codeprod=342154

et le «Contre la réforme» de Baillargeon
http://www.pum.umontreal.ca/ca/fiches/978-2-7606-2143-5.html

et enfin «Par delà l'école-machine» de Marc Chevrier
http://www.livresquebecois.com/livre.asp?id=isdugjusapzpeab&/par-dela-l-ecole-machine/marc-chevrier

L'engagé a dit…

@pour Smeug, suite d'un commentaire
(qui peut-être n'a pas été enregistré...)


Vous déciderez par vous-même si vous voulez continuer à insister comme vous le faite pour la promouvoir, mais l'argument du relativisme moral que vous empruntez pour m'écrire «Nous avons tous droit à notre opinion, car nos expériences sont diverses» m'indique que vous ne comprenez vraisemblablement quels dangers sont enfouis dans le coeur philosophique de la réforme.

Vous semblez bien intentionné, mais à la manière dont vous me répondez, vous m'indiquez que vous ne comprenez visiblement pas le propos de Arendt dans «La Crise de l'éducation»: je suis pour un conservatisme scolaire parce que je suis pour un progrès économique, social et politique.

Vous me demandez de quel droit je formule mes critiques? J'ai lu contre la réforme et je me suis fait enseigner la fameuse pédagogie socioconstructiviste. Le savoir et mon expérience amassés me servent de balise pour peser le pour et le contre et j'en arrive à la conclusion que les fondements philosophiques et scientifiques de la réforme sont corrompus ou incomplets. Incidemment, la politique d'en faire la promotions, à petite ou à grande échelle, peu importe les intentions est néfaste et contre-productive.

Faire disparaitre les experts des disciplines au secondaire est une erreur qui nous contera cher et qui devra être corrigée et le plus tôt sera le mieux. Ne pas le voir est pour moi être victime d'une idéologie... Par exemple, expliquez-moi comment il peut être épistémologiquement cohérent de faire disparaitre les disciplines (histoire, géographie, économie) pour les remplacer par le vocable de «univers social» et espérer qu'un maitre s'y retrouve lui-même sans que ce dernier ait plus qu'une mineur dans ledit «champ»?

Pour être véritablement capable d'orchestrer l'apprentissage d'une compétence qui saurait circonscrire plusieurs disciplines, il faut soi-même être un expert de ces dernières et pas juste un «pédagoque», il faut vraiment y avoir réfléchi. Comment la maigre formation disciplinaire des maitres peut-elle aider un jeune enseignant à y parvenir (alors qu'on sait par ailleurs que ce ne sont pas les meilleurs étudiants du Cégep qui choisissent l'enseignement)?

Anonyme a dit…

L'engagé,

Quand on commence ses propos par "Hey! ça va faire!", je m'imagine en discussion autour d'une table et je n'accepterais pas que l'on s'adresse la parole ainsi. Cela sonne à mes oreilles comme "Ferme ta gueule!". De là mon intervention à votre égard.

Pour ce qui est des lectures que vous m'avez suggéré, j'en prends note, mais je crains bien de n'apprendre rien de nouveau, car dans le milieu scolaire, ceux-ci se tiennent ouvertement. Personne n'est ostracisé. Les enseignants bénéficient d'énormément de liberté. Et ils ont tout le loisir d'exprimer leur mécontentement et leurs critiques lors des rencontres avec leurs conseillers pédagogiques. Parfois ça porte fruit, parfois pas du tout.

Et si les bases de l'économie s'apprenaient par l'entremise de projets d'entrepreuneuriat?

En 1986 j'ai participé au projet "Jeunes entreprises" (avant la réforme!). Nous devions démarrer une entreprise, vendre des actions, mettre en marché un produit ou un service, puis fermer nos livres et redistribuer les profits aux actionnaires. Voulez-vous bien me dire comment nous avons réussi à faire tout ça sans notions d'économie? Et bien, nous les avons appris sur le tas. J'en ai retenu des concepts que notre cours d'économie de sec. V n'abordaient même pas. Mais surtout, ceux que nous avions appris prenaient tout leur sens sur le terrain et ceux que nous avions expérimentés prenaient leur sens en classe.

C'est par l'expérience que j'ai pu évaluer la place que devrait prendre le commerce dans ma vie. J'ai tout de suite su que je ne ferais jamais carrière dans le domaine des affaires.

Tant et aussi longtemps qu'on s'obstinera a concevoir l'école comme un outil de développement strictement intellectuel, on continuera à faire de notre école une institution plate et désengageant pour l'élève et le décrochage scolaire se maintiendra avec les niveaux que l'on connait.
Ce n'est pas tout le monde qui a la bosse de l'école.

Smeugd

L'engagé a dit…

Bonsoir Smeugd,

Désolé d'avoir entretenu la confusion.

«Hey! ça va faire!» avait pour fonction d'établir un contact, c'était oral, expressif, parce que j'ai l'impression que certains pans de l'éducation sont SOURDS ou AVEUGLES.

Je ne voulais en aucun cas vous intimez de vous «fermer la gueule», par contre je voulais effectivement que vous sentiez mon indignation.

Combien de profs sont vus comme des dinosaures ou ont été persécutés parce qu'ils avaient d'excellentes raisons de se méfier de la réforme? Plus le temps passe plus la recherche, les études et finalement la maturation de notre pensée sur cette expérience leur donne raison.

Comme vous le savez sans doute, puisque vous dites en parler dans vos milieux, la réforme est un torpillage des états généraux de l'éducation. La conclusion était qu'il fallait renforcer le curriculum, plus de français, de sciences et d'histoire. La réforme pédagogique est une intervention des acteurs de l'intérieur du ministère qui ont outrepassé leur mandat.

Ce faisant les fondements philosophiques et scientifiques de cette réforme n'ont pas été examinés. Des recherches comme celle de Monsieur Bissonnette qui intervient ici justement montrent que précisément dans ce qui vous inquiète, ceux qui n'ont pas «la bosse», les potentiels décrocheurs, c'est une stratégie d'enseignement basée sur l'enseignant qui est le plus efficace.

Alors il n'est pas normal de tirer sur «ceux qui n'en acceptent pas les fondements [de la réforme]» parce qu'ils le feraient pour de raisons idéologiques. Au contraire, ceux qui ont toutes les aptitudes pour la comprendre sont justement ceux qui n'ont cessé de nous avertir des dangers.

Ensuite ceux qui ne la comprennent pas ont peut-être d'excellentes raisons, je ne peux compter le nombre de fois où les enseignants responsables de m'expliquer la réforme se sont retrouvés pris de cours devant les objections épistémologiques que je leur formulais en classe. Nous étions pourtant dans un programme de deuxième cycle (microprogramme en enseignement supérieur) et c'est parce que j'avais précisément la scolarité pour comprendre de quoi il était question dans les fondements que je soulevais des objections embarrassantes, parce que certaines conclusions me semblaient injustifiées. En psychologie, en communication et à plus forte raison en philosophie ou en littérature, les professeurs ont toujours su montrer les limites des théories qu'ils enseignaient.

Quand en éducation, le professeur impatient conclut en signalant que c'est la théorie qui est diffusée dans le département, que c'est celle sur laquelle reposera notre future pratique et que c'est comme ça, sans être capable de justifier avec cohérence les raisons d'être de l'adhésion, c'est que cette dernière s'est opérée pour des raisons idéologiques.

Alors dans ce contexte, je ne vois pas comment des futurs enseignants qui sont loin d'avoir les plus hautes cotes «r» et sans la base épistémologique que confère la maitrise d'une discipline au Bac., peuvent comprendre les fondements de la réforme sans qu'il s'agisse d'autre chose qu'une conviction idéologique.

Dans les deux cas, vous avez des enseignants qui ne l'appliquent donc pas, les seconds parce qu'il s'agit d'une «poutine» qui les mélange et les premiers parce qu'ils savent que c'est une «poutine». Je pense donc que ce ne sont certainement pas les «résistants» qui sont à blâmer. D'où ma réaction.

Pour cette raison, j'ajouterais «La Plaisanterie» de Kundera aux lectures que je vous ai proposées.
J'espère sincèrement ne pas avoir été arrogant dans ce commentaire, mais j'apprends vraiment que vous vous intéressiez aux titres dont j'ai parlé.

L'engagé a dit…

ma dernière phrase se termine par «mais j'apprends vraiment que vous vous intéressiez aux titres dont j'ai parlé»,

je voulais dire «j'aimerais vraiment»

un beau lapsus ; )