La douance scolaire a ceci de particulier qu'elle n'est pas toujours là où on la croit. On l'associe souvent à des nerds à lunettes qui connaissent par coeur le tableau périodique des éléments en chimie. On a moins tendance cependant à la voir chez un élève décrocheur avec un chandail d'Iron Maiden ou encore chez ce jeune habillé à la société Saint-Vincent-de-Paul.
J'ai souvent oeuvré avec des élèves doués, des bolles, des monstres dont les habiletés scolaires me dépassaient largement. Différents des autres, ils avaient en commun leur soif d'apprendre, mais aussi une fragilité émotive qui me faisait penser à des purs-sangs. Ces élèves ne sont pas comme les autres et ils leur arrivent de s'ennuyer ferme en classe. Parfois, ils font même des mauvais coups pour se distraire, pour acquérir un certain statut aux yeux de leurs collègues de classe, pour se démarquer. J'en connais quelques-uns qui auraient même pu verser dans la criminalité si on ne s'était pas sainement occupé d'eux. Parfois, leurs parents n'ont ni les capacités intellectuelles ni les moyens financiers pour les accompagner. Certains réussiront malgré tout à atteindre les buts qu'ils se seront fixés dans la vie; d'autres n'exploiteront jamais leur plein potentiel.
Ces élèves sont souvent négligés en éducation. On les inscrit dans des programmes performants mais qui ne correspondent pas à ce qu'ils sont. On les retrouve dans des programmes d'éducation international, par exemple, alors qu'ils n'en ont rien à foutre des aires d'interaction. Sauf qu'ils sont parqués là parce que, sinon, ils s'ennuieraient encore plus au secteur ordinaire.
Mais la douance scolaire a la vie difficile au Québec. Certains parents imaginent leur enfant comme étant un petit Mozart et l'écrasent sous le poids de leurs attentes. D'autres ne veulent pas accepter qu'il soit différent. Enfin, il y a notre société pseudo égalitaire qui refuse d'aider ceux qui auraient plus de chances. On imagine qu'un élève doué ne devrait pas avoir un traitement différent des autres. Ce serait comme si on lui faisait une faveur, comme s'il devait déjà se considérer chanceux d'être doué.
Pourtant, pour avoir vu ce que c'est d'être différent de la sorte, pour avoir entendu ces jeunes se plaindre de ne pas être comme les autres, pour voir à quel point ils sont parfois stigmatisés en classe ordinaire, je ne peux que saluer cette initiative de la commission scolaire Marguerite-Bourgeois.
Reste à voir comment se traduira concrètement celle-ci.
10 commentaires:
Enfin, oui!
Il y a 20 ans de cela, ma sœur et moi étions classées douées/surdouées. On voulait déjà lâcher l'école alors qu'on n'avait que 7 et 9 ans. La CECM nous obligeait à sauter deux années pour rester dans leurs écoles ennuyantes.
Par contre, la CEPGM (commission scolaire protestante à l'époque) nous accueillait à bras ouverts dans une de leurs écoles "Pour doués" où on prenait le soin de nous stimuler intellectuellement.
À l'arrivée au secondaire, école de quartier, CECM, on était les meilleures de l'école et les plus délinquantes (Polyvalente Pierre-Dupuy, difficile de faire autrement!.) On a fait tous les Génies en herbe, les Optimath, MultiMath, Concours de français Desjardins, Expo-Sciences, Dictée Paul Gérin-Lajoie, concours de l'Ordre des Chimistes du Qc.. et compagnie...
Les Jean-Eudes et Brébeuf auraient peut-être fait une différence...mais les moyens à la maison n'y étaient pas…
La Poly P-D ne pouvait pas faire la différence, manque de fond pour eux-aussi...mais c'est les profs qui l'ont fait, cette différence, comme toujours dans les milieux défavorisés, dont les plus intelligents avaient compris qu'en nous gardant occupées, ils s'achetaient la tranquillité!...
Ca a sauvé ma sœur de la délinquance, pas moi (centres de jeunes, criminalité..), mais au moins ca m'a sauvé de l'échec ou de l'abandon scolaire...Et mon Génie Chimique, je l'ai! :-)
Chapeau à ces profs qui se sont autant dévoué!
Ca fait du bien de voir que certains l'ont compris, de voir surtout l'analyse que tu fait de ces jeunes qui est incroyablement exacte (alors qu'on croit que personne ne nous comprend...)Merci!
J'ai assez enseigné auprès d'élèves doués pour réaliser qu'ils ont des besoins différents. Mais ces besoins existent et on n'en tient pas toujours compte. Je suis content que vous vous en soyez sortie. Tous n'ont pas cette chance.
Très bon billet.
effectivement, les jeune surdoués sont avant tout des jeunes avec des besoins comme les autres. Leurs capacités les places toutefois dans une classe à part et ce n'est pas toujours par un programme uniforme qu'on les aidera, mais bien en prenant compte leurs intérêts et capacités respectives.
Bref, rien ne bat le prof attentif (autant pour les surdoués que pour les élèves en difficultés).
Je trouve dommage que vous continuiez de lire et d'inclure des liens vers un journal où les employés sont en lock-out depuis plus d'un an.
Puisque le Journal continue de rouler grâce à ses annonceurs, c'est en refusant de le lire qu'on peut lui faire vraiment mal en encourager un règlement du conflit. Moins de lecteurs = moins de pub = moins de $ = plus de chances à la négo...
Je suis un prof qui vous lit depuis longtemps et je suis surpris de la situation...
Et moi, cher Prof Masqué, je vous invite à continuer à nous renseigner comme vous le faites.
Ce conflit est bien malheureux, mais il est de nature privée.
Lock-out ou pas, le Journal est devenu une référence incontournable dans le domaine de l'éducation. Même le Parti québécois, qui est théoriquement censé le boycotter, ne peut pas s'empêcher de le citer en Chambre... Le message est on ne peut plus clair.
Sur le fond de la question, maintenant, je crois aussi que les écoles ne répondent pas adéquatement aux besoins des élèves doués. J'espère seulement que cette initiative de la CS Marguerite-Bourgeoys ira plus loin qu'une simple politique. Sinon, on n'aura pas vraiment avancé.
Professeur masqué vous avez si bien décrit ces élèves. Cette fragilité dont vous parliez...
Je suis un produit dérivé de la douance et je peux dire que rares sont les établissements qui sont prêts pour ce profil d'élèves.
Je souhaite sincèrement que l'initiative de la CSMB soit couronnée de succès et qu'ainsi d'autres institutions emboîtent le pas.
Le plus rigolo, c'est que bien des profs ne veulent pas leur enseigner. J'ai déjà eu des groupes de douance parce que personne n'en voulait. Ces élèves font peur, déstabilisent par leurs questions. J'ai résolu de ne pas vouloir me montrer supérieur à eux, mais de travailler AVEC eux.
Enfin, on discute de l'autre extrémité du spectre de nos élèves.
Souvent dociles, ils passent un peu inaperçus. Maintenant, ils ont une voix pour eux. Merci.
Anonyme: Moi aussi j'ai fréquenté Pierre-Dupuy... les profs que j'y ai rencontrés m'ont marquée à vie, ils ont été nombreux à exceller! Je suis curieuse de savoir en quelle année vous avez gradué... Peut-être avons-nous connu les mêmes enseignants?
@ Lud, sans vouloir utiliser l'espace de notre cher Prof Masqué, j'ai été à PPD de 1993-1998...
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