Turpitude 101 s'intéresse au prochain bulletin de la réforme annoncé aujourd'hui et je reprends ici une partie du message que j'ai expédié sur son blogue avec quelques ajouts venus en cours de réflexion.
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Sortons le champagne: la ministre de l'Éducation, des Loisirs, du Sport, de la Famille et de quoi d'autre encore a décidé que le bulletin serait chiffré, que le redoublement serait à nouveau possible et qu'il y aurait des moyennes de groupe! En fait, avant de nous exciter de la sorte, voyons ce qu'il y aura de bien différent avec ces changements.
Quantifier une compétence? Évaluer une compétence? En quoi l'évaluer avec des lettres ou avec des chiffres est-il si différent? Quelle est la différence entre dire qu'une compétence vaut C ou 75%? Dans le fond, tu es compétent, moyennement compétent ou tu ne l'es pas du tout. Et, au fait, comment définit-on réellement l'atteinte d'une compétence?
Dans l'ancien temps, avant le néo-Renouveau pédagogique réformé, on écrivait Lecture: 75% dans un bulletin et on comprenait que l'enfant savait lire assez bien. Il y avait dans cette note un ensemble de résultats quant à des compétences et des connaissances. On ne cherchait pas plus loin. Et dans l'ensemble, le résultat n'était pas trop loin de la réalité. L'élève qui ne savait pas lire ne passait pas.
Avec la réforme est arrivé un tas de débats stériles. On a voulu tout redéfinir de A à Z et on a flambé du fric à coups de centaines de millions. Les pédagogues du MELS ont imposé leur idéologie. L'interdiction de redoublement, dont on dit qu'elle serait maintenant plus flexible (j'y reviendrai parce qu'on nage un peu dans le mensonge ici), est venue complètement pervertir le système d'éducation.
Si on s'intéresse à la réalité sur le terrain, la vérité, c'est de savoir si les grilles de correction du MELS ou des commissions scolaires m'obligent comme enseignant à mettre C ou 75% à un élève qui ne sait pas écrire une phrase sans faire cinq fautes. Il est là le vrai débat qu'on ne fait jamais: la définition des critères de réussite. Le reste ressemble à une discussion théologique sur le sexe des anges.
Pour ce qui est du redoublement, les articles que j'ai lus indiquaient qu'il ne sera pas si facile que cela à autoriser: «En outre, le redoublement, qu'on avait partiellement aboli au niveau primaire, sera permis après chacune des années si l'enfant ne maîtrise pas les compétences minimales. La ministre souhaite toutefois qu'il demeure une mesure exceptionnelle.» De plus, on ne parle que de redoublement possible au primaire. Or, qu'en est-il du secondaire?
Enfin, le fait qu'on ramène la moyenne de groupe va faire hurler tous ces bien-pensants de l'éducation qui nous rabâchent que l'enfant ne doit être comparé qu'avec lui-même, que les moyennes nuisent à son estime personnelle et tout le tralala pseudo-socio-psycho-affectif à la gomme. La société compare, tout le monde compare: vouloir créer une bulle dans laquelle la comparaison n'existe pas est illusoire. C'est mentir à l'enfant et ce geste, venant d'adultes responsables, est bien plus criminel que de recaler un jeune qui ne maîtrise pas les connaissances nécessaires pour progresser dans le réseau scolaire. Un jour ou l'autre, la réalité va finir par le rattraper. Vaut mieux lui donner l'heure juste immédiatement et l'aider à surmonter ses difficultés ou à réaliser qu'il possède d'autres qualités qui font de lui un être humain tout aussi estimable et aimable qu'un premier de classe.
Pour fureter sur le blogue de Turpitude 101:
Pour constater que le redoublement ne sera pas chose facile:
8 commentaires:
@hérisson : j'en rajoute! Chaque ÉCOLE peut faire son propre bulletin (elle ne le fait pas et se rallie à la CS... question de sous, mais elle en a le pouvoir).
Professeur masqué : Si cela peut vous "encourager", même si le redoublement ne devrait plus se faire, je peux vous confirmer que des enfants redoublent encore de nos jours au primaire. Le seul hic, c'est que de nombreux parents qui ont compris de la réforme que les enfants ne redoublaient JAMAIS, refusent systématiquement que leur enfant redouble. Et sans l'accord du parent, cela ne peut pas se faire.
Moi, ce qui me chicotte le plus avec ses nouveaux bulletins chiffrés, c'est de savoir si j'aurai à écrire des romans comme je le fais présentement pour mes élèves. Disons que je me souviens avec nostalgie des bulletins de mon enfance... Quelques colonnes chiffrées : français écrit, français oral, lecture, mathématiques, arts plastiques, éducation physique, musique, sciences.
Un parent veut savoir pourquoi il a eu 55% en français écrit? Facile madame (ou monsieur), voici les textes de votre enfant chiffré. Faites la moyenne.
Heureux parents qui s'y retrouvent. Heureux enseignants qui n'a plus à défendre sa note.
Disons que je me sens un peu dans le flou et que j'ai hâte de vraiment savoir à quoi le tout ressemblera... surtout que ça ne me motive pas pour mes bulletins présentement... une petite impression de "sert à rien" cette fois!
Auriez-vous nuancé votre postion sur la moyenne par rapport à votre texte du 28 décembre dernier?
La marâtre, je ne pense pas qu'on en sache beaucoup plus que ce qu'on sait présentement... le MELS a un douloureux penchant à nous laisser dans le flou... rappellez-vous les premiers temps de la réforme... et encore maintenant, on y va au meilleur de nos compétences avec quelques formations par çi, par là !
Du redoublement, il y en a toujours eu... et il y en a encore... mais juste en fin de cycle et pour les cas extrême... c'est sûr que ce n'était pas publicisé pour que les gens ne se fient pas là-dessus j'imagine..
Avant de choisir de faire doubler un enfant, il faut avoir beaucoup d'éléments.. et surtout être certain que ça va servir à l'enfant... Personnellement, je ne pense pas que de "permettre" le redoublement va sauver tous les enfants en difficulté... J'en ai une doubleuse dans ma classe cette année et elle ne sera pas meilleure l'année prochaine.. pas du tout même... il est où l'avantage de faire doubler un enfant... ?? Il perd ses amis, ses repères, son estime de soi.. et puis souvent ça va bien l'année qu'il double, mais l'année suivante, les difficultés reviennent... Je n'ai jamais vu un enfant devenir un superbolé parce qu'il avait doublé une année.. jamais...
Et puis les jeunes qui n'ont pas compris une année au complet sont plutôt rare... ce sont des cas exceptionnels qui ont une difficulté importante... une dysphasie, une déficience, un TDAH, une dyslexie... pour eux, je permettrais le redoublement, mais seulement SI le fait de reprendre son année à des CHANCES de l'aider dans l'avenir... et ça, c'est quand même assez difficile à évaluer !!!
Pour ce qui est des notes, je ne suis pas tellement contente.. on se fait carrément niaiser... On joue aux fous... on travaille sur une façon de faire et 5 ans plus tard, y'a plus rien qui est bon... C'est sûr... la réforme est rendue au secondaire... eux autres ils ont du pouvoir.. pas comme les p'tits profs du primaire... je suis sarcastique, mais j'ai un drôle de feeling à ce niveau là... Nous les profs du primaire, on a tout gobé les nouveautés, les projets, les évaluations, les grilles, l'intégration et POUF... rendu au secondaire, ça pète.. c'est quoi ça !!??
J'ai beaucoup de misère à comprendre comment on pourra chiffrer des compétences... ben de la misère... comment ça se quantifie une compétence... Tu es compétent à 60% ??? ça veut dire quoi !?!?! C'est tellement plus clair !!!
Personnellement, je trouve que s'ils voulaient changer de quoi, faire un coup d'éclat, ils auraient dû diminuer les ratios... On aurait eu le temps de faire des évaluations pertinentes, des bulletins remplis de commentaires et d'observations importantes afin de bien évaluer les jeunes... Avec les groupes au max, on y va au minimum et on n'a pas le temps de faire tout ce qui devrait être fait pour offrir un suivi efficace aux parents... alors là, peut être qu'ils auraient compris le bulletin et qu'on n'en aurait pas eu de problème !!!
Je ne suis pas contente qu'on revienne aux notes... Je ne trouve pas qu'il est là le problème.. mais pas du tout !!!
Merci à tous de vos commentaires!
Hérisson et la marâtre: mon hypothèse est que le gouvernement provincial a le pouvoir de changer la Loi sur instruction publique (la LIP) et c'est qu'il fera, je crois, pour doter le réseau de l'éducation d'un bulletin unique avec des pourcentages et des moyennes, tout simplement.
La marâtre: effectivement, un enfant peut actuellement doubler au primaire (redoubler est une expression incorrecte quand on y pense). Sauf que cette possibilité ne revient plus à l'enseignant seul et est très balisée, peut-être trop par moment. Parfois, les parents ne sont pas les meilleurs juges dans cette situation. Quant aux directions d'école, j'ai entendu trop d'histoires d'horreur pour croire qu'elles soient favorables au redoublement.
On a voulu compenser pour des abus des années antérieures, je crois. À l'époque, c'était la solution facile compte tenu de l'absence de services adéquats pour accompagner un élève. Aujourd'hui, ces services sont-ils disponibles?
Quant aux bulletins, on repart dans un certain flou, comme d'habitude...
Philippe: Merci de me remettre ce billet sous les yeux. Des notes, des lettres, des pourcentages... Ce qui importe, c'est ce qu'on mesure, comment on le mesure et comment on établit le seuil de réussite.
Là ou je suis surpris de l'annonce de Mme Courchesne, c'est à propos du retour de la moyenne de groupe. je n'y croyais pas et certains pro-réformes ont été atterrés par ce geste. Pour ma part, et je cite cet ancien billet, «La comparaison avec la moyenne d'un groupe est un couteau à deux tranchants. Prenons l'exemple d'un élève fort dans un groupe faible. Il pourrait moins travailler parce que son écart à la moyenne est grand alors que, s'il était dans un groupe plus fort, il serait peut-être dernier de classe. Mon enfant vit cette situation cette année et il a fallu lui faire comprendre que la moyenne de groupe est parfois un mirage.»
En ce qui a trait à la moyenne, il faut simplement que l'enseignant et le parent éduque l'enfant à comprendre qu'il s'agit d'un repère. Je crois plus à la culture de l'effort, de donner son plein potentiel. Mais la comparaison avec une moyenne n'est pas nécessairement la fin du monde non plus, comme le laissent entendre certains.
Enidan: honnêtement, sur le plan académique, je ne crois pas que le redoublement fasse des miracles, mais je ne crois pas non plus que, dans des matières comme le français, un enfant puisse rattraper son année de retard et assimiler la nouvelle matière s'il n'a pas su atteindre les objectifs de l'année précédente. C'est de la pensée magique.
Le redoublement doit être accompagné de meusres d'appui. Or, bien souvent, au secondaire, les enseignants ignorent que certains de leurs élèves sont des doubleurs. Au nom de l'estime de soi, on ne veut pas qu'ils soient étiquetés ou stigmatisés. L'ironie, c'est qu'on empêche ainsi qu'ils reçoivent une attention particuliére qui pourrait les aider.
Pour ce qui est de l'estime de soi, il faut arrêter de penser que l'enfant est dupe: il sait qu'il n'a pas redoublé et qu'il ne répond pas aux exigences du programme comme bien de ses collègues de classe. Il a l"impression de passer même s'il est «poche». C'est aussi motivant pour un élève que de ne pas être choisi en dernier dans une équipe de ballon-chasseur parce que le prof a demandé aux autres joueurs de le sélectionner plus tôt...
Finalement, je reviens sur ce point: des notes, des chiffres... on s'en balance! On veut des vraies réussites et les moyens d'aider nos élèves à y parvenir. le reste, pour l'instant, c'est du blabla de pédagogues et de politiciens en mal de votes.
En adaptation scolaire, je trouve intéressant d'avoir des bulletins non-chiffrés et vu les différents niveaux dans nos groupes et les difficultés particulières et propres à chaque élève, il va de soi que la moyenne n'est pas pertinente.
On évalue l'élève par rapport au progrès et par rapport au soutien qu'il a besoin de l'enseignant (occasionnel, régulier, fréquent, etc).
Je trouve que les bulletins en adapt. sont un peu inutiles, c'est de voir les travaux au courant de l'année, l'évolution, ce sont les moments où notre élève arrive pour la première fois sans aide à multiplier, à lire une phrase sans aide, à passer de la dizaine à la centaine qui sont les indices de progrès.
Maux de tête, incertitude sont au programme, mais je trouve quand même que cette façon d'évaluer est la plus parlante pour nos élèves.
Voilà mon opinion pour l'adaptation scolaire, qui, vous serez d'accords, ne peut être évaluée comme le régulier.
Un autre prof: je partage entièrement votre point de vue. L'adaptation scolaire, pour le meilleur et le pire, est un monde en soi. Mais posons la question inverse: est-ce que le régulier peut-être évalué comme l'adaptation scolaire?
Je ne crois pas que ce soit idéal. Comme vous le dites, l'adaptation scolaire est un monde en soi. Les réalités du régulier ne permettent pas de telles évaluations, ne serait-ce que par le nombre plus élevé d'élèves. De plus, au secondaire, comment évaluer le progrès du jeune quand on a tant d'élèves? J'ai les même 15 élèves 20 x 52 minutes + 5 x 30 minutes par semaine. Mais vous? Non, pas réaliste.
Au sujet de cette annonce du PLQ, mon billet va exactement dans le même sens que le tien, comme tu me l'écrivais d'ailleurs.
Pour te «pomper» d'avantage, si jamais tu en avais envie (!), rends-toi sur le blogue de l'un de mes amis d'enfance, Averlok (http://averlok.net) et consulte les commentaires de Moko au sujet du billet Promesses; les cheveux vont te dresser sur le crâne! Tu verras par la même occasion le commentaire que j'ai laissé sur ce blogue à ce charmant Moko dont je n'ai pas l'adresse du blogue perso, mai il y a un lien vers ce dernier dans son commentaire.
Bonne frustration!!
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