Dans un article du 8 février dernier, la journaliste Isabelle Hachey se demandait si on ne pouvait pas améliorer la maîtrise de la langue écrite chez les jeunes en ayant recours à la nouvelle orthographe. Elle ramène cette idée dans l'actualité en soulignant que le rapport Ouellon suggérait d'accepter les nouvelles graphies acceptées en 1990 par l'Académie française, une idée que la ministre de l'Éducation. Michelle Courchesne n'a pas retenue.
On explique souvent la piètre qualité de l'écriture des jeunes en affirmant la langue française est compliquée alors que l'italien et l'espagnol ont su simplifier leur grammaire et leur orthographe. Pour Chantal Contant, chargée de cours à l'UQAM et membre du GQMNF, les jeunes Québécois sont en quelque sorte victimes de cette façon de faire : «À 8 ans, les enfants espagnols sont capables d'écrire une lettre sans faute à leur grand-mère. Nos adolescents de 17 ans en sont incapables sans faire 10 fautes par paragraphe. Pourquoi? Ce n'est pas l'enfant francophone qui est moins brillant, c'est qu'il y a plus d'embûches dans la langue française.»
Vous me permettrez de décrocher un peu devant ce discours pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, j'ai suivi un atelier animé par madame Contant lors du dernier congrès de l'Association québécoise des professeurs de français (AQPF). De mémoire, je me rappelle qu'elle nous affirmait que ce renouvellement de la langue ne se voulait pas laxiste et n'avait pas tant pour but de faciliter la tâche aux jeunes scripteurs que de régulariser des anomalies de la langue française. Elle indiquait aussi aux participants présents que les nouvelles graphies auraient un impact mineur sur leur façon d'écrire un texte.
Pour qui s'intéresse aux modifications qu'on souhaite apporter à la langue française, cette rénovation linguiste est bien timide et manque parfois de cohérence. Honnêtement, on est loin d'une réforme majeure. Je doute donc qu'elle fasse des miracles dans nos écoles et afffirmer qu'elle permettrait aux jeunes Québécois de mieux écrire serait un brin exagéré.
Également, on souligne rarement que les erreurs de nos élèves sont davantage reliées à des accords simples des noms et des verbes. Encore ce matin, je corrigeais des copies truffées de «Ils les guettes» ou «Ils sont partient». Désolé, mais les modifications orthographiques ne changeront rien à ce type de fautes. Mieux connaître la classe et la fonction des mots et groupes de mots, par exemple, serait bénéfique. Mais quel enseignant voudrait s'embêter à faire de l'analyse grammaticale, surtout s'il est en cinquième secondaire et s'il a des élèves qui ne savent pas distinguer un adverbe d'un adjectif, un nom d'un verbe et j'en passe!
De plus, dans la plupart des évaluations auxquelles ils sont soumis, les élèves québécois ont droit à une grammaire et un dictionnaire. En plus de ne pas connaître la nature des mots avec lesquels ils travaillent, nos jeunes ont souvent de la difficulté à fournir l'effort nécessaire pour utiliser les outils qu'on leur donne. Et puisqu'on parle d'effort, on peut souligner qu'un élève peut encore écrire un texte truffé d'erreurs (à chaque mot même!) et malgré tout réussir son examen d'écriture. Pourquoi alors devrait-il se forcer? La ministre Courchesne entend resserrer les critères d'évaluation en écriture, mais seulement au primaire. Pourquoi s'arrêter là?
Enfin, un dernier petit point: celui du gazon plus vert chez le voisin. Il m'est arrivé de jaser avec des profs d'anglais provenant d'Ontario. Un de leurs constats était que les jeunes élèves qu'ils avaient sous leur gouverne maîtrisaient très mal cette langue qu'on dit pourtant plus facile que le français. Qu'en penser? J'attends de jaser avec des profs d'italien ou d'espagnol avant de me faire une idée. Si leur opinion à l'égard de leurs élèves est semblable, peut-être faudrait-il s'interroger davantage sur nos jeunes que sur les difficultés de la langue française?
Même si ces chiffres n'ont pas de lien direct avec l'écriture, l'Espagne et l'Italie occupent les 26e et 29e rangs en ce qui a trait à la compréhension de l'écrit dans les tests PISA 2003. Le Québec serait troisième. Plus faciles à écrire qu'à lire, l'espagnol et l'italien?
17 commentaires:
Le titre de ton billet aurait pu être Et vlan dans les dents!
Dans les dents de madame Contant qui ne savait pas qu'un brillant observateur se tenait dans la salle lorsqu'elle a donné sa conférence au congrès de l'A.Q.P.F. Dans les dents de ceux qui disent que le français est tellllllement plus difficile que l'anglais. Bref, encore une fois, tu nous offres une analyse pertinente. Ce qui est particulier, avec toi, c'est que tu as toujours des arguments non seulement convaincants, qui sont souvent le résultat d'une recherche approfondie ou d'expériences vécues, pour démolir ceux des autres. J'adore! Vraiment, grâce à toi, je deviens plus brillante...lol
J'oubliais: comme tout le monde, je me demande où tu trouves le temps d'écrire, de penser, de faire tes recherches. C'est vrai: tu es le Super Prof Masqué (la cape, ça te trahit, tu sais)!
Safwan: pour corriger une impression comme ça, j'aime bien madame Contant. Même que les modifications de l'orthographe, ça ne me rebute pas du tout! Sauf qu'il y a quelques incohérences. Et de dire que ça pourrait aider les jeunes, c'est un peu facile et inexact.
Le secret: je ne dors pas la nuit.
C'est encore une question de panacée, ce débat sur la nouvelle orthographe. Les problèmes quant à la qualité de la langue trouvent cause unique dans la bouche de plusieurs (tantôt le fait qu'il n'y ait plus de dictée, tantôt le fait que l'on n'enseigne pas la nouvelle orthographe, tantôt celui que la langue française est plus compliquée que les autres langues, etc.), mais les sources du problème sont multiples. Même chose pour les solutions. Il n'y en a pas qu'une.
Pour ton secret: je ne te crois pas ;O). Je l'ai vue, ta cape, dépasser de tes chandails, juste le coin, comme ça, qui se faisait timide.
Le français n'est pas trop compliqué.
Vous voulez une preuve flagrante? J'ai encore honte pour mes compatriotes qui ne maîtrisent toujours pas notre belle langue française.
En secondaire 5, nous avons reçu une étudiante allemande, à l'école. Elle était arrivée au Québec quelques semaines avant la rentrée scolaire et savait principalement dire "Bonjour", "Comment ça va?", "Je viens d'Allemagne", etc. à son arrivée.
Le principe était de faire une immersion française, vous l'aurez deviné.
Elle suivait le même programme que tous les autres élèves de secondaire 5. Elle a été placée dans une classe de français de niveau régulier.
Rapidement, elle est devenue la meilleure de sa classe, avec une moyenne de 85% environ.
Elle ne faisait pratiquement pas de fautes en écrivant.
Je ne crois pas que le problème de l'écriture de la langue soit réellement de nature orthographique.
Je crois plutôt qu'il se situe plutôt au niveau de la motivation.
Et puis franchement, je trouve ça injuste pour tous ceux qui ont fait l'effort de maîtriser leur langue correctement qu'on leur dise que dans le fond, elle est peut-être trop compliquée telle qu'elle l'est actuellement.
Je suis révoltée.
Et Franziska, qui est toujours mon amie, l'est aussi.
Il y a plusieurs modifications que je trouve brillantes, dans la nouvelle orthographe proposée. Par contre, il est vrai que certaines ne tiennent pas la route. On se demande d'où elles sortent. C'est un peu dommage, ça gâche la visée de départ.
Dans mon cas, l'analyse de phrases débute en 5e année. C'est difficile, mais on travaille fort, tous les jours de l'année ou presque. Je pense par contre être la seule de l'école à travailler ainsi. Pourtant, je trouve que c'est essentiel pour arriver à mieux écrire, à faire les bons accords dans une phrase, dans un texte.
Le français plus difficile? Je ne sais pas. Mais quoi qu'il en soit, il n'est pas IMPOSSIBLE! :O)
En fait, la grande question, celle que peu de gens évoquent, est justement le poids de l'orthographe dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture...
Assez négligeable !
Apprendre à penser, donc à formuler ses idées, à rendre un texte cohérent, à argumenter le tout - c'est pas mal plus difficile et pas à la portée de tous.
Écrire sans faute, c'est la crème fouettée, c'est la pointe de l'iceberg. Je ne dis pas que ce n'est pas important... je dis qu'il y a plus important.
Qu'on simplifie réellement l'orthographe, je suis tout à fait pour... mais ce n'est pas ça qui va mettre quelque chose dans la tête des individus (élèves ou autres) : c'est lire, c'est avoir quelque chose de pertinent à dire, c'est avoir une culture qui dépasse les soaps américains ou québécois, c'est réfléchir.
C'est un peu l'essence de votre billet ou je me trompe ?
Il y a eu le coupe de barre de la ministre du MELS! Il y a eu, ensuite, le recours collectif pour les romans dans les classes de français. Et maintenant, IL Y A ENCORE la nouvelle ortograffe ..... grrrrrrrr....
C'est trop facile de se rabattre sur la nouvelle orthographe, orthographe "facilité pour aider nos pauvres petits pits ..... qui font tellement pitié parce qu'on leur en demande beaucoup" .... ouach et OUACH!!!!!!!!!!!
On prône la rigueur, la constance, l'effort pour un meilleur avenir en français. La nouvelle orthographe n'aidera en rien.
Je suis désolée de voir que vous, prof masqué, vous n'ayez pas plus de problème(s) que ça avec la nouvelle orthographe. Je pensais que vous étiez un modèle de rigueur!
Comme le dit safwan vous avez toujours des arguments convaincants ... Convainquez-moi de la pertinence d'une nouvelle orthographe "poche".
Ouais, la cape... Pas le masque!
Pour moi, c'est plutôt de suivre l'évolution de SA langue. Ça fait quand même 16-17 ans, cette réforme nineure?
Il faut dire que même après 41 ans, certains croient encore qu'ils travaillent de neuf à 5, qu'ils préparent pour le souper, à 6 heures, une livre de boeuf haché avec des patates parce que ça fait du bien manger chaud quand il fait 27 dehors, hein?
Ça va avec le reste.
Tu es notre super prof masqué.
La réforme Ouellon, ça ne vous chuchote pas à l'oreille des langues idiotes qui bafouillent « Bin ouellon don... » Mon esprit de bottine, sans doute.
Zed :)
Avertissement aux âmes sensibles: je vais jouer à "dans mon temps"...
Je suis une madame de 53 ans qui a fait ses études au primaire de 1961 à 1967. J'ai "sauté" ma première année car je savais lire à mon entrée à l'école. Je n'étais pas un petit génie, loin de là! Mais comme mon père et ma mère, avec respectivement leurs 9e année et 6e année, étaient de grands lecteurs, et que mon père était assez patient pour m'aider, je savais lire un article dans La Presse à 5 ans et demie. Donc, après un mois de première année, ouste en deuxième!
J'ai retrouvé, l'hiver dernier dans les souvenirs de ma mère, mes cahiers d'exercices de 2e et 3e année. À 7-8 ans, nous faisions déjà des dictées de 15-20 phrases avec sujets, verbes, adjectifs, compléments et adverbes. Nous lisions la comtesse de Ségur - laissons un peu faire le propos de ses livres, OK? Vous avez vu la richesse du texte et du vocabulaire? Et je n'étais pas la seule! Aussi, on commençait un petit peu d'analyse grammaticale, en 3e année! Et ni moi ni mes vieilles amies n'avons souvenir de quelque sentiment de torture que ce soit. On était contentes de pouvoir lire tous ces livres, on avait beaucoup de plaisir. On s'essayait même à écrire des "articles de journal" en imitant l'écriture des vrais journaliste et en s'inventant des "faits divers", souvent basés sur nos aventures scolaires.
Le français était difficile. Alors, on travaillait! Mais personne ne songeait à comparer notre langue avec les autres langues. C'était NOTRE langue! Celle de la comtesse de Ségur! De Sophie, de Camille et Madeleine! Et je vous assure que quand on a commencé à apprendre l'anglais, en 5e année, on n'en a fait qu'une bouchée! Pfeu, facile, ça, l'anglais!
En 8e année ("secondaire 1"), commença l'étude du latin. On se retrousse les manches, et on travaille! Mais quel plaisir de découvrir Virgile, l'histoire et la civilisation romaines, avec Iphiclès comme guide...
Puis j'ai commencé à travailler, assez tôt, juste après avoir fini le CEGEP en lettres françaises, à 17 ans (j'avais "sauté" le secondaire 5). Toujours, on admirait mon français, on me demandait conseil, on me confiait les travaux de rédaction. Ça a duré jusqu'à... il y a 5 ou 6 ans. Tout à coup, je me suis mise, selon les secrétaires du bureau, à faire des fautes! Une tonne de fautes! Quoi, j'écrivais encore "oignon" et pas "ognon"? Et tel mot ne prenait plus de trait d'union. D'ailleurs, on ne dit plus "trait d'union", il faut désormais dire "tiret"!! Des gens qui ne sont pas foutus de rédiger un texte de deux pages se sont mis à me reprendre pour des niaiseries, même pas des fautes d'orthographe réelles, comme un mauvais accord de temps de verbe, une mauvaise terminaison ou un participe passé mal foutu. Pas non plus pour une phrase incompréhensible, une syntaxe boîteuse, des lourdeurs de style ou de la répétition. Non, on m'annonçait triomphalement que "ça prend un espace avant deux points, en français, mais pas en anglais!". Bref, on s'est mis à confondre les règles typographiques et l'orthographe. Des amis me confiaient encore leurs travaux universitaires "de groupe" (ou ceux de leurs enfants) pour que je les corrige. Horreur! Je ne comprenais même pas ce qu'ils essayaient de dire. Il fallait carrément tout réécrire. Mais les espaces étaient bien là avant les deux points!!
Le français s'est déjà allégé, il a déjà subi une foule d'accommodements, tant et si bien que maintenant, je ne touche plus à la rédaction, du moins pas dans mon milieu professionnel. Je laisse ça aux secrétaires!
Tout ça pour dire que le français a SES difficultés, mais qu'elles ne sont ni pires ni moindres que celles des autres langues. Et quand on comprend que notre langue, c'est notre manière de penser, voire d'être, on se met à en être curieux, à l'aimer davantage. C'est l'esprit de Voltaire, de Beaumarchais, la prose déferlante des Romantiques, la malice d'Alphonse Allais, la beauté de Prévert, la tendresse rieuse de Pagnol. Je parle, lis et écris couramment l'anglais. J'ai appris l'espagnol, l'italien, et un peu, très peu, d'allemand. Pas facile, l'allemand, avec ses déclinaisons et ses mots-expressions qui se déroulent à l'envers! Mais mon grand amour sera toujours le français, MA langue, pas seulement celle que je parle et que j'écris tous les jours, mais celle dans laquelle JE PENSE.
Je n'ai plus guère de patience contre ceux et celles qui la critiquent par paresse, ignorance et manque de curiosité, sans parler de manque de fierté. Comme disait mon père: "Un peu de colonne vertébrale, maudit!"
Safwan: la nouvelle orthographe, si des gens la font pour de mauvaises raisons (comme celles que j'ai lues dans La Presse), ça va simplement planter. Comme tout le reste, comme d'habitude...
Pour ce qui est des difficultés du français écrit des jeunes, les raisons sont multiples. D'ailleurs, tiens, tu as remarqué que la ministre veut que les institutions scolaires emploient un bon français alors que le reste des ministères va pouvoir continuer à faire des campagnes de promotion en joual. Et je ne parle pas de la FSE et de son slogan «Ça ne fait pas partie de la job!»
On n'en sort définitivement pas. Le Québec me tue parfois.
Noisette: j'ai eu comme ça une élève allemande qui a planté plusieurs de mes petits Québécois. «Oui, non, grille-pain», voilà à peu près son bagage au début de l'année. Il faut cependant dire que c'était une élève brillante et motivée. L'ai-je écrit: MO-TI-VÉE?
Tout est une question de valeurs, d'attitudes et d'éducation à... l'éducation. Ici, l'école, c'est chiant, ça empêche de jouer au Nintendo... Les devoirs, ça stresse, ça nuit à la famille et j'en passe...
Demandez aux Québécois quelles sont leurs principales valeurs et ils vous répondront l'éducation. Demandez-leur si la loi 101 est importante, ils vous diront oui. Demandez-leur de poser un geste pour appuyer leurs dires et regardez combien vont fuir.
Gooba: je m'étais promis un billet sur le sujet un jour. Je sens qu'il approche finalement.
La principale difficulté de mes grands, c'est qu'ils sont incapables de discerner les mots seuls. Ils parlent de GNs, de GV, de CP, mais ils ne reconnaissent pas les noyaux et ils savent encore moins le rôle (fonction) des mots. Tout est brouillard dans leur tête!
Comme je suis en cinquième secondaire, j'ai envoyé promener la grammaire de 1995 (Mme Chartrand hurlerait! Et dire que j'ai participé à un comité de validation du MEQ et donné mon avis sur une grammaire...)et choisi de travailler avec des petites unités. Et là, je ne comprends pas pourquoi, mais ils saisissent mieux tout cela. Un mot, une place, un rôle, une classe. J'évite les manipulations inutiles et compliquées. La base.
Il faut dire aussi que j'insiste beaucoup sur le fait que je ne peux pas enseigner une règle grammaticale ou reliée à la ponctuation s'ils ne parlent pas et ne comprennent pas le même méta-langage que moi.
En trois périodes, je leur montre les aspects logiques de la langue et ensuite on fait des phrases en schtroumpf jusqu'à ce qu'ils comprennent place-rôle-fonction-classe.
Circé: tu sais, souvent on dit qu'il faut lire pour savoir écrire. Parfois, je me demande si ce n'est pas l'inverse. Plus on leur montre le poids de leurs mots, plus les élèves réalisent le sens des mots des autres. Enfin, c'est un autre et un long débat...
Mettre quelque chose dans la tête des individus? Je ne suis pas sûr que l'école le veuille vraiment. Même les partisans de la réforme vivent mal avec la différence et la critique. Une école unique pour que tous réalisent leur potentiel. Ça me semble contradictoire. On veut mettre dans la tête des jeunes un contenu prédéterminé. Dans certains cas, celui de ne pas penser trop loin.
Mon billet n'allait pas directement dans le sens que tu indiquais, mais ta pensée complète la mienne.
Au départ, il faut savoir qu'on ne demande pas aux jeunes de bien écrire. On le souhaite, on les encourage, mais ils savent qu'ils peuvent «réussir» sans travailler. Ils passeront, ce qui vient corrompre tout le processus éducatif. Alors, on passe notre temps chaque année à radoter et à être un amuseur public.
En cinquième secondaire, je déteste mentir, alors j'ai annoncé à mes élèves qu'ils allaient tous réussir l'examen de fin d'année. La question est de savoir avec quelle note, avec quelle fierté personnelle.
Sauf que pendant tout le temps qu'on perd à ne pas être exigeant, à radoter et à amuser les enfants, on n'enseigne pas les vraies choses, on ne peut pas les enseigner: lire, écrire et comprendre.
On s'acharne avec des jeunes qui savent qu'ils n'ont pas à se dépasser pour réussir. Réussir sans apprendre. Avec ou sans réforme, en passant. Bref, on les méprise et on les prend pour plus cons que nous sommes.
La nouvelle orthographe, c'est un gros plaster sur un cerveau gangrenée. Rien de plus. La faire pour aider les élèves, c'est continuer à leur mentir.
Bobbi: décidément, je vais revenir sur ce sujet. Il y a un beau livre en passant que j'ai récemment lu sur la langue française (et un peu sur l'orthographe): La grande aventure de la langue française. Un must. Notre rapport à la langue peut être logique et affectif.
J'enseigne avec rigueur (et surtout avec humour quand je peux...) la langue française. Mais c'est cette même rigueur qui m'oblige à en voir les incohérences. je reviendra là-dessus.
Zed: ouais et en plus cette réforme n'a pas force de loi en France et je pense que l'Académie a reculé pendant un temps. Le bouquin La grande aventure de la langue française, je vous dis! un must. La langue est politique, sociologique, culturelle et parfois logique.
Anonyme: ah! dans mon temps. Est-ce l'affaire qu'on lance toujours par-dessus bord à chaque dix ans en chantant: «C'est le début d'un temps nouveau!»?
«On était contentes de pouvoir lire tous ces livres», écrivez-vous. Tout est là.
Au Québec, on confond souvent bonheur et plaisir. Votre contentement est un état proche du bonheur. Fondé sur le travail et la satisfaction de l'effort bien fait. De vieilles valeurs passées date. Le bonheur libère, fait grandir. Le plaisir, lui, c'est nouveau, immédiat, facile, consommable. Il aliène et réduit.
Aujourd'hui, tout doit être nouveau, plaisant. Aujourd'hui, on connaît le luxe, les choses faciles.
Mon père a connu la guerre, l'instruction pour s'élever dans la société. À 70 ans, avec sa cinquième ou sixième année, il faisait moins de fautes que les jeunes à qui j'enseigne. Il appliquait des règles qu'il avait vues il y a 60 ans. L'école était importante, l'école était un luxe, l'école était une libération.
Aujourd'hui, le luxe se consomme et se vend. Il n'y a que la véritable fierté et la colonne vertébrale qu'on ne retrouve pas sur le marché.
Pour vos secrétaires de bureau, les deux graphies se disent et sont acceptées. Qu'elles mettent ça dans leur ordi! Je ne déteste pas l'idée des modifications à l'orthographe, mais s'en servir pour faire suer les autres, c'est encore une mauvaise utilisation de la chose.
PS Pagnol. c'est tellement beau! À ma grande honte, j,ai découvert seulement depuis un an.
Je navigue superficiellement sur les GN, GV et autres. Je préfère qu'ils maîtrisent mieux la base. C'est quoi, une phrase en schtroumpf?
Gooba: par exemple, donne la classe et le rôle des mots dans la phrase suivante: le schtroumpf schtroumpfant a schtroumpfé schtroumpfement la schtroumpfante schtroumpfette. (Bien sûr, mes élèves obsédés sexuels interprètent cette phrase...)
Cool comme méthode! J'essaie ça la semaine prochaine. Ils vont se demander si j'ai mangé des muffins au pot, les pôvres! :o)
Gooba: tu peux aussi prendre des mots impossibles (warranter de la zythum...). L'important est qu'ils comprennent que c'est la place du mot dans la phrase qui est en lien avec son rôle et sa classe. Les trois vont ensemble. Tu en connais deux des trois et tu connais assurément le troisième.
On dit qu'un élève de 17 ans est incapable d'écrire une lettre sans fautes. Au Québec peut-être, mais pas en France. Ils écrivent le même français que nous, il font juste l'enseigner correctement.
Merci pour le cours de pédagogie, Prof masqué! :o)
Ce commentaire s'adresse à Guillaume Côté : En France, ils sont au prise avec les mêmes difficultés d'apprentissage que nous et la situation est aussi critique de part et d'autre. Ce qui est significatif entre les petits français et les petits québécois, c'est la maîtrise du vocabulaire. J'ai travaillé dans les écoles là-bas et il faut cesser de se croire pire que les autres. La langue française est ardue à apprendre, partout.
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