08 février 2008

Plan Courchesne : la suite (modifié)

Après quelque temps de réflexion, je me sens plus à l'aise d'effectuer un retour plus approfondi sur certains points du plan de la ministre Courchesne quant au français, retour que j'avais débuté mercredi.

1- Les élèves devront écrire un texte au moins une fois par semaine dans le cadre de leur cours de français et faire une dictée régulièrement de manière à vérifier l'acquisition des connaissances.

Tout d'abord, pour ce qui est d'écrire un texte par semaine, il est plus facile d'appliquer cette mesure au primaire qu'au secondaire. À vrai dire, bien des enseignants de primaire le font déjà! Rien de bien nouveau pour eux.

Au secondaire, la chose est autrement plus difficile.

Pour un enseignant de français qui a entre 90 et 120 élèves, cette idée de la ministre Courchesne peut représenter une tâche minimale d'une dizaine d'heures par semaine à raison de 5 minutes par copie si l'on parle d'un texte court. Si le texte est plus long, on oublie carrément l'idée d'avoir une vie personnelle. Oui, notre convention minutée à la seconde près comporte du temps pour corriger, mais jamais autant!

On peut toujours les faire écrire et ne s'attarder par la suite qu'à corriger qu'un aspect de la langue ou qu'un texte ici et là. Mais, en connaissez-vous des élèves qui accepteraient de voir leur prof corriger qu'une partie de leur effort? Moi, il n'y en a pas dans mes classes.

Là-dessus, je crois que la ministre ignorait totalement la somme de travail qu'ajoute une telle mesure aux enseignants. En entrevue à Désautels sur les ondes de Radio-Canada, elle suggérait que les conseillers pédagogiques pourraient leur venir en aide. Dans Le Devoir ce main, elle parlait d'embaucher des correcteurs. Dans les deux cas, ces hypothèses ne pourraient pas fonctionner. Ce n'est pas le rôle des conseillers pédagogiques et ils sont trop peu nombreux. Pour ce qui est des correcteurs, il en faudrait un nombre considérable, disponibles facilement et avec qui il faudrait coordonner notre travail d'enseignement. De plus, pourquoi embaucher des correcteurs (une mesure qui pourrait coûter cher si on pense qu'il en faudrait au moins un pour quatre enseignants quand on pourrait réduire le nombre d'élèves par classe. On complique donc les choses en voulant soulager les profs.

Au secondaire, une façon de s'en tirer serait de confier aux profs de chaque matière, à tour de rôle, le soin de donner et de corriger un texte. On montrerait ainsi l'importance de la langue dans chaque cours. Le hic réside dans le fait que j'ai des collègues qui seraient incapables de faire un tel exercice tellement leur maîtrise du français est discutable. Également, la réforme interdit qu'on enlève des points pour la qualité de la langue dans un cours autre que le français. On revient donc un peu à l'idée d'évaluer le tout dans une des compétences transversales. Tiens, tiens...

Quant à la dictée, elle existe encore au primaire et au secondaire, quoique la réforme, du moins à ses débuts, a voulu reléguer cette pratique aux oubliettes. C'est d'ailleurs pour cette raison que la ministre insiste tant sur cette méthode pédagogique: cette dernière est une icone, une image du retour à une certaine pédagogie traditionnelle très payante aux yeux d'un certain électorat.

Il existe différentes formes de dictée et chacune vise un but précis. Règle générale, elle se corrige plus rapidement qu'un texte et ce travail formateur peut même être effectué par des pairs, une pratique pédagogique qui a l'avantage de ne pas surcharger l'enseignant de travail et d'amener l'élève à recorriger de nouveau le même texte.

Dans les deux cas cependant, la ministre s'immisce dans le travail des enseignants et je reviendrai sur ce point en conclusion.

2- Une plage horaire consacrée à la lecture devra être prévue quotidiennement par les écoles.

Au primaire, encore une fois, il n'y a pas de problème. Cette façon de faire existe déjà et est assez répandue.

Au secondaire, méchant problème en vue! J'ai hâte de voir comment certaines écoles vont appliquer cette mesure. Si l'élève a du français chaque jour, on alloue simplement 15 minutes à la lecture. Mais si ce n'est pas le cas (comme c'est fréquent dans les programme spécialisés ainsi que ceux de quatrième et cinquième secondaire), comment se débrouille-t-on? On lit en éducation physique?

Encore une fois, la ministre s'immisce dans le travail de l'enseignant qui fait lire ses élèves à la maison pour consacrer son temps de classe à l'enseignement de l'écriture ou à tout autre projet. Quinze minutes par jour, c'est un cours par semaine.

12- Le nombre de conseillers pédagogiques en français sera augmenté et un plan de formation assurera la mise à jour de leurs connaissances.

Cette mesure a fait sourire mes collègues. Les conseillers pédagogiques sont des fantômes à leurs yeux. La ministre veut les faire passer de 150 à 300. Comme il y a 3 000 écoles au Québec, je peux m'attendre à en voir débarquer dans mon milieu de travail une fois par deux semaines dans le meilleur des cas.

De plus, les conseillers pédagogiques que j'ai connus étaient contre la dictée et pour l'enseignement de la grammaire en contexte. Problème idéologique en vue!

Conclusion

Plus que jamais, les points 1 et 2 du plan de la ministre Courchesne m'apparaissent davantage guidés par des convictions personnelles et électoralistes. Elle voulait plaire à certains parents, se démarquer de la réforme. Il faut comprendre qu'il s'agit d'une politicienne mais aussi de quelqu'un qui a une vision extérieure de l'éducation.

Encore une fois, je me questionne sur l'entourage de la ministre et la façon dont on la prépare sur certains dossiers. Elle ne pouvait ignorer la charge de travail qu'entraînerait une telle mesure. Sa méconnaissance du rôle des conseillers pédagogiques (à moins qu'il ne s'agisse que d'un oubli) aussi est troublante.

Également, madame Courchesne s'immisce beaucoup dans le travail des enseignants au quotidien au détriment de leur autonomie professionnelle, comme si elle ne leur faisait majoritairement pas confiance. Le président de la Fédération québécoise des directeurs d'établissements (FQDE), Serge Morin, mentionne d'ailleurs à ce sujet: «On traite tout le monde pareil, cela ne lisse pas de place pour exploiter le professionnalisme dont les enseignants sont capables.»
Au lieu de les aider, elle risque de leur compliquer davantage la vie en prescrivant comment ils doivent enseigner. D'ailleurs, le texte du Devoir souligne que la rédaction des modifications qu'elle doit apporter au régime pédagogique «sera délicate puisque la Loi sur l'instruction publique garantit l'autonomie professionnelle des enseignants.»

À cet égard, le peu de réaction de nos syndicats me consterne. Avant Noël, la FSE et la CSQ avaient fait circuler une pétition dans toutes les écoles du Québec pour indiquer au gouvernement Charest que son simple engouement pour la dictée ne devait pas l'amener à vouloir régir la pratique enseignante au quotidien, ce qu'il n'hésite manifestement pas à faire aujourd'hui avec le plan Courchesne.

Globalement, je crois la ministre quand elle dit vouloir améliorer l'école québécoise. Je la sais très préoccupée par ce qui se passe dans nos écoles. Plusieurs des solutions qu'elle propose sont intéressantes et méritent d'être appliquées à condition qu'on s'assure efficacement du suivi de celle-ci. Mais la sincérité ne suffit pas.

Ce qu'il manque à ce plan, ce sont tout d'abord des moyens qui iront directement dans les classes, auprès des élèves et des profs. Pensons à des budgets pour du matériel didactique (livres et dictionnaires), à la réduction du nombre d'élèves par classe, à un meilleur encadrement et soutien des élèves au quotidien.

Dans le fond, sur le coup, j'ai été très déçu par ce plan de la ministre sans savoir pourquoi. Aujourd'hui, je comprends mieux ma réaction. Madame Courchesne impose des contraintes aux enseignants sans rien leur donner en retour. Des bibliothécaires, des conseillers pédagogiques... Désolé, mais mes besoins les plus urgents sont ailleurs! Les points les plus publicisés de son plan (texte et dictée) ne reposent que sur les épaules des seuls enseignants.

Également, j'aurais souhaité l'annonce d'un resserrement des critères d'évaluation au secondaire et au collégial. Déjà, il y a quelques années, le MELS avait imposé, à une année d'avis, un seuil de maîtrise de la langue écrite en français de cinquième secondaire. Globalement, si un élève faisait plus d'une faute de grammaire et d'orthographe à tous les 15 mots, il était simplement recalé. Ce seuil, encore aujourd'hui, n'existe qu'en cinquième secondaire, comme si on admettait qu'un jeune pouvait écrire un texte bourré de fautes pendant le reste de son parcours à l'école.

Bien sûr, une faute aux 15 mots, ce n'est pas la mer à boire et l'on pourrait se montrer plus sévère quant à moi mais, globalement, les élèves, même les plus faible, atteignent ce niveau de maîtrise de la langue. D'ailleurs, cette mesure, qu'ils craignent, les stimulent, les poussent à travailler davantage.

Je ne veux pas qu'on pense que je suis adepte de la crainte comme motivation pédagogique. Je lui préfère la fine psychologie, le dépassement de soi. Mais comment amener l'élève à y parvenir si les attentes qu'on a ne lui demandent aucun effort?

Il appartient, entre autres, à l'enseignant de motiver les élèves qu'il a sous sa gouverne. Seulement, quand ce dernier à l'impression de se battre contre un système laxiste, des parents mous et des jeunes désabusés, lui demander d'en faire davantage est purement décourageant.

Enfin, en terminant, je suis désolé de l'avouer, mais je ne crois pas que le fait d'obliger un élève à écrire davantage le fera nécessairement écrire mieux. Faire plus n'équivaut pas toujours faire mieux. C'est souvent ce qui se passe avant et après l'acte d'écrire qui compte le plus. Et même mon syndicat ne semble pas le comprendre!
Tiens, ce matin, dans Le Devoir, un lecteur y va de ce commentaire prouvant que le vrai problème, ce sont les enseignants: «Les enseignants craignent que le nouveau programme d'enseignement du français augmente considérablement leur travail de correction. à ceux-ci, je leur rappelle que pendant nos études classiques, nos professeurs de français enseignaient à plusieurs classes et qu'ils corrigeaient nos dissertations sans jamais se plaindre qu'ils n'avaient pas le temps de les corriger.» Dans votre bon vieux temps, monsieur, les profs ne passaient pas autant leur temps à jouer au psychologue et au travailleur social en plus de gérer des cas d'enfants délinquants et mal élevés. Épargnez-nous, s'il vous plait, les comparaisons...
Demain: un dernier billet sur le plan Courchesne (ce que la ministre n'a pas retenu du rapport Ouellon) et j'arrête de vous emmerder avec mes propos pédagogiques pour un bout.

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo pour les propositions. je les retiens. Et pour ton analyse, avec laquelle je suis aussi d'accord.

Zed ;-)

Hortensia a dit…

Tu es loin de nous emmerder, tu nous mâches le travail! D'ailleurs, merci pour ça. Je veux quand même apporter une précision à ce que tu dis. Tu écris:
«Également, j'aurais souhaité l'annonce d'un resserrement des critères d'évaluation au secondaire et au collégial. Déjà, il y a quelques années, le MELS avait imposé, à une année d'avis, un seuil de maîtrise de la langue écrite en français de cinquième secondaire. Globalement, si un élève faisait plus d'une faute de grammaire et d'orthographe à tous les 15 mots, il était simplement recalé. Ce seuil, encore aujourd'hui, n'existe qu'en cinquième secondaire, comme si on admettait qu'un jeune pouvait écrire un texte bourré de fautes pendant le reste de son parcours à l'école.»

Or, nous avons aussi ce «seuil» d’erreurs au collégial. Par exemple, au cégep où je travaille, le seuil minimal est d’une erreur aux 20 mots pour le premier cours, aux 25 mots pour le deuxième cours et aux 30 mots pour les troisième et quatrième cours. En bas de ça, l’étudiant est pratiquement assuré d’échouer. Dès le premier cours de la session, nous faisons écrire un petit texte aux étudiants et tous ceux qui n’ont pas la fréquence minimale d’erreurs sont fortement encouragés à fréquenter une mesure d’aide en français. Ainsi, certains réussiront à augmenter assez leur fréquence pendant la session pour obtenir la note de passage lors de la rédaction finale; les autres se dirigeront plutôt vers un échec.

bobbiwatson a dit…

Vos commentaires pertinents permettent de faire le tri dans la tonne d'informations reçues via les médias. Merci! Vous faites un très bon travail!
Une question s'impose à moi. Est-ce que la ministre est consciente des sommes engagées si son projet se concrétise? Sait-elle quel est le salaire des conseillers pédagogiques? Sait-elle celui des bibliothécaires? Connaît-elle la différence entre bibliothécaires et techniciens en documentation? Sait-elle que le technicien coûte BEAUCOUP moins cher que le 'thécaire et est plus utile dans une école primaire ou secondaire? Il n'y a déjà pas d'argent pour nos écoles (achats de livres, de mobilier, etc)et elle prévoit engager !!! Peut-être aurez vous enfin droit à votre bibliothèque de classe bien organisée!
Beaucoup d'interrogations restées sans réponses.

Anonyme a dit…

L'autonomie professionnelle des enseignants... (introduction juste pour rire)

Il faut bien comprendre le message qui ressort du Plan d'action pour l'amélioration du français à l'enseignement primaire et à l'enseignement secondaire : l'état actuel du français écrit au Québec est dû aux profs en général et aux profs de français en particulier. « Comme les profs ne sont pas capables de faire leur 'job' de prof comme il faut, on va leur imposer quoi faire, on va leur montrer comment le faire et on va contrôler le produit. »

Donner des moyens ou améliorer les conditions de travail des profs en classe - en diminuant le ratio prof/élèves, par exemple - aurait été admettre publiquement que le Ministère a une part de responsabilité et aurait exigé d'importants déboursés, donc politiquement risqué. C'est tellement plus simple de crier «Haro sur le baudet!» lorsque les animaux sont malades de la peste.

«Et puis, sauf quelques 'pseudos', les profs vont se taire et faire ce qu'on leur demande de faire; ils sont habitués d'en prendre!»

Voilà ma lecture erratique du Plan d'action imposé aux profs, imposé parce qu'il s'imposait : «Nos professionnels de l'enseignement vont comprendre que l'urgence ne nous a pas donné le temps de les consulter!»

Mais j'exag-erre...

Anonyme a dit…

Je suis toujours assez d'accord avec vos commentaires mais je ne peux m'empêcher de venir préciser un point de votre analyse.

Quand vous dites que l'écriture d'un texte par semaine peut se faire au primaire, je ne suis pas du tout d'accord, du moins pas au 3e cycle!

Nous n'avons peut-être pas plusieurs groupes, mais nous en avons un généralement au maximum du ratio (j'ai déjà eu jusqu'à 32) et nous avons toutes les autres matières à planifier et à évaluer (depuis la réforme la tâche s'est de beaucoup allourdie à ce niveau).

En 6e, il n'est pas rare que mes élèves écrivent des textes de près de 500 mots ! Alors, je peux vous dire qu'un texte long par étape est déjà beaucoup, alors je ne sais pas comment je pourrais en faire plus ! Je complète l'évaluation de l'étape avec un ou deux textes plus courts, mais ça reste encore que ça demande trop de temps de correction.

Si on exige une telle mesure de ma part, bien désolée, les élèves vont écrire mais, ce n'est pas moi qui va tout corriger, ça c'est certain !

Anonyme a dit…

Merci pour ce commentaire, très intéressant avec lequel je suis entièrement en accord. Je ne pense pas que tous les points au plan d'intervention soient mauvais, mais nombreux sont discutables. Ma seule satisfaction est de constater que mme Courchesne semble être la seule Ministre de l'éducation réellement préoccupée par la situation depuis des lustres qui tente quelque chose (que ses motifs soient ou non électoralistes).
Moi aussi, le silence des syndicats, et autres instances par ailleurs, sur ce plan me surprend grandement ! Tout le monde est en vacances ???

Le professeur masqué a dit…

Zed: merci!

Hortensia: effectivement, tu as raison! Mon copain du collégial va me savonner. Ce seuil existe aussi lors de l'Épreuve uniforme du collégial. Les seuils qui sont établis pour chaque cours sont cependant, je crois, une politique interne.

Puisque tu me lis actuellement, je t'ai réservé un extrait du rapport Ouellon:

Toujours dans l’esprit que la compétence à écrire représente beaucoup plus qu’écrire un texte sans faute et que la maîtrise de la langue écrite dans le contexte social et scolaire actuel exige du temps, le travail de pratique et de réflexion sur la langue ne peut se terminer au secondaire. Il doit continuer au collégial. Le niveau de compétence manifesté par les étudiantes et les étudiants qui arrivent à l’université montre clairement qu’on ne peut plus compter uniquement sur des cours de littérature pour les faire progresser en français à l’ordre collégial. La capacité de structurer des textes de types variés, d’exercer sa vigilance orthographique, de recourir à l’écrit pour structurer sa pensée et la communiquer exige aussi des enseignements qui assureront une meilleure connaissance de la langue française ainsi qu’une meilleure intégration de ses exigences sur les plans de la syntaxe, de la grammaire, du lexique et de l’orthographe.»

Tu en penses quoi?

Bobbi: la ministre a dégagé les sommes pour ces embauches et elles sont budgétées, comme disent les gestionnaires. Rien n'empêche cependant un prochain ministre de l'Éducation de changer d'idée.

Quant à moi, je ne suis pas convaincu quant à l'embauche des bibliothécaires comme vous le soulevez dans votre commentaire.

Prof errant: je partage en partie votre point de vue. On demande aux profs sans rien leur donner.

Sylthony: j'aurais dû écrire «peut davantage se faire». En effet, au troisième cycle, les textes sont plus longs. Dans mon exemple, je parlais d'un texte court.

Un fait m'étonne: écrire 500 mots au primaire alors qu'au secondaire, on commence en exigeant un 250 mots. Ce n'est qu'en cinquième qu'on en exige autant. N'y a-t-il pas quelque chose d'incohérent là-dedans?

Circée: rien n'est parfait, c'est vrai. sauf que j'ai peur qu'on nous épuise en ne nous donnat pas de soutien et en ne resserrant pas progressivement les critères d'évaluation. Corriger des textes de 500 mots bourrés de fautes parce que tout est permis avant, devoir essayer de sauver ces élèves qui n'ont jamais vraiment à travailler devient épuisant.

Anonyme a dit…

En fait, nous exigeons en 6e année autour de 250 mots. Les textes de 500 mots ne sont pas la norme...j'insiste même sur le fait qu'ils doivent se limiter à 250 mots. Ce qui arrive, c'est que j'ai plusieurs élèves très forts qui sont capables d'en faire plus (sans que ça soit bourré de fautes) et je les laisse aller.

Sylvain a dit…

Emmerdant ? Pas du tout mon cher, bien au contraire. Tu (je peux? vu la proximité de nos pensées sur ce sujet !) as su mettre des mots sur l'impression que j'ai depuis le début et qui penche en défaveur de la ministre.

Comme il a été dit, il y a du bon dans certaines des 22 propositions, mais la façon de l'appliquer est très questionnante. Et le débordement ministériel dans l'autonomie professionnelle des enseignants est tout simplement une goutte (ou une gorgée) de trop dans un vase déjà trop rempli... si jamais cela se peut, même si on sait que c'est physiquement impossible.

Premier élément qui est essentiel pour faire mieux (et plus, tout à la fois, possiblement) : diminuer sérieusement le nombre d'élèves par groupe.

Parmi mes 4 groupes d'élèves en français, j'ai le bonheur d'avoir cette année un groupe où ils ne sont que 23. La différence par rapport à un groupe de 32 est vraiment significative ! 20-22, ça devrait être la norme. Maudit qu'on pourrait faire beaucoup plus de chemin avec eux, plus rapidement et plus efficacement !

Hortensia a dit…

Je m’excuse à l’avance à tous tes lecteurs de la longueur de mon commentaire. Je ne pouvais répondre plus brièvement à la question que tu me poses.

D’abord, le passage du rapport que tu me demandes de commenter laisse entendre que les professeurs de littérature n’enseignent pas le français, ce qui est faux, au moins en partie. On ne donne pas de séances de cours entièrement consacrées à l’enseignement de la langue dans les quatre cours obligatoires, mais on accorde quand même à celle-ci la plus grande importance. Tous les travaux demandés dans nos cours sont évalués à 50% sur le contenu, 20% sur la structure et 30% sur la qualité de la langue (mêmes critères que pour l’Éuf). Pour la partie langue, les erreurs sont indiquées à l’aide de codes et les étudiants sont encouragés à faire une démarche d’autocorrection dans laquelle on les encadre (l’importance du temps mis en classe ou à la maison pour l’autocorrection varie selon l’enseignant). J’ajoute qu’il m’arrive régulièrement de présenter pendant les cours des capsules portant sur la langue et je sais que plusieurs collègues le font aussi, même si d’autres s’abstiennent, j’en conviens.

En fait, au cégep, on passe beaucoup de notre temps, dans chacun des quatre cours, à préparer les étudiants en prévision de l’Éuf. Pour ce faire, nos élèves écrivent —eh oui, Madame la ministre— beaucoup (deux ou trois textes de 700 à 900 mots —analyses littéraires, dissertations explicatives et dissertations critiques, selon les cours— par session, plus les travaux pratiques et les exercices divers). Pour être honnête, avec tout le temps qu’on passe à enseigner l’argumentation et la méthodologie du texte, on est nombreux à trouver qu’on manque de temps pour l’enseignement de la littérature et des œuvres proprement dites. De plus, quand on parle des œuvres, quand on travaille les textes des écrivains, on continue de parler de la langue, cela va de soi. Tout cela est en continuité.

Pour ma part, c’est évident que je prêche pour ma paroisse, tu vas dire, mais je pense que les cours de littérature doivent demeurer des cours de littérature et ne pas être transformés en cours de français écrit. Il en va de notre culture générale comme peuple, et elle est déjà assez lacunaire merci. Où alors, si c’est ce qu’on veut collectivement, ajoutons un cours de français écrit obligatoire au collégial. Pourquoi pas? Dans le système actuel, les élèves qui présentent des difficultés en français à leur entrée au collégial doivent normalement passer par le cours de Mise à niveau (plutôt efficaces au cégep où j’enseigne, contrairement à ce que tu affirmais je ne sais plus où) et ils peuvent par la suite continuer leur démarche d’amélioration du français au Centre d’aide en français (celui-ci est toujours occupé à pleine capacité et il se bat pourtant chaque session pour recevoir le financement adéquat. Quand on parle de non-sens...), tout comme ils ont la possibilité de s’inscrire à un cours de français écrit en cours complémentaire. Évidemment, il faut que les étudiants aient la volonté d’améliorer la qualité de leur langue. C’est souvent là que le bât blesse. Il faut donc continuer de leur inculquer dès leur jeune âge la fierté de leur langue, l’envie de bien l’écrire et de bien la parler. Cela n’est pas seulement le rôle des professeurs, on ne le dit pas assez. De la même manière, on aura beau resserrer les critères d’évaluation à tous les niveaux d’enseignement, il faut qu’il y ait une vraie volonté politique de donner du support et des moyens aux enseignants. Je l’ai dit et tu l’as dit aussi, c’est dans ce passage des vœux pieux aux actes que l’on verra si les propositions de la ministre tiennent la route.

Je m’arrête là, même s’il y aurait encore beaucoup à dire, j’ai mon cours à préparer pour demain. N'hésite pas si tu veux que je précise quelque chose.

Le professeur masqué a dit…

Hortensia: je t'ai tendu une perche. Tu l'as saisie. Oui, les élèves écrivent au cégep. Oui, on y enseigne la langue. Oui, de plus en plus, on retrouve des «ogues» qui veulent qu'on cesse l'enseignement de la littérature. Et surtout, oui, il n'est pas normal, quant à moi, que des jeunes qui ont passé 11 années à écrire (primaire et secondaire) soient si démunis quant à la maîtrise de la langue française, qui est souvent leur langue maternelle.

Hortensia a dit…

Je suis entièrement d’accord. En ce sens, les cours de français au collégial devraient permettre la consolidation des acquis à travers l’enseignement de la littérature. On ne devrait pas être obligé de reprendre la base rendu là. Ce serait bien aussi qu’il y ait une meilleure communication entre les niveaux d’enseignement, que chacun soit un peu plus au courant de ce que font les autres.

bobbiwatson a dit…

Même si tout est budgété j'ose espérer que le budget est en fonction de la réalité salariale des futurs employés budgétés.