28 septembre 2008

Le perfectionnisme… envers les autres

Dans ce deuxième billet d’une série de trois, je m’intéresserai au perfectionnisme qu’un enseignant tente d’exercer sur les autres. Car le perfectionnisme qu’un enseignant exerce envers lui-même est bien souvent aussi reporté sur les autres : élèves, collègues et entourage personnel.

En effet, ce métier l’oblige à être constamment en interaction et à développer des comportements qui frisent l’automatisme. Combien de fois corrigez-vous les fautes d’un menu d’un restaurant? Combien de fois êtes-vous sur le point d’appliquer le code de vie à l’extérieur de votre école le soir et la fin de semaine?

Envers les élèves

En poussant les élèves à donner plus que le meilleur d’eux-mêmes, un enseignant peut dévaloriser un jeune en ne soulignant que les aspects négatifs de son travail.

L’insatisfaction du professeur – dont l’élève recherche consciemment ou non l’approbation et le soutien – viendra alors miner la confiance et l’estime de soi de ce dernier. Qu’on ne se trompe pas : je ne suis pas partisan de bercer un jeune dans un monde de douces illusions, mais tout ne peut être rarement que mauvais dans un travail. Pour le perfectionniste, par contre, rien n’est bon, sinon que l’excellence… et encore.

D’autres effets néfastes pourront aussi survenir.

L’élève négligera le travail à effectuer dans d’autres matières pour se concentrer dans celle ou il estime, selon les commentaires de son prof, qu’il est «poche» et finira par insatisfaire tous ses enseignants, développant ainsi l’idée qu’il n’est qu’un bon à rien. Le jeune pourra aussi développer des problèmes d’anxiété et de stress ayant des répercussions importantes dans sa vie personnelle et familiale. Enfin, il pourra s’épuiser à réussir pour finalement s’épuiser tout court.

Les «bébittes» de son prof deviendront alors les siennes. Et comme le mal se nourrit du mal, un enseignant perfectionniste se trouvera encore plus moche du fait que ses élèves ne réussissent pas à la hauteur des attentes et des efforts qu’il a placés en eux.

On pourra alors assister à des affrontements «épiques» entre un prof et ses élèves : ce dernier tentera de les pousser à la réussite pour confirmer en fait la sienne alors que ceux-ci chercheront à se libérer de la tyrannie de la perfection qu’on leur impose et qui les mène à des comportements malsains

Envers les collègues

L’attitude d’un perfectionniste est souvent ambiguë, à l’image de la relation qu’il entretient avec lui-même : il peut souvent dénigrer ses collègues comme les envier.

Généralement, il ne comprendra pas les faiblesses des autres puisqu’il ne se pardonne pas les siennes. Le jugement qu’il exercera sur ses confrères sera à la hauteur de ses attentes personnelles et il n’attendra d’eux pas moins que ce qu’il est prêt à faire lui-même.

Dans un même temps, il enviera les bons coups de ses confrères et pourra aller jusqu’à dénigrer ceux qui lui font de l’ombre, ceux qui sont meilleurs que lui.

Par ailleurs, le perfectionniste acceptera mal les critiques des collègues. À ses yeux, il peut estimer que celles-ci sont injustifiées parce qu’elles sont émises par des gens moins compétents que lui ou tout simplement jaloux. Ou encore, il peut les recevoir comme des blessures parce qu’elles lui semblent pertinentes, ce qui viendra renforcer son dénigrement personnel.

C’est parce qu’il a une image fausse de la réalité et des attentes irréalistes que le perfectionniste finira souvent par créer et entretenir un climat de mésentente avec son entourage professionnel. Il mettra sur le compte de la jalousie des autres ces relations conflictuelles et s’isolera davantage avec son mal-être.

Dans un métier ou les enseignants devraient travailler en collégialité, le perfectionniste devient ni plus ni moins une pomme pourrie qui gâtera le moral d’une équipe de travail.

Envers l’entourage familial

Tout perfectionniste est une plaie pour son entourage personnel et familial. S’il est enseignant et a des enfants, on peut parier que ceux-ci auront l’obligation de réussir à l’école.

En fait, l’enfant devient un élève permanent, un mini-lui qui ne peut décevoir son créateur. S’il échoue à l’école, c’est aussi en tant que représentant symbolique de son parent qu’il subira cette situation qu’on ne manquera pas de lui reprocher à la maison : «Qu’est-ce qu les collègues vont penser de moi?»

Cet enfant se doit d’être meilleur que les meilleurs élèves de son parent puisque ce jeune a le privilège de bénéficier de son enseignement et de sa présence de façon permanente.

L’enfant devient donc le prolongement de l’image du parent enseignant et de sa compétence à bien l’encadrer. Et pour un professeur perfectionniste, il est difficile d’accepter d’être un mauvais parent puisque c’est souvent à cause de mauvais individus de ce genre que les élèves qu’il a sous sa gouverne échouent dans son cours. Il ne peut accepter d’être ce qu’il dénonce.
Enfin, il y a aussi les attentes envers le conjoint. Au-delà des attentes malsaines d'un perfectionniste envers son entourage, un enseignant ne pourra accepter que sa douce moitié ne comrprenne pas sa quête d'absolu pour son métier. De plus, il pourra se montrer intransigeant si le conjoint n'est pas ne maitrise pas aussi bien que lui la matière qu'il enseigne. Il aura tendance à le traiter comme un élève, à l'infantiliser.
Une anecdote: j'ai déjà fréquenté une enseignante du primaire, prisonnière de son métier. Il fallait la voir s'assurer chaque matin, quand je quittais son appartement l'hiver, que j'avais bien mis mes gants et que mon foulard couvrait bien ma gorge. Elle était incapable de tolérer ma manie de porter mes souliers détachés...

Dans un dernier billet, j’aborderai:

Partie 3- Le «control freak»

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Un rapport entre :

« il peut les recevoir comme des blessures parce qu’elles lui semblent pertinentes, ce qui viendra renforcer son dénigrement personnel. »

et

« le perfectionniste devient ni plus ni moins une pomme pourrie qui gâtera le moral d’une équipe de travail. »

Tout un pouvoir, la pomme, hein??? Pas un petit peu trop, tout de même?

Que dirais-tu d'une pomme plus ou moins « poquée » parmi d'autres pommes plus ou moins « poquées », qui pourrait, à l'occasion, pointer vers des standards élevés et agir comme initiateur de défis, à d'autres moments, agir comme éteignoir et à d'autres encore, penser qu'il indique des standards élevés parce qu'ils ne voient pas ceux des autres? Bref un mélange de possibilités parmis lesquelles certaines sont positives et constructives et d'autres moins ou pas.

Je pense que la situation au travail est différente de celle de la vie personnelle. Les gens, au travail, s'ils ont fait d'autres choix de priorités, demeurent sans doute assez indifférents face à l'attitude contrôlante des perfectionnistes à outrance. Ou alors, ils fuient. Ils ont une vie, ailleurs. Ce qui ne va surement pas sans heurter les perfectionnistes à outrance. Pas vrai?

Si on revient à la base... Qu'est-ce qu'on cherche... L'amour. L'amour, l'amour et... l'amour. Sous toutes ses formes.

Être aimé/e pour qui on est et aussi, être aimé/e pour ce qu'on peut devenir. Quelqu'un croit que l'on peut faire mieux? A confiance en nous? Voit tous nos bons coups et y insiste? Souligne quand même les points à améliorer, de manière construcitve? Nous voilà parti pour la gloire. Pas vrai?

L'amour : cet imbroglio qui n'a pas, à mon avis, de phase de départ, d'étapes du genre aime-toi d'abord. Non. Pas reçu d'amour (ou de la bonne manière, au moins un oeu) des parents, les premiers qui auraient dû nous aimer, toute une ostensoir de côte à remonter. Besoin d'aide, possiblement.

Les gens qui nous sont proches ont besoin, tout le temps, de pouvoir compter sur ce genre d'amour-là. Pas inconditionnel, mais à la base, cette confiance que l'on est aimable et qu'on a le potentiel pour faire de son mieux et que cela suffira parce que 100 %, ça ne se dépasse pas. t le 100 5 de l'un n'est pas le 100 % de l'autre. Et que des fois, ce qui serait d'habitude 50 % = à 100 %. Parce qu'on en va pas bien. C'est encore 100 %.

L'amour. Le sens ultime de notre vie. Donc, se placer dedans. Apeurant. Ne pas oublier de s'inclure dans la problématique. Pas facile tout le temps. Angoissant. Troublant. Déstabilisant. Pas vrai?

Voir des sourires et sentir du bonheur chez les autres, et ne pas saboter cela. C'est-à-dire croire que nous, nous, oui, méritons d'être aimé, comme les autres le méritent. Pas touuuus les autres.

Une image « fausse » de la réalité... Ne pourrions-nous pas dire une image déformée à certains égards. Car il y a bien des standards qui méritent d'être exigés. Je ne crois pas que l'image de quiconque soit totalement fausse.

Et toi... tu corrigeais ses erreurs de français, à ta copine?

S'aimer. Il y a des choses qui passent et d'autres non. Le plus difficile est, peut-être, de s'inclure dans la problématique. Bien choisir la personne, en fonction de bien se choisir aussi. Bien nous chosiir dirait-on à l'intérieur d'un couple. Nous : chacun comme entité autonome et l'un l'autre.

Et nous, qui te lisons, qui prenons de notre temps, donc de notre vie, est-ce que nous t'apportons quelque chose...

Suis-je la seule à retourner pour vérifier si tu as apporté quelque rétroaction que ce soit à nos commentaires précédents sur le sujet?

Comment se sent-on face à l'indifférence, l'absence de réponse? Toi, comment tu ressens cela, Prof masqué? Moi, une pomme poquée parmi d'autres, je me sens alors sur le bord de la poubelle.

Heureusement, il y a la vie sans pixels... mais il fut un temps ou la vie pixélisée avait tant d'importance pour moi.

Si on revient ici, si je reviens ici, c'est parce que tu as de l'importance pour moi. Tu le sais, pas vrai?

Mais pas touuuute l'importance. Tu ne seras pas responsable de ma déchéance, Prof masqué... Tu as beau être grand, tu n'as certainement pas les épaules si larges que ça. Hihihihihi!

Et le jour où je sentirai que je viens ici pour rien, ce sera à moi de ne plus venir, comme nos collègues de travail, qui conservent une certaine liberté.

J'aime tes analyses, ton regard en profondeur sur les choses, ta capacité, de plus en plus, à te remettre en question, et même à partager ces remises en question.

Comme plusieurs d'entre nous, tu chemines. Trop de gens ne se donnent pas cette peine.

Bon dimanche!

Zed ¦)

bobbiwatson a dit…

Les élèves, les collègues, l'entourage familial. En dehors du prof il y a un père, un ami, un être social ou asocial (c'est selon). Et les amis eux? Car il y en a, non?

A.B. a dit…

Ma mère est une enseignante à la retraite. J'ai subi toute cette pression dont tu parles. Elle m'a en plus enseigné l'éducation physique pendant 7 ans, soit pendant tout mon primaire.
Elle me faisait pratiquer des exercices avec les cônes de l'école à la maison pour que je n'échoue pas certains tests d'habiletés. Certes, je me prêtais au jeu, mais jusqu'à quel point avait-elle une influence sur mon bon vouloir? Quand on y repense, ça n'avait tellement aucune importance que je puisse contourner des cones avec un ballon de soccer (avec mes pieds, évidemment) dans un laps de temps x. Bref, je me reconnais dans ta dernière section!
Je suis aussi enseignante et perfectionniste, mais j'essaie de ne pas contaminer mes élèves et je dois avouer que je m'améliore dans ce domaine d'année en année. Je suis fière de moi! ;oPPPP

Le professeur masqué a dit…

Zed: parfois, je n'ai pas l'énergie pour commenter et je repartirais de plus belle...

Ma copine me demandait de les corriger dans ses travaux et continuait de les faire après... je trouvais ça décourageant.

Anonyme a dit…

Ne repars surtout pas...

Je fais partie de celles et ceux à qui tu manquerais énormément.

Zed

Jonathan Livingston a dit…

Les perfectionnistes sont bien appréciés parfois des patrons. J'en ai croisé une qui dictait l'agenda (3 autres profs)l'hiver dernier de notre enseignement et vilipendait par derrière nos erreurs bien qu'elle ne nous disait pas tout et nous informait au dernier moment d'exigences importantes selon elle qu'elle imposa dans un examen. Par ailleurs, il ne fallait pas changer une virgule de l'examen sans devoir le justifier comme me l'a rappelé la directrice-adjointe qui ne s'est pas gênée de mettre mes compétences en doute sur la foi de deux bonnes femmes mandatées pour l'excellence de leur ego.

Un homme se sent franchement pris dans les feux nourris d'une logique féminine et n'a plus le choix que de s'écraser. Voilà le dialogue pédagogique avec la perfection. Un néant de silence et un océan de jugement débile... La règle c'est la règle, la loi c'est la loi, gnagnan. On se fout de la réalité.

Avec les perfectionnistes, sans vie personnelle autre que leur métier, adroits manipulateurs survivant psychologiquement à un complexe d'infériorité extrême en faisant en sorte d'établir leur supériorité par de multiples stratagèmes contrôlant en s'associant leur semblable pour tyranniser et dénigrer les autres, dont le méchant mâle autonome et incompétent évidemment, la vie dans les écoles certains jours est proprement détestable.

Personnellement, je suis à nourrir la réflexion que l'école a besoin de réaffirmer des valeurs masculines. Un homme vise l'efficacité, le bien faire, le faire de son mieux, l'effort. Il va même énergiquement demander et attendre l'effort car il sait que l'effort fait avancer. La perfection énerve l'esprit masculin qui sait très bien que la vie ne l'est pas et qu'aucun résultat efficace n'est parfait. Les critiques de femme nous énervent pour cette raison. La perfection est une utopie féminin, comme la beauté et l'harmonie. Pour l'atteindre la femme se tisonne de jugement pour s'améliorer. Les dépressions à saveur de perfectionnisme exagéré est le fait la plupart du temps de femmes... Attention, un homme s'épuise aussi à respecter des normes perfectionnistes extérieurs, mais il va rarement oublier que l'environnement exagère pour se perdre dans le tourbillon de la dévalorisation sans appel. Mais la négation de la nature masculine nous tuent, ça j'en suis sûr. Nos normes scolaires sont actuellement tributaire d'un demi-siècle de dévalorisation active des valeurs masculines par un féminisme de guérilla qui rappelons-le fout 80% des hommes des couples divorcés à la porte en leur enlevant toute influence raisonnable sur la vie de leurs enfants. Les valeurs masculines sont au moins la moitié de la force de l'humanité, elles valent à mon sens autant que celle des femmes. C'est la hiérarchie, la discipline, le besoin de calme pour réfléchir, l'éloignement des distractions et de l'émotion qui a créé peu à peu le confort du monde moderne. Vous voyez ces conditions souvent vous dans votre école? L'école agresse ma nature actuellement, j'y retourne parce que quelque chose en moi croit fermement que les hommes aussi ont de quoi à apporter à l'éducation. Je m'en éloigne aussi parce qu'à l'intérieur de ces murs, pour le moment, on ne peut pas vraiment réfléchir à ce qu'on fait...et je n'ai pas encore trouvé l'antidote aux morsures de serpent!

Le perfectionnisme copine avec l'idéalisme, il commence à être temps qu'une force ramène les pieds sur terre, un esprit pratique, des objectifs clairs, le respect des différences, des personnalités, de l'organisation, de la structure, du respect, de la parole écouté, des actions concrète, de la peinture sur les mur que diable. Comme ça le perfectionnisme tombera malade, ira se faire soigner, au lieu de nous faire suer ou de nous rendre malade!!!

Alors ma foi, je crois prof, que tu cherches un peu à comprendre l'adversaire, je n'ai pas vu le perfectionnisme une seconde en toi. Mais quelqu'un soucieux de bien faire. Faut pas trop oublier de se ménager, retrouver l'égoisme sain qui gère les énergies. Un temps pour le combat, un temps pour le repos..

De Jo à l'autre bout du pays, dans sa vie de goéland.