20 octobre 2008

Une maitresse d'école

Loin de moi l'idée de vouloir partir une chicane, mais la lecture de cette lettre dans Le Devoir m'a surtout convaincu du fait qu'on connait peu ce qui se passe dans les autres classes, les autres écoles, les autres niveaux d'enseignement.

Ainsi, dans ce texte, Yves Waddell réfléchit à la condition des enseignantes du primaire et déplore les faits suivants.

Plus qu'enseigner

Tout d'abord, que la tâche au primaire comprend plus que l'enseignement: «J'ai la même formation universitaire que mes collègues, j'ai même une maîtrise en enseignement, mais, contrairement à eux, je ne fais pas qu'enseigner.»

Désolé, mais je ne fais pas qu'enseigner, moi aussi. Ma tâche n'est pas entièrement consacrée à des activités pédagogiques et d'enseignement.

La tâche absurde que ma direction m'a demandé de remplir peut comprendre de la récupération individuelle, la participation à des comités, la surveillance de locaux et de corridors, des activités parascolaires, des sorties éducatives et j'en passe! Même que ma direction m'a récemment souligné que j'étais responsable de la propreté des pupitres de ma classe et m'a suggéré de demander des produits de nettoyage aux concierges! Rien de moins.

Maintenant enseignant de première secondaire, je laisse même dans ma classe le kit du parfait petit infirmier et une traditionnelle boite de mouchoir pour les nez qui coulent. Comme je n'ai qu'un local de classe, j'ai le bonheur de pouvoir le décorer à ma guise, mais je dois me transformer en préposé à l'audiovisuel quand je veux une télé ou un ordi dans mon local.

Et je ne parle pas aussi de ces élèves de cinquième que j'ai connues et qui avaient besoin de mon écoute parce qu'enceintes ou violentées.

L'univers des enseignants du secondaire reste souvent, lui aussi, «calqué sur l'univers des femmes à la maison» et cela, même si je suis un homme.

Des espaces prévus pour les enseignants

M. Waddell souligne ensuite que les enseignants du primaire sont aliénés en quelque sorte parce qu'ils sont confinés à leur classe et qu'on ne prévoit pas pour eux de véritable bureau de travail.

J'invite ce dernier à venir dans mon école. Les espaces de travail des enseignants sont souvent des locaux de classe dans lesquels on entasse jusqu'à une trentaine de bureaux de profs. Impossible de penser, de lire ou de travailler dans ce lieu. Impossible aussi d'avoir tout son matériel sous la main. Les lieux sont trop exigus.

À tort ou à raison, mes collègues envient les enseignants du primaire avec leur classe et leur 32 élèves. Une d'entre elles a eu cette année un horaire comprenant 4 préparations de cours différentes, 6 locaux différents situés sur trois étages et près de 200 élèves. Méchant marathon en perspective!

Du temps de travail reconnu

M. Waddell ajoute: «Tous les professionnels des autres ordres d'enseignement ont des temps bien définis dans leur horaire pour planifier, corriger, rencontrer les étudiants ou leurs collègues. C'est reconnu. Et nécessaire. Mais, semble-t-il, pas au primaire.»

La réalité est semblable au secondaire, convention collective et réalité scolaire oblige.

Si je suis d'accord avec M. Waddell quant au fait qu'on considère à tort l'enseignement primaire comme un ordre mineur, on ne l'élèvera pas en le comparant incorrectement avec les autres ordres d'enseignement, notamment le secondaire.

Car c'est tant l'éducation primaire et secondaire qui en est réduit à du gardiennage aujourd'hui. La tâche de l'enseignant et les programmes qu'il doit enseigner sont devenus des fourre-tout qui nient presque la notion d'éduquer et d'instruire nos jeunes.

L'enseignant est devenu un concierge, un infirmier, un psychologue, un travail social, un travailleur humanitaire, un vendeur de gogosses pour ramasser des fonds, un amuseur public pour les élèves blasés, un travailleur syndiqué qu'on malmène souvent allégrement avec mépris et j'en passe.

11 commentaires:

bibconfidences a dit…

Je me demande pourquoi j'enseigne parfois... Je pense que je n'arrive pas à fournir à la tâche qu'on me demande cette année. Une classe cycle, dix élèves de troisième, quinze de quatrième, un TED, des cas de déficit d'attention comme partout, deux gros cas de comportement qui n'ont pas été identifiés avant...les fins de journée dans le chaos, les systèmes de gestion de classe inutiles, les notions que je survole pensant qu'elles ont été vues et qui sont en réalité étrangères aux élèves...je termine mes journées frustrée, abattue et avec un sentiment d'injustice et d'incapacité. Je me trouve "pas bonne" et incompétente, je me fais un sang d'encre pour mes petits élèves qui mériteraient un prof parfait et voué sans contrainte à leur parcours académique.
C'est comme ça que j'enseigne. Poussée dans le dos par les évaluations qui se pointent le bout du nez fouineux, ralentie par toutes ces joyeuses tâches et limites que vous énumérez avec réalisme, je me demande comment je vais finir par finir.

Lud. a dit…

On ne peut pas dire que les tâches ne sont pas variées, n'est-ce pas?! Il faut vraiment être paré à toute éventualité, en tant que profs!

Anonyme a dit…

Pour conclure ton dernier paragraphe, comme tu l'as toi-même mentionné...

« Bref, des femmes à la maison » et comme le torchon brule, pourquoi pas « au foyer ».

Je me suis forcée à regarder les actus à la télé, ce soir. On y expliquait que la Grande-Bretagne a rendu accessible ;les dossiers portant sur les UFO. À en juger par les propos sidérants de certains au sujet des écoles et des conditions de travail qui y règent, pas de doute, ils sont parmi nous.

Zed ¦X

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Anonyme a dit…

Après avoir lu le texte de Wadell et le vôtre, j'accroche sur la partie "bureau"...

Je ne peux pas parler pour le secondaire, je n'y ai jamais enseigné. Je peux par contre parler en ce qui concerne le primaire. Combien de fois j'ai été "sortie" de ma classe "subtilement" par un service de garde venu jouer dans ma classe de maternelle, fouillant dans les découpages que j'étais en train de faire pour le lendemain, hurlant, courant dans la classe, mettant tout à sac et en désordre, pendant que deux éducatrices jasaient de café et de télé... J'ai vu des dessins de mes élèves barbouillés par d'autres élèves et me faire dire que je n'avais qu'à les ramasser (alors qu'ils sont chez-moi non??)...

Je ne sais pas comment pourrait se régler votre problème de bureau au secondaire, mais au primaire, c'est simple : sortez-moi les services de garde des écoles. Offrez-leur de beaux locaux hors de l'école. Ce serait bien pour les éducatrices d'avoir leurs locaux, pour les enseignantes de garder possession de leur local et pour les enfants de sortir un peu des mêmes quatre murs...

bobbiwatson a dit…

Quel titre!

Pourquoi les enseignant(e)s du primaire ont-ils tendance à se nommer eux(elles)-mêmes "maîtresses d'école"? Sentent-ils(elles) un besoin si fort d'infantilisation? Il y a 50 ans on avait des "maîtresses d'école". Maintenant on a des enseignant(e)s et/ou des professeur(e)s.

La Souimi a dit…

J'ai enseigné au primaire pendant 5 ans. Je n'y retournerais pas.

Anonyme a dit…

Bobbi,

Et que la maitresse décolle? Hihihi! Certain!

Si je comprends bien le code des professions, le terme « enseignant/e » désigne le/la professionnel/le de l'enseignement du préscolaire, primaire, secondaire et cégep, et celui de « professeur/e » celui ou celle qui enseigne à l'université ou au niveau des études postsecondaires. Pas très clair, donc.

Prof masqué, as-tu lu ceci? J'y ai jeté un coup d'oeil en cherchant à vérifier le code des professions et je crois que cela rejoint ton billet.

Zed

Anonyme a dit…

À propos des «titres» J'aimerais rajouter que...

Je travaille depuis peu dans un cégep et j'ai été très surpris du peu d'implication des profs dans le syndicat (surtout les jeunes). De plus, je me rends bien compte que ce dernier ne milite pas pour que ma scolarité m'avantage (plus élevée que la moyenne) sur le plan salarial et sur le rang. Or nous sommes dans LE MILIEU où l'éducation devrait être reconnue. Si nous-mêmes, en temps que professionnels d'un domaine, nous ne lui attribuons aucune valeur, pourquoi le gouvernement et les membres de la société devraient-ils le faire? En ne reconnaissant pas «réellement» la valeur de l'éducation, alors qu'il s'agit de «notre vocation» nous signifions aux parents, aux étudiants et à nos patrons qu'effectivement, on peut nous dévaloriser et donc augmenter notre charge, nos heures et la complexité de la tâche (tout en réinvestissant ailleurs que dans les classes), nous ne sommes pas importants et que les syndicats, sont aussi pleutres que désunis.

Quelle ironie! Si l'organisation syndicale, à tous les niveaux d'enseignement, permettait «aux plus jeunes» et «aux nouveaux» de dépasser, sur les rangs et sur les échelles salariales, les plus anciens (tout en forçant nos patrons à fournir plus de moyens de perfectionnement et des passerelles pour ces derniers), nous aurions alors le monopole de la définition de l'expertise dans notre milieu (on écoute les chirurgiens , mais pas les profs). Dès lors, grâce à cette concurrence, nous nous ferions respecter et la profession reprendrait du galon. Imaginez un prof d'histoire qui serait aussi titulaire d'une maitrise à l'ENAP, il ferait facilement trembler la direction... Nous pourrions «contrôler» nos écoles et enfin dicter au MEQ nos besoins (exit le MELS) plutôt que nous acharner à résister à ses lubies.

Ne me traitez pas d'idéaliste: en médecine, quand on s'acharne à devenir un expert, à décrocher une spécialité, on surpasse des praticiens émérites. Nous sommes aussi importants que les médecins, pourquoi ne reconnaissons-nous pas entre nous cette éducation? Nous devrions être ses plus dignes ambassadeurs, mais nous sommes les valets de maitres qui la méprisent. Il y a là une contradiction humiliante.

Bref, nous n'avons pas à devenir un ordre professionnel, mais nous devrions agir comme tel.

L'anonyme débutant

Le professeur masqué a dit…

Bibco: personnellement, je pense qu'avec la fameuse équité et le minutage de nos tâches, on a allourdi notre charge de travail, du moins pour les profs qui travaillaient vraiment. Là, je dois couper par rapport à ce que je faisais avant pour faire des conneries de comités et de réunions à la con. Je donnais plus de temps aux élèves avant que maintenant. Et je n'ose penser à mes collègues qui ont des groupes difficiles.

Lud: il ne manque que laver les planchers!

Zed: nanou nanou!

La marâtre: tu vois, c'est là ou je dis que les gens qui enseignent connaissent mal la réalité des autres. Tu as eu la prudence (l'intelligence) de souligner que tu connaissais peu le secondaire. Le texte de Waddell manque de nuances.

Bobbi: non, je pencherais plus pour ds travailleurs syndiqués de l'enseignement...

La souimi: je n'y suis jamais allé non plus et je regrette parfois le cégep...

Zed: je te reviendrai sur ton autre message.

Anonyme: nos syndicats ont aboli l'importance de la scolarité avec les négos sur l'équité. Paradoxal mais qui s'instruit ne s'enrichit pas en enseignement...

Anonyme a dit…

Wow je commence à avoir peur de mon choix de carrière moi là...Y a-t-il encore des profs qui enseignent et qui adorent leur emploi? :S

Le professeur masqué a dit…

Mademoiselle J: je vous rassure: j'aime encore beaucoup mon boulot et mes élèves. C'est le reste dont je ne suis plus capable...