Le MELS dévoilait fin octobre ce que devaient apprendre chaque année nos petits chérubins en français. Ce document - intitulé Progression des apprentissages en français - faisait suite à la promesse de la ministre Courchesne de déterminer clairement les connaissances que les élèves devraient avoir vues en classe chaque année. On remarquera que celui-ci aborde uniquement l'orthographe et la conjugaison. D'autres documents traitant de la ponctuation, la structure de la phrase, les fonctions et les accords seront rendus public plus tard cette année.
Pour la ministre, il s'agit d'une «réécriture des savoirs essentiels contenus dans le programme de français du primaire.» On propose aux enseignants des moyens très classiques pour mémoriser et comprendre ces connaissances : copie de mots, le recours aux règles et la consultation de dictionnaires.
Pour ma part, j'aurais envie de dire «trop peu trop tard». Ce correctif au programme de français s'intègre mal à l'esprit de la réforme et constitue - tant physiquement que philosophiquement - un document à part. L'enseignant devra potasser deux documents de front pour pouvoir s'y retrouver. Pas bon signe...
De plus, on ne se contentera pas de peurs : il est un peu tard pour indiquer ce que les élèves doivent apprendre en français quand le programme existe depuis 11 ans et que tous les manuels et cahiers d'exercices que les enseignants utilisent en classe ont déjà été conçus et imprimés. Va-t-on revoir le contenu de ces derniers avec ce nouvel édit ministériel? J'en doute. on dirait un plaster sur une jambe qui a la gangrène.
Quant à moi, j'ai toujours été réfractaire à plusieurs aspects de la réforme à cause de son esprit rousseauiste: l'élève est intrinsèquement bon et aura plaisir à apprendre des connaissances étendues et variées dans un contexte signifiant.
J'enseigne à des élèves doués qui ont fait beaucoup de projets au primaire, mais la moitié d'entre eux ne savent pas ce qu'est un verbe du premier groupe. Ils ont peut-être développé certaines habiletés, mais leurs lacunes quant aux connaissances de base est parfois ahurissantes.
D'ailleurs, vous seriez surpris de voir à quel point ils ont soif de voir ce qu'ils ne savent pas. Voulant réussir et bien écrire leur langue (une lubie de leur enseignant), ils se sentent démunis devant les tâches qu'on leur demande d'accomplir. Si la grammaire ne leur semble toujours pas amusante, il est apparent qu'elle est devenue utile à leurs yeux.
15 commentaires:
C'est drôle parce qu'à chaque fois que je vois la ministre se mettre les pieds dans ses dossiers de ministre, j'ai l'impression qu'elle mélange les affaires plus que d'autres choses.
Les savoirs essentiels n'avaient pas à être réécris (au primaire, du moins), tout est archi clair dans le programme.
Au lieu de remettre un bulletin aussi nébuleux qu'incompréhensible avec des pourcentages et des moyennes qui ne tiennent pas la route, pourquoi ne pas se baser des modèles de bulletin descriptif qui sont éprouvés? Si nécessaire, on aurait pu les standardiser un peu, mais de revirer bout pour bout tout en gardant la philosophie de la réforme... pas de mausus de sens!
Je vais sortir des bancs d'université avec une vision "réforme" de l'enseignement et j'ai tellement peur de me retrouver à me battre à contrecourant :(
Stagiaire: imagine maintenant que tu sois prof depuis vingt ans et qu'on te donne quelques journées de perfectionnement pour te familiariser avec la réforme...
Prof: ça dépend de ce que tu entends... je fais beaucoup de suppléance et ce que je vois des profs qui ont 10 ans et plus (et même plus jeunes!) d'ancienneté, c'est souvent loin d'être réforme...
Les cp de notre commission scolaire n'arrivent pas à se situer face à ce nouveau document. (Un autre)
Pour ma part, j'avoue que l'idée de ne pas enseigner le passé composé au 2e cycle est assez étrange... Et y a plein d'autres incongruités comme ça.
@Stagiaire,
J'ajouterais.
Imagine maintenant que tu sois prof depuis 10-15-20 ans et qu'un nouveau ayant la/the "vision" vienne t'expliquer ce qu'est la réforme...
Effectivement, tu risques alors de nager à contre-courant.
Comprendre comment on fait de l'escalade est une chose. Se stationner à la base, avec son petit kit North face flambette et expliquer à ceux qui sont à s'arracher les mains à se hisser, haut-dessus de ta tête, quelle est The "Vision" de la patente: le néo va probablement manger quelques piolet sur la tête.
Avec raison.
;-DD
Stagiaire: la réforme, c'est un ensemble de valeurs avant d'être un concept pédagogique et une façon d'évaluer. Il était illusoire d'arriver comme ça avec une telle philosophie et d'espérer l'adhésion des profs en fonction et de plusieurs futurs profs ayant connu l'ancien programme de formation. Ils paratageaient d'autres valeurs, avaient une autre vision de l'école.
Bibco: que je suis surpris...
Peste: mets-en!
C'est un retour au débat d'il y a 10 ans. Rien ne se perd, rien ne se crée, rien ne change!
Bibco: Le seul temps qui doit être vu au 3e cycle est le passé simple, tous les autres sont au 2e cycle.
Unepeste: Je comprends l'analogie, mais on fait quoi? Je ne veux surtout pas arriver dans le milieu et faire la morale "aux vieux profs", mais en même temps, on fait comment pour changer les pratiques?
Prof: aussi vrai que d'implanter ECR que ça été fait avec aussi peu de formation (et tellement vague: j'ai assisté à la formation 1/2 à ma CS et je peux comparer avec ce que j'ai reçu à l'université) sur le terrain. Bien des parents n'y comprennent rien et plusieurs profs auss...
Stagiaire,
Et si les "vieux profs" avaient quelque(s) chose(s) à t'apporter, à toi? Ils ont fait l'unif, eux aussi. Ils ont un peu d'expérience derrière la cravate, n'est-il pas? Ils ont expérimenté sur le terrain une, deux parfois davantage, de ces réformes. J'imagine qu'ils ont une vision un peu plus globale de tout cela.
La présente Réforme, quand bien même on lui mette une majuscule, c'est toujours bin juste une réforme de plus dans notre système d'éducation.
Si j'étais toi, je prendrais mon gaz égal quant à espérer "expliquer" aux vieux profs réactionnaires la Vision qu'ils doivent avoir et/ou les techniques d'enseignement qu'ils devraient appliquer.
Ce n'est pas nager à contre-courant ça, c'est s'attacher un roche après les pieds et se pitcher soi-même dans le fleuve. ;-))
Nous sommes obligé(e)s de faire avec la réforme, anyway. On l'applique et voilà. Personne ne donne de médaille parce qu'on maitrise une nouvelle façon d'enseigner. Come on, faut pas quatre ans d'université pour apprendre ça! ;-DD
Cela dit, pour plusieurs des "vieux profs", les lacunes de la réforme sont plus évidentes, précisément parce qu'ils ont un comparatif. Ils ont vu et enseigné autrement. Ce que les jeunots comme toi - puisque tu traites les autres de "vieux", j'imagine que tu acceptes d'être vu comme un p'tit jeune? - donc, les jeunots n'ont pas la possibilité de voir, d'avoir.
Pas d'expérience, pas de comparatif. Juste l'opinion de profs d'unifs qui 1.: n'ont peu ou carrément jamais enseigné que dans leur milieu protégé et 2. qui sont souvent à la lèche des idéateurs du Mels. Voir en sont à la source.
Parce que un des premier truc que l'on apprend sur le terrain, lorsqu'on a notre classe.. c'est que les visions de puristes ne tiennent pas longtemps la route dans le quotidien. L'Absolu, ses Vérités et/ou ses Visions, c'est gentil dans les livres et les manuels. La Réalité - avec la majuscule ne nous privons pas - c'est réellement (sic) autre chose.
Une peste,
Sois sans crainte, je ne débarquerai pas dans un école en criant que j'ai raison :P
Cependant, la vision que j'ai de l'enseignement est réaliste puisque je la vois tous les jours sur le terrain à l'école de mes garçons entre autre.
Effectivement, je serai dès l'année prochaine une petite jeune enseignante de 29 ans et mère de trois enfants :P J'ai utilisé "vieux profs", mais effectivement, j'aurais dû utiliser "profs avec expérience". Et je ne renis pas cet expérience. Loin de là. Des profs d'expérience géniaux, j'en ai vus et j'espère en voir encore. Mais je vois aussi le contraire...
Je vois souvent des profs qui mettent le frein à des activités intégratrices (ou Réforme) parce que ce serait trop complexes à réaliser, il faut avoir une sacrée tête pour foncer quand on n'a pas l'appui de ses collègues. Oui, ils ont l'expérience et il faut en tenir compte, mais s'il faut baisser la tête parce qu'ils détiennent l'expérience, c'est pas seulement la clientèle qui fera perdre les nouveaux profs...
L'université est quelques (souvent) fois utopiques, mais ça ne veut pas dire qu'il faut tout mettre de côté non plus. Ceci dit, je ne me base pas uniquement sur l'université, je fais mes propres expériences et j'observe beaucoup sur le terrain.
:D
PS: Ma médaille, je la trouve dans les yeux des enfants :)
Je ne veux pas enfoncer le clou.
Existe une mer de différence entre avoir des enfants qui vont à l'école et la vécu quotidien de l'enseignant dans une école.
Ce serait comme penser comprendre la réalité d'une infirmière parce qu'on fait vacciner ses mômes 1 fois par année.
La réalité c'est aussi (surtout!) la gestion de classe, les comités, les réunions, les fausses-pédagos, la planif, les corrections, les activités spéciales, les parents qui débarquent lorsqu'on a - O miracle, un bloc de planif. Tsé, ceux qui savent ce qu'est not' quotidien et qui veulent nous dire comment faire not' boulot.
La réalité ce sont des pia à la pelle - pas juste les remplir, les appliquer aussi, c'est la différenciation dans l'acte d'enseigner. Alors, enseigner c'est souvent mille autres choses qu'enseigner. On 18-20-25 ou 33 mômes devant soi chaque matin. Qui on vécu des trucs depuis la veille. Ça aussi, faut le gérer. Ça peut vous gruger une journée dans le temps de penser: Pourquoi j'ai pas fait avocat?
Alors les activités intégratrices qui prennent 3-4 semaines (et encore!) et qui sont sensément transversalement pertinentes, on ne peut pas en faire 12 dans l'année. Sinon, on ne ferait que cela. Faut enseigner un peu aussi. Y a d'autres techniques, avec moins de découpage et de crayonnage qui ont fait leurs preuves.
D'autant que, pour en avoir drivé quelques unes .. plusieurs enfants se tannent. Parce que tout revient toujours à cela. Ils veulent "autre chose".
Puis non, ce n'est pas une question d'approche. :-)) Parfois, elle sont plates et surtout trop "touffues", ces activités intégratrices si chères au coeurs des Melseux.
And that's it.
Et puis il n'y a pas que les projets! C'est bien beau de penser à rendre ça «le fun» pour les jeunes, mais essayer de passer au travers en ne faisant que ça: BONNE CHANCE! À un moment donné, il faut enseigner aussi et ce que je repproche aux MELSeux dont parle La Peste, c'est d'exclure ce qui était classique et qui pourtant fonctionnait assez bien! (Même s'il y a toujours place à l'adaptation devant chaque groupe, voire devant chaque élève)... M'enfin, ce n'est qu'une petite pas du tout expérimentée qui parle, qui n'a pas d'enfants, ni d'expérience, ni même fini son bac...
J'enseigne au troisième cycle (classe multiprogrammes) du primaire depuis maintenant 16 ans. (Suis-je une vieille ???) Je suis privilégiée d'avoir pu enseigner au même niveau, dans la même école depuis autant d'années. Cela m'a permis de faire plusieurs constations qui ressemblent fort étrangement à vos propos, M Le professeur masqué. Vous l'avez constaté en français, mais le phénomène est semblable en mathématique. Dans une résolution de problèmes, les élèves savent assez bien comment s'y prendre et ce qu'ils doivent faire pour résoudre le problème, mais la plupart sont incapables de faire l'opération de base en mathématique (ex. diviser) pour y arriver.
En effet, c'est plutôt inquiétant. On peut mettre la faute sur la réforme si on veut, mais le malaise tant qu’à moi est beaucoup plus profond. Tant que notre société ne mettra pas l’éducation dans les valeurs prioritaires, on ira de débâcles en débâcles. J’enseigne dans le milieu le plus défavorisé au Québec et je peux vous dire qu’ici, toutes les belles philosophies de nos grands penseurs en éducation en ont pour leur claque. Ce que je constate malheureusement avec le Renouveau Pédagogique actuel, c’est que nous n’avons pas les moyens financiers ni les ressources disponibles pour que cette réforme soit ce qu’elle devait être à la base. En plus, on (en parlant de ceux qui nous poussent à faire le clown devant nos élèves) s’est égaré en route. Résultat : 1-Ceux qui réussissent bien réussissent toujours aussi bien aujourd’hui. 2- Ceux qui réussissent avec grandes difficultés ou qui ne réussissent pas du tout sont toujours dans la même situation. 3- Ceux que l’on considérait comme dans la moyenne, réussissent de moins en moins bien.
Alors, Bravo ! On continue ! On aura une société tellement peu évoluée dans quelques années que ce sera un vrai plaisir à contrôler pour nos dirigeants !
En passant, je viens de découvrir ce blog que je trouve très intéressant. Je vais y revenir !
La peste, je vous aime ! On dirait que sur ce sujet, on partage la même tête !
Parlant de classique et de Melseux, vous êtes au courant que Québec Science présentaient un dossier étoffé sur l'inefficacité des méthodes globales en apprentissage de la lecture? Oui vous avez bien lu inefficacité. Mon dernier billet en parle mais on trouve toute cette information sur Google par une simple recherche! Mais bon, j'ai rassemblé quelques liens intéressants à consulter pour sauver du temps.
Je trouve curieux le manque d'écho de ces découvertes importantes... En France, aussi au USA cette méthode globale est abandonnée progressivement. Ici, silence complet, c'est assez surprenant...
Ca serait cool de répercuter dans la blogosphère un peu ce dossier...
On a beau chialé, si on revoit pas les méthodes, rien ne changera...
M'enfin! Si vous avez du temps, c'est un filon intéressant à suivre ...
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