Tout d'abord, une précision: j'ai fait partie des individus consultés par Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) en ce qui a trait au manifeste sur l'éducation. Cela explique ma réticence à commenter celui-ci puisque je dispose d'informations supplémentaires comparé à un citoyen qui prendrait connaissance de ces idées sur Internet ou par le biais des médias.
Je partage très peu les visions du groupe Legault-Sirois et je ne sais pas encore si je les commenterai. Cependant, je trouvais important de mentionner ce fait avant d'écrire mon billet d'aujourd'hui.
******************
La Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) a rendu public son manifeste en ce qui a trait à l'éducation. Les réactions ont été nombreuses et le débat a parfois pris des allures un peu cheapo.
La réaction de la CSQ
Ainsi donc, tant les enseignants que les commissions scolaires que les parents ont rejeté d'un bloc les propositions qu'on retrouve dans le manifeste sur l'éducation de la CAQ.
Passons rapidement sur la réaction de la Centrale des syndicats du Québec. Il ne faisait aucun doute que celle-ci allait s'objecter à l'idée d'évaluer les enseignants. Cependant, là où le bât blesse, c'est que M. Parent parle au nom de membres qui n'ont été d'aucune façon consultés à ce propos.
Je ne dis pas que la réponse aurait été différente. Je remarque simplement ce déficit démocratique qui existe dans nos syndicats depuis des années: nos représentants ne sont pas des porte-paroles puisqu'ils ont cette fâcheuse tendance à ne pas porter notre parole mais plutôt à nous mettre dans la bouche des mots que nous n'avons jamais prononcés. Un exemple bête de cette habitude syndicale: la Fédération des travailleurs du Québec appuie le Bloc québécois dans les actuelles élections. A-t-on consulté les membres de ce syndicat avant de donner un tel appui?
Vous me direz qu'il existe, par exemple, des élections syndicales où il est possible de voter pour des individus reflétant mieux certaines idées et vous avez raison. Sauf que je m'attends d'une organisation de travailleurs qu'elle ait des standards politiques et éthiques plus élevés que ceux de Stephen Harper.
La réaction de la FCSQ
La réaction de la Fédération des commissions scolaires étaient également prévisibles puisque les propositions de la CAQ affirment qu'il faudrait les abolir et les intégrer à des sortes d'agences régionales. Cependant, les propos de la présidente de la FCSQ, Josée Bouchard, comme le souligne Joseph Facal, constituent une pièce d'anthologie:
Visiblement, ce ne sont pas deux petits fils qui se sont touchés chez Mme Bouchard, mais un gros câble qui a sauté. La position de M. Legault, écrit Mme Bouchard, serait «peu documentée, partielle, populiste, empreinte de préjugés et de clichés». Elle serait aussi «anti-système public», «anti-parents», «anti-commissions scolaires», «anti-équité», «antidémocratique » et contre la «justice sociale».
Si je pourrais moi aussi utiliser les termes «peu documentée, partielle, empreinte de préjugés et de clichés» pour décrire la position de M. Legault, il ne fait aucun doute dans mon esprit que cette réaction aussi virulente de Mme Bouchard s'explique aussi par un conflit personnel entre cette dernière et une membre de la CAQ, la présidente de la Fédération québécoises des directions d'établissements (FQDE), Mme Chantal Longpré. J'y reviendrai d'ailleurs plus loin.
Je trouve cependant incroyable que la présidente d'une fédération d'organismes dont on tolère la représentativité démocratique douteuse et dont l'utilité est fortement questionnée puisse se permettre une telle sortie. Les commissions scolaires ont un grave problème de crédibilité et elles ne semblent pas le réaliser. Qui plus est, alors qu'il serait important pour elles de démontrer leur raison d'être, les CS ont adopté au cours des années une attitude de déni et de suffisance.
Un exemple parmi tant d'autres de la position incohérente de la FCSQ. La CAQ propose que les parents occupent une place plus importe sur les conseils d'établissement des écoles et qu'ils sélectionnent et évaluent les directions des établissements scolaires. Est-ce si anti-démocratique? Pour Mme Bouchard, la seule démocratie valable semble être celle qui fait son affaire.
La réaction des parents
Là où les bras m'en tombent est lorsque je regarde la réaction de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ). Ici aussi, on remarque la présence de porte-paroles qui n'ont pas consulté spécifiquement leurs membres avant de se prononcer aussi durement sur les propositions de la CAQ.
Mais faut-il s'en surprendre? De plus en plus, on commence à mettre à jour les liens parfois quasi incestueux entre les comités de parents et les commissions scolaires. Ainsi, ce matin, le Journal de Montréal citait le cas de la présidente générale de la FCPQ qui a été commissaire scolaire de 1998 à 2007 et aurait occupé un poste d'élue scolaire pendant 20 ans.
Les cheap shot
Tout le débat entourant les propositions de la CAQ concernant l'éducation verse parfois dans ce que j'appellerais la personnalisation des débats.
Ainsi, cette semaine, Rue Frontenac affirmait que la présence à la CAQ de la présidente de la Fédération québécoises des directions d'établissement d'enseignement (FQDE), Chantal Longpré, soulevait pour le moins des interrogations dans le monde scolaire. Pour reprendre les propos de l'article:
«À quelques heures du lancement de la plateforme sur l’éducation du mouvement de François Legault, la présence à ses côtés de la présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement (FQDE) est critiquée de toutes parts. (...) Avant même le lancement, elle est au cœur de la tourmente.»
Je ne sais pas qui la journaliste Gabrielle Duchaine a consulté pour écrire son texte, mais je tiens à la rassurer: le monde de l'éducation n'est pas au bord de la crise de nerfs quand à la participation de Mme Longpré à la CAQ.
Sauf que ce qu'il faut savoir est que les gens cités dans ce texte représentent des associations concurrentes de celle de Mme Longpré tandis qu'il est de notoriété publique que Mme Bouchard, la présidente de la FCSQ, la déteste depuis des années à cause de ses nombreuses prises de position dans des dossiers où les CS n'ont parfois pas le beau rôle.
«Je l’invite à mettre sa face sur des poteaux dans quatre ans, si elle veut faire de la politique. Elle contribue de façon magistrale à la dévalorisation de notre système d’éducation», l'a déjà invitée la présidente de la FCSQ, comme si cet organisme était neutre et ne versait jamais dans la politique.
Dans les faits, honnêtement, je crois que Mme Longpré patine sur une glace très mince. Mais l'idée qu'elle ne devrait ne pas oeuvrer au sein de la CAQ parce qu'elle est présidente de la FQDE me semble mal avisée. La CAQ n'est pas une formation politique, du moins pas encore. Et il me semble que, dans une démocratie, on a encore le droit d'exprimer des idées, de participer à des mouvements sociaux. Au pis, ce sont aux membres de la FQDE d'exprimer leur malaise à leur représentante.
Quant à la menace de Josée Bouchard de ne pas participer au prochain congrès de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement en avril prochain, on voit là un bel exemple de la jugeotte de la dame. Pour ma part, je suis convaincue qu'elle a simplement trouvé là une excuse bien utile pour y aller alors que le vrai respect de ses fonctions aurait pourtant demandé qu'elle s'y présente. Mais quand on fait de la petite politique...
3 commentaires:
Est-ce que les poulets (commission scolaires) vont élire le colonel Sanders (F. Legault)... Leur position ne me surprend pas (je suis tout à fait en accord avec cette position de M. Legault, les commissions scolaire bouffent trop d’argent qui ne se rend pas aux élèves)... D’autre part, je trouve dommage que le manifeste ne prenne pas position sur la réforme (à moins que cette information me soit passée sous le nez sans la saisir...) Je vote pour lui (même si son parti n'existe pas encore...) s'il met la hache des cette hérésie...
Ce n'est pas d'hier que les commissions scolaires sont inutiles.Et pourtant,ces inutiles structures continuent toujours de grossir. J'aimerais bien que quelqu'un m'explique comment il se fait que personne n'ait pensé à les faire maigrir un peu à défaut de les abolir?
Gaspillage de ressources!
Je n'ai pas votre expérience ni toutes vos lectures, mais je soulèverais deux choses, la première concerne votre propos sur le rôle de l'exécutif des centrales et l'autre concerne l'évaluation des enseignants.
Vous semblez vous plaindre du déficit démocratique quand l'exécutif d'une centrale prend position, mais est-ce qu'une centrale n'a pas des principes clairs qui lui permettent justement de prendre position pour défendre l'intérêt de ses membres dans le débat public? Avec ce qui arrive au Wisconsin et nos conservateurs d'ici qui s'inspirent du mouvement Tea Party, l'intérêt des travailleurs québécois est clairement menacé, la CSN a dit « bloquez Harper », la FTQ a dit «pour ce faire, votez Bloc ». Le but d'être membre d'une grande centrale n'est-il pas le rapport de force que procure le plus grand nombre? En contrepartie la présidence intervient en votre nom quand elle le juge nécessaire pour vos intérêts.
Si Harper rend inconstitutionnel la formule Rand (et il aurait la témérité de le faire) on serait mal barré.
Autre élément, Legault n'a-t-il pas abandonné à mi-mandat? Ne nous a-t-il pas couté une élection? Belle façon de faire de la politique en parlant d'économie. Il veut revenir par une autre porte et pourtant il a déjà été ministre de l'éducation, cherchez l'erreur. Il veut payer les profs 20% plus cher (donc 10% après impôts, je présume que c'est brut son affaire...), mais les évaluer selon la «performance».
Parlez-moi d'un critère qui n'a pas sa place en éducation, la «performance» du privé ne s'applique pas en éducation, on ne parle pas de la même chose, mais comme les chiffres sont neutres, donc mesurables, on veut montrer qu'on est capables d'être des champions de la gestion.
Entendez-moi, je suis d'accord avec l'idée d'évaluer les profs, mais pas à l'aune des critères qui viennent du privé et encore moins de l'ancien patron d'Air Transat. Elle était peut-être rentable, mais comme client, c'était nul pas à peu près. Pourtant, sur papier, ça doit avoir l'air très bien. Et on voudrait adopter cette méthode pour l'éducation?
J'ai jamais entendu Legault citer un poète, faire référence à un savant illustre ou sortir une boutade de Churchill. Cet homme n'a pas de vision de l'éducation sinon qu'une vision de comptable, de gestionnaire. Il pourrait faire une job pas mal au conseil du trésor, mais de grâce, on n'a besoin de tout sauf de quelqu'un qui reconduit la maudite «nouvelle gestion publique» en éducation.
D'ailleurs, il vaut s'attaquer aux commissions scolaires et il n'a pas eu les couilles de réformer la formation des enseignants du secondaire pour remettre les disciplines au centre? Il a lâché une fois, il lâchera encore.
Enregistrer un commentaire