09 avril 2011

Samantha, pu capable!

Le Québec a sa victime du mois et elle s'appelle Julie X, connue sous le nom de Samantha Ardente. Elle aurait été congédiée par la commission scolaire qui l'embauchait sous des motifs qu'elle estime illégaux. En se basant sur la loi, celle-ci a peut-être raison, mais là où j'ai un petit problème est concernant tout le débat à propos de cette affaire et du manque de jugement de la dame.


Confusion entourant certaines notions


Ainsi, je ne peux m'empêcher de constater qu'on galvaude considérablement la notion de vie privée ou personnelle dans le cas de Samantha Ardente. Certains disent que cette agente administrative a droit à sa vie privée. C'est vrai, comme tout citoyen canadien.


Prenons le cas du conseiller syndical Steeve Veilleux qui estime que la décision de la CS est une atteinte à la vie privée: « On va déposer un grief dans les prochains jours, puis on va demander à un arbitre de trancher la question, sur la base qu'elle n'a pas commis de geste illégal, puis elle a fait des choses dans sa vie privée qui se sont retrouvées publiques, mais on va étayer notre argumentaire dans les prochaines semaines en prévision de l'arbitrage », explique-t-il.


Mais peut-on parler de vie privée dans le cas d'une actrice porno rétribuée pour ses performances sur vidéo? La notion de vie privée indique bien qu'elle est «privée». Or, ici, on a bien affaire à un individu qui, même si elle ne voulait pas en faire un métier, avait une certaine carrière de pornstar dont elle n'a pas parlé à son employeur et à son entourage. Il faut bien naïf de croire qu'on a une vie personnelle quand n'importe qui ou presque peut avoir accès à du matériel pornographique nous mettant en scène sur Internet. Et encore plus naïf de penser que notre vie personnelle peut n'avoir aucune conséquence sur notre vie professionnelle.


Par ailleurs, il y a un monde de différences entre tourner un vidéo coquin pour l'écouter avec un proche et participer, moyennant rétribution, à un film comprenant des scènes de triolisme et compagnie pour qu'il soit ensuite vendu au grand public via Internet. On est loin des «vidéos osés» dont parle le Journal de Montréal! Quand on tourne des films XXX commerciaux diffusés sur le net, on n'est définitivement plus dans le domaine de la vie privée mais bien dans celui d'une vie publique. 


Peut-on mener ces deux vies de front, soit travailler dans un organisme public, plus précisément une école fréquentée par des adolescents, et être pornstar? Il est remarquable que Mme Ardente ait refusé de répondre à une question en ce sens lors d'une entrevue à Jean-Luc Mongrain alors qu'on touche ici le noeud de tout ce débat. 


C'est là qu'on entre davantage dans une dimension plus morale. On peut difficilement parler d'une erreur de jeunesse puisque Mme Ardente reconnait elle-même que ces vidéos ne dataient que de quelques mois. 


Les valeurs morales


Chaque entreprise, chaque organisation est régie, implicitement ou non, par un code moral. L'école québécoise, par exemple, préconise des valeurs éducatives et condamne l'hypersexualisation des jeunes et les abus de nature sexuelle. Or, il ne fait aucun doute que les vidéos de Mme Ardente dépeignent la femme sous un jour hypersexualisé, pour ne pas dire plus. En agissant ainsi, elle ne respecte sûrement pas la mission éducative de l'école où elle travaillait et les valeurs qu'on souhaite y véhiculer. 


C'est d'ailleurs ce que lui reprochait son employeur: ««Nous considérons que les faits et gestes ayant conduit à cet incident sont inappropriés, inacceptables et incompatibles non seulement avec notre mission, mais aussi avec les valeurs que nous souhaitons transmettre à nos jeunes élèves.»


Si on s'attarde plus spécifiquement à deux des scènes tournées par cette dernière, on remarquera certains faits troublants. Dans le premier cas, l'agente administrative incarne une propriétaire de condo dont un couple mixte d'acheteurs «abuse» sexuellement de la naïveté sans en subir de conséquences. La belle nounoune constate qu'elle s'est fait avoir et on passe à la scène suivante!


Dans un autre cas, plus problématique celui-là, Mme Ardente se transforme en «croqueuse de nymphettes». Qu'on me comprenne bien: qu'une femme mature vive son trip de young lesbian porn, c'est son affaire. Mais qu'elle y prenne part à titre d'actrice dans une vidéo commerciale avec une jeune femme surnommée Dolly Princess, c'est plus que douteux, surtout si on travaille dans le monde scolaire. 


À ce sujet, on remarquera ici les doubles standards de jugement. Dans le cas de Samantha Ardent, on ne dit rien de ce tournage. Mais si on avait eu affaire à un homme, il est fort à parier que les réactions auraient été tout autres et beaucoup plus enflammées.   


Le contact avec les jeunes


L'agente administrative travaille justement dans un école et il est faux d'affirmer, comme certains l'ont fait, qu'elle n'est pas en contact avec des jeunes. 


Ainsi, je me demande comment l'adolescent à l'origine de cette histoire a pu la voir, l'identifier, se rendre sans difficulté jusqu'à son bureau et lui demander un autographe. De plus, à ce que je sache, la pornstar n'arrive pas téléportée chaque jour à son bureau. Elle utilise des aires communes et la cafétéria, par exemple.


Le fait qu'elle avait accepté de changer de lieu de travail et de renoncer à tourner d'autres films montre bien la problématique de sa vie cachée au sein d'une école. Ce n'est d'ailleurs pas pour ces raisons que Mme Ardente a été congédiée puisque la CS et elle avaient convenu d'une entente sur ces points précis. Ce dernière affirme: «J'ai accepté la majorité des engagements. Je m'étais même engagé par écrit de ne plus faire de films pornographiques. J'avais accepté mon déménagement et j'avais accepté une suspension.»


En fait, c'est à propos d'autres considérations que la commission scolaire et Samantha ne se sont pas entendues, ce qui a mené à un congédiement qui sera contesté.  


Un dossier mal géré


Madame Gagnon a-t-elle le droit d'être agente administrative et pornstar?  Légalement peut-être, on le verra plus loin, mais, moralement, la chose est hautement discutable si on s'en tient aux valeurs de l'école et aux types de scènes dans lesquelles cette dame a «joué». 


L'employeur a congédié l'actrice en se basant sur l'article 6.1 de la politique de communication de la commission scolaire qui indique que tout employé a «le devoir de faire preuve de respect et de loyauté à l'égard de la commission scolaire et de contribuer à son développement et à sa réputation».


Or,  tout en ne respectant pas la mission éducative du milieu où elle travaillait, Mme Ardente a caché à son employeur des informations qui pouvaient causer des préjudices à l'institution. Elle a, en quelque sorte, brisé un lien de confiance qui l'unit à son employeur. Est-ce suffisant pour la congédier?

Sans doute pas. D'autant plus qu'on lui demandait de respecter un code vestimentaire et de restreindre certaines de ses activités«C'était impossible pour moi de me montrer en public en maillot, d'avoir des photos sur Internet, donc Facebook pour moi ce n'est plus possible. C'était vraiment contrôler ma vie. Il y a de choses que je ne pouvais pas contrôler, donc j'aurais été congédiée.»


Mais on comprend principalement que son employeur n'avait plus aucune confiance en son jugement. D'ailleurs, qui voudrait d'elle dans cette CS alors qu'elle a révélé dans plusieurs entrevues qu'elle a accordées à droite et à gauche le contenu de certaines réunions qui devaient demeurer apparemment confidentielles? Par exemple, en entrevue avec Paul Arcand, elle dit : «Écoutez, je ne suis même pas supposée en parler...» Et elle en parle! Oups!


Dans la même veine, la dame semble ne pas cultiver l'art de la discrétion et de se faire des amis en déclarant en ondes: «Je vous dirais honnêtement qu'il y a un complot avec une enseignante de l'école, pas de mon école mais d'une autre école. Donc, pour ce dossier-là, je vais m'en charger personnellement.»


En passant, Samantha, qui ne veut pas qu'on révèle son  identité, aurait avantage à s'assurer qu'on ne la désigne pas par son nom complet en entrevue.


Juste comme ça.  Ce n'est d'ailleurs pas la seule incohérence de tout ce dossier...

3 commentaires:

Félix Tremblay a dit…

Assumer, c'est ce que la plupart des gens ont de la difficulté à faire. Avant de se lancer en porno, on s'interroge profondément!

Ce que les jeunes ont comme perception de la sexualité est devenu horrible, imaginez ce que l'étudiant qui a demandé un autographe a pu visionner sur le web.

Les «shows» qu'a donnés Mme Ardente ne sont pas dignes de ce qu'un commission scolaire prône comme valeurs, si l'on se base sur les informations données pas les médias.

Essayez d'avoir une vie de type privé par la suite, difficile non?

Le congédiement imposé à la dame est correct selon moi...

bobbiwatson a dit…

Cette jeune femme qui avait décidé de "faire du porno" pour des raisons qui me semblent personnelles (vu qu'elle a accepté de ne plus en faire) subit les conséquences de ses gestes et elle assume. OK!

Mais le jeune homme de 14 ans ..... quelles conséquences a-t-il eues? Si l'accès au porno lui a été facile, peut-être pourrait-il expliqué comment il a fait? Où sont ses parents?

Comme c'est lui qui a déclenché l'histoire je pense qu'il devrait aussi avoir des conséquences à son geste. Ne pas savoir garder sa langue est une première offense.

Et je n'excuse pas madame Ardente en disant cela.

imaginezautrechose a dit…

Je suis bien d'accord avec vous Professeur masqué, pour dire que dans cette histoire, on ne peut plus parler de vie privée à partir du moment où on a choisi de s'exposer dans la vie publique (faire de la porn qui est publiée sur Internet relève définitivement de la vie publique). Alors l'argument de la séparation vie privée/vie publique ne tient pas le coup.
Même chose, je dirais, pour quiconque publie n'importe quoi sur Facebook. À partir du moment où cela est publié et où des dizaines ou des centaines de personnes ont accès aux informations publiées, on ne parle plus de vie privée, mais de vie publique. Je trouve aberrant que l'on soit rendu à confondre, même pour soi-même, pour sa propre vie, ces deux notions. Plus on avance dans cette ère technologique, plus j'ai l'impression que les gens n'arrivent plus à tracer la limite entre les deux vies. Les contours de chacune s'estompent, se confondent dangereusement. Cela ne peut mener qu'à des dérives...