12 août 2011

Frais exigés aux parents: un scoop?

On fait grand état ce matin (ici et ici) d'une entente survenue entre des parents et la commission scolaire des Seigneuries, parents à qui on aurait exigé des frais illégalement en ce qui a trait à l'achat de matériel scolaire relié notamment au français (dictionnaire, recueil de conjugaison, roman). Passons rapidement sur cette situation (que j'ai déjà commentée ici) pour aller sur ce qui serait un scoop.

Ainsi, à la suite d'une plainte d'un parent basée sur la Loi sur l'instruction publique, une commission scolaire de la couronne nord de Montréal demanderait maintenant à ses écoles de ne plus facturer quel que montant que ce soit aux parents pour des sorties ou des activités scolaires ou parascolaires. Tout se devrait d'être gratuit et, si on exige une contribution des parents, elle devrait être formulée sous forme de contribution volontaire uniquement.

On comprend que cette nouvelle politique pourrait avoir plusieurs impacts, dont celui d'entrainer la suppression des activités tenues les années précédentes. En effet, quel enseignant voudra organiser une activité alors que le financement conditionnel à la tenue de celle-ci n'est pas garanti? Quelle école voudra financer à même son budget des activités alors qu'on sait le manque criant d'argent dont certaines disposent déjà? Quels parents accepteront de payer pour une activité à laquelle prendra part leur enfant si le voisin peut refuser et voir la participation du sien payée par l'école? Il ne faut pas oublier que les écoles  seront tenues d'offrir ces activités à tous les enfants, que leurs parents aient payé ou non pour celles-ci.

Cette nouvelle directive touchera-t-elle également les programmes particuliers comme les programmes sport-étude ou PEI, par exemple? Je doute que les écoles aient les moyens de payer l'inscription des enfants à des organisations internationales. La situation demande à être éclaircie, mais une porte de sortie existe peut-être à la page 4 de ce document du MELS:

«Pour ces services, la commission scolaire peut exiger une contribution financière de l’utilisateur (art. 258), mais il faut d’abord qu’une personne choisisse d’utiliser ces services pour qu’une contribution soit exigible. Il ne s’agit donc pas de services dont les frais peuvent être imposés à tous.»

Je comprends qu'au Québec, l'éducation se doit d'être gratuite et qu'on a assisté à des dérives. Sauf qu'actuellement, si on ne procède pas à une réflexion en profondeur des frais exigés aux parents, on risque de se retrouver avec un réseau public donnant un service gratuit mais appauvri dans les classes ordinaires, un réseau public donnant un service payant et enrichi dans les programmes particuliers et un réseau privé subventionné par l'État et plus attirant pour une certaine catégorie de parents. Tous les efforts faits pour créer des programmes concurrençant le secteur privé pourraient, quant à moi, être cependant compromis si la Loi n'est claire quant aux frais qu'on peut y exiger. De même, il faut également réfléchir à comment l'argent est dépensé en éducation. Il y a trop de cadres qui vont en voyage et pas assez d'enfants qui vont au théâtre gratuitement.

J'ai également du mal à comprendre que des parents acceptent de payer une multitude de frais en santé pour leurs enfants mais que l'éducation gratuite doive encore demeurer une vache sacrée. Ce discours est aussi empreint d'hypocrisie quand on pense aux hausses des frais de scolarité au cégep et à l'université. Bien sûr, ces frais touchent des jeunes adultes, ce qui me donne à penser que certains parents ne veulent pas payer pour l'éducation de leurs jeunes enfants et ne font plus rien quand la facture ne les concerne pas directement.

Enfin, si je peux me permettre, j'ai assez hâte de voir des parents contester autre chose que des factures et   des mesures disciplinaires données à leurs enfants. Également, je me demande ce que vont faire certains de nos beaux organismes culturels qui ont dénoncé le boycottage qu'avaient effectué les enseignants des activités parascolaires il y a quelques années. Il leur a été facile de «bucher» allègrement sur les profs. Comment vont-ils réagir maintenant avec les CS et le MELS qui sont ni plus ni moins d'importantes vaches à lait? Je termine en rappelant que je cherche à vérifier l'affirmation voulant qu'en Ontario, une bonne partie du matériel scolaire des enfants est payée par l'État et non les parents. Un journaliste? Un enseignant? Quelqu'un?


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En passant, saviez-vous que:

L’IMPOSITION DE CERTAINS FRAIS EXIGÉS ET
L’UTILISATION DE CERTAINES PRATIQUES SONT À
REVOIR. EN VOICI UNE LISTE NON EXHAUSTIVE :
• les frais pour l’entretien des instruments de musique ;
• le dépôt exigé pour les manuels scolaires et remis à la
fin de l’année ;
• les frais pour l’achat d’une flûte ;
• les frais pour l’achat d’une calculatrice graphique ;
• les frais pour l’achat de romans, de bibles ;
• les frais pour l’achat de dictionnaires et de grammaires ;
• les frais pour un changement d’horaire ;
• les frais pour la reprise d’épreuves d’établissement ou
d’épreuves officielles ;
• les frais d’inscription pour un projet particulier ;
• l’obligation de louer ou d’acheter un cadenas ;
• le refus de remettre l’horaire aux élèves qui n’ont pas
acquitté leurs frais scolaires ;
• la retenue du matériel scolaire dans le cas des élèves
qui n’ont pas payé les frais dus.

(source: MELS)

7 commentaires:

unautreprof a dit…

Oh PM, ton texte touche une corde sensible.
J'ai la «chance» de travailler en milieu défavorisé et d'avoir un 20.00 par élève alloué pour les sorties scolaires. Étant en ville, on privilégie les sorties en transport en commun pour minimiser le coût. L'an dernier, on a fait une sortie de plus et on a demandé 4.00 par élève.
Tous les parents ont payé et si on avait eu de la difficuté pour 1 ou 2 pour des raisons financières, on aurait épongé, d'une façon ou d'une autre.
Notons que j'ai 1 parent sur 2 qui est sous le seuil de la pauvreté et pourtant, pas de chialage.

Tu remarqueras que, généralement, les parents qui partent en guerre ont les moyens de les payer ces frais. La gratuité n'est pas réelle. Il faut cesser de prétendre qu'elle l'est. Il n'en reste pas moins que si certaines écoles exagèrent peut-être, ce n'est pas le cas partout, j'aurais même tendance à penser que ce n'est pas souvent le cas.

Nous, on demande 50,00 par élève pour les cahiers, matériel d'art, etc. Bon, l'an dernier, si on ajoute le 4,00$, on a réclamé en tout 54,00$.

Dans ma classe du PRIMAIRE, j'ai près de la moitié de mes élèves qui ont un cellulaire. J'ose à peine imaginer la proportion au secondaire, en milieu aisé, de plus (quoique maintenant, cet appareil semble être une nécessité absolue pour une grande majorité). Les parents, donc, ne rechignent pas à payer un montant X par mois pour un téléphone, mais dès que vient le temps de payer pour l'école, certains chialent.

En fait, la plupart des parents paient sans problème.

Le professeur masqué a dit…

Autre prof: c'est souvent une question de priorité, crois-moi. On retrouve des familles avec des cellulaires pour tout le monde, mais pas un seul dictionnaire ou une grammaire.

L'ensaignant a dit…

autreprof, je te rejoins pour les cell. et les frais pour les sorties et je suis d'accord avec PM pour la question des priorités.

Je suis embarqué sur le C.E. de l'école de mes filles comme parent cette fois-ci et j'ai choisi comme cheval de bataille les frais de scolarité. Dans le milieu où j'enseigne, la moyenne pour les cahiers est d'environ 50$ par élève. Dans mon quartier de l'Ouest de l'Île, où nous sommes pauvres avec deux salaires de profs à comparer avec notre voisinage, la facture s'élevait à près de 100$ par enfant.

Après quelques discussions qui m'ont valu de gros yeux de la directrice et même, croyez-le ou non, de la présidente du C.E., j'ai réussi à faire adopter un plafond de 80$ pour l'année scolaire 2010-11.

Par un pur hasard du destin, tous les enseignants de cette école ont réussi à arriver à 80$ pile avec un petit astérisque indiquant des frais supplémentaires de 5$ par élève pour l'agenda.

Ton billet m'interpelle beaucoup, PM, comme d'habitude et tu peux être certain que chaque membre du C.E., si j'y suis réélu, recevront copie du document du MELS.

Tant qu'à me faire haïr... ;)

unautreprof a dit…

PM: Oui, je sais. Je veux bien être ouverte d'esprit, mais ça me dépasse. Totalement.
J'ai eu durant 2 années une stagiaire. Ça vient avec un budget. Tu aurais dû me voir dévoiler un jour à la fois un nouveau livre pendant 2 semaines... le plaisir des élèves et le mien.
Bof.

Je suis idéaliste je suppose. POur moi, un dictionnaire, des livres, l'éducation, tout ça, c'est la liberté. Le cellulaire lui, c'est la fin de la tranquilité. Du moins, pour moi.

Bof.

Priorité qui n'est pas la mienne.

bobbiwatson a dit…

Chaque année, depuis des lustres, les problèmes de frais exigés font ravages. Quand le MELS donnera aux écoles les argents nécessaires pour leur fonctionnement, et non aux commissions scolaires, il y aura probablement moins de parents frustrés. Et ceux-ci achèteront les romans à l'étude à leurs enfants, sans monter aux barricades.

Un petit message à la ministre, PM?

Anonyme a dit…

Cher PM,

Vous devez avoir de beaux yeux pour obtenir ce genre de scoop...
Suis-je dans le mille?
À moins que vous ne soyez un as du baiser?

Je suis curieuse...

Paola ;)

Anonyme a dit…

Les flûtes et les tablettes graphiques sont déjà payées par l'école depuis quelques années ainsi que les grammaires et dictionnaires. C'est probablement la raison pour laquelle il y a si peu de dictionnaires dans les écoles: elles manquent d'argent. Il faudrait que les CS coupent leurs congrès à l'extérieur et leurs artifices sociaux: ça permettrait de récupérer beaucoup d'argent qui pourrait être utilisé intelligemment.