21 février 2008

Des nouvelles masquées

À la veille de la semaine de relâche, j'en profite un peu pour donner quelques nouvelles de mon monde. Certaines sont scolaires, d'autres plus personnelles.

Ma bibliothèque de classe

Comment tuer une idée permettant de faire lire davantage des élèves? En n'appuyant pas les initiatives des enseignants. L'exemple de ma bibliothèque de classe illustre bien à quel point certains gestionnaires de l'éducation gestionnent et ne manquent des occasions de donner un coup de pouce aux initiatives significatives.

Résumons. Au début de l'année, je commence à prêter des livres aux élèves de mes classes. Je les range dans mon armoire à dictionnaires, un vieux truc en métal tout rouillé et pas du tout invitant. Comme j'ai quelques jeunes assez curieux, je réussis à leur faire lire du Orwell, du Baillargeon, du Carroll, du Sénécal, du Pelletier, du Werber, du Zemiatine... et ils en redemandent! Sauf que l'emballage manque d'attrait et de fini.

C'est dommage, mais il est plus facile d'attraper des mouches avec du miel qu'avec du vinaigre. Alors, je fais la demande à ma direction si elle peut trouver une bibliothèque vitrée dont on peut barrer les portes quand je ne suis pas là. Elle me répond que mon projet est intéressant et qu'elle tentera de satisfaire ma demande.

Le temps passe et j'accumule les livres dans des boites de carton en attendant d'avoir un meuble ou les ranger. Le temps passe et rien ne se passe. Rien ne se passe sauf le temps. Je ne refile plus maintenant mes bouquins qu'à quatre ou cinq élèves alors qu'en début d'année, l'intérêt était plus grand.

Il y a quelques semaines, j'ai renouvelé ma demande en parlant dans le vide. Dans le vide sidéral du gestionnaire qui punche comme un employé syndiqué dans une shop de saucisses.

Hier, au hasard de mes promenades dans ma grande école, devinez quelle vision s'offre à mon regard d'épieur professionnel? Celle d'une bibliothèque aux portes vitrées qui traîne dans le fond d'un local administratif. Vide. Vide comme l'espace qu'on retrouve dans la tête de certains gestionnaires. Couverte de poussière. Inutile. Tout aussi inutile que mon projet de bibliothèque de classe, je le comprends maintenant.

Bordel d'inefficacité organisationnelle!

Un de moins en classe

La semaine dernière, nous étions un de moins en classe. Et ce n'était pas un de mes élèves qui était absent.

Vous vous souvenez de Maude, cette élève qui était venue me demander son aide parce qu'elle était tombée enceinte? Elle s'est fait avorter. Solide, battante. Avec une formidable capacité à amener les gens à la surestimer...

Je me suis informé sans m'imposer. La travailleuse sociale suivait le dossier, le père de l'enfant l'a accompagnée. Je me suis informé sans insister. La délicatesse me demandait de la laisser faire les premiers pas tout en montrant que j'étais là pour elle.

Ses parents ont appris la nouvelle quelques jours avant l'avortement. Après quelques instants de déception et de colère, ils ont compris les craintes de leur fille et ils l'ont épaulée. Imaginez vivre une pareille épreuve sans pouvoir partager avec sa mère et son père.

Maude prend du mieux. Comme il s'agit d'une élève très faible en français, je la couve, je la réconforte et je la guide pour qu'elle puisse réussir son année. Solide. Battante. Travaillante.

Elle a le meilleur prof du monde. Celui qui fera tout pour qu'elle puisse réussir. Elle le mérite. Comme tous mes élèves, d'ailleurs.
Prof masqué au concert

Hier soir, Prof masqué était au concert des Glorieux de l'Orchestre symphonique de Montréal. Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais à Prof malgré tout. Et en écrivant ce billet, je comprends pourquoi. Je parle musique classique pour une rare fois sur ce blogue!

Trois oeuvres étaient au programme, mais la foule n'en avait que pour la dernière au programme: Les Glorieux de François Dompierre. Les musiciens de l'OSM aussi, il faut croire, puisque l'interprétation des deux premières oeuvres étaient plutôt décevantes, surtout dans le cas de Satie que j'apprécie grandement.

La soirée a véritablement pris son envol avec ce récit symphonique et la présence de certaines des légendes du Canadien de Montréal. Des musiciens qui font la vague, Kent Nagano qui dirige ses musiciens avec la Sainte Flanelle sur le dos: l'atmosphère était sympathique et bon enfant. Quand deux institutions montréalaises s'unissent pour célébrer un événement important, on ne peut que se réjouir.

J'ai assisté au concert avec mon chandail blanc du Canadien. Blanc, comme le veut la tradition, parce que nous étions à Montréal.

Ein Heldenleben opus 40 (Une vie de héros) de Richard Strauss
Sports et divertissements d'Érik Satie
Les Glorieux de François Dompierre

Relation paternelle dans la tourmente

Je devais assister à ce concert avec Fille masquée, mais rien ne va plus depuis deux semaines. Quand une relation avec sa fille est viciée par une mère possessive et centrée sur elle-même, il ne reste pas toujours beaucoup de place pour un père qui a dû toujours faire des compromis au risque de perdre sa propre crédibilité aux yeux de son enfant.

Sauf que Père masqué a décidé de cesser de faire des compromis et que sa fille ne comprend pas pourquoi, ne comprend pas cette attitude nouvelle, ne comprend pas pourquoi son père préfère ne pas la voir que de se faire engueuler par une mère qui ne songe qu'à sa personne.

Et puis, Fille masquée, si elle a les défauts de son père, a aussi ceux de sa mère. Incapable de souplesse. Douée pour se mentir à elle-même.
On oublie l'idée d'aller au hockey ensemble. J'irai avec le beau-père. Il saura apprécier.

Je ne peux ni ne veux tout expliquer. Mais j'ai le coeur triste, vide et inutile. Je pense aller le poser dans une bibliothèque que je connais.

14 commentaires:

Monsieur A a dit…

Cher professeur masqué,

J'adore vous lire. Je ne commente pas souvent, sinon jamais, mais je vous lis toujours depuis les deux derniers mois.

Merci pour ce billet d'abord critique, ensuite touchant, et ensuite... encore plus touchant.

Contre la gestion, on n'y peut rien : big brother nous regarde. Par contre big brother ne regarde pas plus loin...

Votre dévouement envers Maude est remarquable, sous votre masque de professeur se retrouve un grand coeur d'être humain.

Grand coeur qui a le coeur gros...

Anonyme a dit…

Cher professeur masqué,

Pour tout de suite, je ne peux que t'offrir un câlin d'amitié. De la super nulle en offrande, qi ne sait quoi t'offrir de mieux, de plus et encore moins comment.

Les enfants, c'est du long, long terme. Quand à la base il y a de l'amour clairement exprimé et une communication pas trop mal, malgré toutes sortes d'obstacles et d'erreurs, l'amour finit par retrouver son chemin. Car Fille masquée va développer ses propres qualités et ses propres outils critiques, de plus en plus. Et à ce moement-là, c'est elle qui décidera.

Je sais bien que cela ne te
console pas pour l'instant. Mes pensées, portés par le rescpect que je te porte, t'accompagnent.

Zed

Hortensia a dit…

Bibliothèque
Tu devrais te l'approprier.
Tu dois bien être capable de soudoyer quelques gros bras pour aller la chercher?
Je suis sûre que ta direction n'oserait rien dire.

Maude
Ça doit te soulager que ses parents soient au courant.
Tu ne seras pas le seul à la couver. Elle devrait mieux s'en sortir.

Je suis désolée que tu sois triste.
Je sais que tu avais bien envie de cette sortie avec ta fille. J'espère aussi que ta relation avec elle se replacera bientôt.
Tiens, une fois n'est pas coutume, je te fais la bise ce soir. Et si tu poses ton coeur dans la bibliothèque, n'oublie pas de la verrouiller.

Anonyme a dit…

J'ai trouvé votre coeur sur la bibliothèque, je l'ai lu, et il n'est pas vide et inutile.

Sylvain a dit…

Cher Masqué,

ce matin, à la lecture de ce billet, toute ma compassion ("souffrir avec" - ou "passer avec") est avec toi. Il est de ces moments où le temps est gris qu'on dirait que cette couleur absorbe toutes les autres...

Mais il sera de ces moments où le soleil percera ces nuages, où la pleine lune sortira de son éclipse, toujours temporaire, éphémère... Et la lune brillera dans la nuit, et le soleil réchauffera le coeur triste au matin, laissant ses rayons rencontrer ceux d'une certaine bibliothèque poussiéreuse qui attend de recevoir et de sentir bon les vieux livres...

Une femme libre a dit…

Votre fille ne devrait pas avoir à payer pour les chicanes entre sa mère et vous. On ne sait pas les dessous de l'histoire évidemment. Je compâtis avec vous et avec votre fille aussi, autre victime innocente d'une vendetta parentale. Rien ni personne ne devrait vous empêcher de voir votre fille. Un peu de chiâlage maternel? Et puis après? Je suis certaine que vous en avez vu d'autres. Laissez couler comme sur le dos d'un canard et allez-y avec votre fille voir le hockey car c'était pour elle que vous vous étiez procuré ces billets et vous vous faisiez une telle joie de sa joie.

bobbiwatson a dit…

Votre billet a su éveiller les poètes qui sommeillent dans vos intervenant(e)s ...
Que votre semaine de relâche en soit une qui met en pratique la définition du mot "relâche".
Bonne semaine!

bibconfidences a dit…

Semaine de relâche ou du lâcher prise.
Nos ados plus ils nous font suer, plus on n'en peut plus et plus on a mal de n'en plus pouvoir parce que malgré tout et tous notre amour pour eux, lui, ne connaîtra jamais de relâchement.

Mía a dit…

Monsieur Masqué,
Merci.
Les étudiants oublient trop souvent que leurs profs sont des êtres humains, moi la première. Votre fille n’est pas au courant à propos de ce blogue, pas vrai? Peut-être ne serait-il pas une mauvaise idée quelle le lise, histoire qu’elle sache qui est son père, vous ne croyez pas?
Pour ce qui est des problèmes de gestion! SEIGNEUR DIEU! Je comptais écrire un texte prochainement sur mon blogue qui raconterait les déboires que subissent actuellement une bande de fous, dont je fais partie, qui tentent d’instaurer une vraie démocratie étudiante dans leur collège de fou.
Idéalisme quand tu nous tiens!
Mía

Le professeur masqué a dit…

À chacun et à tous: Je ne me sens pas la force d'écrire sur certains uejts de ce billet. J'y reviendrai bientôt.

Anonyme a dit…

Cher Professeur Masqué, je fais mes débuts comme lecteur de votre blog, mais déjà, je suis accroché!


« Bibliothèque »
Je suis heureux de voir que des professeurs ont le coeur et l'audace de proposer des projets innovateurs et pertinents, le tout, afin de mieux servir les élèves.

Je veux moi aussi devenir professeur (probablement au collégial, mais peut-être aussi à l'université) et il me fait plaisir de voir que certaines personnes pourront me servir d'exemple, lorsque j'aurai envie d'instaurer ce genre de projets, ou encore lorsque je voudrai en faire plus pour mes étudiants.

Merci de tout coeur Professeur, et à bientôt!

Le professeur masqué a dit…

Monsieur A: merci de manifester votre présence. «On écrit pour être lu», disait mon prof de journalisme.

Big Brother a la vue basse. Comme un rhinocéros.

Zed; je prends le câlin et tu n'es pas nulle. Vendredi dernier, j'ai failli «virer une brosse», une chose qui remonte à il y a vingt ans. Sauf que la tristesse n'est pas soluble dans l'alcool. Pour Fille masquée, il y a 15 années d'éducation qui nie ma présence. J'ai comme un doute.

Hortensia: pour la bibliothèque, j'ai fait des approches stratégiques. À mon école, tout a une code barre pour identifier les objets et les endroits ou ils doivent être. Big brother...

Pour Maude, disons qu'elle aussi est soulagée! La travailleuse sociale fait un excellent travail avec elle. Mais mon dieu que les jeunes vivent des moments difficiles, parfois

Pour la bise, je la prends! Pour mon coeur, j'ai l'impression que la poubelle lui irait mieux. Heureusement, il y a Blonde masquée et les amis.

Anonyme; Si vous avez lu mon coeur, c'est qu'il braille. Elle n,est m^me pas drôle. Elle est juste triste.

Sylvain: Gris, dis-tu? Je pencherais pour noir ultra absorbant. Noir fâché. Noir déception. Noir amertume. Noir pas d'espoir à l'horizon. J,aimerais être guilleret mais la sotuation avec ma fille me pousse vers le bas.

Une femme libre et Bibco: Il n'y a pas de chicane entre la mère de ma fille et moi, qu'une profonde et immuable rancoeur. Ma fille n'est victime de rien. Elle a les valeurs égoïstes de sa mère.

J'ai fait la gaffe de rester quand sa mère m'a annoncé qu'elle était enceinte. Depuis ce jour, je suis le père de trop. Celui qu'on méprise et qu'on abuse. Voilà un peu l'héritage qu'elle a transmis à ma fille et contre lequel je ne veux plus lutter.

Une anecdote, tiens, comme ça. Fille masquée a fait des photos de mode et a déjà posé pour un magasin connu. Les affiches, les posters se sont retrouvés partout, grand-mère maternelle, grand-père paternel, chum de la mère. En fait, il n'y a qu'une personne à qui on n'en a pas offert. Et ma fille trouvait cela normal.

La double négation. Joue ton rôle de père, mais seulement celui que j'ai décidé pour toi. À un moment donné, si tu décides de ne plus respecter ces paramètres pour ta propre santé mentale, on t'éjecte.

Je le sais: le tableau manque de nuance. Mais quand tes blondes te quittent parce qu'elle trouve la mère de ta fille trop «dérangeante», c'est un signe. Enfin, je ne sais pas. Je ne sais plus, à vrai dire, et il faut croire que je ne veux plus rien savoir de certains «mindgames».

Mia: les profs sont mauditement humains. Et les bons profs encore plus. Ma fille connaît ce blogue. il ne l'intéresse pas. cela fait partie du problème d'ailleurs.

Blogue: votre pseudo m'a fait rigoler. il faut beaucoup d'humour en éducation. N'hésitez pas à venir jeter un oeil ici et sur tous les blogues de mes confrères que j'ai mis en lien!

Hortensia a dit…

Pour la bibliothèque, ne lâche pas le morceau.

Quant à ton coeur, ne le mets pas à la poubelle tout de suite. Même s'il a un peu servi, je suis sûre qu'il peut encore t'être fort utile. ;-)

Anonyme a dit…

Bonjour monsieur!

Je lisais votre blogue pour la première fois, je rigolais un peu des guerres d'école, des guerres de bibliothèques, vous êtes intéressant et divertissant.

Mais quand je lis quelque chose sur une fille, et une mère, et la rancoeur, ça vient tout de suite me toucher. J'aime les pères. Je suis avec un père qui n'a pas sa fille assez souvent, elle est toute jeune, et j'espère qu'il ne sera jamais triste pour vos raisons. La mère est terrible. Je la déteste. Dérangeante et trop présente. Mais bon, je suis une blonde forte, on dirait, et j'espère que votre Blonde masquée l'est aussi, et qu'elle vous permet d'oublier vos soucis souvent souvent.