06 avril 2008

De l'évaluation des connaissances

Pour faire suite à ce dernier billet, j'ai eu une longue discussion avec l'adjoint jaunâtre sur les raisons l'incitant à ne pas fournir un lecteur optique pour la correction d'examens à choix de réponses.

Ce qui en est ressorti est une crainte viscérale et très émotive que les enseignants évaluent des connaissances autrement que par le biais d'épreuves d'évaluation des compétences. Or, comme on l'a vu, il est faux de croire que l'évaluation des compétences entraînent automatiquement l'évaluation rigoureuse de certaines connaissances. Avec un peu de débrouillardise, certains élèves s'en tirent allégrement sans même connaître les grands principes de la grammaire de la langue, par exemple.

Mais il faut évaluer les connaissances dans une épreuve décontextualisée parfois! Or, cela ne sourit guère à nos gestionnaires qui ne savent pas s'occuper de la neige sur les toits de nos écoles mais qui veulent nous montrer comment enseigner et évaluer. Vous auriez dû voir leur mépris devant le plan de la ministre Courchesne sur le français et leur sourire en coin quand on parle de dictée.

Mais pour être bien certaines d'empêcher les enseignants d'utiliser des épreuves autres que celles qu'elles veulent, des directions d'école retirent certains outils des mains des enseignants. C'est le cas du lecteur optique, par exemple. Chez nous, on invoque des raisons informatiques, mais une école voisine de la même commission scolaire en dispose d'un sans aucun problème. Quelques-uns de mes collègues font maintenant des tests à choix de réponses qu'ils corrigent eux-mêmes, alourdissant ainsi leur charge de travail. Comme s'ils en avaient besoin!

Dans la même veine, la CS a modifié les logiciels dans lesquels nous versions nos notes au bulletin afin de s'assurer que les enseignants ne puissent effectuer un cumul de résultats obtenus durant l'étape. On ne peut y entrer qu'une cote (une lettre) qui est ensuite transformée en note (un pourcentage). La cote est basée sur le jugement professionnel de l'enseignant qui estime si l'élève atteint ou non les objectifs du programme.

On n'a jamais vu, à mon école, autant d'élèves évalués de façon aussi disparate. Les critères de notation sont flous et le jugement professionnel varie d'un individu à l'autre. Dans une classe de douance, j'ai des élèves qui ont obtenu des cotes excellentes en deuxième année du secondaire et qui peinent maintenant à obtenir l'équivalent d'un 40% dans une épreuve de production écrite. Je n'ai jamais connu de situation semblable en 15 années de métier. Et je ne parle pas de leurs connaissances grammaticales parfois inexistantes. À quoi sert un déterminant, par exemple. Au fait, c'est quoi un déterminant?

Afin de continuer à cumuler des résultats, quelques-uns de mes collègues ont découvert le logiciel Excel et s'en servent pour calculer une note à laquelle ils croient qui entreront sous forme d'une cote et qui sera ensuite reconvertie en note.

J'ai donc discuté pendant une heure avec l'adjoint jaunâtre. Il connaît ma réputation d'enseignant qui est loin d'être mauvaise, mes approches pédagogiques que des stagiaires et des conseillers pédagogiques ont déjà qualifié de «réforme», mon souci d'équiper les jeunes de moyens et de stratégies pour réussir en écriture, le continuum logique dans lequel s'inscriraient ces épreuves. Mais malgré tout cela, malgré qu'on ne puisse pas corriger un texte avec un lecteur optique (le rêve parfois, quand on y pense!), il a peur. On nage dans la croyance, la foi et l'irrationnel.

Le lecteur optique est un instrument démoniaque, porteur de tous les maux de l'éducation. Qu'on se le dise!

16 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans un autre milieu, je sais pourtant ce que c'est que d'avoir à se battre pour travailler, juste pour faire convenablement son travail, bien sûr pas reconnu. Contre tous les paliers, qui eux, ne cessent de se multiplier. Contre le manque de matériel. Contre...

Pas un patron, dix patrons. Même pas le gout d'en parler. C'est oui, déprimant.

Ce qu'est un déterminant? C'est un truc qui précéderait un NON, s'il n'y avait pas la « vie » à payer. Pourtant, c'est un travail intéressant, à la base.

Zed

Gooba a dit…

J'ai aussi beaucoup apprivoisé Excel, cette année. Je suis pas mal pro maintenant avec toutes ces notes que j'ai entrées... Je sais même comment faire des moyennes! :o)

Le professeur masqué a dit…

Zed: actuellement, on doit motiver les élèves, ne pas se faire crucifier par les parents, corriger comme des malades, vivre avec une réforme et avoir des patrons jaunâtres. Heureusmeent qu'il y a des moments de bonheur!

Gooba: t'es pas réforme! :))

Lud. a dit…

J'ai l'impression qu'au lieu d'avancer on recule sans cesse. Pour le meilleur on fait le pire. Qui trouve sens à cela?

La Souimi a dit…

Gooba, tu n'as pas besoin de Excel avec "le renouveau pédagogique". Tu te donnes du trouble pour rien... C'est si simple et tellement juste... Ce que les jaunes nous disent, c'est de garder des TRACES. L'évaluation doit se faire à partir de traces et non pas de chiffres. Après, chaque trace doit correspondre à une lettre et ensuite, on regarde la ligne de lettres, on en déduit celle qui correspond le mieux au "portra" et on convertit cette dernière en chiffres. Des chiffres et des lettres... Le compte est-il bon????
...N'est pas jaune qui veut...

Gooba a dit…

Pourtant, je suis comme toi, cher Prof masqué, on me dit Réforme, moi aussi. Il doit y avoir des trucs que je ne comprends pas. Pas assez brillante, la fille.

Comme le commentaire de Souimi. Elle me perd, c'est du vrai chinois! ;-)

bibconfidences a dit…

Ma position sur les évaluations est déjà connue, toute cette supercherie du nouveau bulletin au primaire se doit d'être mise au grand jour...il semble que vous soyez maintenant prêt à en faire les frais vous aussi au secondaire...Pourquoi diable ne peut-on pas trouver une façon d'évaluer et connaissances et compétences? Me semble qu'on commence, au primaire surtout, à avoir des connaissances et ensuite, on les applique à développer des compétences. Comment peut-on être compétent si on ne connait rien, dites-le moi?!?

Le professeur masqué a dit…

Lud: tu ne connais pas la célèbre phrase «Avancez en arrière!»

Souimi: je reviendrai sur l'évaluation et toutes ces chinoiseries des jaunes dans un autre billet.

Gooba: cette façon de nous prendre pour des cons...

bibco: actuellement, les pro-réformes croient que l'évaluation des compétences mesure aussi les connaissances. Et nos syndicats qui veulent la mesure des connaissances craignent qu'on nous oblige à mesurer des connaissances en plus des compétences, ce qui augmenterait notre charge de travail.

Anonyme a dit…

Tout d'abord, je voudrais vous suggérer un petit changement, pour votre pseudo. Vu le travail astronomique de travail que vous devez abattre, en plus de la bêtise bureaucratique que vous devez endurer, je crois que le titre de Super-Prof-Masqué vous conviendrait mieux! ;)

Je peux comprendre votre découragement face à des initiatives bêtes et inutiles venant de gestionnaires, j'ai à faire face à ce genre de choses dans le cadre de mon travail (je suis aussi un fonctionnaire, mais de niveau municipal).

Plus je vous lis, et plus je me demande si je ne ferais pas mieux de compléter un baccalauréat en enseignement, en plus de ma maîtrise et de mon (futur) doctorat, tous deux en littérature. À moins que je n'ait tout simplement à suivre une formation de gestionnaire, question de pouvoir raisonner comme eux... Que faire???

La Souimi a dit…

Je crois que c'est voulu, Gooba. C'est ce que j'ai retenu des journées pédagogiques alors que nous avions des ateliers sur les évaluations selon la fameuse réforme. Ça parle avec une langue de bois et nous, on ne comprend rien. Puis faut patauger dans ce "li sinwa" après.

Le professeur masqué a dit…

L'éponge: en fait, nous sommes deux, mon clone et moi.

Suggestion: vaut mieux éviter l'enseignement au primaire ou au secondaire à moins de vraiment aimer le contact avec les jeunes.

Souimi: langue de bois, mets-en!

Jonathan Livingston a dit…

L'évaluation par compétence, c'est la rigueur émiettée qu'on balaie sous un tapis...

(Petit commentaire court pour faire changement!)

bobbiwatson a dit…

J'ai une prof de maths dans ma famille qui enseigne en deuxième secondaire après un séjour syndical. Elle aime enseigner à ce niveau mais elle déteste l'évaluation. Elle me dit qu'il y a tellement de "mots pour rien dire" dans l'évaluation de fin
de cycle!!! Elle est d'accord avec le fait que les connaissances ne sont pas les principales à être évaluées.

A.B. a dit…

«On nage dans la croyance, la foi et l'irrationnel.»
Amen! Je le répète: le renouveau, c'est une religion. Le lecteur optique est probablement l'un des sept péchés capitaux «réformés». Décourageant!

Anonyme a dit…

Professeur Masqué,

Connaissez-vous le logiciel NetQuizz pro?. Il est gratuit et, installé sur site Internet, il permet des évaluations comme vous le souhaitez.

Qui plus est, les exercices peuvent être fait de n'importe quel poste informatique.

Le plus beau c'est qu'il vous permet de choisir plusieurs types de question. Il permet même la correction de dictées.

Mieux encore c'est vous qui choisissez si l'exercice en question est de nature formatif ou sommatif.

Si vous voulez plus de détails, vous savez, je croism, comment communiquer avec moi.

Et tout mes excuses à votre directeur adjoint.

bobbiwatson a dit…

Dans une famille il y a une hiérarchie implicite.
Une école se targue d'être une famille! Où est la hiérarchie? Sans père ni mère une famille ne peut avoir de noyau. C'est ce qui manque à notre système scolaire, à notre école de quartier actuelle.