19 mai 2008

Fif en trois lettres, fif en trois paragraphe

À la demande de Zed.
J’ai passé presque les vingt premières années de ma vie à être fif. C’était écrit dans mon front, dans mes habitudes, dans mon caractère. Vingt longues années à être fif parce que j’étais différent et qu’il fallait nommer ce dont on avait peur, parce qu’il fallait insulter ce qu’on ne comprenait pas. Et le terme le plus haineux qu’utilisait la bouche des enfants qui m’entouraient, des adolescents qui se méfiaient, des jeunes adultes qui me rejetaient, c’était fif.

Sensible? Nerveux? Curieux? Ouvert? Naïf? Émerveillé de la vie, des mots, des romans? Non. Fif. Trois lettres. Un seul mot. Un seul jugement. Comme une croix sur laquelle on nous cloue. Comme une étoile rose que l'on nous force à porter. Même quand je baisais leurs blondes excédées lorsqu'elles les plaquaient. Même quand elles soupiraient dans mes étreintes. Fif. Prononcé comme une pustule qu’on crache. Encore et toujours.

Certains en meurent de ces trois lettres. D’autres en restent marqués à jamais. Je ne suis ni mort ni stigmatisé. Mais je ne souviens et je refuse pour les autres, pour ceux qui m’entourent, pour ceux à qui j’enseigne.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci, Prof masqué...

Tu sais, je sais moi aussi ce que c'est que de se sentir différent et blessé par le regard et le rejet des autres. J'admire le fait que tu te dévoues autant à éviter cette horreur à tes jeunes. Vraiment.

J'ajoute ton billet avec grand plaisir.

Zed

Marie-Piou a dit…

Je viens de lire tes deux derniers billets, et j'ai des frissons...

OUF!

Merci!

bobbiwatson a dit…

Les frissons sont offerts gratuitement avec la lecture des deux derniers billets. La prime offerte, c'est le retour en soi sur ces sujets.

A.B. a dit…

J'adore ce billet. L'un de tes meilleurs jusqu'à présent à mon avis. Encore! ;O)

Anonyme a dit…

billet très émouvant,

sinon, ça n'était pas une étoile rose, mais un triangle rose ...


une fille, qui de temps en temps se dit qu'elle a eu de la chance d'être une fille pour avoir le "droit" de se comporter "comme une fille" (les guillemets sont importants)

Jonathan Livingston a dit…

Il est clair que d'être différent à l'adolescence est difficile. Un certain nombre de jeunes hommes développent un caractère androgyne, comme beaucoup de jeunes femmes d'ailleurs. Cependant, l'affirmation chez les jeunes hommes de leur virilité naissante éclabousse d'autres jeunes. Sans avoir pris du fif sur la tronche, je dirais que je n'ai commencé à respirer socialement que le jour où je suis arrivé à l'université où j'ai trouvé de mes semblables, des jeunes cultivant d'autres valeurs plus semblables aux miennes.

Je remarque qu'avec la baisse de l'autorité des parents, les jeunes ont souvent des comportements de hordes primaires pour se montrer qui tape le plus fort. C'est masculin.

Il manque encore et trop de discipline masculine où le besoin d'affirmer sa virilité est pacifié dans des couloirs de discipline. Un enjeu de la masculinité est d'apprendre à maîtriser ses forces.

Bon, je tiens aussi un discours pour ouvrir mes jeunes au respect des différences. L'humanité a besoin de toutes les contributions. N'empêche qu'il ne suffit pas de parler.

Enfin, je pense que la différence qui mène au rejet est le destin de plusieurs. La nécessité de surmonter cette épreuve est l'école informelle de la vie de ces êtres spéciaux. On ne peut pas adoucir tellement ce processus. L'originalité a ses compensations aussi.

On peut prêter une oreille, raconter son histoire, accompagner discrètement et gérer évidemment un certain respect de convenance dans le cadre de notre rôle. Mais en dehors de l'école, il y a la vie...

Le professeur masqué a dit…

Zed: je me suis assez battu quand j'étais. J'ai assez pleuré que jamais des attitude intolérantes ne seront permises dans ma classe. Ça fait partie de l'éducation.

Marie-Piou: c'était pas le but, mais je vais rpendre le merci.

Safwan: on paie parfois cher nos expériences de vie et notre sagesse.

Anonyme: et encore! Les filles sont très dures entre elles.

Jonathan: chez nous, on commence quasiment à avoir des hooligans.