Les deuils ne viennent jamais seuls, semble-t-il. Cette fin de l'année scolaire 2007-2008 en sera une preuve indubitable.
Il y a tout d'abord ces élèves de cinquième qui quitteront bientôt la grande école secondaire pour aller, pour la plupart, au cégep. On s'attache à ces petites bêtes avec qui on vit au quotidien, vous savez. Dans le cas d'un groupe, plus particulièrement, nous avons même traversé la perte d'un élève en cours d'année il y a deux ans. Certaines épreuves resserrent les liens. Et puis, je suis ce genre de prof intense qui aime connaître ses élèves, qui les bardasse à l'occasion et qui n'est jamais mais jamais indifférent.
Déjà, je les regarde et je sais que, d'ici deux semaines, ce quotidien n'existera plus. Les fous rires, les petites blagues, les regards complices, tout cela disparaîtra pour renaître sous forme de souvenirs. J'essaie de capturer chaque moment, chaque parcelle de sourire pour les imprégner là ou ils ne meurent jamais. À l'occasion, j'amène l'appareil-photos. Ils aiment bien cela. Surtout me photographier pendant que je fais le clown...
Il m'arrive de conserver des liens avec mes anciens élèves. En fait, ce sont eux qui me relancent. Ils viennent souvent me visiter à mon école comme si j'étais un parent, un ami qu'on voit à l'occasion. Par la magie d'Internet, certains m'écrivent et me parlent de leurs études, de leur mariage. Ouf... On prend décidément un coup de vieux dans ce temps-là.
Ce deuil, je le vis chaque année. J'y suis habitué même si on ne s'y habitue jamais vraiment. Non, ce sont plutôt les autres événements qui appesantissent les choses.
Par exemple, le deuxième deuil est empreint de culpabilité. Il s'agit d'un groupe de troisième secondaire que je devais normalement reprendre l'année prochaine mais qu'avec mon changement de poste, je ne pourrai conserver. Oh! il y aurait moyen de s'arranger avec la direction, mais je ne veux pas de deux préparations et demie et de choses compliquées. On ne peut pas plonger dans une piscine en gardant un pied sur le tremplin. Et je fais un grand saut l'année prochaine.
Je me sens coupable par rapport à ces gamins parce que je devrais être leur prof pour deux ans. Certains n'ont pas quitté cette classe de douance à cause d'enseignants un peu fous comme moi. Je ne leur ai pas annoncé la nouvelle parce que je ne m'en sens pas encore prêt. Ils me parlent de l'année prochaine, de ce que nous ferons ensemble, de combien ils ont appris cette année et ils apprendront encore plus avec moi l'année prochaine. Ils se réchauffent à mes sourires. Ça me fend le coeur et comme il n'est pas déjà vaillant...
Ce matin, j'ai réalisé que je devrai leur annoncer la nouvelle avant la fin de l'année. Cette semaine sûrement. Je leur dois l'honnêteté. Un moment difficile mais nécessaire. Sauf que je ne peux pas faire le contraire de ce que je leur enseigne: l'effort, le meilleur de soi-même. Qu'en pensez-vous?
Enfin, le troisième deuil, ce sont mes collègues d'enseignement. Les naufragées de la Méduse. Je quitte vers un local de profs de premier cycle ou j'ai déjà une réputation de grande gueule surfaite, ou le fait que je vienne de la cinquième sera un puissant handicap. Je devrai adopter le profil assez bas, merci. Un autre changement. Mais, pour l'instant, ce qui m'importe, ce sont mes collègues actuelles. Elles (bien oui!) ont passé la journée de vendredi à me taquiner. Elles me suggèrent déjà de préparer mon kit de prof de première secondaire: de la colle, des ciseaux à bouts ronds, des mouchoirs, des mouchoirs et encore des mouchoirs...
Nous sommes allés diner ensemble et l'une d'elles a même offert le champagne, mon péché mignon. J'ai gardé la bouteille en souvenir. Mon école est grande, trop grande. On risque de peu se voir l'année prochaine. Sauf que, de toute façon, la direction songe à relocaliser ce local de profs de deuxième cycle en plaçant mes collègues un peu partout. Mauvais exemple de gestion pédagogique sur lequel je reviendrai sûrement. Une certaine séparation aura déjà eu lieu. Mais pour l'instant, là encore, je thésaurise, j'accumule, je me remplis.
Des deuils donc. Certains nécessaires. Et ex-madame masquée qui me manque et qui ne reviendra pas. La vie est remplie de nouveaux départs. Et je n'ai pas toujours l'âme d'un coureur.
Il y a tout d'abord ces élèves de cinquième qui quitteront bientôt la grande école secondaire pour aller, pour la plupart, au cégep. On s'attache à ces petites bêtes avec qui on vit au quotidien, vous savez. Dans le cas d'un groupe, plus particulièrement, nous avons même traversé la perte d'un élève en cours d'année il y a deux ans. Certaines épreuves resserrent les liens. Et puis, je suis ce genre de prof intense qui aime connaître ses élèves, qui les bardasse à l'occasion et qui n'est jamais mais jamais indifférent.
Déjà, je les regarde et je sais que, d'ici deux semaines, ce quotidien n'existera plus. Les fous rires, les petites blagues, les regards complices, tout cela disparaîtra pour renaître sous forme de souvenirs. J'essaie de capturer chaque moment, chaque parcelle de sourire pour les imprégner là ou ils ne meurent jamais. À l'occasion, j'amène l'appareil-photos. Ils aiment bien cela. Surtout me photographier pendant que je fais le clown...
Il m'arrive de conserver des liens avec mes anciens élèves. En fait, ce sont eux qui me relancent. Ils viennent souvent me visiter à mon école comme si j'étais un parent, un ami qu'on voit à l'occasion. Par la magie d'Internet, certains m'écrivent et me parlent de leurs études, de leur mariage. Ouf... On prend décidément un coup de vieux dans ce temps-là.
Ce deuil, je le vis chaque année. J'y suis habitué même si on ne s'y habitue jamais vraiment. Non, ce sont plutôt les autres événements qui appesantissent les choses.
Par exemple, le deuxième deuil est empreint de culpabilité. Il s'agit d'un groupe de troisième secondaire que je devais normalement reprendre l'année prochaine mais qu'avec mon changement de poste, je ne pourrai conserver. Oh! il y aurait moyen de s'arranger avec la direction, mais je ne veux pas de deux préparations et demie et de choses compliquées. On ne peut pas plonger dans une piscine en gardant un pied sur le tremplin. Et je fais un grand saut l'année prochaine.
Je me sens coupable par rapport à ces gamins parce que je devrais être leur prof pour deux ans. Certains n'ont pas quitté cette classe de douance à cause d'enseignants un peu fous comme moi. Je ne leur ai pas annoncé la nouvelle parce que je ne m'en sens pas encore prêt. Ils me parlent de l'année prochaine, de ce que nous ferons ensemble, de combien ils ont appris cette année et ils apprendront encore plus avec moi l'année prochaine. Ils se réchauffent à mes sourires. Ça me fend le coeur et comme il n'est pas déjà vaillant...
Ce matin, j'ai réalisé que je devrai leur annoncer la nouvelle avant la fin de l'année. Cette semaine sûrement. Je leur dois l'honnêteté. Un moment difficile mais nécessaire. Sauf que je ne peux pas faire le contraire de ce que je leur enseigne: l'effort, le meilleur de soi-même. Qu'en pensez-vous?
Enfin, le troisième deuil, ce sont mes collègues d'enseignement. Les naufragées de la Méduse. Je quitte vers un local de profs de premier cycle ou j'ai déjà une réputation de grande gueule surfaite, ou le fait que je vienne de la cinquième sera un puissant handicap. Je devrai adopter le profil assez bas, merci. Un autre changement. Mais, pour l'instant, ce qui m'importe, ce sont mes collègues actuelles. Elles (bien oui!) ont passé la journée de vendredi à me taquiner. Elles me suggèrent déjà de préparer mon kit de prof de première secondaire: de la colle, des ciseaux à bouts ronds, des mouchoirs, des mouchoirs et encore des mouchoirs...
Nous sommes allés diner ensemble et l'une d'elles a même offert le champagne, mon péché mignon. J'ai gardé la bouteille en souvenir. Mon école est grande, trop grande. On risque de peu se voir l'année prochaine. Sauf que, de toute façon, la direction songe à relocaliser ce local de profs de deuxième cycle en plaçant mes collègues un peu partout. Mauvais exemple de gestion pédagogique sur lequel je reviendrai sûrement. Une certaine séparation aura déjà eu lieu. Mais pour l'instant, là encore, je thésaurise, j'accumule, je me remplis.
Des deuils donc. Certains nécessaires. Et ex-madame masquée qui me manque et qui ne reviendra pas. La vie est remplie de nouveaux départs. Et je n'ai pas toujours l'âme d'un coureur.
14 commentaires:
Platement, je dirais qu'avoir mal c'est vivre.
Vivre des deuils c'est aussi avoir connu l'attachement. Avoir aimé.
À tout prendre, à tout perdre; avoir aimé et en avoir mal, c'est p'tête mieux. Mieux pour les bonds de notre coeur, mieux pour ce rouge que cela met à nos joues, mieux pour nos yeux parfois si brillants. Mieux pour notre coeur à vif, notre coeur ouvert.
J'pense.
Peste: Suis d'accord. Il ne faut pas juste de la souffrance cependant. : )
Hey! Merci de passer par ce blogue si souvent.
Devoir dire ton départ à ces élèves qui t'espèrent l'an prochain ne sera pas facile. J'ai pleuré une bonne fois en carrière, et c'était dans une situation de ce genre... Pas facile, mais nécessaire et... humain ! (Les profs ne sont pas des extraterrestres ou des êtres hors réalité : les élèves doivent le voir, ça aussi.)
...
Même le coureur doit aussi parfois reprendre son souffle. Normal de ne pas toujours courir... J'ai envie de dire, spontanément, donne-toi le temps, simplement.
...
Ce que je lis ici, c'est un excellent prof, impliqué, incarné, connecté, groundé, vivant, apprécié de ses élèves et de ses collègues : ça vaut cher en maudit, ça ! Lâche pas :-)
Cher PM,
Ta fin d'année n'est vraiment pas de tout repos!
Je comprends que tu trouves difficile d'annoncer ta décision à tes élèves, mais, toute chose étant relative, ils vont probablement comprendre ton choix mieux que tu ne le crois. Et puis, c'est bête à dire, mais personne n'est irremplaçable. Même si je ne doute pas de la très grande qualité de ton travail et de ta relation avec tes élèves, ils auront un-e autre professeur-e, qui fera de son mieux à sa manière (à moins qu'ils soient bien malchanceux).
Quant à ton coeur, qui a de la difficulté avec les nouveaux départs auxquels il est confronté, fais ce que tu peux pour le ménager. Pour reprendre l'image que tu as utilisée, tu n'es peut-être pas obligé de courir. On peut franchir une longue distance en marchant...
Les coureurs ont aussi besoin de se reposer. Zed :)
L'important, c'est de bien partir... et éviter les faux-départs.
Et je suis bien d'accord avec Hortensia: On peut franchir une longue distance en marchant. Le principe est le même: un pied devant l'autre, tranquillement.
((HUGS))
Tu écris ne pas avoir l'âme d'un coureur... mais l'important c'est d'avoir le coeur marin : d'une destination à l'autre, ça tangue, ça chavire, mais le port suivant diffère du précédent : apprentissage et adaptation.
ça retangue, ça rechavire... ça revit!
La Peste a raison.
C'est Vivre.
C'est quand on rebondit que c'est bon. Ça s'en vient...
Sylvain: merci de tes bons mots. Je fais mon possible, tu sais.
Hortensia: ouais, mais je sens l'urgence de courir pour certaines choses. Peut-être ai-je tort.
Zed: mais non, les coureurs sont des surhommes!
Ness: salut à toi! Long time no see comme disent les profs d'anglais. Que deviens-tu?
Marie-Piou: le coeur marin. Tu ne crois pas si bien dire.
Souimi: il faut juste contrôler le rebond...
Certains jours, être un surhomme signifie juste fermer les yeux et attendre que ça passe. S’accrocher, à la vie (Loco Locass). À la main tendue.
Peut-être plus pour d’autres que pour soi, se servir de ses outils, comme on souhaiterait que celles et ceux qu’on aime le fassent (ses étudiants/tes, si on enseigne et que, comme toi, on les aime), c’est de cet ordre, avec perfectionnisme en prime.
Mais tu sais tout ça.
Rien de tel qu'un voyage dans la lune... ce qui semble être dans tes rayons.
Zed
Désolée pour mon manque d'assiduité. Je vais bientôt me mettre à la tâche et rédiger un billet!!
Le mois de juin est enfin arrivé! Ça sent la fin... (et "ça sent la coupe" aussi!!!) :)
Je sais comme ça doit te fendre le coeur d'annoncer à ces jeunes que tu ne seras pas là, avec eux, l'an prochain. Chaque fois qu'ils te parlent de leur prochaine année doit te faire si mal au coeur.
Connaissant toutes tes collègues, ton école, je ne peux que mieux saisir - je n'ose pas utiliser le mot «comprendre», car qui suis-je pour prétendre savoir ce que tu ressens? - ce que tu vis en ce moment. Tu finiras bien par séduire le fameux local du deuxième et ses occupants ;o)
En ce qui me concerne, je trouve que le deuil le plus difficile est celui que je vis présentement avec ex-M. Safwan. Que l'on se revoit à l'occasion n'a rien pour arranger les choses. Je sais que tu as déjà souhaité revoir Ex.Mme Masqué depuis votre rupture. Laisse-moi te dire que c'est atrocement difficile de revoir l'être aimé tout en portant le deuil de cet amour.
Je pense à toi, Professeur masqué. Je feuillette les pages du dernier bouquin que tu m'as envoyé et je me surprends à être ne Gaspésie de nouveau.
Même si je commente moins qu'avant, je continue de lire chacun de tes billets avec beaucoup d'attention.
Beaucoup de deuils en même temps en effet... mes plus profondes condoléances.
Je sympathise particulièrement pour le deuil des collègues et élèves, puisque de mon côté j'ai décidé de retourner à l'enseignement : mes étudiantes (et mes étés, soyons honnêtes !) me manquent trop !!!
Mais les nouvelles collègues ( hé oui ! ;0) ) me manqueront atrocement. Elles connaissent déjà ma décision et me soulignent toutes à leur manière ce qu'elles ont apprécié de moi pendant ces quelques mois. Ça fait du bien à l'estime, mais... ce que ça remue !
Il a mes nouvelles "élèves" aussi... je ne sais pas encore quand et comment je vais leur annoncer... il y a tellement de roulement dans la boîte, je sais que mon départ les secouera aussi...
Comme d'autres ont dit, 'paraît qu'il n'y a personne d'irremplaçable... mais chaque personne est unique et mon lien avec chacune de ces personnes, ça, nul ne pourra le remplacer (de part et d'autre) totalement.
Je suis de tout coeur avec toi. Même si on ne s'est jamais rencontrés, il y aura toujours un humain derrière les écrits et ce que l'humain masqué confie me touche comme s'il sagissait d'un ami.
Courage. J'espère que tu as le pied marin ! ;0)
Zed: serais-je sublunaire comme ce héros de Rostand? Vous avez souvent de beaux mots pour mes maux, Zed.
Ness: ça sentait la coupe de cheveux il y a un mois... : )
Safwan: je ne sais pas ce qui est mieux. Mais ex-madame Masquée a décidé d'en finir coûte que croûte. Rien ne sert de m'épancher davantage ici. On s'en jasera bien un jour devant un plat de crabe...
Renée-Claude: il faut accepter ces doux moments ou les autres nous montrent leur attachement. Ça m'est parfois difficile cependant. Bon pied marin à vous aussi.
Enregistrer un commentaire