11 mai 2009

Encore un prof anonyme

Tiens, M. Facal reçoit du courrier. Il rapporte les propos d'un enseignant à qui la direction a demandé de rajuster ses notes à la hausse.

«Oui, les directions d'école exigent que nous fassions réussir des élèves qui ne le méritent pas : elles vous convoquent dans leur bureau, elles ferment la porte et vous disent que si tant d'élèves échouent, c'est que vous ne comprenez pas le programme, que vous ne savez pas évaluer, que vous êtes trop exigeant, incompétent même. Elles vous demandent de réévaluer les élèves. Si vous ne comprenez pas ce qu'elles demandent, elles vont vous rendre la vie insupportable. Je l'ai vécu. Donc vous montez les notes. Vous ne gardez que quelques échecs et la vie redevient agréable. Tout cela se fait derrière des portes closes, individu par individu.»

J'ai un collègue à qui on a demandé la même chose de la même façon. Il a refusé. Par on ne sait quel miracle, plusieurs de ses élèves en échec ont connu les joies d'être promus malgré les notes qu'il avait transmises à l'administration. Et l'adjoint lui a fait la gueule pendant quelques mois.

A noter: l'enseignant qui a écrit à M. Facal a demandé à conserver l'anonymat. Ça vous surprend?

8 commentaires:

Feanorfire a dit…

Une telle pratique professionnelle est inacceptable de la part du personnel de la direction des écoles. On sacrifie le bien-être même de nos jeunes pour la bonne conscience d'un gouvernement qui a pour seul objectif de faire baisser le taux de décrocheurs et non pas d'augmenter le taux de réussite. Un détail vous direz, mais j'ai pour maxime dans la vie de mon comparer au meilleur et de me baser sur des objectifs positifs pour avancer.
Augmenter les notes des étudiants artificiellement reste une mesure superficielle, un "plasteur" sur un problème beaucoup plus grave. L'étudiant qui échoue et qui passe à l'année suivante sans avoir les acquis nécessaires à la progression lors de cette année sera de plus en plus découragé de l'école, car l'aide individuelle nécessaire à son développement n'est souvent que difficilement accessible et surtout, il n'est pas le seul cas de la classe (voir un de mes articles sur mon blog= http://feanorfire.blogspot.com/2009/04/lecole-limage-de-la-societe.html). Et ce'st là qu'il y a des dérocheurs, ce à quoi le gouvernement a déclaré une guerre sans merci.
Le grand perdant de cette méthode administrative douteuse n'est pas le professeur, mais l'étudiant qui va pâtir tout le reste de sa vie des lacunes qu'il a contractées tout au long de son cheminement académique. Le Nouveau programme a pour raison d'être d'aller au rythme de l'élève, de faire de l'enseignement différencié et d'évaluer chacun des étudiants selon ses forces et ses faiblesses, cette façon de faire, pus de zéro et augmenter les notes, va à l'encontre même de la nature du Renouveau pédagogique. Où est l'erreur?????? C'est selon moi celle de direction d'école dépassée par ce qui ce passe dans les classes, car ils n'y vont plus. Selon moi, il faudrait que ces derniers s'investissent plus dans les classes, comme en Ontario où les directeurs et directrices retournent en classe au cinq ans pour replonger dans la réalité (mais que dirait nos syndicats ici??????).
Je sais ce que cela fait que de diriger des employés, petit à petit nos exigences augmentent et s'écartent de la réalité et on en vient à abuser de nos employés.
Sur ce, continuons de penser à nos jeunes et à travailler pour les jeunes....

Plotin a dit…

D'accord avec le message précédent : les directeurs et les directeurs adjoints devraient retourner en classe une fois tous les cinq ans, juste pour se retremper dans l'ambiance d'un groupe d'élèves d'aujourd'hui.

Par ailleurs, oui, cela me surprend que les enseignants doivent se méfier de leur direction d'école, alors qu'ils devraient travailler main dans la main à la réussite des élèves qui le méritent.

Sylvain a dit…

Il y a de ces jours où je me dis que nous devrions tous être de bons petits idiots naïfs et exécutants, candides et innocents... On serait ainsi moins cynique et notre coeur s'en porterait peut-être mieux...

Ça me désole de voir parfois que, quand on creuse un peu plus, on découvre tellement de substance brune nauséabonde :-(

À quand une vraie décontamination des sols qu'on puisse découvrir quelques petites choses de mieux en creusant un sujet ou l'autre ?

Bulle a dit…

On nous demande de faire passer les jeunes "pour leur bien"... Parce que c'est mauvais pour la motivation de reprendre une année. Comme si c'était moins démotivant de passer toute la journée à ne rien comprendre parce qu'il lui manque les bases...

Sans parler du logiciel qui "passe" automatiquement les élèves qui ont 59... On a du trafiquer les note pour couler les élèves qui ne méritaient pas de passer (avec l'Accord de la directrice, elle voyait le bien des jeunes à la bonne place!)

L'ensaignant a dit…

PM, j'aimerais une seule fois mettre les vrais résultats de l'examen de mathématiques de sixième année au bulletin. Juste une fois. Je n'ai pas encore réussi à avoir une moyenne en haut de 60 pour cent en cinq ans.

Alors, peut-être que nos bureaucrates, de haut en bas et de bas en haut, se décideraient à venir faire un p'tit tour dans le sous-sol. On pourrait leur donner un masque anti-bactérien et les badigeonner de Plurel.

Mais bon, à quoi bon? On est les berger de notre bétail mais on ne possède pas le pré, hein?

Jean-Pierre Proulx a dit…

Chers anonymes,

Qu'attendez-vous pour passer des lamentations stériels sur les blogues pour passer enfin à l'action afin de changer ce que vous dénoncez avec raison?

Vous trouvez pas que vous vous complaisez dans le grattage de bobos?

Le professeur masqué a dit…

M. Proulx: qui vous dit qu'en plus d'être anonymes, certains blogueurs ne le font pas? Il est sûr que les blogues sont un exutoire, mais ils sont aussi un lieu de communication. Je vous rappelle également qu'il ne fait pas bon contester en éducation. Même quand j'oeuvrais dans le syndicat de ma CS, on me faisait sentir que j'étais bien dérangeant quand je posais des questions sur la moisissure dans les murs, l'amiante du plafond, les classes mal aérées.

Contrairement à ce que vous semblez croire, il y a souvent beaucoup une culture d'affrontement entre les directions d'école et les enseignants. L'implantation d'une réforme sans qu'une majorité de profs ait vraiment eu un mot à dire, la menace de décret lors des dernières négos ont instauré une ère de confrontation. Il y a le boss et les employés qui sont consultatifs. J'ai déjà vu un patron aller à l'encontre de toutes les consultations recueillies pour suivre son idée. Il s'est remarquablement cassé la gueule par la suite. Et il n'a même pas eu besoin qu'on l'aide, si vous comprenez ce que je veux dire...

Jean-Pierre Proulx a dit…

Cher ami,

Je ne sais que trop qu'il y a une culture d'affrontement entre les enseignants et les directions.

C'est un effet pervers, quand on l'exacerbe, du système de relations binaires, employés-employeurs, syndiqués-patrons. C'est manifeste quand on visite par exemple le site internel de l'Alliance.

Pour ma part, je plaide, avec d'autres, pour le développement concurrent d'une culture professionnelle qui dépasse cette façon traditionnelle de voir les choses.

Je me permets de vous renvoyer à un billet que j'ai écris sur le blogue du RAEQ auquel est greffée mon intervention récente au colloque de l'Alliance d'avril dernier.
http://recit.org/raeq/index.php/2009/04/22/la_reforme_a_favorise_l_autonomie_profes#comments

Bien vôtre,