Vous trouverez ici un commentaire en réaction au billet de Mario Asselin. J'ai déjà abordé ce sujet dans un billet précédent qu'il vous sera utile de consulter pour comprendre tout le contenu de ma réaction.
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À titre d'ancien journaliste (un brève carrière) et de blogueur, vous me permettrez de revenir sur trois passages du texte que vous mentionnez.
1- «Pour l'instant, «on reste dans le flou par rapport aux normes professionnelles», dit-elle, et l'Association canadienne des journalistes se demande s'il ne serait pas préférable de ne rien diffuser qui n'ait pu être vérifié. «Une fois qu'on sort une rumeur, le mal est fait: lorsqu'on obtient la vérification, le public est passé à autre chose. Et c'est encore plus vrai avec les images. On a l'impression qu'un reportage vidéo ne peut être faux, alors que les effets de cadrage, de montage ou la musique peuvent être tendancieux.»
«Ne rien diffuser qu'il n'ait pu été vérifié.» Il me semble que c'est tout à fait normal. Or, la pression des cotes d'écoute et de l'exclusivité pousse les médias à ne pas respecter ce principe sacro-saint de l'information: la validité du contenu et de son contexte.
Un exemple: à Montréal, TVA a présenté en boucle une vidéo d'une citoyenne montrant une jeune fille devenue éboueuse. Pas de recherche, pas d'enquête, rien. Pourquoi est-elle là? Que fait-elle exactement? Qui sont les adultes qui l'accompagnent? On ne saura qu'une partie seulement de l'histoire que deux jours plus tard. Pas fort.
Dans la même veine, aux États-Unis, Obama congédie une employée sans même vérifier ce qu'on lui reproche. Je rajouterai que Fox (je crois), qui a diffusé la nouvelle venant d'un blogue, l'a fait en diffusant une information tronquée dont elle n'avait pas vérifié le contexte. Rien pour aider sa réputation déjà bien entachée...
2- «Jusqu'à présent, la population faisait confiance aux institutions que sont les médias pour ne pas être trop manipulées, affirme Philippe Le Roux. Maintenant que tout le monde peut diffuser des images, chacun devra se réapproprier ce pouvoir de discernement. Ce n'est sans doute pas plus mal, et on devrait même l'enseigner dans les écoles.»
Enseigner le discernement, je veux bien. Mais le discernement selon quelle grille idéologique? Il existe des scientifiques qui croient au créationnisme, d'autres à la présence de Dieu. Et je ne parle pas de ces Américains qui sont convaincus d'un complot X ou Y en se basant sur des vidéos, des livres, etc.
Le discernement est une notion à géométrie très variable, quant à moi.
3- «Dans une démocratie, ne pas faire confiance au sens critique du citoyen, vouloir interdire l'accès à des informations qu'on trouve dangereuses pour lui, c'est un plus grand danger encore», renchérit l'éthicien Daniel Weinstock.
Théoriquement, cette position est juste. Le hic est de savoir qui a produit cette «information» et dans quel but. Les médias institutionnel reconnus bénéficient d'une certaine légitimité quant à ce qu'ils diffusent. Leur notoriété, leur réputation en dépend. Dans une économie de marché, c'est en fait ce qu'ils nous vendent: leur crédibilité.
Autrefois, il fallait influencer des journalistes pour «manipuler» l'opinion publique. Aujourd'hui, on dirait que l'équation se renverse et que certains essaieront de manipuler l'opinion publique pour influencer les journalistes. Je ne dis pas que le procédé soit mauvais. Tout dépend des intentions de celui qui «manipule».
Un exemple: cette mère qui s'est servi de Twitter pour obliger Air Canada à faire réparer le fauteuil roulant de son fils brisé lors d'un vol aérien. La pression sur la toile et le fait que des médias ont commencé à s'intéresser à l'histoire ont poussé le transporteur aérien à donner rapidement satisfaction à la maman....
Revenons à nos moutons. Un «journalisme citoyen» ne vit pas avec les mêmes contraintes et n'a pas pas à satisfaire des conditions qui garantissent peut-être davantage ce qui est diffusé. Car là est un des problèmes: doit-on diffuser ce qui n'a pas été vérifié au préalable par des institutions dotées de règles éthiques et de contraintes les poussant à satisfaire un minimum de crédibilité?
Par ailleurs, j'ajouterai aussi que cette nouvelle forme de journalisme, dont on peut questionner la crédibilité, souffre d'un autre tare: celle de créer des citoyens prêts à tout pour faire la nouvelle, sans tenir compte des lois et des droits des individus. On crée des gens qui veulent se mettre devant la nouvelle, en quelque sorte. Andy Wharol l'a dit: tout le monde aura son 15 minutes de gloire.
Si je reviens sur l'exemple de la fillette éboueuse, la dame qui l'a filmée a commis au moins trois infractions au code de la route pour effectuer son topo: filmer en conduisant une voiture, franchir une ligne pleine et rouler en sens interdit! Aucun journaliste ou commentateur ne l'a souligné. Jusqu'où ira-t-on dans la prise de certains risques pour faire la nouvelle? Les journalistes bénéficient habituellement d'un encadrement et d'une formation qui évitent certains dérapages.
Pour ma part, en tant que blogueur, il m'arrive parfois de diffuser de l'information. Mais si j'estime que le sujet me dépasse ou est potentiellement dangereux, je refile le ballon à des journalistes reconnus, dont certains lisent mon blogue. Ceux-ci vérifient les faits et publient, s'il y a lieu.
Dans certains cas, je me suis royalement planté dans les informations que je leur ai fournies et ils m'ont expliqué où et pourquoi. Dans d'autres, ils n'ont pas publié pour des raisons que je respecte (nouvelle plus ou moins intéressante ou faisant partie d'un reportage à venir). Enfin, parfois, ils sont allés de l'avant avec mes infos qu'ils ont validés. J'ai établi une relation de confiance avec eux. Et ça me va très bien comme ça.
3 commentaires:
Tu devrais peut-être faire profiter Mario to de go à tes contacts journalistiques: ils pourraient échanger.
Tu sembles être un privilégié dans la blogosphère.
Je suis convaincu que M. Asselin se débrouille déjà très bien.
Permettez moi de relativiser votre critique du commentaire 3 :
«Leur notoriété, leur réputation en dépend. Dans une économie de marché, c'est en fait ce qu'ils nous vendent: leur crédibilité.»
Mais cette crédibilité ne résulte pas nécessairement de leur véritable rigueur, de leurs couilles ou de leur respect de l'intérêt public. Leur crédibilité est désormais une affaire de «branding», de publicité, d'image.
Il faut lire Kristina Borjesson
http://www.livres-et-lectures.net/borjesson_black.htm
http://www.decitre.fr/livres/Media-control.aspx/9782912485984
À l'aune de son expérience et de celles des journalistes qui se servent de sa tribune, on comprend que l'on doit encore plus se méfier des médias institutionnels, s'ils sont crédibles c'est comme vitrine, comme plateforme pour comprendre la vision de ceux qui les possèdent.
Par exemple, je ne peux pas trouver «crédible» le traitement environnemental d'un journal qui vend depuis des lustres son édition du lundi avec un horrible cahier de l'auto.
Le journaliste citoyen n'est peut-être pas aussi fiable, mais au moins son existence est la preuve d'une incapacité des médias actuels à défendre l'intérêt public.
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