17 octobre 2007

Les interrogations de la ministre Courchesne

Depuis quelques jours, la ministre de l'Éducation, des Sports, des Loisirs et des ventes de garage automnales, Michelle Courchesne, étale sur la place publique certaines de ses interrogations sur le renouveau pédagogique (ici, ici et ici). Son ton est très loin du jovialiste Jean-Marc Fournier dont l'optimiste semblait parfois le confiner à la bêtise. En fait, je ne doute nulement de l'intelligence de ce dernier, mais il donnait tellement l'impression de détester ce ministère qu'on comprend qu'il préférait croire tout ce que les haut-fonctionnaires lui disaient.

La ministre Couchesne est d'une autre trempe. Je sais qu'elle a multiplié cet été et avant la rentrée des classes des rencontres informelles avec différents acteurs de l'éducation. Celle-ci a écouté d'autres propos que ceux des fonctionnaires du MELS et des représentants syndicaux. Elle a ausi remis publiquement en question les avis du Conseil supérieur de l'éducation. Bref, on assiste à une autre ère.

Ceux qui estiment que la réforme telle qu'annoncée à ses débuts ne se réalisera pas n'ont pas tort. Il ne fait aucun doute, selon moi, qu'on est déjà au mode «réforme de la réforme». Il était hautement prévisible que cette dernière vive mal le passage au secondaire, pas uniquement parce que certains enseignants de ce niveau allaient la torpiller allègrement, mais bien parce qu'il y a des limites à pelleter des problèmes vers l'avant.

Plusieurs pourront objecter que le renouveau pédagogique n'a pas eu le temps de faire ses preuves ou qu'on ne lui a pas fourni les moyens de ses ambitions. Je ne le leur reprocherai pas. Par contre, par leur manque d'écoute, leur dogmatisme pédagogique, ils se sont privés de précieux signaux qui auraient pu leur permettre d'améliorer les choses. Mais il ne fallait pas écouter «l'ennemi», dut-il avoir raison... Car, dans la façon dont elle a été décidée et implantée, la réforme n'a jamais été véritablement un projet rassembleur. Et, de grâce, évitez de parler du concensus des États généraux sur l'éducation! On travestit la réalité historique en affirmant que ceux-ci ont appuyé ce changement pédagogique.

J'ai toujours cru que la réforme était un beau projet sur papier, une magnifique utopie totalement irréaliste dans la pratique. Son application totalement improvisée dans nos école lui a nui au point de la discréditer, quant à moi. Il est d'ailleurs paradoxal qu'on reproche l'échec de cette dernière à des enseignants qui demandaient davantage de formation pour l'appliquer.

Oui, il est vrai que des enseignants ont tout fait pour faire dérailler ce train, tout comme aujourd'hui des directions d'école, des cadres de commissions scolaires et des enseignants font tout en leur pouvoir pour saborder le bulletin chiffré.

Dans les faits, l'éducation est déchirée. Deux camps s'affrontent alors que la véritable bataille est peut-être ailleurs que dans les choix pédagogiques de nos écoles. Pendant qu'on discute de partitions musicales, Rome brûle.

Et quant au sacro-saint argument que la réforme a été mise de l'avant pour contrer le décrochage scolaire, permettez-moi de souligner ceci: le décrochage scolaire s'explique par des facteurs extérieurs tout aussi importants que ce qui se passe dans nos écoles. Pauvreté, détresse sociale et individuelle, famille et société dysfonctionnelle en sont quelques-uns. Ironiquement, même une économie en bonne santé peut augmenter le décrochage dans les régions ou la pénurie de travailleurs non qualifiés incite les entreprises à embaucher des jeunes qui ne sentent pas nécessairement l'envie de poursuivre des études secondaires. Et je ne parle pas de ces jeunes qui décrochent au primaire...

Les réflexions de la ministre Courchesne sont un réconfort pour moi, la preuve que je ne suis pas fou dans cette réalité scolaire totalement absurde. Le seul problème est que, depuis 15 ans, le MELS a connu 10 ministres différents. Devant ce manque de stabilité, certains fonctionnaires et décideurs ont la partie belle. Et, avec des élections provinciales ce printemps ou au début de l'automne, le réseau de l'éducation sera encore sous respirateur artificiel.

À mes amis de la réforme, ceux qui y croient vraiment, je n'ai qu'un conseil: commencez à prendre le chemin du compromis, faites de la realpolitik. Avec l'ADQ au pouvoir, il sera peut-être trop tard pour discuter avec des gens sensés.

9 commentaires:

A.B. a dit…

Moi aussi je constaste que la ministre Courchesne nous fait entrer dans une autre ère, carrément. Le fait qu'elle ait pris la peinne de parler avec des acteurs du milieu et qu'elle ne se soit pas fiée uniquement à ses fonctionnaires en témoigne bien. Pour une fois, je sens qu'un ministre de l'éducation a du respect pour la profession enseignante. Ce n'est pas peu dire...

Le réforme est encore méconnue de plusieurs enseignants malgré qu'elle soit implantée depuis 10 ans cette année. Je discutais avec une collègue de 4e secondaire et une de 5 la semaine dernière et elles sont convaincues qu'elles pourront continuer comme si de rien n'était à l'entrée en vigueur du Renouveau l'an prochain pour une et dans deux ans pour l'autre. Je leur ai poliment dit qu'elles ne savaient pas ce qu'était le Renouveau pour parler ainsi. Elles vont avoir des surprises, je crois... Il est évidemment possible de «recycler» du matériel d'avant la réforme mais, pour l'avoir vécue, je sais qu'on ne peut pas ne pas changer et rester campé dans ses anciennes méthodes. Au moins l'une est inscrite ne formation avec moi, cet hiver, pour voir de quoi ça aura l'air l'an prochain. Peut-être réalisera-t-elle alors l'ampleur des changements.

Ness Eva a dit…

AMEN!!!
Je ne peux rien rajouter de plus et sachez que je partage entièrement votre opinion sur le sujet.

Sylvain a dit…

Un des problèmes qu'aura connu cette réforme (lâchons l'euphémisme "renouveau pédagogique" qui est éculé au possible !) est le suivant : on a essayé d'implanter une approche dite "idéale" par ses défendants avec des moyens qui convenaient peut-être au "système" précédent, mais qui sont carrément inadaptés pour cette réforme. (Exemple : nombre d'élèves par classes, flexibilité de temps et/ou de lieu impossible à mettre en place dans une école secondaire (je ne sais pas pour le primaire, n'y étant pas), etc, etc, etc.

Bref, mettre en place quelque chose de théoriquement valable sans avoir la structure nécessaire, ni les "commodités", est quelque chose de forcément voué à l'échec, à mon avis.

Alors RIP la réforme ? On met une date au pif, just for guest ?

Ou alors, au lieu du traditionnel RIP, faisons RJIP (Réformons Juste In-Peu...)

Prof Malgré Tout a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

J'ai de gros doutes sur la théorique validité de plusieurs éléments de cette réforme.

Quand on y regarde de plus près, la plupart des recherches tendent à montrer que les méthodes traditionnelles d'enseignement sont plus efficaces. Voir par exemple les résultats d'une des plus grandes études jamais effectuées en éducation, le projet Follow Through:

http://www.projectpro.com/ICR/Research/DI/Summary.htm

Je suis convaincu que si on étudiait le moindrement l'évolution des résultats des élèves québécois depuis l'application de la réforme, la dégradation de la situation perçue par la majorité des enseignants (du moins mes collègues de travail et ceux que je rencontre lors de congrès ou d'ateliers) serait validée.

On teste les jouets, les autos, les rideaux, les pyjamas, etc... mais pour une réforme qui affecte l'avenir de millions d'enfants québécois, on fonce les yeux fermés en se basant sur des principes qui semblent beaux sur papiers, mais qui n'ont pas fait leurs preuves.

Un vrai scandale selon moi. Je suis bien heureux que mes enfants aient terminé leur secondaire, ils auront échappé à ce fiasco.

Le professeur masqué a dit…

PMT: je suis sérieusement ébranlé. Je vais penser que vous maniez l'ironie, sinon j'aurais beaucoup de peine causée par vos propos. Le temps de retomber sur mes pieds, j'aimerais quand même vous faire part du commentaire suivant.

La ministre Courchesne n'a rien à envier à ses précédesseurs côté «Fermez vos yeules!» Jean-Marc Fournier était paternaliste, François Legault nous traitait de «liseux de revues» et j'en passe.

Dans le cadre de la réforme, on m'a souvent dit de fermer ma gueule et de faire ce qui est prescrit et même de faire ce qui, finalement, semble-t-il, n'était même pas écrit... Quand on soulevait que certains trucs qui semblaient incohérents, on se faisait allégrement rabrouer. Et je n'ai pas vu grand partisan de la réforme s'interroger alors sur la conduite castrante et arrogante du ministre, sinon pour dire, question d,en rajouter, qu'il manquait de leadership.

Quand j'écris que le monde de l'éducation est divisé, ce n'est pas de gaieté de coeur. Et cette division mine nos efforts et nuit aux enfants.

Je ne vois pas la condescendance dans mes propos. À vous de me l'indiquer svp afin que je chasse ce qui, j'espère, est un malentendu (parce que l'écrit ne permet pas la rétroaction immdédiate). Je ne vois pas ou je dis que les profs du primaire sont des caves et autres affirmations du genre.

Cependant, puisque la porte est ouverte, je pose la question: est-ce que, parce que c'est (peut-être) bon pour le primaire, ça doit l'être pour le secondaire? Vous dites que ce n'est pas la même réalité et je suis d'accord avec cette affirmation. Alors, pourquoi imposer un mode de pensée qui ne correspond peut-être pas à cette réalité?

Le professeur masqué a dit…

Phil: le projet Follow Through soulève lui aussi de nombreux questionnements et je laisse aux universitaires le soin de le critiquer.

Par contre, il est vrai qu'on s'est lancé, à mon avis, dans une aventure sans trop en évaluer les effets.

unautreprof a dit…

Dans la chanson de Dalida, elle dit : "Caramel, bonbons et chocolat, merci pas pour moi mais tu bien les offrir à une autre..."

Nous, on ne s'en fait même pas offrir des petites douceurs!


PMT et prof Maudit, ne vous chicanez pas! Moi qui rêve de prendre un verre en votre compagnie!

A.B. a dit…

@ Prof malgré tout (qui ne lira probablement pas mon commentaire, car son commentaire auquel je réagis «est le dernier message qu'(elle) laisse ici.»):
À mon avis, vous paranoïez et déversez votre fiel sur la mauvaise personne.