20 octobre 2007

Projets du PQ: des tests pour les immigrants et les enseignants!

Cette semaine, le PQ a tenté de reprendre l'initiative politique en proposant divers projets de loi en ce qui a trait aux valeurs québécoises. Certaines d'entre elles touchent l'immigration, une autre, les enseignants.

Des tests de français pour les immigrants

Les récentes idées du Parti québécois en matière de citoyenneté québécoise (ici, ici et ici) font jaser. À preuve, ces réactions ce matin (ici , ici et ici).

Pour ma part, ces initiatives, remplies de bonnes intentions, sont dangereuses pour la cause nationaliste et constituent même une très mauvaise idée. Oui, je sais: l'affirmation est grosse, mais revenons sur ce que propose le PQ.

L'idée d'une constitution québécoise qui indiquerait certaines valeurs québécoises est intéressante, mais aussi redondante. En effet, il existe déjà la Chartre des droits de la personne qui fait déjà ce travail. On peut toujours répéter autrement, si l'on veut. C’est pédagogique.

Là, cependant ou on déraille complètement, c'est dans la façon dont on veut s'assurer que les immigrants aient une «connaissance appropriée» du français. Ainsi, la personne qui immigre au Québec aura droit à trois années de cours de français gratuits, après quoi elle devra faire la preuve de sa maîtrise de la langue française, sinon elle ne pourra se présenter comme candidat à des élections scolaires, municipales ou scolaires, financer un parti politique ainsi qu’adresser une pétition à l'Assemblée nationale.

Des cours de français gratuits pour les immigrants, quelle belle idée! Il me semble qu'on a déjà connu les COFI au Québec et que le gouvernement consentissait des mesures incitatives à ceux qui y suivaient des cours.

Par contre, l'idée de priver quelqu'un d'un droit démocratique n’est pas une mince affaire. Oui, il est préférable que chaque nouvel immigrant au Québec maîtrise la langue de la majorité, mais doit-on le faire de façon répressive? Pourquoi utiliser une façon négative de motiver un nouveau venu à apprendre la langue des Tremblay? Est-ce parce que la majorité francophone au Québec n'exerce pas un pouvoir d'attraction suffisant pour intégrer les immigrants? Ne risque-t-on pas de créer des citoyens de seconde classe qui, pour des raisons qui leur appartiennent, refuseront de se plier à cette obligation?

Toujours à propos de l'idée de citoyen de seconde zone, imagine-t-on comment se vivra cette idée de citoyenneté linguistique dans la réalité? Les Québécois ne parlant pas un traite mot de français (anglophones, autochtones, immigrants déjà installés au Québec, etc.) auront la citoyenneté québécoise de facto. Mais qu'en est-il des immigrants venant d'une autre province, qu'ils soient nés au Canada ou non? Avec cette logique, est-ce à dire que, si Stephen Harper immigrait au Québec, il pourrait être premier ministre du Canada mais pas citoyen québécois s'il échoue à faire la preuve de sa connaissance du français?

De plus, l'idée d'évaluer que les immigrants aient une connaissance appropriée de la langue française pour pouvoir jouir de certains droits me rappelle les fameux tests linguistiques des gouvernements Bertrand et Bourassa à l'époque des lois 63 et 22 (ici). Il faudrait peut-être se souvenir de nos mauvais coups, parfois.

Enfin, pourquoi mesurerait-on seulement la langue pour attribuer la citoyenneté à un immigrant au Québec? Sa tolérance à la différence, son respect de l'égalité des sexes ne sont-ils pas tout aussi importants? Imaginez les tests que cela fera.

Ta femme te demande de laver la vaisselle.


  1. Tu lui réponds que le Coran te l’interdit et tu es content qu’elle ne sache pas lire pour vérifier si c’est vrai.

  2. Tu proposes que ce soit votre fille qui la lave afin de la préparer à son rôle avec le mari que tu lui as choisi.

  3. Tu t’empresses de la faire parce que tu es un citoyen québécois modèle qui veut s’intégrer à sa nouvelle communauté et respecter les valeurs d’égalité qui y sont propres et qui expliquent ta venue dans ce futur pays qu’est le Québec.

Je sais, je sais: je m'emporte, mais disons que cette idée de citoyenneté linguistique ne semble pas lumineuse et j'imagine déjà les gorges chaudes que feront les médias du reste du Canada. On colle déjà aux Québécois des étiquettes nazies. Pas besoin de leur donner matière à continuer dans cette voie.

Des tests pour les enseignants

Un aspect qui est passé inaperçu est que le Parti québécois obligerait les étudiants universitaires en enseignement à réussir un «examen national» de français pour obtenir l'autorisation légale d'enseigner. La maîtrise de la langue parlée et écrite serait donc indispensable pour les jeunes qui veulent exercer ce métier. Les vieux croulants comme moi n’auraient donc rien à craindre puisque cette mesure ne s'adresserait qu'aux nouveaux enseignants. Ouf! Quelle joie de pouvoir continuer à malmener la langue française en classe sans qu’il n’y ait de conséquence!

Mais puis-je souligner que ces futurs enseignants ont réussi avec succès l'épreuve d'écriture ministérielle au secondaire, l'épreuve uniforme d'écriture au collégial, l'épreuve écrite d'entrée à l'université (ou, à défaut, ont suivi, une formation censée corriger leurs lacunes) et enfin, avant leur embauche, subiront des tests administrés par les commissions scolaires?

Pour ma part, cette idée du PQ montre bien la faillite de l'enseignement du français au Québec: on doit évaluer la maîtrise de la langue maternelle de futurs enseignants qui ont 17 années de scolarité et qui ont toujours réussi toutes les épreuves auxquelles ils ont été soumis. De plus, pourquoi investir des énergies dans des tests quand on devrait s'assurer de mieux enseigner et évaluer dans nos écoles? Le véritable problème n'est pas à la fin de la formation des enseignants, la bonne solution non plus.

Enfin, faut-il rappeler que ce même parti a été au pouvoir suffisamment longtemps pour corriger de telles lacunes chez les futurs enseignants et que ce sont les mêmes personnes qui ont laissé ce problème perdurer en toute connaissance de cause qui nous proposent aujourd'hui des solutions dont je me méfie?

Voilà ce qui explique peut-être la popularité de l'ADQ et de Mario Dumont: de nouveaux visages. Mais, pour mon grand malheur, je ne peux pas le voir en peinture et je ne suis pas dupe de cet effet de nouveauté. Sauf que je ne suis pas dupe non plus des gens qui essaient de faire du neuf avec de l’usagé qui n’a pas fait ses preuves...

12 commentaires:

Renart Léveillé a dit…

Je crois que la langue est à mettre à part. S'il y a quelque chose qui est à la base de la société, c'est bien la communication entre les individus qui la composent.

C'est le fait qu'il y ait deux classes de citoyens, ceux qui s'expriment seulement par le français, et ceux qui ne s'expriment pas par le français, qui est problématique.

Comment faire pour constituer une société fonctionnelle et ouverte quand d'un côté le signal envoyé est le bilinguisme officiel (qui ne tient pas compte de la liberté et de l'utilité ou non d'apprendre l'anglais au Québec — au contraire du bilinguisme volontaire) et de l'autre le fait français à protéger.

Si nous voulons que tous puissent se comprendre, qui devra se plier aux autres?

Le professeur masqué a dit…

Renart: Rebonjour ici! Vous comprenez que je taquine pour le test sur les valeurs québécoises. Oui, la langue est une distinction importante de ce qu'est le Québec. Mais j'aime bien cette question qu'a déjà posée Marie-France Bazzo: à part la langue, qu'est-ce qui distingue la culture québéboise?

Comment faire, demandez-vous dans votre commentaire? Il y a déjà eu un projet d'indépendance qui aurait eu le mérite de clarifier les choses pour les nouveaux venus. Le Québec aurait été un pays unilingue francophone, pas une province bâtarde noyée dans un «melting pot canadian». Les Québécois l'ont refusé. Reste alors à essayer d'aménager des moyens d'amener les immigrants à s'intégrer à la communauté francophone dans le cadre de la fédération canadienne.

On peut s'interroger sur le choix des immigrants. Comment détermine-t-on qui peut devenir immigrant?

Également, on peut questionner les informations transmises aux immigrants à l'étranger.

Bien qu'elle soit de compétence partagée, il est aberrant de compter autant sur un appareil gouvernemental fédéral historiquement assimilateur pour ce qui est de l'immigration au Québec.

Ensuite, quels moyens met-on à la disposition des immigrants pour qu'ils deviennent partie prenante de notre société? Les coupures dans les COFI étaient une aberration monumentale, je crois.

Il y a aussi l'inégration au monde du travail. On parle souvent de la fermeture incroyable quant à la reconnaisance de la qualification étrangère. Que des immigrants sans instruction aient d la difficulté à se trouver un emploi, je peux comprendre, mais le mythe du médecin étranger chauffeur de taxi n'est justement pas un mythe.

Le Québec moderne et véritablement français a vu le jour, entre autres, par l'occupation, par les francophones québécois canadien-français parlant la langue de Molière en Amérique de divers secteurs reliés à l'économie. À mon humble avis, c'est par l'intégration économique à la communauté francophone qu'on a le plus de chances de s'assurer de la francisation des immigrants. Sauf qu'il y a bien des «pure-laine» frileux au Québec.

La loi 101 a eu de nombreux mérites, dont l'instruction obligatoire en français jusqu'à la fin du secondaire et le français comme langue du travail. Sauf qu'on doit aller plus loin que de croire que cette loi résoud tout. Offrir un environnement de travail en français, c'est bien. Amener un immigrant à travailler en français, c'est mieux.

Renart Léveillé a dit…

Très intéressant!

À ce propos, je suis en train de plancher sur un texte en ce moment qui élabore, comme je l'appelle, un nationalisme dit pratique. Le but est d'évacuer toute passion de la question linguistique et mon premier commentaire en est en fait une sorte de condensé.

S'il faut gérer la pluralité il faudrait bien un dénominateur commun, un organe clair, pourquoi pas le français, puisque la majorité le parle?

Renart Léveillé a dit…

Si ça t'intéresse, je viens de publier le texte, "Sur la question linguistique : pour un nationalisme pratique", beaucoup en lien avec cette discussion, sur UHEC.

Le professeur masqué a dit…

Renart: j'ai trouvé ce qui m'embêtait et ça se résume assez simplement par une formule-clip à la Dumont (ce qui est mauvais signe, finalement): on a affaire à une politique d'intégration qui a pour sanction l'exclusion...

Renart Léveillé a dit…

À quoi tu fais référence? Les idées du PQ?

Le professeur masqué a dit…

Renart: Oui.

En passant, Mme Marois défend bien son idée dans les médias aujourd'hui, mais l'idée est malhbile, selon moi. Elle prête à controverse.

Anonyme a dit…

L'engagement à respecter les valeurs dictées par notre future Charte des Droits, avec priorité accordée à l'égalité, oui.

Encore faudra-t-il que la cour suprême du Canada (c'est au Canada que les immigrants viennent, pas au Québec) emboite le pas, comme d'ailleurs la Charte canadienne. Parce que si on attend un pays, ça peut être long, hein.

L'obligation de s'inscrire et de suivre les cours de français payés par les Québécois et pour lesquels les immigrants sont payés pour assister, oui. On n'a malheureusement pas tous de la facilité avec les langues. Hummm...

Un examen du ministère pour évaluer les connaissances en français avant de l'enseigner ou de travailler en français, oui. Oups! Va y avoir des chômeurs.

Oui, le laisser-aller dans l'évaluation, entre autre, sans parler du non-respect des résultats desdites évaluations si elles recalent, et le nivellement par le bas, sont en cause.

Et comment, effectivment, bâtir une société sans langue de communication commune et là, je ne parle pas d'un jargon compréhensible par le groupe d'amis bien intentionné.

Que faire, prof masqué?

Zed

Le professeur masqué a dit…

Zed: un examen pour les profs, je m'en fous. C'est seulement un aveu clair que le système d'éducation ne marche pas.

Anonyme a dit…

Et d'intégration.

Car là où on est en manque de main-d'oeuvre (dont en enseignement, mais ailleurs aussi), on embauche volontiers des personnes qui connaissent bien approximativement le français.

Zed

Anonyme a dit…

Il y a quelque chose que je e saisis pas avec le test en francais.

N'y en a-t-il pas déjà un?
J'ai fait mon Céfranc il y a 3 ans, on m'a dit que c'était obligatoire pour l,obtention de mon brevet...
Maintenant c'est le SELB.

Alors, quelle est cette nouvelle mesure?

Le professeur masqué a dit…

Mérédith: bienvenue ici. Il s'agit d'une mesure que le PQ VOUDRAIT mettre en place. Donc, rien de bien sûr pour l'instant.

Effectivement, il existe déjà des mesures similaires actuellement. On peut donc se questionner sur la pertinence d'en ajouter un nouveau et surtout de devoir évaluer la qualité du français de gens qui ont officiellement 17 années de scolarité C'est plutôt un signe que notre système marche mal...