Depuis plus d’un an, à mon école, je travaille au sein d’un projet mettant en œuvre les nouvelles (?) technologies de l’information et de la communication, les fameuses NTIC. L’arrivée d’une batterie de portables et d’un réseau sans fil a suscité beaucoup d’appréhension et d’interrogations. On a toujours peur de ce que l’on ne connaît pas, semble-t-il. L’histoire nous l’a bien montré.
La galaxie de Gutenberg
Avec l’invention de l’imprimerie au 15e siècle, l’élite de l’époque avait annoncé la venue d’un monde terrifiant. La lecture étant un acte solitaire, on allait assister à la fin du tissu social. Prisonniers des livres, les gens allaient s’isoler et l’esprit des communautés, s’atrophier. Or, rien de tout cela ne s’est produit. L’impression a accentué un mouvement religieux naissant, le protestantisme, et créer véritablement une légion d’analphabètes. Lire n’étant plus le privilège des biens nantis qui pouvaient détenir de précieux livres, chaque citoyen, à l’image du roi du conte, découvrait qu’il était nu.
Pour Marshall McLuhan, dont la pensée est plus d’actualité que jamais, l’imprimerie allait surtout ouvrir la voie à un système politique : la démocratie. Si le savoir est synonyme de pouvoir, Gutenberg mettait en marche une véritable révolution politique.
La galaxie de Marconi
Au début des années 50, une autre révolution voyait le jour : celle de la télévision. Cette fois, en plus de la fin des valeurs sociales et familiales, les devins de l’époque annonçaient également la fin du livre et des journaux. Ce sont davantage les cinémas et les boites de nuit qui ont connu un rapide déclin.
La télévision est vite devenue une activité familiale alors que les journaux et les livres n’ont pas disparu. Plus encore qu’avec la Deuxième Guerre mondiale, on a assisté à la montée d’une conscience planétaire. Le petit écran abolissait les frontières.
La fin du monde version 2010
Depuis quelques années, on assiste à une nouvelle révolution : celle des NTIC. Encore une fois, les augures de malheur ont prédit la fin du livre, des journaux et du tissu social. Pourtat, un des changements de cette révolution est que les jeunes n’ont jamais autant lu ou écrit, jamais autant consulté de l’information, que ce soit par écrit ou sous un support imagé ou vidéo. Mais ce changement prend des formes qu’on ne soupçonnait pas toujours.
Au niveau de l’écriture, les NTIC remettent en question la langue française et toutes les langues dans leur ensemble. Internet est parfois devenu un espace où les règles de grammaire ne semblent pas exister pour plusieurs raisons. De plus, les jeunes ne se sentent pas la nécessité de les respecter dans ce monde où on retrouve peu de modèles et d’adultes qui le font. On revient également à une certaine oralité de la langue.
Il est faux cependant de croire que les jeunes écrivent comme ils le veulent. L’intelligibilité que doit posséder un message les oblige à respecter certaines limites qu’ils testent parfois avec maladresse. Il existe donc des nouvelles règles d’écriture, mais elles sont différentes et déterminées par des considérations parfois étonnantes. Par exemple, l’écriture à l’aide d’un clavier a des impacts sur la langue utilisée. Qui a envie de taper un mot complet quand une abréviation suffit? L’insertion dans un échange écrit de symboles mathématiques ou de caractères propres à un clavier n’est pas chose surprenante. Personnellement, j’ai tendance à supprimer les apostrophes et les majuscules. Une espace ou un point me semble des indices suffisants. Pourquoi doit-on être redondant si le message est suffisamment clair en lui-même?
Par ailleurs, aujourd’hui, on a accès en quelques secondes à des informations qui prenaient autrefois des heures et des heures à trouver. On peut entretenir une conversation avec un interlocuteur sur Facebook et inclure dans nos échanges des liens vers des sites ou des vidéos qui illustrent ou appuient nos propos. Ainsi, il m’est arrivé de parler de Bing Crosby avec un jeune (une photo de ce dernier me servant d’avatar ce jour-là) et je pouvais le diriger presque instantanément vers des extraits de films mis en ligne qui montraient les talents de danseur et de chanteur du célèbre crooner américain. Nous avons même poussé jusqu’à Gene Kelly que l’élève trouvait moins endormant. Autrefois, une telle démarche pédagogique aurait été, dans les faits, pratiquement impossible.
Il ne faut pas croire que la communication écrite disparaitra avec la montée des logiciels comme i Chat, par exemple. Les jeunes, avec qui j’ai discuté, adorent les échanges écrits parce qu’ils leur permettent de conserver un certain contrôle du temps dans les échanges. En ne voyant pas celui avec qui ils discutent, ils peuvent prendre leur temps pour trouver la bonne tournure de phrase ou effectuer une autre tâche. De même, en lecture, les documents écrits permettront toujours un survol rapide de ceux-ci, ce qui est impossible un document audio ou vidéo.
Quand je repense aux appréhensions qu’on peut avoir envers les NTIC, je me dis que ce n’est pas tant les technologies de l’information et des communications que l’usage qui en est fait que l’on doit questionner. Comme cela a toujours été la cas avec toute nouvelle technologie. À mon avis, on doit accompagner les élèves dans ce nouvel univers virtuel de l’information et de la communication si on veut comprendre comment ils s’en servent et les éduquer, les guider dans leurs choix. Si on ne le fait pas, ils l’exploreront seuls, sans notre expérience et notre sagesse pour leur indiquer l’importance de respecter certaines balises et principes éthiques.
Est-ce vraiment cela que nous voulons comme éducateurs?
3 commentaires:
L'école est tellement en retard sur ces technologies que je crois bien qu'il faut enlever le N lorsque l'on parle de TIC...
Conclusion très juste selon moi...
MErci!
Merci pour cet excellent billet, Prof Masqué !
Il faut en effet effectuer un virage non pas technologique, mais bel et bien pédagogique... Car l'école ne "fournira" jamais avec l'évolution accélérée des outils technonologiques...
L'histoire est faite de changements... et d'adaptations :-)
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