06 novembre 2010

Le mythe des pauvres p'tits gars à l'école

Encore cette semaine, j'entendais ce discours cent fois remâché comme un tendon de phoque par une Inuit: «Le décrochage scolaire des gars, que fait l'école? Les gars apprennent pas pareil que les filles. Bla. Bla. Bla.»

Comme j'ai envie de donner un coup de pied dans cette fourmilière. Ce n'est pas l'école qui n'est pas faite pour les gars, mais bien certains gars qui ne veulent rien savoir de l'école. Point à la ligne. Et dans notre belle société québécoise où le savoir est aussi valorisé que la politesse au volant, qu'on arrête de se surprendre et de se scandaliser pour des situations qui ne sont pas toujours ce que l'on croit ou ce que l'on nous dit.

Je suis fatigué de ce discours généralisant, déculpabilisant et déresponsabilisant pour certains de ces petits êtres masculins qui ne sont pas aussi fragiles qu'on le croit.

Une culture de dénigrement du savoir et de l'école

J'ai déjà été un garçon. Or, j'ai réussi et aimé l'école. Aujourd'hui, j'y travaille même! Et vous savez quoi? Je suis allé à une école de gars remplie de profs masculins et il y avait malgré tout des gars qui n'aimaient pas l'école!

Dans cette école publique (privée de filles), j'ai été taxé de fif et de tapette parce que j'aimais le français. Parce qu'aimer l'école, surtout dans un milieu entièrement masculin, est automatiquement associé à une orientation sexuelle. Regroupez tous les garçons du Québec dans des classes ou des écoles non mixtes et vous aurez le même résultat: des tarés qui tyrannisent ceux qui aiment apprendre comme s'ils voulaient instaurer une dictature d'épais. Ce qui m'a sauvé, c'est d'être dans un groupe enrichi où on ne niaisait pas trop et où les «autres» garçons ne nous faisaient pas perdre notre temps.

Oui, cognitivement, certains garçons éprouvent des retards en lecture pour des raisons neurologiques. Oui, certains garçons souffrent davantage de difficultés scolaires parce que des désordres neurologiques les affectent davantage que les filles. Oui, il manque de ressources dans nos écoles pour ces élèves, garçons comme filles qui éprouvent de réelles difficultés scolaires.

Mais peut-on ajouter quelques éléments politically incorrect à ce débat?

Un manque d'éducation de la part de certains parents

Certains garçons sont carrément mal éduqués par leurs parents et sont des p'tits criss, point à la ligne. À la maison, on retrouve parfois une mère monoparentale dépassée qui ne sait pas quoi faire avec un futur mâle alpha qui prend plaisir à marquer son territoire. De l'autre côté, on retrouve un père qui a tout de l'adolescent attardé et qui est chummy avec Junior. Voyez-les ensemble et on dirait des clones de taille différente.

Pensez-vous sérieusement que ce gamin va accepter de s'adapter au milieu scolaire? Grosse nouvelle: il ne s'adaptera qu'à ce qu'il a décidé et l'école n'a rien à voir là-dedans. À moins qu'il ne rencontre une figure d'autorité qui lui en impose. Combien d'enseignantes toutes timides ai-je vues se faire rudoyer par ces matamores en culottes à terre? Combien d'enseignants gentils se sont fait bouffer tout cru comme des missionnaires? Donnez un volant à certains de ces pauvres petits gars et ils trouveront le moyen de se tuer en défiant rien de moins que le code de la route et les lois de la gravité. Jasez avec un policier d'expérience qui vous expliquera que, même avec lui, ces petits jeunes se montrent baveux, arrogants,

Ils ne bougent pas plus à la maison!

Un autre argument qu'on entend souvent est que les garçons ne bougent pas assez à l'école. Pensez-vous sérieusement que certains garçons qui décrochent bougent davantage à la maison? Pensez-vous qu'ils soient si férus d'activités physiques et de sports? Pensez-vous qu'ils passent leurs fins de semaine à jouer au hockey, au baseball ou au football?

L'obésité n'a jamais été un phénomène aussi préoccupant au Québec que depuis quelques années. Certains gars ne veulent pas plus bouger à l'école que chez eux, croyez-moi. Il suffit de les entendre se lamenter à propos de leur cours d'éducation physique...

Simplement, ils refusent de faire des efforts parce qu'ils ne ressentent aucun plaisir immédiat dans l'acte parfois long et fastidieux d'apprendre. Donnez-leur une console de jeu en classe et vous ne les entendrez plus se plaindre de ne pas bouger.

Aussi, la prochaine fois que vous aurez droit ce discours sur les «pauvres p'tits gars» à l'école, ne tombez pas dans le pathos larmoyant qu'on nous livre à grands coups d'envolées réductrices: il existe aussi des garçons pour qui les notions d'effort et de limite à leurs désirs personnels les poussent au décrochage devant un système scolaire dont on arrête pourtant pas de dire, paradoxalement, qu'il nivelle tout par le bas.

Certains garçons ne sont pas des inadaptés scolaires, victimes d'une école féminine, mais bien des inadaptés sociaux. Qu'on cesse de blâmer l'école: dans ce cas précis, le problème est ailleurs. Dans nos maisons, dans nos médias, dans notre culture.

21 commentaires:

Jonathan Livingston a dit…

Et Ve-lan dans les dents!

J'aime assez cette phrase: «Regroupez tous les garçons du Québec dans des classes ou des écoles non mixtes et vous aurez le même résultat: des tarés qui tyrannisent ceux qui aiment apprendre comme s'ils voulaient instaurer une dictature d'épais.»

Anonyme a dit…

Une heure que je tourne autour de ce billet sans savoir exactement quoi en penser. Que ça fait plaisir à entendre d'abord ! Mais ça ressemble plus à de l'exaspération à chaud qu'à une réflexion tranquille. Je n'ai pas cette expérience au collégial, où les réfractaires sont répartis assez également entre les deux sexes et réussissent rarement à s'imposer. J'ai autant de petites sottes que de petits imbéciles qui rigolent ou se contrefichent de la matière. Le fait que nos classes soient en moyenne composées de 60% de filles, voire 70 % dans certains cas, y est peut-être pour quelque chose. Reste que j'ai du mal à comprendre pourquoi un fille de parents crétins serait moins crétine que son frère. Ce qui m'apparaît clair cependant, c'est que l'école est de plus en plus conçue en fonction des cas difficiles, à l'instar des fameux mots étiquettes des premières années du primaire, qui au départ, visaient à faciliter l'apprentissage des enfants ayant des difficultés avec la méthode syllabique. Il faut scolariser tout le monde, c'est devenu le mot d'ordre, et c'est une bien belle utopie. Tout le monde veut-il être scolarisé ? De la même façon ? Au même niveau ? Et surtout, veut-on les scolariser ou leur donner un diplôme ? Je crois pour ma part que la plus grande erreur de l'école a été de devenir poreuse en voulant être un prolongement de la maison. Ce n'est plus un sanctuaire de l'apprentissage et du savoir, un lieu étanche qui donnait aux élèves ce qu'ils ne pouvaient obtenir à la maison et qui nécessitait une posture différente : celle de l'écolier. C'est désormais un marché, une garderie, un lieu de socialisation, un terrain de jeu.

Le professeur masqué a dit…

Jo: merci.
Prof qui fesse: vous seriez surpris. J'ai réfléchi à ce texte pendant de longues journées.

Anonyme a dit…

On en déduit que remettre les écoles non mixtes au programme ne rendra pas nos gars plus intéressés à l'école?

Le professeur masqué a dit…

C'est de la pensée magique. Quant à moi, quand on met de l'avant concrètement ce genre de mesure, on évalue mal l'effet «mobilisation» qu'il engendre.

Anonyme a dit…

Toi qui est un gars, que préconises-tu comme "ce qui devrait marcher pour intéresser nos gars à l'école"?

Le professeur masqué a dit…

Cher anonyme,

Je crois que ma pensée n'a pas été assez claire. Je ne préconise rien pour l'école. Absolument rien sinon que du dépistage et des services adéquats.

Le reste appartient majoritairement à la société et aux parents. Et l'école perd son temps à changer si elle le fait seule.

Charles Samares a dit…

Ton billet m'a ému...

Quel merveilleux résumé de la pensée de bien des enseignants!

Bravo!

Stephane L. a dit…

@Profquifesse

Tu oublies quelque chose en disant:
"Je n'ai pas cette expérience au collégial, où les réfractaires sont répartis assez également entre les deux sexes et réussissent rarement à s'imposer."

Les garçons dont on parle dans l'article ne se rendent pas au collégial (ils ne se rendent même pas en secondaire 5). Tu as la "crème" des garçons dans tes classes.

Future Prof a dit…

Enfin. Merci. Moi aussi, j'en ai marre qu'on mette la faute sur juste l'école...

Martin Dufresne a dit…

Il faut non seulement dire ces choses mais aller à la racine du discours masculiniste qui cherche à blâmer une éducation "trop féminine" du décrochage de certains garçons. Il y a chez eux une panique de voir les hommes payer le prix d'une "masculinité" devenue caricaturale. Et de réclamer des espaces réservés aux garçons, des quotas de profs masculins, des ordinateurs et des cours de maths et français dont on refuserait l'accès aux filles pour tenter d'annuler artificiellement les différences de performance qui s'avèrent.
Ne laissons pas les misogynes contrôler l'instruction des prochaines ghénérations.
Une lecture éclairante: "Les masculinistes face à la réussite scolaire des filles et des garçons", Pierrette BOUCHARD, in Cahiers du Genre (no 36), 2004.

Anonyme a dit…

"Quel merveilleux résumé de la pensée de bien des enseignants!"

Enseignants, cessez de penser et agissez! Il serait temps que vos syndicats se mettent au niveau éducation!

Charles Samares a dit…

Cher Anonyme,

Il serait naïf de croire que les enseignants diffèrent des gens de la masse sociétale...

Comme la population en général, l'immobilisme règne en notre sein et les choses se mettent en mouvement, mais très lentement...

Agir est donc un processus de longue haleine...

Anonyme a dit…

Je me permet de vous faire part d'une observation sur laquelle je médite depuis quelques temps à ce sujet. Historiquement, cette école, à qui on reproche de n'être pas faite pour les garçons, n'a-t-elle justement pas été façonnée et développée pas et pour des hommes?

Renart Léveillé a dit…

J'ai publié un billet où je relate le vôtre. C'est une réponse à un commentaire d'un certain Yannick Gagné qui tente de vous enlever toute crédibilité puisque vous êtes, comme tous les autres profs, syndiqués...

Je me disais que ça pourrait vous intéresser d'y jeter un coup d'oeil.

Le professeur masqué a dit…

Renart: Pourrais-tu me donner le lien ou encore la série d'échange qui a mené à ce commentaire?

Merci!

Renart Léveillé a dit…

C'est mon dernier billet, tout y est :

http://www.renartleveille.com/le-comble-de-la-mauvaise-foi

Le professeur masqué a dit…

Je me ferai un plaisir d'aller écrire sur son blogue. Mais là, c'est la fin d'étape: correction et notes.

Le professeur masqué a dit…

Puis, finalement, je suis aller lire la prose de ce libre-penseur... Je préfère consacrer mes énergies à mes élèves. Quand un individu n'a que l'insulte comme argument, il n'y a pas grand-chose à lui répondre tellement c'est futile et faible. Si en plus, il n'a pas le courage de venir faire valoir son opinion sur mon blogue à la suite de mon billet, c'est encore plus navrant.

Merci à toi, Renart, de m'avoir signalé l'intervention de ce libre-penseur qui a l'air de s'y connaitre en matière de paresse.

Renart Léveillé a dit…

Il est paresseux d'un côté, mais de l'autre il est excellent pour faire des entourloupettes afin de se défiler...

Anonyme a dit…

Je viens de parcourir rapidement ceci, qui aborde par un autre angle la même question : http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2010/10/31/maternelles-—-et-apres.html#more