07 novembre 2010

Les enseignants: des professionnels? (ajout)

Je m'interroge beaucoup sur le statut des enseignants, sur la perception que la société a d'eux et sur ce que font ces derniers pour développer une meilleure image quant à leurs compétences.

Ce matin, donc, on apprend les résultats des étudiants en enseignement de l'UQAM au TECFÉE: 66% d'échec. Seulement. Dans la moyenne. La routine. Quand on sait que, pour entrer dans un programme en enseignement, il suffit parfois d'une cote R anémique, on ne peut être surpris par une telle moyenne.

Mais je me dis que les enseignants seront toujours considérés comme des ti-clins quand je lis les propos de Marie Nadeau, professeure responsable de ce dossier à l'UQAM.

C'est pas nous, c'est la langue!

«Tout le monde n'a pas à être testé sur l'accord des participes passés avec les verbes pronominaux ou connaître toutes les règles du participe passé qui concernent son accord et ses difficultés. (..) Est-ce que tout le monde doit sortir de l'école en maîtrisant ces exceptions-là sur le bout des doigts? Ou est-ce plutôt que certaines règles de la langue française sont un peu trop pointilleuses et qu'il faudrait peut-être les réformer?», déclare la dame.

Est-ce qu'en médecine, on remet constamment en question les évaluations auxquelles sont soumis les étudiants? Non. On estime qu'ils doivent les réussir. Ici, ce serait même la faute de la langue française qui est trop pointilleuse pour être maitrisée par de futurs enseignants!

Encore une fois, on élude certaines questions pourtant fondamentales. Et la formation antérieure de ces étudiants? Et les mesures d'accompagnement universitaires? Et la motivation de la part des étudiants à prendre les moyens pour réussir ce test du premier coup?

Quand vous lisez les propos de madame Nadeau, êtes-vous surpris quand plusieurs jeunes enseignants affirment n'avoir rien appris durant leurs études? Quand une responsable universitaire affirme, devant des résultats décevants, que ce sont les évaluations et la matière qui sont trop difficiles... Mes élèves de première secondaire tiennent souvent le même raisonnement, en passant.

Si l'école n'est pas capable de nous assurer que ceux qui y oeuvrent soient foutus de bien maitriser la langue de Vigneault, quel message envoie-t-on à la société en général quant à notre professionnalisme et quant à l'importance de la langue française? Se tirer dans les deux pieds ressemble pas mal à ça...

Quand j'étais gamin, à l'école, mes enseignants d'éducation physique étaient obèses et ne faisaient que lire leur journal tout en nous regardant trimer à faire des redressements et autres exercices. Cette pesante adéquation avait quelque chose de choquant, même pour l'enfant que j'étais. Pourquoi cela serait-il différent aujourd'hui avec des enseignants et la maitrise de leur langue maternelle?

La notion d'effort

Dans la même entrevue, par ses propos, Mme Nadeau montre bien que les étudiants en enseignement peuvent réussir cette épreuve puisque les «résultats des étudiants s'améliorent au fur et à mesure qu'ils se soumettent au TECFÉE.» Le problème est-il alors vraiment le test?

Dans les faits, parmi les étudiants inscrits en 2008, seuls 29% n'ont pas encore satisfait aux exigences du TECFÉE. On constate donc qu'environ 34% le réussissent du premier coup, 37% y arrivent avec des efforts, de l'aide et du temps alors que 29% prennent cette évaluation à la légère ou ne maitrisent pas suffisamment la langue française.

Est-ce que ce sont tous les étudiants en médecine qui complètent leur formation avec succès? Non. Pourquoi devrait-il en être autrement en éducation? Ah oui! c'est vrai: à l'école, tout le monde doit passer. Même les profs...

*****
En complément sur l'argument de la faiblesse de la formation antérieure, ces deux textes du Soleil fort parlants:

Les cégépiens trainent la patte au en français: Le français donne du fil à retordre aux cégépiens. Les étudiants sont de plus en plus nombreux à devoir s'inscrire à un cours de mise à niveau lors de leur entrée au collège. En 10 ans, leur nombre a bondi de 46%.

Offensive pour une amélioration du français dans les cégeps: «Les profs de cégep et d'université en sciences humaines nous ont dit que leur principal problème, c'est que les élèves ont des difficultés à lire et à écrire. C'est un cri du coeur qui est ressorti des tables de concertation. Et comme prof de sociologie ou d'histoire, les profs ne se sentent pas outillés pour répondre à ces lacunes importantes», affirme Érick Falardeau, professeur en sciences de l'éducation à l'Université Laval.

15 commentaires:

bobbiwatson a dit…

Dans le 46% d'élèves qui ont besoin d'un cours de mise à niveau j'espère qu'on ne compte pas les raccrocheurs.
Mon fils est entré au cégep cette année après avoir passé plus de deux années sur le marché du travail. Il doit suivre un cours de mise à niveau avec des élèves provenant de la réforme. Il se demande où ils ont appris leur français. Tellement, que son prof de français lui a demandé où il avait appris sa matière (en tenant compte du fait qu'il était hors étude depuis plus de deux ans) et où il avait pris un certain document d'aide en grammaire. Et lui, de répondre qu'il devait ses connaissances à un très bon prof qu'il a eu en cinquième secondaire.

L'apprentie a dit…

J'dois être dans une promotion de petits génies moi.

J'ai passé tous mes cours (ou presque).
J'suis venue à bout de tous les tests de langue.
J'ai même eu l'TECFÉE du premier coup.

Et, pourtant, je sens bien que mon niveau est faible par rapport aux autres.
Qu'on me dise où j'dois aller pour me sentir "meilleure" et avoir l'impression qu'un jour je le ferai bien, mon métier.

Parce que là, avec la pression des parents, des médias, de l'université et même de mes camarades de classe, je doute de mes capacités et j'ai peur que la moindre erreur me soit fatale.

["Est-ce que ce sont tous les étudiants en médecine qui complètent leur formation avec succès? Non. Pourquoi devrait-il en être autrement en éducation? Ah oui! c'est vrai: à l'école, tout le monde doit passer. Même les profs... "]

Et on doit passer correctement, en restant dans les lignes. Un écart de conduite ou un différent d'opinion et c'est le début de la fin.

Bref.

Pour en revenir au TECFÉE, la partie "rédaction" est une véritable mascarade.
"Dictionnaire autorisé".
C'est quoi l'idée ?

Anonyme a dit…

Une enseignante du primaire qui ne connaît rien aux maths et qui ne fait rien pour résoudre son problème ou un enseignant du secondaire démuni devant un élève dyslexique sans se documenter sur la manière d'intervenir avec lui n'ont pas leur place dans notre système d'éducation. Pourtant, on tolère aisément cette situation. C'est même tout à fait normal.

On exige du médecin de savoir manier le bistouri et diagnostiquer nos symptômes, pas seulement de prescrire des médicaments. On devrait exiger de l'enseignant la même rigueur afin d'intervenir sur le cerveau d'un élève, son bistouri étant la pédagogie. Il n'est pas là que pour prescrire des travaux!

Il faut détenir une maîtrise pour devenir bibliothécaire (avec tout le respect que j'ai pour cette profession) alors qu'il ne faut qu'un bac pour éduquer des enfants. Cherchez l'erreur!

Mes observations et mes activités dans le domaine de l'éducation m'amène à penser qu'il faudrait détenir une maîtrise en Éducation (en plus d'un bac disciplinaire) afin d'obtenir le doit d'enseigner (primaire, secondaire, orthopédagogie, préscolaire, etc).

Cela permettrait globalement de hausser le niveau de métacognition des enseignants qui, actuellement, ne fait pas le poids, face aux responsabilités dont ils ont la charge.

Cela commence dès la formation des maîtres, dont celle que j'ai héritée (j'étais le premier à chiâler lorsque je me suis fait recaler pour une mauvaise utilisation de la langue lors de mon bac et je n'ai aucune maîtrise dans mes poches).

Je constate seulement que la capacité de réflexion d'un grand nombre d'enseignants ne semble pas vraiment plus élevée que celle qu'ils avaient à la sortie de leur baccalauréat.

Cela me semble problématique pour la crédibilité de l'institution scolaire à moyen terme et pour notre capacité collective à éduquer adéquatement les générations futures.

La même démarche provoquera toujours les mêmes résultats.

Smeugd

gillac a dit…

Cette chronique illustre le déclin d'une société incapable de reconnaître les liens entre son existence, sa culture et la langue. Je ne me souviens pas d'un seul gouvernement, péquiste ou libéral, qui a déjà fait de l'éducation sa première priorité. C'est pas vendeur électoralement mais notre survie comme peuple en dépend. Vraiment nous sommes une société en état de burn-out collectif.

Jonathan Livingston a dit…

Smeugd,

Le métier s'apprend beaucoup sur le terrain en interaction avec les jeunes, à se poser des questions et à se rajuster continuellement selon la situation et les jeunes qui défilent. Ce n'est pas par une maîtrise, qui continue de rester dans les hauteurs de la théorie, qu'on sera davantage préparé pour les responsabilités (trop nombreuses en passant) que nous avons.

Enfin, j'ai eu la chance de débuter sur le terrain de l'adaptation scolaire et de rencontrer bien des jeunes au prise avec des difficultés d'apprentissage. Ce que j'ai surtout appris sur le terrain et en interaction avec des collègues d'expérience, c'est qu'il faut du temps pour adapter son enseignement et son matériel à une clientèle particulière.

Tant qu'on fera des maîtrises qui jargonnent sur l'analyse comparée des grammaires sur le marché ou sur les différents paradigmes de l'apprentissage dans la hauteur des concepts, tout en nous prenant pour des surhumains capables, dans des contextes de classe à trente élèves (ceux d'aujourd'hui), de fournir une attention significative à tous les élèves à besoins particuliers, on ne va pas s'en sortir.

C'est un peu comme si on demandait une maîtrise en sculpture avant de commencer à tenir un ciseau et un marteau pour se mettre à l'œuvre.

La solution, plus de formation, est une idée universitaire qui lui assure une clientèle longuement fidélisée. Les politiques aussi doivent se douter qu'on doit garder une bonne partie de la population à l'école pour faire baisser les taux de chômage!

Enfin, pour apprendre son français avec finesse, il existe des exercices simples depuis longtemps dans la pédagogie du français traditionnelle. Voilà 30 ans qu'on sape dans l'esprit de ceux qui enseignent cette matière la réputation de ces outils pour leur vendre un matériel didactique toujours plus superficiel qui promet faussement un apprentissage sans ennui.

Maîtriser sa langue demande un effort qu'on doit canaliser dans une discipline par des exercices qui automatisent la connaissance et permet d'objectiver sa pratique d'écriture.

Tant que 25 % des profs de français seront des précaires ou des replacés dans le système pris dans une méthodologie tout à fait inepte, on ne va pas s'en sortir davantage.

Jean-Pierre Proulx a dit…

Monsieur le professeur masqué,

Je vous invite d'abord à vérifier deux de vos affirmations auprès de registraire des universités:

1- Quand on sait que, pour entrer dans un programme en enseignement, il suffit parfois d'une cote R anémique, on ne peut être surpris par une telle moyenne.

2- Est-ce que ce sont tous les étudiants en médecine qui complètent leur formation avec succès? Non.

Je vous invite aussi à relire ce qu'a écrit le Conseil supérieur de l'éducation dans son avis de 2004 sur la profession enseignante et la compétence des enseignants en français. C'est mon credo.

Le professeur masqué a dit…

Bobbi: grand bien lui fasse!

Apprentie: le dictionnaire, c'est parce que ce n'est pas assez de leur donner le privilège de rédiger leur texte et de choisir leurs mots...

Smeugd: je ne sais pas pour la maitrise. Juste une formation universitaire bien foutue serait déjà pas mal. Mais si on savait à quel point certains cours universitaires sont bidons.

Gillac: au contraire, ils ont tous affirmé que l'éducation était leur priorité. Bouchard, Charest... Je m'en rappelle très bien. Ils ont simplement évité de dire «prioritaire» dans quel sens? dans quelle intention? Pour Bouchard, c'était les coupures, je crois...

Jonathan: la valeur de la formation... maitrise ou pas. je suis d'accord.

M. Proulx: Pourriez-vous faire simple comme qu'on dit? Si vous avez des infos qui nuancent les miennes, pourquoi ne pas les indiquer tout simplement? Jouez à «Cherche ce que je sais», j'ai passé l'âge.

1- Selon les programmes, selon les universités, les cotes R pour être admis en enseignement varient. Mais ce ne sont pas toutes les universités qui remplissent leur contingent, si j'ai bonne mémoire.. Mais on ne parle pas des cotes très élevées. Rien de comparable avec droit, HEC ou communication, par exemple.
2- En médecine, a-t-on 100% de réussite? Pourtant, on parle du top du top de la cote R. Peut-on accepter que ce ne sont pas tous les inscrits qui doivent réussir et qui, contrairement à ce qu'écrivaient cette jeune enseignante dans La Presse, ne se ramassent pas avec un poste à vie en sortant?

Pour le CSÉ, un lien suffirait è nous simplifier la vie, vous ne trouvez pas?

bobbiwatson a dit…

Précision du commentaire stp.

gillac a dit…

Vous avez raison de parler de priorité prioritaire car les politiciens utilisent le mot priorité comme un papier-mouchoir. En santé que je connais mieux, le ministre Bolduc dit que la première ligne est sa priorité et dans le quotidien fait tout le contraire.

Paul C. a dit…

La langue est le véhicule des nos pensées. Ainsi, une personne limitée au plan de la langue le sera souvent au niveau des idées.

Rien à voir avec les participes direz-vous? C'est toutefois avec une langue bien maîtrisée et nuancée qu'on parvient à s'exprimer de façon claire et précise. Ça peut être utile à un enseignant.

Quand à la rigueur en éducation, selon mon expérience, elle fait tristement défaut, même aux études supérieures. Peu des cours offerts dépassaient le niveau du BAC (autre discipline) et les élèves d'éducation étaient complètement absents des cours "rigoureux".

Future Prof a dit…

En enseignement, à l'UQAM, à l'UQO à St-Jérôme et à l'UdM, c'est il faut une cote R de 20. Pour la petite histoire, une de mes amies ayant coulé plus de la moitié de ses cours avaient uen cote R de 19... Anémique, dites vous ?

Jean-Pierre Proulx a dit…

Monsieur le Masqué

Vous vous en sortez par une pirouette. Quant j'étais journaliste, Ryan m'a appris à ne rien affirmer que je ne puisse prouver.

Je ne peux vous donner la réponse définitive aux deux questions que je vous ai posées. Mais ce que je sais pour avoir, entre 1995 et 2000, dirigé le Centre de formation initiale des maîtres de l'UdeM, c'est que personne n'était admis avec une cote R moindre que 25, J'ignore si c'est encore le cas et j'ignore ce qui en est ailleurs. Je sais aussi que dans certains départements où cohabitent des futurs maîtres et d'autres étudiants, les premiers avaient des cotes plus fortes que leurs collègues.

Pour ce qui est de médecine, j'ai entendu dire que tous ceux qui y étaient admis y terminaient leurs études. Mais c'est à vous de vérifier.

Salutations respectueuses.

pour le lien CSE, c'est www.cse.gouv.qc.ca

Le professeur masqué a dit…

M. Proulx; ne me prêtez pas d'intentions. Quand j'ai tort, je le reconnais assez aisément. Seulement, c'est chouette quand les gens qui contredisent amènent une source. On est moins dans le vide.

Le professeur masqué a dit…

M. Proulx;

En enseignement du français, je vous invite à consulter la page suivante pour les cotes R.
http://www.metiers-quebec.org/enseignement/prof_francais.htm
Cote R la plus forte: 23,318 à l'UdeM.
Cote la plus faible : 20,250 à l'UQAC

Comparatif rapide au hasard.
Communication à l'UdeM: 24,5.
Droit UdeM: 30,5
Science politique à l'UdeM : 24,0
Architecture à l'UdeM : 30,2
Criminologie à l'UdeM: 27,58

Une cote R de 20 équivaut environ à 65% de moyenne au cégep. Une cote R de 25, à 75%.
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Cote_R)

Donc, on admet comme futurs profs des élèves qui ont parfois moins de 70% de moyenne au cégep. Et entre vous et moi, 70% au cégep, c'est assez moyen.

D'autres chiffres?

Le professeur masqué a dit…

Pour chasser toute confusion, dans les chiffres que j'ai indiqués plus haute, on parle de la cote R du dernier candidat admis.