19 février 2009

Absentéisme, service d'aide aux employés et compagnie

Paraitrait que le personnel s'absente de plus en plus dans les écoles: enseignants, professionnels comme employés de soutien. 46% des absences des enseignants seraient reliées à des causes psychologiques.

Mes raisons personnelles pour m'absenter sont les suivantes: corriger, être épuisé ou être en dépression en même temps que je suis en épuisement professionnel (mon ex a eu l'idée géniale de me plaquer alors que, médicalement, n'importe quel médecin m'aurait retiré du boulot, alors il m'arrive de cumuler ces deux motifs d'absence...).

Surtout, je m'absente parce que je me fous de cumuler des journées de maladie alors que je suis déjà fatigué et que je serais peut-être mort avant d'en profiter tellement cette tâche est parfois épuisante. Comme bien des collègues, je ne pense plus à l'avenir: la dégradation du réseau de l'éducation me pousse à penser au présent de façon urgente. Cueillez des aujourd'hui les congés de la vie, dirait Ronsard.

Et puis, il y a aussi la conscience professionnelle qui fout un peu le camp. Je pense plus à moi. Je suis déjà rentré au travail avec des bronchites, des pneumonies, convaincu que je ne pouvais pas laisser tomber mes jeunes. Aujourd'hui, j'ai compris que j'étais le dindon de la farce parce que le MELS va faire réussir mes gamins en autant qu'ils fassent moins d'une faute aux 15 mots. Le système se fout de mon professionnalisme et de la qualité réelle de mon travail.

Une phrase m'a fait réagir dans l'article de Cyberpresse: «En 2002-2003, les commissions scolaires avaient pourtant réussi à faire diminuer l'absentéisme en mettant en place des méthodes de gestion plus sophistiquées, comme des programmes d'aide aux employés et le retour progressif au travail.»

J'ai bien ri. Des profs aux prises avec de la détresse psychologique, j'en connais des tas. À ma CS, le programme d'aide aux employés permet trois consultations gratuites. C'est tout. Aucun véritable suivi n'est exercé par la suite. On est automatiquement guéri.

Alors que je suis médicamenté et suivi par un psychologue, j'ai un adjoint qui veut me voir relever de nouveaux défis, un autre que j'ai dû menacer d'un grief parce qu'il se livrait à de l'intimidation au travail (alors qu'il connait parfaitement mon état) et un directeur nouvellement arrivé qui ignore tout de mon cas et qui a la plus haute estime pour mon engagement professionnel.

Quant au retour progressif, nos conventions collectives prévoient un mécanisme de retour au travail unique comme si tous les cas étaient identiques. À ma connaissance, pour bénéficier d'un retour au travail, il faut cesser d'avoir été en psésence d'élèves pendant deux ou trois mois. Après, on peut espérer un retour. Un prof qui pète les plombs en juin, comme c'est fréquent, devra se tourner les pouces chez lui parfois jusqu'en octobre pour revenir au boulot alors que son traitement lui demanderait de recommencer à travailler bien avant parce qu'il devient fou à force de tourner en rond.

Qui plus est, un membre de ma famille qui travaille au suivi du personnel pour de grandes entreprises privées a été purement scandalisé de la façon dont les cas de détresse psychologique et d'épuisement professionnel étaient gérés en éducation. Quant à la notion de retour progressif, elle l'estimait tout simplement inefficace. Elle avait la ferme conviction qu'en éducation, on scrappait purement et simplement de bons enseignants, ce qui entrainait des coûts encore plus élevés par la suite et une moins bonne qualité du service offert.

15 commentaires:

Anonyme a dit…

Je dois malheureusement être d'accord avec toi. En éducation, on scrappe de bons enseignants. Les conditions de travail sont éprouvantes.

j'ai hâte qu'on allume quelque part...

unautreprof a dit…

Je suis comme toi là-dessus, maintenant, je prends des journées de santé mentale, souvent, je n'y fais pas de travail mais je reprends du temps que j'ai trop mis les semaines précédentes à corriger, planifier, rencontrer.

Par contre, le ridicule un peu là-dedans est la grosse grosse heure (ou plus) que je passe à préparer la planification pour le suppléant. Mais je ne pourrais pas ne pas en laisser une, c'est la moindre des choses, surtout avec mon multi-niveaux...

Anonyme a dit…

Et on ne parle même pas du personnel sans statut permanent...
JE suis en épuisement et/ou en dépression itou. Songe à me réorienter.

Anonyme a dit…

Votre histoire me fait penser aux soldats qui reviennent du front et qui auraient besoin de soins mais qui n'en reçoivent pas....
C'est grave.

bobbiwatson a dit…

Heureusement que les semaines de relâche existent! Leur présence dans le calendrier scolaire est motivée.

Ness Eva a dit…

Ce billet me touche BEAUCOUP. J'en suis à ma 5e année d'enseignement et depuis décembre, je suis en arrêt de travail parce que "pu capable". Je ne connais pas encore la date de mon retour, mais là n'est pas la question. (Anyways, je ne me sens pas encore assez solide sur mes pattes!) Plusieurs raisons m'ont amenées là où j'en suis, entre autres, de l'intimidation et du harcèlement venant de d'autres enseignants. (D'ailleurs, à ce sujet, il y a présentement des médiatrices dans l'école!!! C'est fort quand même, non??) C'est une nouvelle école, je suis arrivée et j'ai "pris mon trou", je n'ai pas fait de vagues, je me suis impliquée dans différents comités, c'est tout.

Dans ma CS, on a aussi 3 consultations gratuites avec le PAE. TROIS. Le psy n'a vu que la pointe de mon (mes) problème(s) et déjà, on doit se dire aurevoir. EN PLUS, la compagnie qui fait affaire avec la CS et qui engage le psy n'accepte pas que les patients prennent ensuite des rendez-vous privés avec ce même thérapeute pour continuer de guérir le bobo. (Je ne suis pas sure que c'est clair, mais en bref, après mes 3 rencontres gratuites avec le PAE, je vais devoir me trouver un autre psy pour continuer mon suivi. Finalement, est-ce que je serai plus avancée en bout de ligne? Pas vraiment. Tout sera à recommencer et SURTOUT, je devrai trouver quelqu'un avec qui je me sens bien de m'ouvrir!)

Et là, il faut en rajouter un peu parce que ce n'est pas suffisant d'être en arrêt de travail et de devoir prendre du temps pour se regarder le nombril. La CS demande des papiers du médecin (à 30$ pour une feuille 8½X14) à presque chaque rendez-vous (aux 3 semaines environ) - (et ce, même si le médecin précise que la date de retour au travail est INDÉTERMINÉE) - (je comprends que ce sont des règles surement pour prévenir les abus, mais quand même!!) et une fois qu'elle a les fameux papiers, elle prend un temps FOU à ajuster la paie. Une fois que la paie est finalement ajustée, tu te rends compte que ce n'est vraiment pas payant d'être en congé maladie et tu te dis qu'à ce prix-là, tu aurais peut-être mieux fait de continuer à travailler et de péter les plombs en juin.

Très paradoxal.

(Désolée pour ma petite montée de lait contre le "Système"!!!)

Bulle a dit…

On est au front tous les jours...

Hortensia a dit…

Ce billet me donne juste envie de te dire de bien prendre soin de toi.

Jonathan Livingston a dit…

Socio-déconstruction du corps enseignant

Il y a 14 ans, j'ai commencé ma carrière si je peux l'appeler ainsi. J'ai tout juste 6 proche 7 ans d'expérience maintenant. La différence: 3 ans de maladie dont deux sur le BS avec famille avec 3 enfants, 4 ans à essayer de faire autre chose... 1 an à voyager... J'y suis revenu l'an passé 6 mois, après 3 ans de dégoût profond alors que j'ai refusé de donner ma santé une deuxième fois pour un mandat dément qui m'a fait être banni de la CSDM... J'y reviens peut-être ce printemps...

J'aime ce métier pourtant, j'en parle avec passion, on m'a encouragé à y retourner... Une probation réussie de 2 ans dans mon premier milieu avait pourtant établi ma compétence, il faut toujours que je la prouve... Mais ce n'est presque plus possible d'espérer me faire une place vivable en restant intègre... On me demande encore de tout encaisser en fermant ma gueule... à 40 ans passé, ce n'est plus pareil... Je doute même avoir la santé pour tenir une année scolaire encore... enfin faudrait une tâche intelligente... Le rodéo à l'année, je commence à avoir mes limites qui parlent bien vites...Enfin, passer d'un contrat à l'autre demande beaucoup d'adaptations, ça use à la longue... Les situations d'urgence qu'il faut colmater parfois, c'est souvent du délire... Quand on est en forme, on arrive à surmonter bien des difficultés, mais ils arrivent toujours un moment où la quantité des coups reçus finit par nous abattre et là... Le pire, c'est que personne ne voit trop vos bons coups quotidiens perpétuels à travailler avec la matière subtile qu'est une atmosphère de classe (surtout de nos jours, on est de véritables équilibristes), mais au moindre faux pas: le jugement est sans appel. On peut se retrouver en procès pour des vétilles dont les caprices et les mensonges d'un élève qui veut juste rigoler avec les copains pour se faire du capital social...

Même en se protégeant, ce n'est pas une mince affaire...

Voilà pourquoi il faut revendiquer le gros bon sens. Tant qu'on nous demande d'atteindre des objectifs irréalistes avec des groupes trop complexes, à laisser sans ordre les jeunes s'exprimer dans un bruit infernal qu'il faut trop de talent continuel pour maintenir dans un niveau de décence, tant qu'on accepte que l'on nous manque régulièrement de respect, qu'on remette en doute notre compétence, tant qu'on nous demande de faire semblant d'enseigner et de cautionner cette absence de conditions de réussite d'un projet éducatif intelligent et réfléchi, tant qu'on accepte la somme des petits non-sens qui finissent par nous faire douter de la valeur de ce qu'on fait, on verra toujours et toujours plus d'enseignants tomber au front...

Mais le monde de l'éducation est tellement contaminé d'idées étranges et insensés devenues vérités indiscutables qu'il est franchement difficile d'espérer un changement de cap... Comment ne pas être pris à l'occasion de grandes crises de découragement?

Jonathan Livingston a dit…

Euh et en pratique, un retour progressif, c'est compliqué parfois à gérer pour les directions... J'ai été l'an dernier, le complémentaire du retour progressif d'une prof. Dans certaines régions où les suppléants sont rares, c'est juste ingérable... Mais bon, j'ai été malade et j'ai bénéficié un jour d'un retour progressif, je ne renie pas le besoin, loin de là...

Bien sûr que je regardais ailleurs pour une autre tâche l'an dernier, un moment donné se déplacer pour un cours et des suppléances... Quand autre chose se présente, on file souvent à l'anglaise et coudons, je sais bien les élèves, mais les bouches-trous n'ont pas à juste être des saints...

Enfin, je le répète, il faut parler conditions de travail, pour en arriver le moins souvent là.

On ne peut pas demander aux enseignants plus que ce n'est humainement possible...

Je ne vois jamais les bons avocats de nos charmants syndicats venir nous voir pour parler de ces sujets pourtant si fondamentaux... Tsé juste se promener comme les jolies dames de certaines maisons d'éditions viennent le faire pour nous vendre leur camelote approuvée... Non le délégué syndical, qui a sa tâche à temps plein, est là non?

Anonyme a dit…

Les conditions sont les mêmes en Ontario. Au niveau des "réussites" scolaires et au niveau de l'absentéisme. D'ailleurs, je déménage dans le 514 bientôt et en attendant que mon brevet soit prêt j'ai décidé de travailler dans un resto ou dans un bureau pour quelques mois, peut-être même six mois. Les gens ne me comprennent pas de vouloir travailler dans des "conditions comme ça" (un resto) "avec un salaire à chier" (alors que je ferais sûrement plus d'argent) mais, honnêtement, y'a des matins que je donnerais tout pour être une serveuse ou une secrétaire! J'ai 24 ans et ça fait 3 ans que j'enseigne, et parfois j'ai d'avoir 50 ans tellement ma santé physique et mentale est en jeu. Je suis *épuisée*, et moi aussi, j'ai arrêté de vouloir conserver mes journées de "maladie"! Quand je tente d'expliquer à mes proches mon épuisement émotionel, ils ne me comprennent pas.

bibconfidences a dit…

Je ne travaille que le temps inscrit sur ma feuille de tâche. Naturellement je n'arrive pas parce qu'on me "scrap" mes périodes libres pour des PIA, des rencontres avec les "professionnels" pour mon TED et mes TC, des réunions qui ne riment à rien et des comités beaucoup trop longs.
On rogne sur mes journées mais je refuse de travailler le soir et les fins de semaine. Niet. Je fais une expérience. Je sais déjà que je n'aurai pas assez de temps pour tout corriger, pour tout noter, mais au moins je me serai respecté. À ceux que ça offusque je leur dirai que je ne suis ni moine, ni bénévole. Tant pis.
Je suis épuisée et même si nous sommes la profession la plus en contact avec les microbes, nous n'avons que très peu de jours de congé pour les combattre. <
C'est fou... Je me demande combien de temps nous allons continuer à courber l'échine.

bibconfidences a dit…

Je vais lâcher prof, d'ici un an à deux ans, je lâche la job... je ferai peut-être de la suppléance à la journée, je pense qu'à Montréal c'est un besoin, mais moi qui ai toujours été pour la justice je ne peux plus continuer à gérer ce simulacre de papier qui consiste à écrire notre tâche à chaque début d'année et à remettre ce papier ridicule à la direction.
Je ne peux plus en mon âme et conscience me faire exploiter de la sorte à travailler 10 heures minimum par semaine bénévolement pour arriver à faire passer ce maudit programme et à évaluer ces ridicules compétences sans que cela ne me serve à faire avancer ma carrière ou à me faire augmenter. Eh non! je n'ai pas de linge à vaisselle sur la tête et je n'ai aucune envie d'être canonisée.
Je ne peux plus y penser sans avoir des bouffées de chaleur, des palpitations et une colère qui grossit de semaines en semaines.... Je ne sais même pas comment je vais finir l'année sans sauter à la gorge de quelqu'un. J'ai besoin d'aide mais à part crier toute mon amertume je ne vois pas comment je vais me calmer.

Le professeur masqué a dit…

Morgane: tant et aussi longtemps qu'on sera aussi «mitaines», personne n'allumera, crois-moi. Nos syndicats sont plus intéressés à grossir leur nombre de membres qu'à s'assurer de leurs conditions de travail. Regarde uniquement ce qu'on doit payer de notre poche pour travailler. Le phénomène est connu mais il ne se passe rien.

Un autre prof: au secondaire. il me fallait parfois une demi-heure pour préparer une période d'une heure et quart. Grâce à la ministre, je les fais maintenant lire sans me sentir coupable...

Renée-Claude: même les secrétaires que je connais sont parfois à bout...

Garamond: au moins, eux, ils ne sont plus au front...

Bobbi: un plaster sur un mebre gangrenée...

Ness: ton commentaire me touche aussi. L'enseignement peut être un travail très émotif et exigeant. En tout cas, pour les profs qui m'ont marqué et que j'admire, c'est le cas. Sauf qu'il faut apprendre à ne pas y laisser sa peau.

Chez nous, au moins, on peut continuer avec le même psy. C'est déjà un début. J'étais d'ailleurs à la recherche de celle que j'avais consultée quand ex m'a plaqué... Chez vous, c'est complètement délirant!

Et puis, tu as raison, quand on est en arrêt de travail, on a TELLEMENT envie de gérer des papiers et de la bureaucratie. Sans entrer dans les détails, lors de mon premier arrêt de travail, ma CS me réclamait des milliers de dollars parce qu'elle estimait que j'étais en congé mais ne voulait pas que j'entre en classe parce que j'étais en dépression...

Bulle: ouais. On est de la chair à canon!

Hortensia: j'y travaille, mais le chemin est si long, tu sais. Parfois, je dois prendre des pauses. Et même aujourd'hui, les larmes sont souvent près de mes yeux. Il y a des chagrins d'amour plus lourds que d'autres

Jonathan; j'aime bien l'expression. Socio-déconstructivisme.

Anonyme: j'ai une collègue qui gagnait plus comme barmaid que comme prof. Et elle se faisait moins harceler.

Bibco; moi, la feuille de temps, je n'arrive pas encore à la respecter. Pas cette années, en tous cas, qui en est une d'adaptation et de création de matériel. Mais je souhaite y arriver un jour.

J'ai deux collègues qui vont quitter cette année. Elles décrochent. Plus capables. Des profs d'expérience. C,est un signe, non?

Si tu veux, tu peux venir crier ici. Mais ne décroche pas: change, simplement. Va ailleurs. Fais un choix au lieu de subir.

Isamiel a dit…

La lecture de ton billet m'a ému.

Tout d'abord, prends soin de toi.
Être enseignant, c'est être son propre instrument de travail. Pas d'enseignant, pas d'enseignement possible. À la lecture de tes billets, je perçois toute l'attention et le souci que tu mets dans l'aide que tu apportes aux jeunes avec lesquels tu travailles. Un prof de ta trempe, c'est trop précieux pour ne pas être inquiet de ta situation.

Aussi, dans une grande «boîte» comme celle de l'Éducation, je trouve qu'on devient parfois, et malheureusement, des denrées périssables... Combien attendent sur les fameuses listes pour avoir une petite place? Malgré toute la passion qui nous anime, le désir de bien faire les choses et l'importance de notre travail, il faut aussi se rappeler que ce n'est qu'une job: qu'un moyen de mettre du lait, du pain et du beurre sur la table. Ta vie, nos vies sont aussi vraiment trop importantes pour les «sacrifier».

Bon courage.