Le titre de ce billet vous semble hallucinant? Attendez de lire le reste de ce dérapage pédagogique.
Ce matin, de retour d'une formation du MELS et de la CS, un collègue d'histoire m'a expliqué qu'il ne pourrait plus donner ou enlever des points pour la qualité de la langue dans les travaux qu'il demande à ses élèves. Pourquoi? Parce que la langue n'est pas une des trois compétences prévues au programme d'histoire. Il ne peut donc exiger formellement de ses élèves qu'ils lui remettent un travail respectueux de la langue française. Dans ce cas précis, il s'agit plutôt d'une compétence transversale qui se perd dans les méandres de l'utopie pédagogique au secondaire. De toute façon, des points, ça n'existe plus, alors pourquoi s'en faire?
On parle bien sûr d'une autre philosophie pédagogique mais pourquoi doit-il changer ce qui marchait bien dans son cours?
Par ailleurs, en histoire, ce collègue me confiait que le contenu du programme était intéressant, mais qu'un élève habile en lecture et en argumentation pourrait ne pas suivre de cours pendant deux ans et réussir malgré tout l'évaluation finale. À l'image de la réforme finalement: un beau contenu mais une évaluation plus que discutable.
Quant à moi, on recule de quinze ans en arrière pour ce qui est du français. Dans les écoles, il en a fallu des discussions pour qu'elles en viennent à adopter des politiques quant à la qualité du français des travaux écrits. Il est illusoire de s'imaginer que, dans une école de 120 enseignants dont les tâches sont souvent fractionnées sur plusieurs préparations, on arrivera à s'asseoir en groupe pour évaluer la façon dont un élève utilise sa langue maternelle dans ses cours.
Quatre trente sous pour une piasse... et encore!
Purement décourageant.
15 commentaires:
compétance transversale certe mais ils vont tomber de haut les moineaux du secondaire quand ils seront rendus au cegep ou à l'université... (UdM : 5 à 9 fautes = 1 point, 10 à 14 fautes = 2 points ... dans un examen sur 50, ca fait mal!) et puis, dans la vie, il faut bien savoir écrire, pratiquement le poste occupé au travail (je parle de bon francais écrit moi? euh...)
Selon mon humble avis, ça n'a rien à voir avec la réforme. Cette décision aurait pu être prise il y a dix ans en mentionnant que la qualité du français n'est pas un des objectifs du programme d'histoire.
Il ne faut pas confondre idiotie et réforme.
Il ne faut pas croire que toutes les décisions prises maintenant le sont à cause de la réforme.
La stupidité n’est pas régie par des écoles de pensée.
Bien entendu, je ne suis qu'un prof du primaire de surcroit endoctriné par renouveau pédagogique.
Sophie: je suis d'accord. Il va y avoir un problème d'arrimage.
PMT: je crois que vous avez raison et tort à la fois. Je m'explique.
L'idiotie a toujours existé, avant comme après la réforme. Mesurer le français en histoire avant la réforme n'était ni permis ni interdit. Il y avait un flou. Plusieurs écoles ont pu ainsi adopter des politiques relatives à la maîtrise du français dans toutes les autres matières afin de valoriser la bonne utilisation de cette langue.
Sauf que ce sont le MESL et les CP de ma commission scolaire qui ont indiqué qu'en raison de la réforme, on ne pouvait plus mesurer le français dans les travaux d'histoire.
Oui, dans certains cas, la réforme n'est pas responsable de toutes les décisions prises actuellement. Cependant, ces gens sont formés, sont en quelque sorte des porte-paroles, des courroies de transmission du Renouveau. S'ils déconnent, ce sont des gens responsables et des responsables de l'application de la réforme. Ils la façonnent comme on leur a demandé de le faire.
Si tenir compte du français dans toutes les matières était important, on aurait constaté cette faille de la réforme et on aurait trouvé une façon de la régler. Là, on interdit cette mesure et on ne propose rien à part une compétence transversale inapplicable dans une grosse école.
Puisque vous y faites référence, au secondaire, la réforme s'applique très mal quand un élève a huit profs différents et peut avoir des maths de deuxième secondaire et du français de trois. Au primaire, la coordination de tous ces éléments semble moins compliqué. Une compétence transversale se mesure mieux quand il y a un prof principal qui enseigne plusieurs matières.
C'est pour cette raison qu'on a commencé à instaurer des tuteurs au secondaire et à former des généralistes avec un bac de quatre ans à deux matières. Sauf qu'on a arrêté de le faire quand on s'est aperçu que ces enseignants avaient moins de cours d'enseignement du français avec ce bac bi-disciplinaire de quatre ans.
C'est encore pour cette raison que, dans un avis à la ministre, le Comité-conseil sur les programmes d’études du MELS a émis les suggestions suivantes:
«Les changements décrits précédemment impliquent une certaine souplesse dans l’organisation scolaire, définie comme étant « un moyen incontournable qui permet à l’école d’accomplir sa mission : instruire, socialiser, qualifier». Cette souplesse doit être présente dans toutes les composantes de l’organisation scolaire, notamment dans le choix de la grille-matière, de la grille-horaire et de l’horaire-maître.» Rien de moins!
En passant, à l'école privée d'un de mes amis, on a développé d'autres avenues. Les bulletins sont hybrides (compétences et connaissances) et les profs continuent de donner des points pour la qualité de la langue dans toutes les matières.
Il n'y a pas le même son de cloche dans toutes les écoles et même entre les profs d'une même école. Ce soir on m'a dit que tout cela n'était qu'une question d'interprétation. Allez donc savoir ce qui est vrai!!! Une chose l'est. Comme Sophie l'a dit , les moineaux du secondaire vont tomber de haut. Pourquoi faut-il absolument qu'il y ait une réglementation pour l'évaluation du français dans les travaux des autres matières? Un de mes enfants a eu un prof de maths (deuxième secondaire) qui leur demandait d'écrire "EN LETTRES" toutes les étapes de la résolution d'une équation algébrique. Heureusement qu'il ne subit pas la contrainte du nombre de compétences transversales acceptables.
Isssshhhhh... ça dérape, effectivement!
Un petit commentaire comme ça, il me semble que ça serait possible que la matière « français » soit une matière commune à tous les cours où il faut utiliser le français. Donc, par exemple, un corrigé d'un cours d'histoire devrait se retrouver comptabilisé en « histoire » et en « français » : une note pour l'histoire et une note qui se retrouverait en partie en « français », par accumulation avec tous les cours où le français est utilisé, et le cours de « français » lui-même.
Parce que oui, il y a quelque chose d'assez injuste à couler un travail d'« histoire » pour cause de fautes de français...
Bobbi: quand on commence à interpréter, ça commence toujours à jouer faux.
L'application de la réforme est un joyeux bordel quant à moi et j'aurais aimé que les partisans de cette dernière «bottent le cul» de ceux qui l'appliquent n'importe comment avec autant de vigueur que quand ils affirment que tout va bien ou que quand ils bottent le cul de ceux qui la dénoncent.
On dirait presque un cinquième colonne qui travaille activement à la saborder. Ça ne fait pas sérieux.
Renart: le problème, c'est que la coordination de tout cela au secondaire tient de l'impossible comme je l.ai expliqué plus haut.
Également, les profs comptent généralement la qualité du français pour 10%. Quand un élève échoue un travail, il en a perdu pas mal ailleurs avant.
Pour mon collègue, cette note de 10% en français a amené les élèves à être plus soucieux de la langue. Comme ils font attention de mieux s'exprimer, ils gagnent souvent des points parce que leurs réponses sont mieux développées et plus claires.
Bon, merci pour cette réponse, j'aurais bien dû me taire... hé hé! ;)
Ben non voyons! C'est juste qu'au secondaire, un élève a tellement de profs qui eux-mêmes ont tellement de préparations différentes qu'on en sort plus quand on parle de coordination.
Nous avons présentement cette discussion dans notre école. Nous savons que la réforme «interdit» de pénaliser pour la langue ailleurs qu'en langue maternelle mais, comme la qualité du français fait partie de notre projet éducatif, nous songeons présentement à une manière de faire pour, justement, faire passer le tout à travers l'évaluation des compétences transversales. D'ailleurs, nous sommes également en réflexion (on réfléchit pas mal, chez nous, coup dont!) quant aux compétences transversales qui seront matière à évaluation dans notre établissement.
Plusieurs enseignants de mon département s'interrogent sur la qualité de la langue de certains collègues des autres matières et sur leur capacité à corriger des erreurs. Cependant, nous avons convenu que, même si certains ne sont pas en mesure de voir toutes les erreurs, au moins celles qui seront vues seront signalées et «pénalisées».
Lisez bien cela, c'est vrai :
Dans mon cégep, certaines techniques de génie (oui, oui, génie) exigent des préalables de français (oui, oui, de français) dans certains cours techniques (oui, oui, techniques). En particulier, dans les stages.
La Madame est assez fière de ces techniques.
Tout comme missmath, dans "mon" cégep, je suis fière de dire que plusieurs départements techniques ont adopté une politique d'évaluation du français (10%) dans leurs cours de concentration. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain, et certains départements ne veulent toujours rien savoir, mais bon, on progresse. Le département à lequel j'appartiens a travaillé fort dans ce dossier, en participant aux différentes assemblées départementales pour faire de la sensibilisation à cette question, en proposant des outils pour aider les enseignants qui avaient de la bonne volonté mais ne savaient comment s'y prendre (certains enseignants sont terrorisés à l'idée de devoir corriger la langue), etc. Donc, ce que tu racontes me sidère. Comme plusieurs l'ont dit, les étudiants vont être surpris à leur arrivée au cégep. Ça va vraiment dans toutes les directions en éducation... *soupir*
Safwan: ben, je ne suis pas le seul à halluciner des dérapages. Il faut dire qu'on a les mêmes conseillers pédagogiques.
MissMath et Hortensia: quand ils viennent visiter nos élèves, les représentants des facultés de génie des universités, surtout l'UdeM, expliquent que le français est une matière importante parce que les futurs ingénieurs ont souvent à écrire des rapports.
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