27 septembre 2009

Échec des futurs enseignants à un test de français:

On a beaucoup réagi à la nouvelle à l’effet que les futurs enseignants québécois échouaient en grand nombre le nouvel examen visant à mesurer leur maîtrise de la langue française. Faut-il s’en étonner?

Pour ma part, oeuvrant au secondaire depuis maintenant 17 ans, un tel constat n’a rien de très surprenant. Tout d’abord, parce que cette situation existe depuis des années déjà, mais surtout parce qu’elle est révélatrice de la faillite de l’enseignement du français en général et d’une certaine approche par compétence.

Bien que je constate que plusieurs futurs enseignants écrivent et parlent un français qui ne devrait pas être utilisé dans une classe, il m’est difficile de les blâmer pour autant puisqu’ils ont été dupes d’un système qui leur a sans cesse confirmé qu’ils maîtrisaient bien cette langue. En effet, tous ces universitaires ont réussi deux examens d’écriture, soit respectivement un à la fin du secondaire et un à la fin du collégial. On comprend donc le choc qu’ils éprouvent lorsqu’on leur annonce tout à coup qu’ils ne sont plus assez bons. Il n’est pas étonnant qu’ils crient à l’injustice tant ils ont été bernés par des évaluations complaisantes et incomplètes.

Le fait est que ces deux épreuves ne sont pas assez rigoureuses pour certifier que ceux qui les réussissent aient une maîtrise véritablement suffisante de la langue française. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. Cependant, l’une d’entre elles mérite qu’on s’y attarde.

Ainsi, ces deux épreuves d’écriture ne mesurent pas la connaissance qu’ont les jeunes de la langue de Molière, mais plutôt leur habileté à rédiger un texte en évitant de commettre un nombre important d’erreurs. Il leur suffit alors bêtement de contourner les difficultés pour réussir. Pourquoi s’interroger sur l’accord de «des souliers vert pâle» quand «des souliers verts» feront tout aussi bien l’affaire?

Il est évident que, confrontés à une évaluation universitaire qui leur demande d’aller plus loin, ils ne peuvent souvent que connaître l’échec. Il est d’ailleurs faux, et cet exemple le démontre aisément, de croire qu’une compétence entraîne nécessairement la mobilisation d’une foule de connaissances.

À travers ce constat, on comprendra que c’est tout l’esprit de la réforme entreprise depuis des années en éducation au Québec et du programme de français qui date de bien avant le Renouveau pédagogique qui devrait être remis en question. Qu’on le comprenne enfin: compétence n’équivaut pas nécessairement à connaissances.

À cet égard, il est tragique que, pour le ministère de l’Éducation du Québec, on puisse «savoir écrire» tout en ne connaissant pas véritablement la grammaire sans que cela ne pose de problème… du moins jusqu’au jour où l’on souhaite devenir enseignant.

Tout système se reproduit avec ses lacunes et ses défauts. L’échec des futurs enseignants à ce test en est la preuve éclatante.

19 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout/e adulte qui se rend compte d'une faiblesse affectant ce qu'il ou elle transmet aux autres a selon moi la responsabilité d'y voir. Est-ce toujours le cas...

Je comprends que l'on puisse jusqu'à un certain point être « victime » d'un système d'éducation, d'un enseignement, de méthodes d'évaluation déficients, mais comment expliquer l'état de victime perpétuelle ici? On ne parle pas d'un accident de voiture ayant emporté ses facultés mentales ou d'apprentissage.

D'accord pour ne pas perpétuer, bien entendu. Cependant, avec une méthodologie différente est-ce que les enseignants/es déficients/es et qui n'y voient pas, n'y ont pas vu, deviendront automatiquement meilleurs/es?

Hummmm... Pas sûr.

Zed ¦)

Lia a dit…

Mais comment en sortir, Prof masqué? Quand je mets 42% (D ou peu importe selon vos échelles préférées) à un élève plusieurs fois de suite, la direction me tape dessus en me disant que je ferme les portes du cégep à cet élève. Que puis-je faire avec un élève de 5e qui écrit: " Les policier l'on atraper et il criais comme un force nez"? Je veux bien reprendre le B-A Ba, sauf qu'il est un peu tard. Par ailleurs, je dois être une très mauvaise prof, parce que j'enseigne cette année à des élèves que j'ai eus en 2. On avait hurlé de peur, mes collègues et moi, lorsqu'on avait constaté leur taux d'analphabétisme. On avait en vitesse concocté un document sur les homophones les plus simples, parce que c'était urgent. Selon nous, nos élèves ne pouvaient PAS se retrouver en 3e sec. et ne pas savoir distinguer les homophones. Eh bien, malgré nos soins, une quantité alarmante d'élèves de 5e ne sait toujours pas faire la différence entre "se" et "ce", entre "sa" et "ça"... C'est moi que le leur ai enseigné!!!Comment cela se fait-il qu'ils n'aient rien retenu???

Le professeur masqué a dit…

Dans un élan de stupidité, je vais de refuser plusieurs commentaires par inadvertance. Je les publie ici en espérant que leurs auteurs ne m'en voudront pas trop.

Anonyme a dit…

La mémoire s'affermit dans les routines et la répétition amusante, mais ceci ne vaut que pour les publicitaires! Voilà tout ce qu'on ne fait plus Lia. Désolé, si, entre les deux moments où vous avez vu ses élèves, personne n'a vu à leur faire faire leur gamme...

Avec tout ce temps donné à la structure de texte et à écrire n'importe quoi alors qu'on ne maîtrise pas la base, on en perd du temps... Avec toutes ces belles situations d'évaluation et ses SAE aussi...

Bon, j'ai intervenu pas mal sur ce sujet dans l'autre entrée plus bas qui recoupe le sujet. Notre grammaire nouvelle est épouvantablement inefficace et il est temps de faire les constats et de rajuster notre tir.

Sans concertation, on n'y arrivera pas. Sans sortir des dogmes débiles non plus. Et de grâce, les jeunes, tâter de la sauce avant de «redéballer» votre catéchisme appris à l'université...

Jo

Le professeur masqué a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Message de Prof malgré tout:

Lia : Ils ont passé plus de temps sur MSN que ta dans classe?

Personnellement, je la sens cette pression sur le niveau de langage des enseignants, que ce soit à l'écrit ou à l'oral. J'ai tout de même passé l'examen du CÉFRAN pour enseigner à la commission scolaire. C'était une vacherie cet examen si on tombait sur une version difficile.

L’an dernier, j’ai donné une présentation devant deux classes d’étudiants en enseignement au primaire (pas en musique...) de l’UQAM. Il y avait quelques bonnes têtes, mais en général, si l’écrit est au même niveau que le parlé, ils ne réussiront jamais le CÉFRAN.

Il faut l’aimer la langue pour vouloir l’apprendre et ne pas se gêner pour la mettre en pratique. Au Québec, c’est un bon moyen de se faire traiter de snob ou de maudit Français...

Anonyme a dit…

Message du stagiaire:

Malheureusement, la réforme n'a rien à y voir.

Demander à n'importe quel prof de la vielle école qui enseigne maintenante au primaire de repasser ce qu'on nous demande à l'université et ce sera la catastrophe.

Arrivé à l'université, on demande des notions qui ont été peu mobilisées entre la fin du secondaire et les fameux tests de français. Ce que l'on utilise peu, s'oublie, si importante soit la matière.

J'ai toujours été considérée excellente en français et je ne fais pas partie des élèves de la réforme et les nombreux examens de français que j'ai eus à passer ont été pénibles.


De plus, c'est vraiment catastrophique d'attendre à la fin de la 2e année de BAC pour signifier à quelqu'un qu'il doit se réorienter. En effet, on conseille vivement d'attendre en 2e année pour passer le test et il est obligatoire pour entreprendre la 3e année. Vache à lait ce nouveau test. Juste une vache à lait pour les universités.

Le professeur masqué a dit…

Stagiaire: votre commentaire apporte quelques informations intéressantes sur le sujet de ce billet. Merci!

Vous remarquerez cependant que je n'ai pas parlé de réforme dans mon texte, mais d'approche par compétence. Celle-ci existe en français bien avant la réforme.

D'ailleurs, il suffit de regarder plusieurs grilles de correction (en univers social, notamment) pour voir la similarité avec celles que nous utilisons depuis des lustres en français.

Quant à moi, cette approche, comme je l'ai écrit, ne favorise pas véritablement l'acquisition d'une foule de connaissance. On peut réussir tout en étant limité. Or, les tests qu'affrontent les nouveaux enseignants portent sur des connaissances qu'ils utilisent rarement ou jamais. Bien que, je dois avouer, certains exemples de questions ne smeblaient pas archi difficiles.

Mam'Enseignante a dit…

Est-ce que vraiment les évaluations du secondaire et du collégiale sont complaisantes? Tout dépendant du point de vue, effectivement, on pourrait le croire.

Cependant, de mémoire, l'examen pour le DES et celui du DEC ne poursuit pas du tout le même objectif que le CEFRANC ou le SEL (sauf pour la partie rédaction). Il est donc "presque" normal d'arriver à l'hécatombe. De plus, toujours de mémoire, les outils comme le dictionnaire et un conjugueur, sont permis, contrairement aux examens à l'université.

Donc, non seulement, on n'évalue pas la même chose, mais le contexte d'évaluation est aussi très différent.

On y va aussi de notions apprises plusieurs années auparavant qui s'oublient si elles ne sont pas utilisées dans la vie de tous les jours.

Et puis, zut! Il m'arrive encore de douter, de faire douter mes élèves et de chercher pour de vrai avec mes élèves, même pour des choses banales. L'important n'est pas d'être parfait, à mon avis, mais d'être capable de douter et de savoir où aller pour aller chercher l'information juste.

C'est ça, pour moi, être compétent. N'est pas compétent celui qui peut réciter par coeur les innombrables règles de français, mais celui qui doute et est capable de trouver réponse à ses questions.

Anonyme a dit…

PMT, c'est pas un peu mal parti de faire passer un test qui porte un nom en verlan pour des utilisateurs de MSN?

¦D

Le professeur masqué a dit…

Stagiaire: tu n'es pas sans savoir que plusieurs universités font passer un test de français à leurs étudiants, peu importe la faculté ou ils étudient. Or, les étudiants en éducation et même ceux en français présentent un score pas très honorable.

Je discute parfois avec des profs en éducation et tu devrais voir la qualité des travaux écrits qu'ils reçoivent.

Pour le reste, oui, chaque évaluation poursuit des buts différents. Par contre, il serait intéressant de voir combien d'étudiants échouent la partie rédaction du SEL ou du CEFRAN. De plus, rien n'empêche les futurs profs d'étudier avant cette épreuve si les notions sont éloignées dans leur esprit.

Tu vois, si j'appliquais ta notion de compétence à un médecin, de nombreux patient seraient morts en salle d'opération. Je comprends ton point de vue et je le partage en partie. Il m'arrive de douter, de devoir chercher. Mais il y a une base solide qu'on se doit de posséder. Et manifestement, plusieurs futurs profs (pas tous, j'en suis conscient et très heureux) ne la possèdent pas.

Ne crois pas que j'écris ces mots avec plaisir ou pour dénigrer sur une génération. Mais j'ai vu des stagiaires en classe dire tellement d'énormités grammaticales...

Ce n'est pas un blâme: c'est juste un rappel, un souhait. Tu enseignes. Ce n'est pas une demi-profession. Si tu es à l'école, tu n'es plus un élève dont on exigeait souvent des demi-mesures.

On ne pardonnerait pas à un dentiste, un garagiste, un médecin de faire de l'à-peu-près.

bobbiwatson a dit…

Et n'oublions surtout pas que la ministre a "encore un autre plan" qu'elle a déposé il n'y a pas si longtemps.

Si on mettait de côté les plans pour enfin passer à l'action?

A.B. a dit…

J'abonde dans le sens de bobbiwatson.

Concernant ce qu'affirme Lia, voici une anecdote personnelle.
Je dois m'absenter plus tard cette semaine. Je laisserai du travail à mes élèves de 5e secondaire dans leur document de grammaire. Au menu: phrase de base, types et formes de phrases. Vous vous dites: «Elle laisse la pile de documents au suppléant et c'est gagné.» Oh! que non. Même si ces notions sont vues en partie au primaire et en première secondaire, je devrai faire une révision le cours précédent celui où je m'absenterai faute de quoi les élèves ne pourront rien faire malgré la simplicité des notions.

Nous vivons un sérieux problème de rétention des connaissances et de transfert de celles-ci d'un contexte à un autre. La réforme devait corriger le tout. Elle nos met plutôt devant un échec complet.

Mam'Enseignante a dit…

Il y a tout de même une sapré différence de douter pour un "er" et un "é" que de douter pour une règle d'exception. C'est plutôt à ça que je faisais référence.

Tel un médecin, pour les trucs courants comme une amygdalite, pas besoin d'aller fouiller (enfin, on l'espère!), tandis que pour un problème occasionnel, même s'il a vu la matière lors de ses études, il va devoir aller revérifier. Ce n'est pas de l'à peu près...

Pour le constat envers les étudiants pendant le BAC, effectivement certains cas sont pathétiques. Dans un cours de français didactique 3, certains étudiants avaient remis un travail contenant plus de 50 fautes... L'horreur...

Anonyme a dit…

On peut être compétent, mais aussi manquer de maîtrise au sujet de fonctionnements de base assez banaux. Le printemps dernier, j'ai été témoin d'une drôle d'interaction. La secrétaire du secondaire vient consulter la prof de français méga branchée réforme au sujet de «inclus»: «Curieux le correcteur met une faute à inclu. - On va vérifier avec le Bescherelle.(...) Bon, c'est comme conclure, conclu ne prend pas de s, donc inclu non plus, le correcteur se trompe. » A côté, deux vieux de la vieille dans la quarantaine nous regardons un peu médusés. J'ose intervenir: « inclus fait incluse au féminin, lisez en bas de la page du tableau de conclure, on doit donner cette précision. Le correcteur connait son affaire. - oui, mais c'est pour le participe passé de inclure. - Euh, c'est que inclus est bien le participe passé, si je ne m'abuse de inclure... - Ah, maudit Bescherelle, on comprend jamais rien!»

Pour moi, cette discussion entre une secrétaire, métier référence de la langue autrefois, et un prof de français de 28 ans, censé incarner la maîtrise du français, dans une école privée réputée est un signe des temps assez surréaliste. Et on remarquera que la présence des outils de référence n'a rien changé à l'affaire!

Jo Livingston

bobbiwatson a dit…

Si, au primaire, on a bien appris ses règles de grammaire, il ne sera plus difficile de les appliquer dans les niveaux supérieurs. Quand le MELS comprendra-t-il que la grammaire et l'orthographe s'apprennent au primaire?
La syntaxe s'assimile facilement quand les gens autour de nous "parlent bien". C'est le rôle des parents, mais nous ne pouvons leur demander d'appliquer ce qu'ils n'ont jamais entendu. Lire, entre autre, l'utilisation du "dont".

cendrillon a dit…

Anonyme, Bescherelle et Correcteur 101 ne sont pas des références fiables, vous avez raison! À qui ou à quoi peut-on se fier? Surtout qu'il y a de moins en moins de vieux profs dans la quarantaine qui sont aussi compétents?

Camille Marcotte a dit…

Je viens moi-même d'entrer au BAC en enseignement secondaire, profil français. Dans un peu moins de quatre ans, on me jugera apte à enseigner le français à des jeunes dont l'âge variera entre 12 et 17 ans.

Lorsque j'entrerai officiellement dans la profession, c’est-à-dire ma première rentrée scolaire possible, nous serons en 2013. À ce moment, qu’y aura-t-il dans le crâne de ces jeunes assis devant moi? Est-ce que j’aurai, à ce moment, le devoir de leur apprendre à orthographier correctement un «verre vert»? Peut-être chez les plus jeunes, mais chez les plus vieux?

Mon idéal se situe en quatrième année du secondaire. Si je deviens un jour en charge d’élèves de 15 et 16 ans, est-ce que je devrai les corriger lorsqu’ils m’écriront qu’ils ont vus «un vers vers dans un vers»? Et si je corrige ces fautes, c’est qu’il y en aura d’autres. Lorsque je remettrai un travail et que je dirai à mes élèves que la moyenne est de 45%, aurais-je le choix de laisser les notes tel quel? Lorsque la direction de mon école viendra me dire que j’ai un minimum d’élève à faire passer, combien de «vers vers dans un vers» est-ce que je devrai laisser passer?

Petite anecdote sur le programme de l’université Laval où je suis présentement mes cours :
Pour entrer au programme du BAC en Enseignement Secondaire (BES) j’ai du passer le test de français Laval-Montréal (TFLM). Si j’avais plus de 75%, je pouvais faire un cours régulier cette session, entre 60% et 75%, j’aurais eu l’obligation de suivre un cours de mise à niveau, (qui vaut des crédits!) et en bas de 60%, je n’aurais eu que deux cours de mise à niveau à suivre. Le test ne pouvait pas être SI difficile, puisque j’ai eu 91.8%. Pourtant, le cours de formation régulière que je fais en ce moment, à la place des cours de mise à niveau, je le suis avec une majorité d’étudiants en deuxième et troisième année…
profession

Méli a dit…

Il semble que la réforme est un désastre, mais les responsables ne veulent pas l'admettre, c'est triste. Le français, ça fait belle lurette que c'est un désastre ! J'ai corrigé à quelques reprises des fautes oubliées par le professeur dans les travaux de ma fille et même une fois, j'ai dû corriger une faute que le prof avait mis à ma fille et qui n'en était pas une, bref, il a fait une faute assez énorme d'ailleurs en corrigeant ma fille, et pourtant, je suis sûre qu'il était un bon prof dans l'ensemble... Il reste que lorsque je lis des travaux de jeunes, je suis sidérée par leur énorme incompétence ! Et ça fait très longtemps de ça ! Je me dis que si ça ne marche pas, il doit y avoir des raisons... Pourquoi ne pas revenir aux bonnes vieilles méthodes qui fonctionnaient ?