20 août 2012

Éducation: chronique exaspérante d'un exaspéré

Dans le JdeM, on laisse la parole à Égide Royer qui se questionne sur la place des engagements électoraux des différents partis pour ce qui est d'augmenter le taux de diplomation. Selon lui, la campagne passe complètement à côté des véritables enjeux. Mais n'est-ce pas là le but de certains politiciens: éviter les véritables enjeux? Il vaut la peine malgré de lire les réponses des candidats aux questions de M. Royer pour constater les lacunes de certaines plateformes électorales.

Regardons chacune de ces réponses.

1 - Que prévoit votre parti pour prévenir les troubles de lecture et de comportement chez les enfants de 3 à 5 ans, pour faire du dépistage et les accompagner jusqu’à la maternelle ?

CAQ › Des ressources supplémentaires seront octroyées pour permettre de dépister les problèmes avant la scolarisation.
PQ › Pour que le dépistage commence tôt, nous proposons la prématernelle aux plus de 4 ans à temps plein pour les parents qui le souhaitent.
PLQ › Nous proposons un projet expérimental pour former des groupes scolaires en milieu défavorisé chez les 4 ans et plus.
CAQ: position vague.  Combien? Comment?
PQ: Rien ne garantit que du dépistage sera effectué durant cette période et que des services suivront. Mais, au moins, certains cas problèmes pourraient être identifiés.
PLQ: un projet-pilote alors que cette réalité est assez bien documentée?
Avantage PQ, mais avec des réserves.

2 - Que prévoit votre parti pour accorder un suivi systématique des lecteurs débutants et une intervention continue auprès de ceux qui éprouvent des difficultés en lecture ?

CAQ › Notre parti croit à l’autonomie des établissements et plus particulièrement au jugement professionnel des enseignants pour accorder ce suivi systématique.
PQ › Nous proposons l’embauche de 600 professionnels supplémentaires pour accompagner les élèves dans la réussite scolaire.
PLQ › On le fait déjà ! La lecture, c’est la clé. Nous avons un plan d’action dont je n’ai pas les détails.
CAQ: on refile la patate aux autres. L'autonomie des établissements a le dos large. Comme si les membres d'un CE étaient des spécialistes en éducation. Le jugement professionnel des enseignants? La CAQ entend réduire leur présence sur les CE, donc on comprend qu'il s'agit d'une phrase creuse. L'avis d'un enseignant ne vaut rien sans une direction ouverte et des ressources adéquates. Et on manque de professionnels pour assurer un suivi systématique.

PQ: 600 professionnels pour 2 800 écoles? Et il faudra les trouver, ces professionnels comme on peut le lire dans ce billet.
PLQ: réponse malheureuse. Ne jamais parler d'un plan qu'on ne connait pas.  Ça mine sa crédibilité.
Zéro à tout le monde.

3 - Que prévoit votre parti pour augmenter les exigences académiques pour être admis au baccalauréat en éducation et créer un ordre professionnel des enseignants ? 
CAQ › La CAQ veut mettre en place un ordre professionnel qui s’assurera d’encadrer les exigences de cette profession.
PQ › Nous ne croyons pas qu’un ordre professionnel soit utile; nous croyons à un système de mentorat entre anciens et jeunes enseignants.
PLQ › Plus de formation c’est bon. La voie choisie est la formation continue. Un ordre professionnel est quelque chose dont nous devrons discuter avec les enseignants, mais nous ne rejetons pas l’idée.
Question annulée. Question abordant deux volets distincts. Très mauvais méthodologiquement. Ici, la question de M. Royer est biaisée puisque celui-ci croit aux vertus d'un ordre professionnel. Implicitement, il favorise donc les positions de la CAQ. De plus, M. Royer est quelque peu dans le champ. Il est difficile d'augmenter les exigences académiques pour être admis en éducation quand les programmes qui y sont reliés ne remplissent pas leur contingent et qu'on est en pénurie d'enseignants.  Notons que la CAQ aurait pu indiquer qu'elle compte attirer des candidats de meilleure qualité en augmentant le salaire des enseignants. Une occasion manquée de ploguer son propre programme.

4 - Que prévoit votre parti pour porter une attention particulière à l’échec scolaire des garçons en intervenant très tôt et pour valoriser la contribu­tion des hommes en éducation ?

CAQ › Donner plus d’autonomie à une école lui permettra de faire les choix de ressources et de projets répondant mieux aux goûts des garçons; on donne aussi davantage de pouvoir et d’intérêt à la profession d’enseignant.
PQ › Un crédit d’impôt pour une activité sportive est un facteur qui peut soutenir la réussite scolaire. Et l’embauche de 600 professionnels supplémentaires peut y contribuer.
PLQ › Bien sûr la lecture est un élément important. C’est dans notre stratégie globale de 2009. Nous croyons qu’il faut valoriser globalement la profession des enseignants, autant hommes que femmes.
Question annulée. Question abordant deux volets distincts. Très mauvais méthodologiquement. Ici, le propos implicite de M. Royer soulève des questionnements. Tout d'abord, il accorde une importance plus grande au décrochage des garçons qu'à celui des filles alors que l'un devrait être aussi préoccupant que l'autre. Que deux filles sur dix décrochent devrait interpeler autant un chercheur universitaire que le fait que trois garçons sur dix décrochent. Ensuite, cette question réduit la problématique du décrochage aux garçons et montre, quant à moi, que M. Royer, que je respecte, a une mauvaise perception de ce problème et des solutions pouvant le régler. Ensuite, rien n'indique qu'une plus grande contribution des hommes en éducation ait un impact sur le décrochage des garçons. Il existe des pays où on retrouve autant, sinon plus, de femmes en éducation et les garçons réussissent tout aussi bien que les filles, sinon mieux. Si le sexe de ceux qui enseignent à nos enfants avait une influence sur leur réussite, il faudrait encore plus se questionner sur la réussite «toute relative» des filles avec une présence si massive des femmes en enseignement. Suivant la logique de M. Royer, aucune fille ne devrait décrocher avec toutes les femmes qu'on retrouve dans nos écoles!
CAQ: théoriquement, donner plus d'autonomie aux écoles ne garantit pas automatiquement une baisse du décrochage. Si l'on comprend mal ce phénomène, les CE risquent de se contenter de recettes magiques. Par contre, certains projets peuvent avoir des effets bénéfiques par leur caractère mobilisateur et non pas par leur caractère intrinsèque.
PQ: équation sexiste (sport égale garçon) et ne correspondant pas toujours à la réalité.  Encore les 600 professionnels fantômes...
PLQ: propos vagues et creux. Comment comptez-vous valoriser davantage la profession d'enseignant?

5 - Que prévoit votre parti en vue d’une intervention intensive, dès la première secondaire, auprès des jeunes qui arrivent avec des retards d’apprentissage et des problèmes de comportement ?

CAQ › Par des ressources professionnelles accrues telles que l’orthopédagogie, l’orthophonie, la psychologie, l’ergothérapie et le soutien par les techniciens en éducation spécialisée.
PQ › Encore une fois, l’embauche de 600 professionnels supplémentaires peut contribuer à soutenir un personnel essoufflé.
PLQ › Cibler ceux à risques qui arrivent et faire un suivi est tout à fait correct. Ça se fait déjà beaucoup dans les écoles et nous avons les moyens de le faire.
CAQ:  pensée magique. On manque de certains professionnels et il n'est pas intéressant pour eux de travailler dans les écoles québécoises.
PQ: même constat. Encore les 600 professionnels fantômes...
PLQ: manifestement, ce candidat vit dans une autre réalité quand il déclare: «Ça se fait déjà beaucoup dans les écoles et nous avons les moyens de le faire
Zéro à tout le monde.

6 - Que prévoit votre parti pour utiliser la période estivale pour combler les retards scolaires, plutôt que le redoublement ou la promotion automatique ?

CAQ › Ce choix doit appartenir à l’équipe-école qui déterminera les meilleures façons de faire pour répondre aux besoins des élèves et des parents.
PQ › Nous n’avons pas d’opinion arrêtée là-dessus; nous visons la réussite.
PLQ › Nous ne favorisons pas le redoublement, mais c’est le choix des parents et de l’école. Utiliser l’été n’est pas mauvais en soi; il faudrait voir comment aménager tout ça.
La question de M. Royer traduit une certaine incompréhension de la réforme ou de la réalité scolaire. De même pour les réponses de tous les candidats. Il est incompatible d'utiliser la période estivale pour combler des retards académiques si on entend respecter les préceptes du Renouveau pédagogique. Les cours d'été, reconnaissons-le sont des mises à niveau ressemblant parfois à du bourrage de crâne.
CAQ: on refile encore la patate aux autres. Il y aura autant d'écoles que de solutions. Vaut mieux inscrire son enfant à la bonne alors! Tiens, en passant, les cours d'été, ce sont encore les centres régionaux de services qui vont devoir s'occuper de cela. L'autonomie de l'école a donc ses limites.
PQ: Zzzzzzzzzzzzzzzzzz...
PLQ: Je ne l'écoute plus.
Zéro à tout le monde.

7 - Que prévoit votre parti pour rendre la fréquentation scolaire obligatoire jusqu’à 18 ans, comme c’est le cas en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Allemagne et dans 21 États américains, tel que souhaité par le président Obama.

CAQ Non ce n’est pas prévu. Il ne s’agit pas d’obliger les élèves à rester à l’école jusqu’à 18 ans, mais plutôt de les intéresser à y demeurer en améliorant les parcours scolaires.
PQ Nous sommes prêts à l’examiner; nous voulons consulter, voir la faisabilité et les coûts engendrés.
PLQ › Ce n’est pas dans nos projets. Notre politique est de mettre tous les incitatifs en place pour maintenir les jeunes à l’école.
Question annulée. M. Royer parle d'une mesure trop précise et il sait pertinemment qu'elle ne fait pas partie des plateformes électorales des trois formations. Par contre, il s'agit d'une idée que je partage entièrement.
CAQ: réponse de politicienne. Une occasion manquée encore de ploguer sa plateforme en parlant des activités parascolaires dans le cadre de l'engagement concernant les cinq heures de plus par semaine à l'école secondaire.
PQ: cette idée est soulevée depuis au moins deux ans. Cette réponse est une preuve que le PQ ne suit pas l'actualité à ce sujet ou manque d'initiative.
PLQ: J'entends une voix...

8 - Que prévoit votre parti pour permettre à tous les jeunes du secondaire, handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, de fréquenter les écoles privées ou à vocation particulière ?

CAQ › La CAQ veut rendre le réseau public plus performant. En y ajoutant plus de services, nous favorisons nécessairement la réussite d’un plus grand nombre.
PQ › Nous voulons modifier le financement des écoles privées pour intégrer et soutenir les élèves en difficulté. Nous allons forcer leur intégration dans ces écoles.
 PLQ › Nous avons déjà demandé aux écoles privées d’intégrer les enfants en difficulté. Notre message est passé; on m’informe qu’un colloque sera organisé là-dessus. 
CAQ: a-t-on bien compris toute la question ici? On parle entre autres des écoles privées. «Plus de services», c'est encore vague.
PQ:  a-t-on bien compris toute la question ici? On parle entre autres des écoles à vocation particulière.
PLQ: «on m'informe que...» Donc, ce candidat ne le savait pas avant? Crédibilité nulle.
Zéro à tout le monde.
Total:
CAQ: 0 sur 5 avec mention «capable de meilleurs résultats».
PQ:    1 sur 5 avec mention «on ne se pète pas les bretelles».
PLQ:  0 sur 4 avec mention «cancre».

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Si l'actualité se calme, je propose sous peu de publier ma plateforme électorale en matière d'éducation préscolaire, primaire et secondaire ainsi que de répondre à ces huit questions. On va rigoler et vous pourrez vous payer ma gueule.






4 commentaires:

unautreprof a dit…

«Que deux filles sur dix décrochent devrait interpeler autant un chercheur universitaire que le fait que trois garçons sur dix décrochent.
Amen.

N'aborder le décrochage qu'en termes simplistes va encore encourager le populisme et les heures de débat au tribunes téléphoniques! Effectivement, il serait temps de changer de disque.

Aller pour ta plateforme PM! Profite des derniers moments de liberté avant la rentrée...

Le professeur masqué a dit…

Autreprof: honnêtement, je me questionne beaucoup sur les gens qui ne pensent qu'aux gars dans ce débat. Et encore plus quand tu ests un chercheur universitaire de renom. je me dis qu'ils ont tous oublié quelque chose de fondamental et qu'à partir de là, la crédibilité de leur solution en prend un coup.

unautreprof a dit…

Ah, je me relis et j'aurais besoin d'un cours de révision de base en grammaire!
Les chercheurs font souvent les études qu'on leur commande de faire aussi non?

Le professeur masqué a dit…

Autreprof: ici, le monsieur est un chercheur universitaire et il fait tout cela sur une base plutôt indépendant. je vois mal qui le subventionnerait pour oublier les deux tiers des décrocheurs du Québec...