18 août 2012

Politico-fiction: la CAQ prend le pouvoir et...

Chaque école devient...

Chaque école devient une entité autonome et régie par un CE qui détient les pouvoirs d'un conseil d'administration. Ce conseil est dorénavant formé majoritairement de parents. Ces derniers sont élus pour des mandats de deux ans. Malheureusement, comme d'habitude, après un engouement passager de vouloir affirmer leur nouveau pouvoir en matière scolaire, peu de parents participent à l'élection de leurs représentants lors de l'assemblée générale de début d'année. Lentement, on s'aperçoit que certains CA sont noyautés par des individus partageant une idéologie commune en matière d'éducation et il s'ensuit de fréquentes contestations de leadership.

L'embauche de directions d'école connait quelques ratés. On se rend à l'évidence: on manque d'individus compétents pour accomplir tous les nouveaux mandats dévolus aux 2 795 directeurs d'écoles publiques autonomes. Pour attirer les meilleurs candidats, on en vient à offrir des primes diverses comme dans le secteur privé et une formation en pédagogie n'est plus requise pour occuper ce poste. On s'aperçoit également que certains directions d'école, pour être réembauchées, sont devenues davantage d'habiles politiciens que des gestionnaires efficaces.

La gestion des écoles québécoises connait de nombreuses disparités et le MELS met sur pied une équipe d'inspecteurs pour s'assurer du respect de certaines normes minimales. Dans certains cas, le MELS doit même intervenir et mettre sous tutelle des écoles dont la gestion les pousse à connaitre déficit sur déficit ou qui ne respectent pas des normes minimales. Les élèves éprouvant des difficultés scolaires sont, par exemple, perçus comme étant un poids financier et certaines écoles s'arrangent pour ne pas les compter parmi leurs élèves.

Chaque région devient...

On assiste à des luttes importantes entre des écoles de diverses régions en décroissance pour attirer la faible clientèle scolaire qu'on y retrouve. Comme il n'existe plus de bassin d'élèves préétablis, certaines petites écoles estiment se faire «voler» des élèves par des écoles plus grandes ayant plus d'élèves, de ressources et d'équipement pour instaurer des programmes particuliers plus attrayants et vendeurs. C'est la loi de la concurrence qui s'applique, ne l'oublions pas.

À moyen terme, devant les luttes entre chaque école et pour des raisons d'équité, le MELS se résout à interdire les programmes particuliers aux allures régionales et instaure des bassins de clientèle fixes.

À l'extérieur des grands centres urbains, des petites écoles doivent immédiatement se regrouper pour avoir une direction commune. Les rivalités et les disparités locales sont autant de sources de conflits entre les parents. On observe des tensions entre les parents des différents CE.

Les centres de services régionaux qui, au départ, devait être des coopératives de services imposent de plus en plus leurs normes aux écoles utilisatrices. Le valet se transforme lentement en maitre. La mise en commun des ressources des écoles crée plusieurs conflits entre elles et on assiste ici aussi à des alliances politiques entre certains établissements au détriment d'autres.  Les couts de transition entre les commissions scolaires et ces centres soulèvent de nombreuses controverses et se traduisent à court terme, du moins on l'espère,  par une diminution des services offerts aux écoles.

De nombreux employés des commissions scolaires ont réussi à se replacer dans des écoles mais d'autres, plus astucieux, ont flairé la bonne affaire et ont fondé leur propre entreprise de services, notamment en ce qui a trait au service de la paie, du soutien informatique et de l'entretien des immeubles. À moyen terme, les couts reliés à ces services sont plus importants qu'à l'époque des commissions scolaires. D'autres employés, et pas nécessairement des cadres, sont au chômage.

Les enseignants et le personnel deviennent...

Au sein des conseils d'établissement, la place des membres du personnel et des enseignants est proportionnellement réduite comparée à maintenant. Ceux-ci sont maintenant perçus comme des employés.

Si chacun est régi par une convention nationale globale, chaque école a une convention locale et un syndicat distinct. Un ordre professionnel est instauré malgré la volonté des enseignants. La précarité dans ce secteur d'emploi devient plus grande. La sécurité d'emploi est dorénavant abolie et on fonctionne maintenant sous la forme de contrats de trois à cinq ans.

Le milieu scolaire devient moins attirant pour les jeunes candidats. Le début de l'augmentation de salaire - de 20% en moyenne et étalée sur six ans - a été reporté à la suite de la crise économique qui secoue maintenant le Québec. La pénurie d'enseignants se maintient donc, avec les conséquences que l'on sait.

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Voilà un scénario parmi tant d'autres. J'aurais pu verser dans l'apocalyptique avec une version hard ponctuée de débrayages et de lois spéciales. Mais chose certaine, je ne crois absolument pas à la version Petite pouliche rose qu'on essaie de nous vendre.

Pourquoi? Beaucoup trop de changements prévus. Beaucoup trop d'acteurs concernés. Pas assez de concertation entre eux. Et pas assez de planification avant d'avoir lancé de telles idées.






17 commentaires:

Anonyme a dit…

J'entends déjà M. Legault dire que ce scénario est complètement faux, qu'il sait très bien où il s'en va avec ça et que les enseignants et les syndicats n'ont qu'à bien se tenir.

Et dans cinq ans, lorsque le désastre annoncé ici aujourd'hui se sera produit il aura un discour ou ce sera de la faute des enseignants et des syndicats qui ont saboté sa belle vision!

Merci professeur masqué, toujours pertinent et intéressant.

Un prof inquiet

Le professeur masqué a dit…

Anonyme: le problème actuellement est le manque d'études et de préparation. Le monde de l'éducation a déjà connu suffisamment de ces réformes improvisées effectuées sans concertation.

Anonyme a dit…

Vendredi prochain je débuterai ma 11ième année en enseignement. Ce qui me désole c'est justement ça, tous ces changements qui sont clairement improvisés, sans vision et surtout tellement mal implanté.

La CAQ promet l'évaluation des enseignants, Ok mais par qui? Je suis bien prêt à me faire évaluer mais je refuse que se soit par mon patron direct. La raison est fort simple, est-ce que la personne qui m'évalue est elle même compétente? Est-ce que cette personne pourrait enseigner à ma clientèle? Cette personne a-t-elle intérêt à mal m'évaluer? (je pense ici à la prime au mérite, si les budgets sont serrés aurais-je droit à la même évaluation?) Cette personne est-elle qualifiée pour le faire? Aurais-je toutes les ressources pour me permette de faire avancé mes élèves? J'enseigne en adaptation scolaire, quels seront les critères d'évaluation? Ce ne sont que quelques-unes de mes questions qui resteront clairement sans réponse jusqu'à l'élection, si la CAQ réussit à détenir le pouvoir!!!!


Pops a dit…

Ah que l'inconnu fait donc peur!

Une chose demeure vraie cependant : ni les syndicats ni les structures des directeurs, gestionnaires, commissaires, alouette! ne voudront changer quoi que ce soit.

Le professeur masqué a dit…

Anonyme: évaluation relevant d'un éventuel ordre professionnel. Allez lire ce billet: http://leprofesseurmasque.blogspot.ca/2012/03/le-lapin-du-chapeau-de-frnacois-legault.html

Pops: l'inconnu ne me fait pas peur quand je peux y exercer une prise ou quand il est assez bien encadré. Par contre, un avenir sur lequel j'exerce peu de contrôle et dans lequel je serai dépendant des choix des autres... Certains des membres de la CAQ sont au fait des difficultés qu'a connu la réforme scolaire et ne semblent pas voir les risques qu'une situation semblable risque de se répéter.

Anonyme a dit…

Je suis d'accord avec Pops. L'inconnu fait peur.

Il ne faut pas oublier que les directions seront aussi évaluées. À ma cs, l'évaluation des cadres se fait par le directeur adjoint des ressources humaines. Tout se fait dans le respect. Dans le cas des évaluations des enseignants, c'est une pratique courante dans plusieurs commissions scolaires. L'appellation est simplement différente.

L'évaluation peut-être un levié intéressant pour discuter pédagogie avec notre supérieur immédiat. C'est un bon moment pour lui faire part de nos observations et de nos bons coups. L'évaluation n'est pas nécessairement un moment négatif. Surtout quand on fait bien notre travail. Ceci dit, je ne suis pas d'accord avec les idées de la CAQ. Pas du tout. Je dis ça comme ça.. Pour rassurer..
Paola ;)
Paola ;)

Le professeur masqué a dit…

Paola: jusqu'à présent, la CAQ n'a pas parlé d'évaluation des cadres. On présume que les directions seront évaluées par les CE et, ultimement, une instance supérieure. Or, sans méchanceté, quelle est la formation des parents pour évaluer une direction...

Ce qui est différent ici aussi est que M. Legault a introduit l'idée d'évaluation en disant qu'il allait ainsi congédier les mauvais enseignants. La CAQ a tenté de rattraper le coup après, mais le mal est un peu fait, surtout quand tu ajoutes la perte de la sécurité d'emploi...

gillac a dit…

Votre scénario ressemble à ce qui se passe dans le domaine de la santé avec une multitude d'établissements indépendants régis par des semblants de conseils d'administration (les vraies décisions se prennent à Québec). D'ailleurs les conseils sont souvent des ballounes soufflées à l'hélium qui alourdissent les opérations.

Anonyme a dit…

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je serais très surprise toutefois que la CAQ aille jusqu'au bout dans ce dossier. Il ne faut pas oublier les syndicats qui auront un rôle très important à jouer à ce sujet.
Paola ;)

Le professeur masqué a dit…

Gillac: ce scénario est basé sur des données tirées de l'actualité et de la plateforme de la CAQ.

En fait, moi aussi, je me questionne sur les pouvoirs véritables des CE pour deux raisons.
1- De quel budget bénéficieront les écoles? Est-ce que les couts de transition et de réorganisation structurelle du système scolaire ne vont pas venir en gruger une partie?
2- Il va devoir y avoir une structure décisionnelle au-dessus des écoles pour arbitrer des conflits et donner des «directives» générales ou régionales.

unautreprof a dit…

Eh! J'vais faire des cauchemars moi! Bouhou!

Justine a dit…

Je viens de découvrir votre blog en tombant sur l'article "Ma bibliothèque de classe" (qui se matérialisera d'ailleurs dans ma classe de français secondaire 4 PEI dès la semaine prochaine! Merci!) Bref. J'adore votre blog et cet article... que dire...
Sur le site Too close to call, on annonce que Legault est en avance dans la circonscription de l'Assomption, tout juste à côté de celle de sa porte-parole en éducation, Chantal Longpré dans Joliette. J'ai peur de ces idées qui pourraient se matérialiser, mais j'ai surtout peur des intentions de votes qui lui donnent une excellente popularité et j'ai peur de mes con(con)citoyens qui ne sont attirés que par l'attrait de la nouveauté. Être une jeune, femme ET prof sous un gouvernement Legault... je serais attaquée de toute part! Paresseuse, qui n'aime pas faire de l'argent et qui mérite qu'on l'évalue avant de lui verser son salaire. Ai-je dit que j'avais PEUR?
Je reviendrai vous lire sans aucun doute :) Bonne rentrée

Le professeur masqué a dit…

Mme Justine: Mme Longpré est dans Repentigny.

Merci à vous! Et n'hésitez pas à venir commenter ici!

Anonyme a dit…

«Or, sans méchanceté, quelle est la formation des parents pour évaluer une direction...»

Mais voyons!!! Tout le monde sait comment devrait être le milieu de l'enseignement, tout le monde est déja allé à l'école!!!

Soupirs................

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si votre scénario est triste ou drôle mais une grande partie ressemble à ce qui se passe à ma commission scolaire.

Vous seriez surpris de voir combien de vos points sont exactement ma réalité, et celle de mes collègues.

Et je n'exagère pas. Mais on ne peut pas parler contre notre employeur sans risques de représailles. Je m'y connais, croyez-moi!

Donc, pour moi, les idées de M. Legault offre de l'espoir. Vivement que les écoles aient plus de ressources et qu'on arrête de dépenser dans la bureaucratie.

Le professeur masqué a dit…

Anonyme: J'en rajoute une couche:

M. Legault propose aussi que les conseils d'établissement comptent plus de parents. Les parents, dit-il, « garderaient tous leurs pouvoirs actuels, y compris la participation à des comités régionaux (par exemple sur la répartition des élèves et le transport scolaire).»

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2011/04/12/002-legault-coalition-education.shtml


Le professeur masqué a dit…

Anonyme: pour moi, c'est tout à fait l'inverse, les idées de Mé legault me rappellent une chose: une réforme scolaire basée sur des fondements douteux, un plan improvisé et contre l'appui de la plupart des acteurs du milieu.