03 août 2012

PQ et décrochage scolaire: nettement insuffisant (ajout)

Le Parti québécois a fait part hier de ses engagements en ce qui a trait à «la réussite et à la persévérance scolaires». On note que la formation de Mme Marois intègre le vocabulaire indigeste du MELS mais aussi des ministres libéraux de l'Éducation en omettant ici l'expression «décrochage scolaire».

Si les médias n'ont retenu que deux des mesures proposées par le PQ, elles sont dans les faits au nombre de huit. Allons-y doucement avec une critique de certaines de celles-ci.

Embauche de 600 professionnels d'ici 2015

Trois faits. Premièrement, il existe environ  2800 écoles primaires et secondaires publiques au Québec. Si ces professionnels n'étaient affectés qu'aux quelque 350 établissements secondaires qu'on retrouve dans notre province, cela constituerait l'ajout de 1,7 individu par école en 2015. Imaginez s’il fallait diviser le nombre des nouvelles embauches par 2800! S’agit-il, pour chaque école, d’un apport suffisant pour faire une différence notable? Qu’il soit permis d’en douter. Deuxièmement, de quelle sorte de professionnels parle-t-on? La question a son importance parce que, dans certains domaines d'emploi, il existe des pénuries importantes. Troisièmement, sait-on au PQ que bien des professionnels ne veulent plus oeuvrer en éducation, car les conditions salariales et de travail sont nettement insuffisantes par rapport à la pratique privée? Bonne chance alors pour trouver ces 600 nouveaux professionnels!

Analysera la pertinence d’implanter dans les milieux défavorisés la maternelle quatre ans à temps plein, tout en s’assurant qu’une concertation étroite s’établisse entre les CPE et l’école afin que les enfants reçoivent dès leur entrée scolaire les services appropriés à leurs besoins
Certains médias ont rapporté que le PQ implantera la maternelle à quatre ans sur une base volontaire. Ici, on lit: «analyser la pertinence...» Une nuance importante.

Il demeure néanmoins que cette idée est pleine de sens. Les enfants de milieu défavorisé ont souvent un retard dès l'entrée au primaire parce qu'ils n'ont pas été assez stimulés dans leur milieu familial. La création des CPE, qui devait remédier à cette problématique, n'a pas tenu toutes ses promesses. Mme Marois, qui en a été l'instigatrice, devrait d'ailleurs se questionner davantage à ce sujet. Quoi qu'il en soit, l'école aura ainsi plus de temps pour s'occuper des enfants qui ne sont suffisamment stimulés à la maison avant l'entrée en première année.

Pour ceux qui tiqueraient sur la base volontaire de cette inscription, on m'a indiqué qu'en très grande majorité, les parents inscrivent leur enfant en maternelle même si celle-ci est volontaire. On est en droit de penser qu'il en sera de même pour la maternelle à quatre ans.

Par contre, cette mesure risque de se heurter à de nombreux écueils. Dans plusieurs régions du Québec, les écoles primaires débordent. Où accueillera-t-on alors cette nouvelle clientèle? A-t-on prévu des budgets supplémentaires pour de nouveaux aménagements? De même, quels services ces enfants recevront quand on sait qu'actuellement, les commissions scolaires, pour équilibrer leur budget, coupent comme jamais dans les services aux élèves?

Encouragera fortement la mobilisation de tous les secteurs de la société dans la lutte au décrochage scolaire. Déjà, les régions du Québec sont mobilisées grâce aux instances régionales de concertation sur la persévérance scolaire et la réussite éducative. Des journées de la persévérance se tiennent dans chaque région en février, dont le symbole est le ruban blanc et vert. Le Parti Québécois continuera d’appuyer ces initiatives.

Blablablabla. Et je suis poli.

Renforcera l'autonomie des établissements afin de faire en sorte que les directions d’écoles soient des leaders pédagogiques dans leur milieu et les premiers intervenants dans la réussite et la persévérance des élèves.

On comprend que cette mesure est une réponse au programme de la CAQ, mais comment se traduira cet engagement dans la réalité?

Améliorera la qualité des cours de français au primaire et bonifiera les outils pédagogiques des enseignants

On sait tous que la maitrise du français est une condition essentielle à la réussite scolaire.  Mais encore une fois, comment se traduira cette mesure dans la réalité? Consacrera-t-on plus de temps à l'enseignement du français? Donnera-t-on plus de formation aux enseignants du primaire pour enseigner cette langue?

Offrira à tout jeune déscolarisé de 16 à 18 ans une solution de formation ou d’apprentissage

Blablablabla. Une bonne idée, mais concrètement?

Mettra rapidement en place pour les cinq prochaines années un nouveau plan d’action en matière d’éducation des adultes et de formation continue, le dernier plan étant échu depuis 2007

Une excellente idée. On doit savoir ce que l'on fait comme actions dans ce domaine et se fixer des buts à atteindre. Mais les risques de rester au niveau du blablabla sont grands, comme d'habitude.

Favorisera les liens entre les carrefours jeunesse-emploi et le réseau de l’éducation dans une logique de lutte au décrochage scolaire

Blablablabla. Une bonne idée, mais concrètement?

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Ce que dénotent les engagements du parti québécois, c'est l'absence d'une bonne compréhension du phénomène du décrochage scolaire au Québec. On est prêt à consacrer annuellement 20 millions $ à la création d'une maternelle à quatre ans et 30 millions (estimation) pour l'ajout de 600 professionnels sans savoir réellement comment fonctionne cette problématique et quelles sont les mesures les plus efficaces pour le contrer. Il est incompréhensible que cette formation politique ne s'engage pas à investir en recherche sur ce phénomène. Pourquoi embaucher 600 professionnels qui appliqueront des plasters dans un système scolaire incohérent? Dans les faits, on dépense en action sans réfléchir à la portée de celles-ci. Pourtant, il existe au moins une chaire de recherche sur le décrochage scolaire au Québec. Pourquoi ne pas lui donner un coup de pouce?

De plus, comme le Parti québécois ne veut pas s'aliéner des votes, période électorale oblige, on remarquera l'absence de mesures courageuse dans son programme politique. En Ontario, par exemple, on a décidé d'affirmer l'importance sociale des études. Ainsi, un jeune ne peut détenir un permis de conduire s'il n'a pas l'équivalent d'un DES ou une formation menant à un emploi. Au Québec, on a tellement peur du mot «contrainte» qu'on laisse à tous les jeunes la liberté de gâcher leur avenir et à leurs parents de ne pas avoir à s'en soucier.

De façon plus générale, le PQ y va d'un ensemble de mesures contre le décrochage scolaire, mais ne propose pas un véritable plan d'action contre celui-ci. Il ne se fixe aucun objectif de réduction, aucune cible. Il promet des mesures parfois concrètes, mais il ne s'engage pas à atteindre des résultats quantifiés et précis. Devant une telle problématique aux conséquences sociales dramatiques, on est en droit de demander davantage à une formation politique qui entend gouverner le Québec et dont la chef a déjà été ministre de l'Éducation. Ce n'est pas comme si cette situation était nouvelle.

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Ajout: Oups! J'ai oublié de noter qu'il n'y avait pas un mot sur les écoles-passerelles et l'enseignement intensif de l'anglais en sixième année du primaire dans le programme du PQ. 


10 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai enseigné en maternelle 4 ans en milieu défavorisé. C'est aidant pour certains enfants, mais dans la réalité, le problème est que les enseignantes de maternelle 4 ans n'ont droit à AUCUN service pour leurs élèves... qui sont des élèves avec des besoins spéciaux s'ils ont eu une place en 4 ans. Ce peut être un retard de langage, de motricité, une dysphasie soupçonnée, ted, déficience, alouette. Nul besoin de vous rappeler que nous ne sommes pas vraiment formés pour ces clientèles. En avoir un ou 2 par classe, c'est du sport. Une classe composée essentiellement de jeunes avec des difficultés... OUCH! Croyez-vous réellement que les enseignantes d'expérience prennent ces postes? Non, on les refile à des enseignantes sans expérience qui entre par cette porte pour avoir accès au champ 02, pour faire le transfert en maternelle 5 ans dès que possible.

La maternelle 4 ans, si on n'y ajoute pas de services adéquats, c'est un cul-de-sac inutile qui ne sert qu'à socialiser les enfants. Tant qu'à ça, une visite quotidienne au parc fera l'affaire...

Et comme le reste des classes n'a pas de services, il est impensable d'imaginer le 4 ans en avoir...

Vive le système scolaire québécois!

Anonyme a dit…

Aucune envie de vous présenter? Ce ne sont pas les idées qui vous manquent!

Le professeur masqué a dit…

Anonyme 1: et comme on coupe dans les services et que les 600 professionnels vont peut-être suffire à peine à contrer les coupures actuelles... Merci de votre commentaire.

Anonyme 2: ma photo sur un poteau. Jamais.

Anonyme a dit…

Sur un poteau? Jamais! Sur une grande affiche sur l'autoroute seulement. Sinon, faites partie d'une équipe politique comme conseiller très très très très spécial.

Anonyme a dit…

Peut-on faire parvenir vos opinions à des journalistes qui pourraient faire le relais et ainsi questionner les différents partis?

Je rêve un peu car il est clair que nous aurons encore des réponses creuses mais ce serait un exercice très intéressant!

Merci pour ce blog fort intéressant.

Anonyme a dit…

Une précédente intervenante n'a pas tort sur tous les points. Par contre, j'ai une amie qui travaille en pré-maternelle depuis plus de 15 ans et elle adore. Les enfants de cet âge n'ont pas besoin de services. Ils ont besoin de stimulation. Ça ne prend pas un cours classique pour trouver des idées d'activités stimulantes pour de enfants de 4 ans. Je ne vois pas pourquoi une jeune enseignante n'y arriverait pas.

À 4 ans, ils sont trop jeunes pour certaines évaluations. Entre nous, qu'est-ce qui est mieux? Les laisser à la maison avec des parents désoeuvrés? Ou les envoyer à l'école avec une jeune enseignante?

La visite au parc pour socialiser est utile quand on a des parents qui sont compétents. Dans le cas contraire, les enfants ne font que bouffer du sable.

Des fois, je trouve que dans l'enseignement, on jette l'éponge trop vite. Il y avait 4 jeunes enseignantes cette année au présco et elles ont fait de l'excellent travail.
Paola ;)

Anonyme a dit…

@Paola : Je ne dis pas que les jeunes enseignantes sont incompétentes, loin de moi l'idée. Mais n'en demeure pas moins qu'en début de carrière, nous (je m'inclus dans le lot, je suis en début de carrière) n'avons pas encore tous les outils, n'avons pas encore développé toutes nos compétences puisque l'université nous prépare très mal pour la vraie vie d'enseignante.

Si votre amie a des élèves qui ont uniquement besoin de socialisation, tant mieux, cela fait un groupe avec lequel plusieurs activités sont possibles. Que faire par contre avec un groupe à majorité allophone, avec des élèves en retard grave de langage (du genre incompréhensible) qui auraient besoin de soutien en orthophonie, mais dont on se faire dire : désolée, pas de service. Sans oublier les traditionnels cas de comportement.

Personnellement, j'ai adoré mon année aux 4 ans. J'aurais même recommencé si on avait pu m'offrir une tâche complète. Cependant, je suis obligée d'avouer que ce n'était que de la garderie. Oui, on fait des activités de conscience phono dont les enfants qui en ont besoin ne comprennent rien, et toutes sortes d'activité d'éveil en sciences, motricité, français, mathématiques... Mais un an ne suffit pas à rattraper un retard, même si c'est mieux que rien....

Je dis simplement que pour que la mesure du 4 ans soit réellement efficace, il faut des services adéquats. Sinon, que les CPE offrent plus de place, que les CPE soient même peut-être gratuits pour certaines familles (tant qu'à rêver!). Je crois que les éducatrices en garderie seraient bien plus efficaces si elles pouvaient avoir ces enfants en bas âge en garderie avec elles que de tenter de sauver les meubles avec une année en 4 ans...

Qu'en pensez-vous?

Anonyme a dit…

En maternelle 5 ans aussi c'est souvent difficile d'avoir des services.

C'est la façon de procéder pour obtenir des services qui est à revoir...

Anonyme a dit…

Peut-être que nos 4 ans et nos 5 ans devraient avoir des services dès la garderie? Est-ce que le ministère de la famille est équipé pour ça? Il faudrait peut-être revoir la distribution des tâches dans les différents ministères qui touchent aux enfants.

Anonyme a dit…

Vous avez raison. Peut-être ne suis-je qu'une éternelle rêveuse. Parfois j'aimerais lire qu'il se passe de belles choses en éducation. Qu'il y a de l'espoir. Il y a de belles réussites dans les écoles. Des réussites qui sont possibles grâce à la passion des acteurs du milieu. Pas seulement grâce aux services des professionnels. Je fais partie de ce milieu depuis 15 ans et j'en suis fière. Il faut parfois cesser de voir ce qui n'est pas là pour enfin voir ce qui existe.

Bonne chance dans votre carrière. Vous me semblez passionnée par votre profession et c'est l'important. Je sais qu'il y a du travail sur la rive Nord...
Paola ;)