
Chaque fois que je lis Paul Inchauspé, c'est bien simple: j'ai l'impression d'être un con, mais un con! Total. Fini. Irrécupérable. Alors, imaginez après
son épître publié dans Le Devoir de ce matin.
Grand papa Bi de l'éducation (désolé du surnom, mais ça se veut quand même affectueux) prend la plume pour réagir à propos de la dernière sortie de la ministre Courchesne sur l'enseignement du français. Ses récents propos manquent de clarté, indique-t-il. Et puis, que reproche-t-elle donc à la réforme?
Les avantages du Renouveau quant à l'enseignement du français.
Tout d'abord, M. Inchauspé indique qu'un «choix a été fait: celui d'un enseignement du français qui mettrait l'accent essentiellement sur l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de la communication orale.» Quoi de neuf, docteur? L'ancien programme s'intéressait aux mêmes aspects, à ce que je sache.
Ensuite, il souligne que «l'apprentissage de ces savoirs essentiels bénéficie aussi de plus de temps qu'auparavant.» Fallait-il une réforme de cette envergure pour ajouter plus de temps d'enseignement au français? J'en doute. Et a-t-on vraiment plus de temps pour enseigner cette matière? Avec les compétences traversales, l'interdisciplinarité, la pédagogie par projet, je ne suis pas du tout convaincu que le temps consacré à l'acquisition de connaissances et de compétences soit plus grand maintenant. Pour l'instant, et je demeure poli, certains indices donnent à penser que les élèves de sixième année du primaire écrivent moins bien que leurs prédécesseurs d'avant la réforme. Plus de temps, moins de résultats. Il y a comme un problème.
Sur le même argument, monsieur Inchauspé ajoute: «Cette augmentation du temps a un effet: celui de réduire le nombre d'élèves différents qu'auront les enseignants de français.» Que ça tombe bien! Parce qu'avec l'intégration forcée et sauvage d'élèves en difficulté (à qui on ne rend manifestement pas toujours service) et la pédagogie différenciée qui en découle, les profs ont justement besoin de davantage de temps!
Des programmes clairs et exigeants
Par ailleurs, l'ancien président du Groupe de travail ministériel sur la réforme du curriculum d'études, les textes du programme de français au secondaire sont clairs: «Et le degré d'explicitation de ce contenu est tel qu'un enseignant de français pourrait se passer de manuel. » Alors, pourquoi nous oblige-t-on à en acheter?
Toujours sur les programmes, M. Inchauspé continue: «On peut critiquer bien des aspects du nouveau programme d'études, notamment certaines de ses formulations, mais on ne peut, sans mauvaise foi, dire qu'il ne contient pas de contenus exigeants en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.» Là, désolé, mais je décroche complètement. Entre les attentes du programme et la réalité de l'évaluation, il y a un monde que ce grand penseur de l'éducation semble tout bonnement ignorer. Le contenu est exigeant, mais la réalité est qu'on ne demande pas, à toute fin pratique, à l'élève de le posséder. Je me souviens d'un objectif au primaire que des professeurs universitaires jugeaient tout bonnement irréaliste pour des élèves de cinquième secondaire.
À mots voilés, on dirait que M. Inchauspé suggère que les enseignants sont paresseux. À vous de juger en lisant sa lettre, mais que penser de la remarque suivante: «Aussi, le développement des compétences en lecture ou en écriture demande quelques connaissances mais surtout beaucoup, beaucoup de pratique. Et si les médiocres résultats en français écrit étaient aussi dus au fait qu'on l'oublie parfois?» Pas assez de pratique alors que les enseignants ont plus de temps et moins d'élèves? Doit-on en déduire quelque chose?
La faute est ailleurs
Quoi qu'il en soit, l'auteur de Pour l'école - Lettres à un enseignant sur la réforme des programmes croit que les lacunes des élèves en français relèvent davantage «du côté de son application et des conditions de cette application». Et M. Inchauspé y va d'une longue liste révélatrice:
«Qu'est-ce qui peut expliquer les lacunes constatées: les tests utilisés? L'élève? L'enseignant? Ses méthodes? Les manuels? Le degré d'appropriation des exigences du programme? Les effets du «bruit» sur et autour la réforme? L'importance donnée par l'école à l'apprentissage du français? Les difficultés particulières de cet enseignement aux élèves d'aujourd'hui? Les effets de la suppression du redoublement? Le contrôle de l'application du programme par la commission scolaire? Les effets des dispositions prises pour libérer l'espace professionnel des enseignants?»
Ou s'intéresse-t-il à la mollesse de l'évaluation? au manque de la culture de l'effort et de toutes ces valeurs résolument facistes?
Les enseignants ne savent pas comment vivre leur liberté
Pour Inchauspé, une autre explication tiendrait dans le fait que les enseignants doivent maintenant apprendre à se libérer du carcan des anciens programmes. Ils ont de la difficulté à passer du stade de technicien à celui de véritable professionnel:«Cette forme de détermination du programme et ce mode d'évaluation visaient à faire de l'enseignant un technicien, applicateur de procédures déterminées ailleurs. Ces deux verrous ne sont plus là. (...) La disparition de ces verrous, en ouvrant une nouvelle situation de liberté pédagogique, produit aussi le tohu-bohu actuel des batailles du bulletin et des pédagogies.»
Liberté pédagogique? Ai-je bien lu? Alors, pourquoi ai-je l'impression d'être passé d'une prison à une autre, simplement? Je suis libre et je l'ignore? Et je ne saurais pas quoi faire de cette liberté qui, à mes yeux, est totalement inexistante? Vite, mes chaînes! mes chaînes!
Chaque fois que je lis Paul Inchauspé, c'est bien simple: j'ai l'impression d'être un con, mais un con! Total. Fini. Irrécupérable. je vous l'avais dit.
Sur ce, je fuis pour le congrès de l'AQPF. Je suis sûr que quelques amis cons m'y attendent.