Parfois, quand je quitte le local des enseignants de français, je me dis fréquemment: «Un autre grand pas pour reculer les frontières de l'ignorance.» Ce n'est pas que je me sens investi d'une sainte mission pédagogique. Je suis simplement lucide, comme Lucien Bouchard...
C'est dans cet état d'esprit vocationnel qu'aujourd'hui, j'ai été confronté à des élèves de cinquième année du secondaire qui ne savaient pas distinguer un nom d'un verbe, un pronom d'un adjectif et ainsi de suite. Dix ans à l'école, des centaines, pour ne pas dire plus d'un millier d'heures de français, et ils sont incapables de différencier un nom d'un verbe. Je ne comprendrai jamais.
Et on ne parle pas ici d'exceptions! Des élèves de la sorte, j'en ai chaque année. Je me farcis alors l'interminable «mise à niveau de cinquième secondaire» en me disant que je ne la ferai plus l'année prochaine et qu'ils se débrouilleront tout seuls... D'ailleurs, j'ai plein de bonnes raisons de ne plus réviser la matière des années antérieures, encore plus quand elle remonte au primaire. Premièrement, la classe et la fonction des groupes de mots m'emmerdent autant qu'eux. Deuxièmement, je tasse mon programme pour rattraper des retards épouvantables. Troisièmement, ceux qui savent s'ennuient et je dois parfois les encadrer. Comme si j'aimais ligoter des élèves qui ont envie de plus, de mieux...
Mais, comme d'habitude, je grogne, je rechigne et je flanche. Après tout, et j'ai sûrement tort, je crois qu'il est impossible d'avancer dans la vie sans reconnaître un verbe dans une phrase.
Ne croyez pas que je blâme les élèves pour cet état de fait. Oui, ils auraient pu étudier plus fort, mieux travailler et plein d'autres belles actions encore. Oui, les parents auraient pu mieux les encadrer et s'assurer qu'ils maîtrisent ce qui est souvent leur langue maternelle. Sauf qu'ils sont dans ma classe de cinquième, car ils ont répondu aux attentes du programme du MELS. Ils ont PASSÉ, avec ou sans aide.
Et voilà que je dois les accueillir pour leur parler des joies de la littérature, de l'argumentation et de l'écriture alors que, dans certains cas, ils savent à peine décoder une phrase.
Je les aime bien, ces grands adolescents à l'aube de tourner une page de leur vie. Certains viennent me voir un an, deux ans, dix ans après la fin du secondaire. Ils sont souvent heureux, ils ont souvent réussi à réaliser certains projets et certains rêves. Pour plusieurs, mon cours de français a été le dernier de leur vie et ils sont aujourd'hui charpentiers, mécaniciens, électriciens.
Je ne m'en fais donc pas trop pour leur avenir. Seulement, j'aimerais bien qu'on cesse de se mentir avec nos finissants qui réussissent l'examen de fin d'année en français avec des notes moyennes de 72% et des taux de réussite de 85%. On serait plus crédible, je crois. Et j'aimerais bien qu'on s'assure que tous les élèves exploitent leur plein potentiel, pas qu'ils répondent bêtement aux attentes des programmes du MELS. Je ne m'en fais donc pas trop pour leur avenir. Je m'en fais davantage pour celui du Québec.
Avec le temps, le système scolaire m'use plus que je ne m'amuse. Moi aussi, je commence à devenir un drop in. Comme mes élèves.
C'est dans cet état d'esprit vocationnel qu'aujourd'hui, j'ai été confronté à des élèves de cinquième année du secondaire qui ne savaient pas distinguer un nom d'un verbe, un pronom d'un adjectif et ainsi de suite. Dix ans à l'école, des centaines, pour ne pas dire plus d'un millier d'heures de français, et ils sont incapables de différencier un nom d'un verbe. Je ne comprendrai jamais.
Et on ne parle pas ici d'exceptions! Des élèves de la sorte, j'en ai chaque année. Je me farcis alors l'interminable «mise à niveau de cinquième secondaire» en me disant que je ne la ferai plus l'année prochaine et qu'ils se débrouilleront tout seuls... D'ailleurs, j'ai plein de bonnes raisons de ne plus réviser la matière des années antérieures, encore plus quand elle remonte au primaire. Premièrement, la classe et la fonction des groupes de mots m'emmerdent autant qu'eux. Deuxièmement, je tasse mon programme pour rattraper des retards épouvantables. Troisièmement, ceux qui savent s'ennuient et je dois parfois les encadrer. Comme si j'aimais ligoter des élèves qui ont envie de plus, de mieux...
Mais, comme d'habitude, je grogne, je rechigne et je flanche. Après tout, et j'ai sûrement tort, je crois qu'il est impossible d'avancer dans la vie sans reconnaître un verbe dans une phrase.
Ne croyez pas que je blâme les élèves pour cet état de fait. Oui, ils auraient pu étudier plus fort, mieux travailler et plein d'autres belles actions encore. Oui, les parents auraient pu mieux les encadrer et s'assurer qu'ils maîtrisent ce qui est souvent leur langue maternelle. Sauf qu'ils sont dans ma classe de cinquième, car ils ont répondu aux attentes du programme du MELS. Ils ont PASSÉ, avec ou sans aide.
Et voilà que je dois les accueillir pour leur parler des joies de la littérature, de l'argumentation et de l'écriture alors que, dans certains cas, ils savent à peine décoder une phrase.
Je les aime bien, ces grands adolescents à l'aube de tourner une page de leur vie. Certains viennent me voir un an, deux ans, dix ans après la fin du secondaire. Ils sont souvent heureux, ils ont souvent réussi à réaliser certains projets et certains rêves. Pour plusieurs, mon cours de français a été le dernier de leur vie et ils sont aujourd'hui charpentiers, mécaniciens, électriciens.
Je ne m'en fais donc pas trop pour leur avenir. Seulement, j'aimerais bien qu'on cesse de se mentir avec nos finissants qui réussissent l'examen de fin d'année en français avec des notes moyennes de 72% et des taux de réussite de 85%. On serait plus crédible, je crois. Et j'aimerais bien qu'on s'assure que tous les élèves exploitent leur plein potentiel, pas qu'ils répondent bêtement aux attentes des programmes du MELS. Je ne m'en fais donc pas trop pour leur avenir. Je m'en fais davantage pour celui du Québec.
Avec le temps, le système scolaire m'use plus que je ne m'amuse. Moi aussi, je commence à devenir un drop in. Comme mes élèves.
8 commentaires:
Je croirais me lire dans ce que j'ai vécu aujourd'hui même. C'en est même troublant. Voici.
Quatrième secondaire. Un exercice «bête» où mes jeunes doivent donner la classe d'une dizaine de mots (il y a 5-6 noms, 2 adjectifs, les classes les plus simples apprises au primaire). Plein d'élèves ne savent pas ne serait-ce que nommer les classes de mots alors ils se butent évidemment à cet exercice.
Arrivée dans la salle des enseignants, je partage le tout avec un collègue du même niveau qui a vécu la même chose et je suis fâchée. Après sept ans où je constate année après année la chose, ça me fâche toujours autant. Tellement que je n'enseigne plus les classes, groupes et fonctions des groupes au deuxième cycle. Je sais que c'est vain et ce n'est plus l'endroit. Cette matière devrait être maîtrisée bien avant la 4e ou le 5e secondaire. Jetez-moi la pierre si ça vous chante, mais l'expérience ma donne malheureusement raison...
Peu de temps après «ce pétage de coche», une collègue me parle de sa belle-fille qui doit retarder son entrée à l'université parce qu'elle a échoué son examen d'entrée (la dissertation du MELS à la fin du parcours collégial). Elle a obtenu A dans les deux premiers critères, mais a raté la langue, la faisant ainsi échouer l'ensemble. Ma collègue avait donc la réflexion suivante: comment se fait-il qu'elle ait passé dans le système jusque là sans difficulté? Tu connais le réponse: le système ment à ses jeunes. Encore une victime «innocente».
De mon côté, je lui disais que plus jamais un examen du MELS en 5e secondaire ne m'énerverait ou ne me stresserait en tant qu'enseignante; ma «mission», c'est de préparer mes élèves aux exigences du collégial. Je crois leur rendre davantage service ainsi. Ils apprendront la recette pour le test de mai, mais ils auront beaucoup plus appris dans l'année, j'ose l'espérer...
Bref, tout ton questionnement, je l'ai eu aussi aujourd'hui. Le système aura au moins eu cette «cohérence»: il cause les mêmes ravages partout.
Changez de niveau! Faites du premier cycle pour un temps, ça vous reposera! :o)
Bonne année scolaire, Prof masqué!
Et le verbe s'est fait, cher, et il a habité par minou. Phrase célèbre, dans un livre que tu possèdes.
Oh, je fais erreur, là. C'est plutôt le verbe effraie...
De tout coeur avec tes craintes, que je partage.
Comment insuffler l'amour et la passion de leur langue à ces jeunes, alors qu'ils ont le plus souvent, collée aux oreilles (quand ce n'est pas versé dedans) de la musique en anglais.
La musique est un moyen privilégié de connaitre, de s'approprier, d'aimer une langue, surtout à l'adolescence. La poésie, souvent, le roman, etc., mais d'abord, je dirais, la musique.
L'improvisation n'est pas une mauvaise idée non plus, pour certains : apprendre à s'exprimer. Mais il y a moyen d'y faire des phrases très boiteuses et de ne pas savoir écrire ni ces phrases, ni d'autres, mieux formulées.
Quels sont tes trucs, tes moyens, toi, le passionné de lecture?
Zed ;-)
Un sérieux blues de la rentrée...
Les mots me manque... la réalité est trop prenante...
Que dire, sinon merci pour tout ceux qui traverse ta classe...
J'avais écris un beau petit message... tant pis, allons à l'essentiel, MERCI !!
pas facile ton job :)
Safwan: on pourrait écrire un livre sur un tel sujet... J'aime ta notion de cohérence. Seulement, je commence à détester d'en être victime. Peut-être as-tu la bonne attitude?
Magrah: honnêtement, je respecte beaucoup les bons profs du premier cycle et je ne serais pas capable de faire leur travail. Je ne serais pas en vacance si j'enseignais à ce niveau. ce n,est pas la charge d etravail qui me pèse, c'est l'impression d'être la roche de Sysyphe, l'insignifiance ou la non efficacité du système d'enseignement qui m'exaspère.
Zed: habituellement, je choisis des oeuvres que j'aime, mais on est si limité dans le choix des titres. Il y a des budgets pour redécorer les bureaux des adjoints, mais pas pour des livres... Ensuite, j'ai toujours un livre à la main et il finit parfois dans la main d'un élève.
Natacha: on peut davantage parler de blues de carrière, je crois. Je ne blâme pas les jeunes. C'est encore pour eux que je m'accroche, mais parfois la motivation commence à faire défaut.
Natacha: en passant, j'aime bien ton blogue. Je trouve que les étudiants se font charrier pas à peu près à l'UQAM. Et le pire reste à venir, selon moi.
Professeur masqué: Je sais... les premiers signes de guerre sont en place... mettons que la rectrice cherche vraiment le trouble, chacun son dada.
Pour ne pas te consolé, j'ai trop d'amis qui n'ont pas fait 5 ans dans le milieu... Le système d'éducation est très discutable, mais quand j'y pense trop, ma pression monte et parfois je saigne du nez :P
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