31 juillet 2012

Pour attirer des hommes en enseignement

Une certaine formation politique, la Coalition Avenir Québec, a promis à maintes reprises d'augmenter le salaire des enseignants de 20% pour attirer davantage de candidats masculins dans ce domaine en invoquant le fait que les hommes sont généralement plus intéressés par un travail offrant un salaire élevé que les femmes. La chose est documentée de façon générale, pas un grand débat à faire là. Je reviendrai sous peu sur cette promesse pour montrer qu'elle a été à toutes fins pratiques complètement vidée de sa substance.

Puis-je souligner un autre facteur rebutant quand vient le temps de considérer effectuer des études en enseignement? Le fait que les stages que les étudiants universitaires doivent compléter soient non rémunérés. Dans plusieurs autres emplois du secteur public, les individus en formation sur un lieu de travail sont rétribués, mais pas en enseignement. Pourtant, un stagiaire va effectuer le même travail que l'enseignant qu'il «remplace»: planification, correction, etc., ce qui lui laisse peu de temps pour un travail à temps partiel durant ses stages.

Avec l'augmentation des frais de scolarité, l'allongement du bac à quatre ans, un jeune homme y pensera à deux fois avant de choisir l'enseignement.

Vous comprendrez également mon étonnement quand j'ai lu ces propos dans La Presse:

«C'est très différent d'une faculté à l'autre, explique André Raymond, directeur du service de placement de l'Université Laval. Certaines exigent que le stage soit rémunéré, d'autres non. Ça dépend aussi du marché de l'emploi. Dans un secteur où il y a plus de concurrence entre les finissants et moins d'offres d'emploi, les départements acceptent davantage de stages non rémunérés, sinon ils risquent de se retrouver sans stages.» Inversement, les secteurs souffrant d'une pénurie de main-d'oeuvre payeront volontiers leurs stagiaires.»

 Moi qui pensais qu'on manquait d'enseignants au Québec!

Un jour, j'expliquais à un universitaire pourquoi son stage n'était pas rémunéré: «Ça fait partie de ton initiation au travail d'enseignant. Tu vas comprendre qu'il n'y a pas de lien entre ta paie et ta job.»

29 juillet 2012

CAQ: confier des ministères à des lobbies? (ajout)

Selon toute vraisemblance, étant donné que les sondages ne sont pas trop catastrophiques, Gaétan Barrette, actuel président des médecins spécialistes du Québec, devrait annoncer qu'il sera candidat pour la Coalition Avenir Québec cette semaine. L'homme est ambitieux et opportuniste, il ne faut pas se le cacher. Ça tombe bien: s'il est élu, il serait également pressenti pour être ministre de la Santé.

Quant à moi, cette situation soulève de nombreuses interrogations.

Tout d'abord, comment M. Barrette pourra-t-il être un ministre juste et neutre quand il a passé les dernières années à défendre bec et ongles la cause des médecins spécialistes? Il s'est fait de solides ennemis dans le réseau de la santé. L'homme divise au lieu de rallier. Tout à coup, du jour au lendemain,  il serait nommé à la tête du ministère de la Santé et n'aurait aucun préjugé favorable à l'égard de ses confrères. C'est un peu comme si on nommait la présidente de la Centrale des syndicats du Québec, Louise Chabot, une infirmière, au même poste. Là, on crierait à l'influence des syndicats sur l'appareil gouvernemental, croyez-moi. Qui est M. Barrette sinon qu'un syndicaliste de médecins?

Par ailleurs, M. Barrette est au coeur d'un litige actuellement en ce qui a trait à sa pratique. En effet,  La Presse révélait le 7 juin dernier que «l'hôpital Maisonneuve-Rosemont vient de demander au Collège des médecins de l'aider à trouver un expert capable de réévaluer les radiographies de 31 patients du Dr Barrette, afin de déterminer s'il y a lieu d'évaluer sa pratique médicale.» Je ne dis pas qu'il ait commis les erreurs qu'on lui attribue. M. Barrette estime d'ailleurs que toute cette situation est un «coup monté» relié à une situation problématique à l'hôpital en question. Simplement, sa situation actuelle risque de causer de sérieux maux de tête à ceux qui auront à juger sa pratique. Et imaginez si on venait à la conclusion que le ministre de la Santé a fait preuve d'incompétence ou de négligence dans certains dossiers? Délicat.

J'oubliais aussi que M. Barrette, ainsi que le Dr Frédéric Desjardins, président de l'Association des radiologistes du Québec (ARQ),  sera cité à propos en septembre prochain pour lobbyisme illégal auprès du gouvernement.  «Les deux radiologistes, toujours actifs dans la profession, ont déjà reconnu les faits reprochés sous quatre chefs d'accusation, mais ils entendent plaider non coupable et veulent contester la loi stipulant qu'il faut s'enregistrer pour exercer du lobbying», explique La Presse. Encore délicat. 

On pourrait aussi soulever le cas de Chantal Longpré, ancienne présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissements d'enseignement (FQDE). Mme Longpré veut donner plus de pouvoirs aux écoles et aux directions d'école. Le contraire serait surprenant étant donné les fonctions qu'elle a occupées.  Mais n'a-t-on pas là un autre dirigeant de corporation qui pourrait être à la tête d'un ministère? La verra-t-on critiquer ses anciens collègues?

Ne croyez cependant pas que je compare Mme Longpré à M. Barrette. Elle est moins ambitieuse et opportuniste que ce médecin spécialiste. Elle a accompagné fidèlement et loyalement le chef de la CAQ, François Legault, dès les débuts de son aventure politique. Je l'ai entendue plus souvent parler du bien-être et de la réussite des élèves que M. Barrette a parlé des patients québécois. Mais une interrogation demeure: aura-t-elle le recul nécessaire à une fonction ministérielle? Je n'en suis pas convaincu.

On pourra toujours me rétorquer que d'éminents syndicalistes ont été élus et nommés ministres dans les différents gouvernements du Parti québécois. De mémoire, ils n'ont jamais occupé de fonctions rattachées directement à leur passé syndical. Guy Chevrette, enseignant et  premier vice-président de la CSQ, n'a jamais été ministre de l'Éducation. François Gendron a été militant syndical, sans plus. Monique Simard, anciennement de la CSN, n'a fait que passer.

Bref, les possibles nominations de ces deux individus à des ministères reliés directement à leurs anciennes fonctions m'interpellent.

26 juillet 2012

Il faut bien commencer quelque part


Parfois, il faut savoir lâcher prise. Cesser de se battre. Ne plus vouloir ce que la vie ne nous donnera pas. Trouver son bonheur ailleurs. C’est malheureusement ce que je dois apprendre avec Fille masquée.

Court rappel : 

Prof masqué s’est reproduit il y a de cela 21 ans. Une dernière nuit d’amour avant une rupture mutuellement décidée. Un dernier coup avant la route.  Et manifestement, la preuve que le condom n’est pas à 100% efficace.

PM ne voulait pas de cette enfant. Plus correctement, il ne désirait pas que son ex devienne la mère de son enfant. La nuance est de taille quand on y pense. Une position logique dans la mesure où il  croyait quitter pour toujours cette femme avec qui il ne serait jamais heureux. Et puis, venant d’une famille dysfonctionnelle, pourquoi reproduire ce qui lui avait fait tant de mal?

Après de nombreuses tergiversations, PM a reconnu sa paternité parce qu’il estimait que chaque enfant a droit à ses parents. Mais voilà: chaque père n’a pas toujours droit à ses enfants. Dans les faits, sa paternité a été peu reconnue. Et il n’a pas toujours compris comment la faire reconnaître.

Cette absence statuesque et statutaire est d’autant plus grande que Prof masqué est un enseignant qui côtoie des jeunes dix mois par année. Il est une figure d’autorité, parfois trop paternelle.  Chaque jour d’école, il agit en bon père de famille alors que, le reste du temps, il n’est rien de cela.  Aussi, il a parfois l’impression d’être un imposteur dans une mauvaise comédie. Et chaque bon coup qu’il fait lui rappelle ce qu’il n’a pas réussi avec sa propre fille.

Aujourd’hui, les contacts avec Fille masquée sont quasi inexistants. La figure paternelle n’a ni autorité ni légitimité. Quelques repas au restaurant. Sans plus. Pas de projet. Vide.

Le dernier épisode de cette saga est survenu quand PM a demandé à sa fille de passer deux journées avec lui cet été. Sa réponse l’a complètement dévasté : une telle éventualité était impossible, car elle est débordée avec son travail, ses sorties avec sa mère, sa grand-mère et ses amis.

Demande refusée donc. Aucun appel. Aucune écoute. Aucune autre réponse quand on lui signale l’incongruité de la chose. Dix jours de silence avant un modeste échange de 20 mots sur FB.

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Tout être humain est construit sur des bases comme la famille. Celle où l’on est né. Celle que l’on construit. Je n’ai pas choisi celle où je suis né, mais j’essaie de mieux l’apprécier même si c’est parfois difficile. J’ai choisi par défaut une autre «famille» où je n’existe manifestement pas. Ironiquement, pendant les années où j’essayais de me positionner comme père, j’ai fui l’engagement ailleurs s’il menait à une éventuelle paternité.  À tort. J’avais peur. Peur que ce que j’ai connu une fois se répète alors qu’ailleurs aurait pu être une source de bonheur.

Aujourd’hui, je regarde autour de moi et je trouve ma vie passablement vide et absurde. Une maison en banlieue, une voiture presque neuve, un travail où je réussis bien même si je vivrai toujours, je crois, des difficultés à être intégré dans une équipe de travail, de bonnes habiletés de communication, une culture générale assez vaste, quelques amis, pas assez d’amis; tout cela ne suffit pas à donner un sens à mon existence. J’ai peut-être tort de me définir ainsi par rapport aux relations avec les autres. Mais quel sens peut-on avoir dans le néant?

J'ai une meilleure santé aussi. Un corps qui ne me torture plus. Mais un corps qui manque de vie et d'âme.

Je ne blâme pas les gens actuellement autour de moi ou ceux que j’ai connus. Je ne blâme pas la vie. J’ai fait des mauvais choix.  J’ai subi les mauvais choix de certaines personnes autour de moi. Je n’ai pas toujours su comment réagir. Trop souvent, je me suis emprisonné dans des relations où je cherchais à être utile pour espérer être apprécié. J’ai eu peur de placer mes limites, de peur d’être rejeté, et je suis souvent devenu ainsi jetable ou négligeable.

Une chose égoïste que j’ai comprise – mais est-ce une bonne chose? - est qu'on croit que nos enfants confèrent un sens à notre vie parce qu’ils constituent en quelque sorte une œuvre qui va nous survivre. Ils font de nous des êtres immortels. Je me demandais toujours pourquoi certaines personnes âgées de mon entourage conservaient leurs économies pour leurs enfants. Oui, il y a bien sûr cette mentalité économe qui appartient à une autre époque. Mais on retrouve aussi cette volonté de léguer un héritage à ceux qui vont leur survivre et d’ainsi donner un sens à leur vie. De vaincre en quelque sorte la mort.

Avec Fille masquée, il n’y a pas de vie partagée, pas de vie prolongée. Que la mort. Déjà. Sans victoire. La mort dans l’âme.

On pourra toujours me répondre que le temps arrangera les choses, que ma fille est encore jeune.  Je sais : la vie est courte et le temps est long, comme je dis souvent. Mais l’espoir me tue et ma vérité est ailleurs.

Elle est dans la compréhension que vivre pour soi n’est pas synonyme d’égoïsme ou de manque de respect des autres. Par contre,  pour faire les bons choix pour soi, il faut aussi savoir s’aimer. Et là, on revient au handicap de la famille première… et de la deuxième.

Savoir s’aimer est possiblement l’apprentissage le plus difficile d’une vie. Quand on ne s’aime pas, on vivote ou on veut mourir. Et une partie de moi aime trop la vie pour désirer la mort, même si ce genre de pensées survient encore quand je suis en détresse.

Vous l’ai-je dit : j’aime le gout du vinsanto et du cigare. Quand je m’installe devant la maison ou quelque part devant un beau paysage, verre à la main et cigare aux lèvres, je m’abandonne et les yeux grand ouverts, je laisse la vie entrer en moi. 

Je fume et bois beaucoup pour chasser les mauvaises pensées. Oh! n'ayez crainte: je ne suis jamais saoul et j'ai toujours bonne haleine. Il faut bien commencer quelque part. Modestement. Malgré la souffrance qui me tenaille encore. La sagesse est un processus ardu.

22 juillet 2012

Twitter: les twits et les pros (ajout)

Depuis quelques semaines, on parle d'une éventuelle campagne électorale au Québec, mais aussi de l'impact qu'auront les nouvelles technologies de l'information et des communications sur celle-ci, dont évidemment Twitter.

Deux événements sont venus alimenter ce débat: un commentaire supposément sexiste écrit par le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, à l'effet que les femmes accorderaient moins d'importance au salaire dans le cadre du choix d'un emploi et un échange accusant les souverainistes d'être racistes de la part de Kamal G. Lutfi, candidat de la même formation politique dans Chomedey et démis le 22 juillet de ses fonctions à la suite de ses propos controversés. D'ailleurs, le lendemain, le «loose cannon» de Laval tirait cette fois sur son ancien chef, affirmant que celui-ci lui aurait confié que «quand il était au PQ il y avait effectivement des séparatistes RACISTES».

Réglons tout de suite deux choses: la première est que M. Legault n'est pas sexiste et que ses propos - au demeurant très défendables - s'appuient entre autres sur une étude de l'OCDE. Qui plus est, son intervention sur Twitter a été rapportée par certains intervenants de façon hors contexte, comme ce pourrait être le cas pour n'importe quel commentaire émis oralement ou à l'écrit, soi-dit en passant. Twitter n'est donc pas en cause ici. La deuxième est que M. Lufti a tenu des récriminations qu'il aurait pu transmettre oralement ou par le biais d'un courriel. Certains pyromanes n'ont pas besoin de Twitter pour se brûler. 

Si l'on résume les propos de divers commentateurs, Twitter serait donc un piège pour les politiciens et il conviendrait qu'ils ne l'utilisent pas pour plusieurs raisons

Tout d'abord, Twitter ne permettrait pas de développer une pensée approfondie à cause de la longueur des messages que l'on peut émettre grâce à celui-ci. Pourtant, si je veux, je peux tweeter la Bible au complet par le biais de ce média. Ça serait long, mais possible. En fait, le présent texte pourrait être transmis par le biais de Twitter. On peut aussi greffer des liens à un message, au besoin, pour appuyer ou illustrer notre pensée. Enfin, il est possible de spécifier que le tweet que l'on a émis est le premier d'une série de dix, par exemple (1/10) ou utiliser twitlonger.

Oui, il est vrai que Twitter est conçu pour émettre préférablement des messages courts, d'où les risques de raccourcis dangereux. Mais un message court ne signifie pas nécessairement qu'il soit superficiel. Je pense à toutes ces citations de George Bernard Shaw, de Woody Allen ou de Cioran. Elles ont peu de caractères, ce qui n'enlève en rien de leur profondeur et de leur sagesse.

Mais voilà: nos politiciens ne sont pas tous des Churchill et ne savent pas tous manier le verbe avec autant d'intelligence et d'esprit de concision. Il est bien connu d'ailleurs qu'ils écrivent rarement leurs discours politiques. Également, autrefois, peu d'hommes politiques voyaient leurs propos diffusés de façon aussi importante alors qu'aujourd'hui, même le dernier des candidats d'un troisième parti peut envoyer ses écrits dans la sphère publique à l'aide d'un simple cellulaire. On le constate très bien dans le cas de Kamal G. Lutfi.

Et puis, il y a le caractère instantané de Twitter qui peut jouer de vilains tours au politicien intempestif. Doit-on toujours réagir publiquement dans la seconde à une situation? Je ne crois pas. Il m'arrive de prendre deux ou trois jours avant de réagir sur ce blogue à certains événements. Mais aujourd'hui, le politicien qui n'occupe pas immédiatement l'espace public est désavantagé par rapport à un concurrent. Le jeu en vaut-elle la chandelle?

Une autre difficulté avec Twitter réside aussi dans son caractère interactif qui permet difficilement d'installer un dialogue, contrairement à la fonction clavardage de MSN ou Facebook. On y va davantage au mode «Un Tweet, une réponse.» L'usager est, en quelque sorte, conditionné à produire des «one liners», un peu comme un humoriste, et à attendre une éventuelle réaction. Ici, ce n'est pas la longueur des tweets qui limite la réflexion, mais leur caractère même qui nuit à l'approfondissement de la pensée.  Par ailleurs, chaque réaction est autant d'occasions de faire dévier le propos de l'autre. À ce sujet, je comprends mal que l'on parle de «tweet fight» au moindre échange suivi comme ce fut le cas avec François Legault, chef de la CAQ, et Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec. Mais il faut dire qu'au Québec, un échange entre deux individus ayant des points de vue opposés est immédiatement associé à une engueulade...

Si Twitter peut être un instrument de communication efficace, il permet aussi de montrer publiquement que certains de ses utilisateurs politiques sont simplement des cons ou des individus très malhabiles en ce qui à trait à leur façon de s'exprimer à l'écrit . L'homme politique traditionnel doué d'une grande éloquence à l'oral et qui s'appuie sur une bonne équipe de rédacteurs ne correspond plus aux exigences qu'on a envers le politicien 2.0. Cette nouvelle ère des communications est bien plus exigeante que celle que l'on a précédemment connue.

Rappelons-nous d'ailleurs de ce moment historique où Jean Lesage, alors premier ministre du Québec, avait battu à plate couture le leader unioniste Daniel Johson lors du premier débat des chefs télévisé en 1962 sur les ondes de Radio-Canada. Plus que les talents de tribun du chef libéral, c'est le brio avec lequel on avait amené cet homme politique à bien utiliser ce nouveau média qu'était la télévision à l'époque qui aura permis à Jean Lesage de terrasser son adversaire.

19 juillet 2012

La Loi 78 et le «droit» à l'éducation

S'il y a un conflit où je n'ai pas voulu y tremper le bout du pied, c'est celui des frais de scolarité. Mes positions me feraient haïr par tous les participants au débat entourant celui-ci. Alors, je préfère généralement me retenir.

Je ferai exception aujourd'hui à propos d'un commentaire du premier ministre du Québec, M. Jean Charest, en réaction à l'avis de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPJ). Sur Radio-Canada, on peut lire:

De passage à Paspébiac, en Gaspésie, le premier ministre Jean Charest a défendu la loi spéciale, affirmant qu'elle a été adoptée pour « protéger les Québécois et s'assurer que les étudiants puissent étudier ». « Le droit à l'éducation c'est sacré », a-t-il dit.

 Tout d'abord, il faut savoir qu'il n'existe pas formellement de droit à l'éducation dans la Charte québécoise des droits et Libertés. La seule référence qui y est faite est à l'article 40 qui se lit comme suit:


40. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l'instruction publique gratuite.

Or, il faut savoir que, selon de nombreux spécialistes, la portée de cet article se limite aux niveaux primaire et secondaire. On est loin de l'éducation universitaire.

Qui plus est, il existe une certaine hiérarchisation dans les droits, ce qui fait que certains ont préséance sur d'autres, et les libertés de conscience, d'opinion, d'expression, de réunion pacifique et d'association, violées par la Loi 78 selon la CDPJ, sont  comme plus importantes dans cette liste, disons...

Donc, on pourrait affirmer que notre premier ministre tout comme les leaders étudiants sont dans l'erreur quand ils invoquent ce fameux droit à l'éducation.  Il est d'ailleurs ironique de constater que ces deux adversaires politiques invoquent le même droit inexistant pour justifier des positions aussi opposées.

Mais, petit bémol, à moins que je ne me trompe, le Canada (auquel appartient le Québec) a signé  en 1966 le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels où l'on peut lire à l'article 13c :

13c l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;
 
C'est bête, mais comme j'aimerais entendre les ti-namis du Conseil supérieur de l'éducation à ce propos. Ils me semblent bien tranquilles depuis quelque temps. Et pourtant, n'est-ce pas un de leurs rôles de se prononcer sur ce sujet? Ne devraient-ils intervenir plus spécifiquement sur cet article 2.2 et la notion de «droit» à l'éducation?

16 juillet 2012

MELS: les portes tournantes

C'était hautement prévisible. La Presse annonce que l'actuelle ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, ne se présentera pas aux prochaines élections provinciales prévues pour septembre 2012.

Au delà de ce striptease politique purement indécent (c'est ridicule de voir les membres du PLQ mentir en disant qu'ils ne savent pas s'il y aura des élections en septembre), ce qu'il faut retenir est que le MELS est un des ministères où le taux de roulement des ministres est le plus élevé.

 Ainsi, depuis 2002, en éducation, six ministres se sont succédé;
2002 - 2003 Sylvain Simard
2003 - 2005 Pierre Reid
2005 - 2007 Jean-Marc Fournier
2007 - 2010 Michelle Courchesne
2010 - 2012 Line Beauchamp
2012 - Michelle Courchesne              

En santé, pour la même période, on en retrouvait trois.
2002 - 2003 François Legault
2003 - 2008 Philippe Couillard
2008 - Yves Bolduc               

Une des conséquences de ces nominations qui ne durent jamais est que les gens qui sont titulaires de ce ministère ont rarement une connaissance complète de celui-ci et des dossiers qui y sont traités, ce qui confère un pouvoir énorme aux fonctionnaires qui voient les ministres défiler.

En passant, connaissez-vous le nom de celui qui a été le plus longtemps à ce poste depuis 1990? Vous l'avez deviné: François Legault, de 1998 à 2002. Il a été parmi les quatre ministres le plus longtemps à ce poste avec Jacques-Yvan Morin, Camille Laurin et Claude Ryan. Je trouve toujours étrange qu'on ne l'interroge jamais sur cette partie de son passé. Il est étonnant de voir à quel point il condamne les idées qu'il défendait à l'époque.
















15 juillet 2012

Ma vie en cinq livres

À l'invitation d'Un autre prof, qui a piqué l'idée au magazine Châtelaine, voici cinq livres qui ont marqué ma vie.


1- L'Écume des jours de Boris Vian. Lu à 15 ans. Incontournable. Ce livre m'a appris l'imagination et a renforcé mon gout de l'écriture littéraire. J'ai compris que les seules barrières qui existaient quant à mon écriture étaient celles que je m'imposais. On s'apprête à porter à l'écran la deuxième adaptation cinématographique de cette oeuvre et les quelques photos que j'ai vues annoncent un film assez disjoncté.

2- La Chartreuse de Parme de Stendhal. Lu à 17 ans. Je le préfère au roman Le Rouge et le Noir, du même auteur, qui est davantage associé à cet auteur. Le premier, c'est un romantisme adulte et assumé, comparé à celui plus adolescent et fébrile du second. Un plaisir amoureux mais aussi férocement italien. J'ai connu la même émotion plus tard en lisant Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, une oeuvre moins connue mais tout aussi vibrante.

3- Les Rougon-Macquart d'Émile Zola. Lus à 20 ans. Ici, je triche un peu puisqu'on aurait pu prendre n'importe quel roman des vingt de la série des Rougon-Macquart. Je les ai presque tous lu en un été. Mon côté obsessif qui fait que je dévore généralement une grande partie de l'oeuvre d'un auteur d'un coup. La galère que ce fut avec Simenon... Un Zola donc pour son côté naturaliste, descriptif, presque scientifique. J'ai pu prendre connaissance de ses carnets préparatoires à chaque oeuvre qui renfermaient des cartes, des croquis, des notes. Une leçon de journalisme.

4- 1984 de George Orwell. Lu à 24 ans. Une leçon d'histoire et de politique. Histoire parce que je suis retourné aux racines de l'oeuvre, le totalitarisme de Franco et le parti unique en URSS, par exemple. Politique parce que ce fut mon premier contact avec ce qu'on appelle la propagande et la manipulation des foules.  Il y a aussi tout ce travail sur la langue - la novlangue - qu'on entend utiliser pou réduire la pensée et l'esprit critique. Je me suis ensuite intéressé à d'autres oeuvres d'utopie et dystopie par la suite, dont Nous autres d'Ievgueni Zamiatine et Paris au XXe siècle de Jules Verne.    

5- Jolie Blon's Bounce de James Lee Burke. Lu à 42 ans. Pour l'écriture qui fait appel aux sens. Une leçon de style et de description. Ajoutez aussi la découverte de la Louisiane, une intrigue policière bien menée. Un bijou de policier. Ici, la compétition a été très forte avec les oeuvres de James Ellroy pour leur côté historique et sombre, mais Burke a une odeur, une musicalité qui le rend supérieur.

On remarquera majoritairement des oeuvres de tradition française, lues entre 15 et 24 ans. Ce furent des années de découvertes. J'aurais pu y placer des Balzac (Illusions perdues, magnifique de lyrisme), Ionesco (Le Roi se meurt, très fort et de plus en plus près de moi), Breton (Nadja). Il y a aussi L'Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón, Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, La Valse aux adieux de Kundera. La liste serait longue...

14 juillet 2012

«Nager pour survivre»: un succès avec 36% de réussite (ajout)

Il y a des synchronicités qui montrent bien que deux individus peuvent avoir la même idée sans s'être influencés mutuellement. Ainsi, je suis tombé ce matin, au hasard de mes lectures, sur cet éditorial de Brigitte Breton, du quotidien Le Soleil, qui aborde un point de vue assez critique quant à la formation «Nager pour survivre».

Ce qui est intéressant dans ce texte, ce sont les nouvelles informations qu'on y retrouve:

Les projets-pilotes menés au Québec (notamment à la commission scolaire des Découvreurs) montrent que 36 % des jeunes ont réussi à réaliser les trois exercices au terme des trois séances d'une heure, 43 % y sont arrivés avec une veste de flottaison et 21 % ont échoué même en portant une telle veste.

Le fameux 80% de réussite de cette formation en prend un coup quand on apprend que 43% de celui-ci est constitué de jeunes portant une veste de flottaison et que 15 à 20% des jeunes le réussissaient avant la formation (voir commentaire ici). Et on peut aussi réagir quand on constate que 21% des participants ont échoué cette formation même en portant une veste. En fait, d'une façon ou d'une autre, plus de 60% des gamins ressortiraient de cette formation sans être outillés pour affronter une situation périlleuse dans l'eau sans veste de flottaison. Définitivement, cette formation n'est pas un cours de natation. Et plus de 60% d'échecs semble être une norme acceptable pour qualifier une initiative de «succès» par le MELS et les commissions scolaires...

Selon la Société de sauvetage, il est cependant trop tôt pour dire si le nombre de noyades [en Ontario] est en baisse grâce au programme.

De l'aveu même de cet organisme, on dépensera donc des millions de dollars par année au Québec pour une formation dont on ne connait rien de l'efficacité.

L'Ontario a vu les inscriptions pour la formation aquatique augmenter de plus de 25 % depuis l'introduction de Nager pour survivre, il y a sept ans. 

Voilà peut-être la principale retombée positive de cette formation: elle constitue un gros exercice de sensibilisation parentale. Quand certains parents ont constaté que leur enfant coulaient (au propre comme au figuré) leur formation, ils se sont dépêchés de les inscrire à de véritables cours de natation.

Tout cela cependant ne change en rien ma position de base: cette formation inefficace constitue un fardeau organisationnel et financier pour l'école québécoise et l'éloigne de ses missions fondamentales.


12 juillet 2012

Un peu méchant mais un peu vrai aussi (ajout)

Au lieu de donner une formation de «nager pour survivre» aux élèves de troisième année du primaire, il faudrait peut-être penser en donner une aux parents qui ont une piscine.

Je repensais à ce livre écrit par un maniaque de stats (et dont je ne me souviens plus du titre!) qui concluait qu'il fallait bannir les piscine parce qu'il y a plus d'enfants qui meurent noyés dans une piscine familiale que par des armes à feu gardées à la maison.


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J'ai retrouvé: Freakonomics... Une critique ici. Miss Math aimerait.

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Si j'étais un jeune et qu'on m'offrait une piscine en cadeau, j me méfierais.

11 juillet 2012

François Legault ne comprend rien à certaines réalités de l'éducation (ajout)

Certains diront que le titre de ce billet est un oxymore, une évidence crasse.

Mais François Legault raisonne comme un comptable quand vient le temps pour lui de regarder un problème. Ou bien, pis encore, il est incapable de jongler avec une équation qui comprend plusieurs variables.

Devant le manque d'effectif masculin en éducation, la solution de M. Legault est d'augmenter les salaires des enseignants parce qu'une étude de l'OCDE démontre que les hommes accordent plus d'importance au salaire que les femmes dans le choix d'une carrière. Voilà. C'est simple.

M. Legault oublie cependant un point essentiel: règle générale, les garçons ne sont pas attirés en enseignement parce que, et je cite cette phrase célèbre dans le milieu scolaire: «Ils ne veulent pas moucher des nez et attacher des souliers.» Si le chef de la CAQ augmente le salaire des enseignants, rien ne garantit qu'il attirera ainsi de meilleurs candidats. Il risque surtout d'attirer des candidats davantage intéressés par l'argent que les exigences humaines de cette profession.

Un autre point moins fréquent expliquant pourquoi les hommes ne vont pas en enseignement est que les relations employeurs-employés dans les secteurs traditionnellement féminins sont souvent empreints d'un certain paternalisme. Rappelez-vous cette phrase de Jean Charest qui a désigné la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, de «petite madame» ou M. Legault lui-même qui qualifiait les enseignants de «lecteurs de revues» durant les journées pédagogiques. Comme homme, j'ai parfois de la difficulté à endurer une pareille attitude.

Je n'arrive pas à croire que François Legault puisse méconnaitre autant le monde de l'éducation alors qu'il en a été le ministre pendant deux ans. Et ce qui m'interpelle davantage est que c'est le même homme qui propose les plus importants changements en éducation depuis le rapport Parent en se basant on ne sait sur quelles études et quelles analyses.

Un dernier point: l'augmentation dont parle M. Legault a varié souvent de forme et de pourcentage au cours de la dernière année. Les mécanismes qui détermineront combien un enseignant recevrait de plus sont flous, pour ne pas dire plus. Un jeune qui commencerait au bas de l'échelle (37 298$) pourrait recevoir donc recevoir une magnifique prime de 3 729,80$ avant impôts. Aussi bien demeurer ingénieur, policier ou chauffeur d'autobus. D'ailleurs, les motivations entourant cette augmentation varient aussi selon les entrevues. Certaines fois, c'est pour valoriser la profession d'enseignant. D'autres fois, c'est pour s'assurer d'avoir les meilleurs enseignants dans les milieux difficiles. Là, c'est pour attirer les hommes.

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Et est-ce que les données de l'OCDE sur lesquelles s'appuie  M. Legault s'applique au Québec? Le concept d'équité salariale existe-t-il dans tous les autres pays? L'affirmation de M. Legault sous-entend-elle que l'équité salariale est boiteuse au Québec? A-t-il aussi l'intention d'augmenter le salaire des autres professions traditionnellement féminines (infirmières, CPE, etc.)?

De même, va-t-il augmenter le salaire de certains professionnels pour lesquels on est en pénurie en éducation? Je pense entre autres aux psychologues.
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En passant, la véritable question de fond est que M. Legault veut augmenter la présence masculine dans nos écoles parce qu'il est convaincu que cela aura un effet positif sur la réussite des garçons. Or, aucune étude ne vient prouver cette idée. Qui plus est, des pays qui devancent le Québec dans les tests PISA ont, eux aussi, une forte proportion de femmes en éducation. On appelle cela apporter une solution à un faux problème.

De l’abus du proverbe: «Ça prend un village pour élever un enfant.»


Voilà souvent le proverbe africain que j’entends quand on parle du rôle des parents versus les missions de l’école. Au cœur de ce débat, il y a bien sûr des zones sensibles dont le thème de la déresponsabilisation parentale.

Prenons par exemple la formation de trois heures «Nager pour survivre» que le MELS entend mettre de l’avant en troisième année du primaire.  Oublions tout de suite que celle-ci est fort limitée et règlera peu de choses en fait quant à la problématique des noyades au Québec. Attardons-nous plutôt à cette question : est-ce le rôle de l’école d’assurer une telle formation?

Plusieurs parents répondent que oui en invoquant le fait qu’ils ne sont pas habiletés à enseigner la nage à leur enfant ou qu’ils manquent de temps. Ils se retournent alors vers l’école en invoquant que cela fait partie de ses missions et cite le fameux proverbe déculpabilsant telle une incantation magique.

Ce qu’il faut savoir, c’est que, dans un village africain, ce n’est pas l’école qui montre à nager aux enfants, mais bien des frères, des sœurs, des voisins. L’école joue fréquemment un rôle au sein de la communauté dans laquelle elle s’inscrit, mais pas celui-là. Elle abordera parfois des thèmes reliés à la santé et l’hygiène, par exemple, mais elle se concentrera sur la transmission des savoirs et des connaissances. Dans un village africain, aller à l’école est un privilège et l’éducateur ocuppe une position respectée. On verra rarement des parents contester ses décisions ou ses méthodes.

Au Québec, la notion de village est différente. Bien des familles vivent dans un cocon très renfermé. Et la relation avec le pseudo «village» qui les entoure est unidirectionnel : dis-moi ce que le village peut faire pour moi, mais pas ce que je peux faire pour lui.  Pis encore, le «village» ne doit pas intervenir dans la façon dont certains parents conduisent les choses.  Tentez cette expérience : ramenez chez lui un gamin au comportement irrespectueux et observez la réaction de ses parents. Il y a fort à parier qu’il vous reprocheront votre intervention, même si elle fait référence à des règles de vie basées sur le bien de la communauté. Quand au statut de l’éducateur, au Québec, il est souvent  respecté en autant qu’il n’interfère pas avec les volontés des parents. Combien de fois ai-je vu certains de ceux-ci remettre en question la compétence et l’autorité d’un collègue? Et je ne parle pas de ces cas de menaces et d’intimidation. Combien de fois ai-je même vu des parents engueuler des policiers alors que leur enfant avait commis des infractions? On est loin du village africain et bien plus près de la jungle.

Dans les faits, pour certains parents, au Québec, l’école est un service éducatif mais aussi une façon de ne pas assumer certaines responsabilités. Votre enfant ne sait pas nager et vous ne savez pas comment le lui apprendre? Demandez à l’école! Pourtant, il existe des organismes spécialisés dans ce domaine : la Croix-Rouge, des écoles de natation, etc.  Le manque de connaissance en la matière n’est définitivement pas une excuse valable au même titre qu’on ne demande pas à un parent d’un enfant malade d’être médecin, mais simplement de s’assurer que son enfant consulte un spécialiste. Reste à faire l’effort et à trouver le temps d’y aller.

Chaque famille est unique et vit ses difficultés. Chaque parent établit ses priorités. Il est également dans la nature humaine de tenter de remettre aux autres ce qu’il est possible de ne pas faire soi-même. Cependant, est-ce ici à l’école québécoise de montrer aux jeunes à survivre en cas de noyade?

On cite souvent en exemple le cas des cours d’éducation sexuelle à l’école pour justifier que celle-ci puisse aborder des contenus notionnels traditionnellement moins académiques. Ce qui est paradoxal, c’est que les gens qui utilisent cet argument reconnaissent eux-mêmes qu’il s’agit d’un domaine relié à l’éducation parentale en indiquant que leur père ou leur mère ne voulait malheureusement pas en parler.  Ils soulignent ainsi que leurs propres parents n’ont pas rempli un des rôles auxquels on s’attendait d’eux. Si la société a demandé à l’école d’aborder ces notions reliées à la sexualité, c’est bien pour suppléer ce manque parental qui cause de graves problématiques de santé chez les jeunes. Demander à l’école d’enseigner à nos enfants à survivre dans l’eau relève de la même dynamique. C’est une solution à court terme à un problème. Pas la meilleure. Même pas la plus efficace.

Les vraies solutions à ce problème résident dans la sensibilisation aux responsabilités parentales, mais aussi dans l’offre de services de soutien pour les familles où la situation n’est pas toujours facile.  À une époque où l’on remet constamment en question la qualité de l’éducation offerte par l’école ainsi que les savoirs et compétences de nos enfants, je ne crois pas qu’on doive ajouter aux écoles des obligations qui ne relèvent pas de leurs missions premières. 

«Ça prend un village pour élever un enfant.»  Or, ce village ne se limite pas à l’école et à une relation unidirectionnelle. Si certains parents veulent jouer un plus grand rôle dans le monde scolaire, ils doivent tout d’abord respecter les missions de celui-ci et les leurs.

09 juillet 2012

Pourquoi en troisième année du primaire?

Neuf des onzes jeunes de moins de 18 ans qui se sont noyés dans une piscine au cours des trois dernières années au Québec l'ont fait dans la piscine familiale, mais clôturons toutes les nouvelles piscines sans discernement et proposons même de clôturer les anciennes ainsi que les piscines hors terre ou gonflables.

Les deux tiers de jeunes de moins de 18 ans se sont noyés dans des lacs et des rivières, mais donnons une formation dans des piscines, formation qu'on peut d'ailleurs réussir avec une veste de flottaison.

Le tiers des jeunes noyés dans une piscine au cours des trois dernières années n'auraient pas eu l'âge de suivre la formation proposée par le MELS, mais allons de l'avant avec cette idée qui va couter des millions à nos école et dont on n'a pas mesuré la réelle efficacité.

Pourquoi ne pas plutôt apprendre aux enfants à nager correctement en bas âge, simplement? C'est ce que propose Régent Lacoursière qui accueille à son école des élèves aussi jeunes que deux ans. D'ailleurs, selon l’organisme SécuriJeunes Canada, les jeunes de moins de cinq ans courent de grands risques de se noyer à cause la petite taille de leurs poumons.

Pour le directeur général de la Société de sauvetage, Raynald Haawkins, ce serait une bonne chose d'offrir le cours à partir de la prématernelle. Mais une telle mesure est impossible dans l’état actuel du système scolaire québécois. Entre autres, le ratio accompagnateur - enfants devrait être beaucoup plus élevé, explique-t-il. 

Il faut surtout savoir que la pré-maternelle et la maternelle ne sont pas obligatoires au Québec. D'ailleurs, la pré-maternelle n'est pas offerte partout dans la Belle Province. Impossible donc de rejoindre tous les jeunes.

Cependant, à supposé que je sois d'accord avec cette formation, ce que je ne suis pas, il faudrait m'expliquer pourquoi on attend la troisième année du primaire pour la donner. En effet, théoriquement, dans une école qui n'est pas considérée défavorisée, il y a moins d'élèves par classe en première et deuxième année qu'en troisième (22 à 24 contre 24 à 26). Ensuite, même la Société de sauvetage indique que cette formation peut être donnée à des enfants de 6 ans. Pourquoi alors attendre en troisième année du primaire quand les élèves auront 8-9 ans et seront plus nombreux par classe?

Il y a là comme un manque de logique comme dans l'ensemble de ce dossier d'ailleurs. Mais une fois que la psychose est allumée dans les médias et le grand public, on perd parfois le Nord.


08 juillet 2012

À propos des noyades au Québec (ajout)

On a vu qu'au Québec, pour réduire les noyades, le MELS proposera un cours de trois heures en troisième année du primaire en piscine avec possibilité de le réussir en portant une veste de flottaison. Dans les faits, la majorité des noyades surviennent plutôt dans des lacs ou des rivières alors que les gens malheureusement impliqués dans ces incidents regrettables ne portent aucune veste de flottaison. Qui plus est, le tiers des jeunes qui meurent par noyade n'auraient même pas été assez âgés pour suivre le cours proposé par le MELS. Il tient du rêve, selon moi, de penser que cette formation réduira le nombre de noyade au Québec. D'ailleurs, aucune étude ne vient appuyer cette prétention.

Une autre légende urbaine veut qu'on devrait clôturer toutes les piscines au Québec pour réduire le nombre de noyades. Voici quelques chiffres qui devraient vous montrer les faibles résultats que cette mesure apporterait.

En 2010 - 78 noyades
Nombre de noyade de jeunes de moins de 18 ans dans une piscine: 5 (dont un dans un parc aquatique et un dans une piscine publique, donc deux endroits avec surveillance)

En 2011 - 81 noyades
Nombre de noyades de jeunes de moins de 18 ans dans une piscine: 1

En 2012 - 40 noyades jusqu'à présent
Nombre de noyade de jeunes de moins de 18 ans dans une piscine: 4

Dans les faits, presque toutes les noyades de jeunes de moins de 18 ans dans une piscine au Québec sont survenues dans la piscine familiale alors sans surveillance. Aucun nageur de plus de 10 ans ne s'est noyé dans une piscine familiale au Québec alors que l'âge moyen des jeunes noyés dans la piscine familiale était de près de 5 ans (soit respectivement  1, 2, 3, 5, 9, 8, 9, 2, 2 et 4 ans).

Par ailleurs, tous les jeunes se sont noyés dans une piscine appartenant à leurs parents, sauf les deux cas mentionnés plus tôt et qui nageaient dans des lieux pourtant surveillés.

La morale de tout cela? Si vous avez des enfants, c'est davantage une éducation précoce aux risques reliés à l'eau et une surveillance efficace de votre propre piscine qui éviteront ce genre d'incident.

Une initiative comme celle proposée par la SQ, qui consiste à désigner des surveillants comme on le fait avec la conduite automobile, est aussi une excellente idée.

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Tristement, une nouvelle noyade aujourd'hui vient de s'ajouter. L'enfant d'un an et demi s'est noyée dans la piscine familiale.

06 juillet 2012

À propos du cours «Nager pour survivre»

J'ai eu le temps de réfléchir à cette intention ministérielle de faciliter l'implantation de la formation «Nager pour survivre» en troisième année du primaire dans toutes les écoles québécoises. Certains commentaires ici et des échanges avec des gens autour de moi m'ont aussi beaucoup aidé à approfondir ma position et à effectuer des recherches dont les résultats sont préoccupants. Prenez la peine de lire ce texte jusqu'à la fin

La mission de l'école?

Tout d'abord, il est clair qu'en offrant cette formation, l'école s'éloigne de sa mission fondamentale (instruire, socialiser et qualifier). C'est le MELS lui-même qui reconnait les risques de ce genre de dérives dans son énoncé de politique éducative Prendre le virage du succès - L'école, tout un programme:

«Pour conduire les élèves à la réussite, l'école a besoin de l'appui de toutes les Québécoises et de tous les Québécois, jeunes et adultes. Mais cet appui ne lui sera accordé que si les missions qui lui sont confiées sont connues et font consensus. Sinon, l'ambiguïté persistera et l'école continuera de se voir adresser des demandes qui risqueront de la distraire de son objectif. Il importe donc de mieux définir le champ d'action de l'école.»

L'école québécoise vit des moments difficiles. Elle tente de rattraper son retard en matière de réussite scolaire. Faut-il la distraire ainsi de ses objectifs fondamentaux? Quelle sera la prochaine mission qu'on lui confiera? La sécurité routière pour les jeunes cyclistes? Les cours de conduite automobile?

Au mauvais moment et au mauvais endroit?

En instaurant cette formation, ne risque-t-on pas de déresponsabiliser les parents et d'augmenter le risque de noyades pour la catégorie d'âge des jeunes enfants, les moins de neuf ans, par exemple? Certains parents seront-ils tentés de penser que c'est l'école maintenant qui s'occupera de sensibiliser leurs enfants aux dangers reliés à l'eau et leur montrera à nager?

Si l'on regarde les statistiques, en ce qui concerne les individus de moins de 18 ans qui représentent moins de 13% des noyades au Québec cette année, il s'agit dans les cinq cas d'enfants laissés sans surveillance par leurs parents, dont un qui s'est noyé dans son bain. Tous les jeunes de 18 ans qui se sont noyés cette année n'auraient reçu cette formation à leur école puisqu'ils n'étaient même pas d'âge scolaire. Pour les années 2010 et 2011, c'est un peu plus du tiers des jeunes victimes de noyade qui n'auraient pas suivi cette formation à cause de leur jeune âge. (En fait, l'âge moyen d'un jeune qui se noie dans une piscine au Québec depuis trois ans est d'environ de 5 ans et d'environ 10 ans dans un lac ou une rivière.)

On peut donc raisonnablement se questionner sur l'impact de cette formation alors qu'elle ignorerait un pan important des jeunes québécois.

Une formation véritablement efficace?

La formation «Nager pour survivre» a été créée par la Société de sauvetage, un organisme sans but lucratif qui vise à prévenir les noyades et les traumatismes associés à l’eau.. Elle consiste en trois séances d'une heure donnée dans une piscine. Les élèves seront alors amenés à pratiquer une entrée en culbute dans l'eau afin de se familiariser avec le phénomène de la désorientation vécue lorsqu'on tombe à l'eau accidentellement. Ils devront aussi tenter de se maintenir à la surface de l'eau pendant 60 secondes et nager sur une distance de 50 mètres dans une piscine. On comprend clairement qu'il ne s'agit pas de cours de natation, comme en ont parlé certains médias. Selon les chiffres, 80% des jeunes réussissent à atteindre ces trois objectifs. Une question: combien de jeunes réussissaient à les atteindre AVANT d'avoir reçu cette formation?

Qui plus est, en consultant le site de Société de sauvetage, quelques aspects ne sont pas clairs quant à cette éclatante réussite.  

«Il est conseillé de faire revêtir un VFI aux participants pour procéder une première fois à l’évaluation. Par la suite, les enfants jugés aptes à enlever leur VFI pourront tenter de relevé (sic) le défi sans celui-ci.»

Peut-on donc réussir cette formation avec une veste de flottaison? Est-ce que les enfants qui n'ont pas relevé le défi (absence, refus, etc.) sont comptés dans les statistiques comme étant parmi les 20% qui ne le réussissent pas?

Si je me base sur la feuille d"évaluation du défi «Nager pour survivre» qu'on trouve à l'adresse http://www.snpn.ca/?p=39, la réponse serait qu'on peut réussir le défi avec une veste de flottaison et qu'on ne tiendrait pas compte des refus de participer. Si ces donnée sont justes, elles suffisent pour invalider l'idée d'implanter cette formation dans les écoles québécoises. Mais continuons notre réflexion.

Si on observe les statistiques quant aux noyades au Québec, on remarquera que, chez les moins de 18 ans, celles-ci sont le fait de jeunes sans surveillance qui perdent la vie dans des lacs ou des rivières. On est loin du calme d'une piscine. Et d'une possible veste de flottaison.

Chez les plus de 18 ans, qui constituent plus de 80% des noyades au Québec, en plus des limites reliées à la formation «Nager pour survivre», on peut se demander quel impact réel aura celle-ci un jour si on regarde les statistiques.  Dans la grande majorité des noyades au Québec, près du quart sont associées à des actes téméraires ou qui ne respectaient pas la réglementation nautique (dont porter une veste de flottaison). Parmi les autres cas, on retrouvait des causes pour lesquelles une formation n'aurait rien changé: malaises cardiaques, intoxication par l’alcool ou la drogue, écrasement d'avion, suicide... 

De quel succès parle-t-on?

Tous les intervenants en faveur de cette formation ont mentionné qu'il s'agissait d'un succès? Mais de quel succès parle-t-on? La seule statistique que j'ai pu trouver soulève des questions. On cite l'exemple ontarien où cette formation est donnée aux jeunes sans pour autant nous indiquer à combien se chiffre la baisse des noyades survenues dans cette province. Parce qu'il faut bien qu'il y ait une diminution des noyades, non? 

ll serait donc intéressant qu'on nous démonte les résultats concrets de ce programme à l'aide de données vérifiées et vérifiables. Cela me semble un minimum quand on engage des fonds publics dans une formation de la sorte et qu'on entend la rendre obligatoire.

Pour jouer à un avocat du diable rempli de mauvaise foi intense, si je prends les noyades recensées au Québec, je me demande à quoi servira cette formation dans le cas des suicidaires, des gens intoxiqués, assis à bord d'un avion ou d'une automobile qui sont tombés dans un lac ou une rivière. Je me demande aussi à quoi aurait servi cette formation à tous ces gens que la Société de sauvetage inclus dans ses statistiques parce qu'ils ont été retrouvés dans ou à proximité d'un cours d'eau et dont la cause du décès est inconnue?

À propos de financement

Au cours des trois prochaines années, le MELS entend faciliter l'implantation de la formation «Nager pour survivre» en donnant un incitatif financier aux écoles qui choisiront d'offrir cette dernière. Par la suite, on songe à rendre cette formation carrément obligatoire.

Or, cet incitatif ne suffit pas actuellement à payer les coûts de ce programme. Alors que les écoles secondaires sont déjà en mode coupures, quels services vont-elles devoir diminuer ou cesser de donner pour payer les coûts de cette formation? La bibliothèque scolaire, la surveillance, le psychologue?

En conclusion, tout le monde est pour la vertu et éviter des incidents regrettables. Cependant, non seulement le MELS va pelleter aux écoles une formation qui, à mon avis, ne relève pas de leur mission fondamentale et dont on peut questionner l'efficacité, mais cela va avoir en plus pour effet de les amener à réduire les ressources qu'elles devraient consacrer à la réussite scolaire des élèves. On nage, sans jeu de mots, en plein délire. 

05 juillet 2012

«Nager pour survivre» dans les écoles: 40 morts à nuancer (ajout)

Québec entend favoriser l'implantation du programme  «Nager pour survivre» dans les écoles primaires du Québec. Il défraiera une partie des couts de ce programme, laissant le soin aux écoles qui veulent y participer de régler le reste de la facture.

L'argument invoqué est bien sûr le nombre élevé de noyades cette année. Or, une petite analyse des 40 noyades survenus jusqu'à présent au Québec montre une réalité pas aussi simple qu'on pourrait le croire.

De toutes ces noyades, on remarque entre autres:
- une septuagénaire confuse;
- trois sportifs imprudents sur la glace (motoneige et VTT);
- un bébé laissé sans surveillance dans son bain;
- sept individus retrouvés sans qu'on connaisse les circonstances exactes de leur décès;
- un suicidaire;
- deux individus à bord d'une embarcation alors on ne sait pas s'ils portaient un gilet de sauvetage;
- deux individus à bord d'une embarcation alors qu'on sait qu'ils ne portaient pas leur gilet de sauvetage;
- un homme retrouvé dans un fossé près d'une route;
- un pilote dont l'avion s'est écrasé;
- un plongeur sous-marin;
- deux jeunes hommes qui marchaient sur le bord de l'eau à Oka;
- deux personnes âgées atteintes de malaise cardiaque alors qu'elles étaient sur ou dans l'eau;
- deux noyade alors que les individus étaient fort possiblement sous l'influence de la drogue ou de l'alcool
- deux noyade alors que la vitesse de l'embarcation pourrait être en cause et que les individus ne portaient pas de gilet de sauvetage;
- quatre enfants laissés sans surveillance parentale.

Dans 90% des noyades au Québec, on parle donc d'adultes, majoritairement des hommes. Près du quart sont associés à des actes téméraires ou au non-respect de la réglementation nautique.

En ce qui concerne les individus de moins de 18 ans qui représentent moins de 13% des noyades au Québec, il s'agit dans les cinq cas d'enfants laissés sans surveillance par leurs parents, dont un qui s'est noyé dans son bain.

Chaque décès accidentel en est un de trop. Les jeunes d'aujourd'hui qui bénéficieraient du programme «Nager pour survivre» seront les adultes de demain. Mais trois questions:
- l'utilisation du nombre de 40 noyades pour justifier l'implantation facultative de ce programme dans nos écoles est-il intellectuellement honnête?
- ce programme règlera-t-il les cas de bêtise humaine liés aux diverses noyades?
- les parents, même s'ils sont parfois touchés par des drames déchirants, n'ont -ils pas une responsabilité dans l'éducation nautique de leurs enfants  et la surveillance de ceux-ci?

En passant, aucun des enfants qui se sont noyés cette année n'aurait reçu cette formation à leur école puisqu'ils n'étaient même pas d'âge scolaire...

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Comme je me sentais mal de ne considérer que les statistiques de cette année, je suis allé jeter un coup d'oeil celles des années 2010 et 2011.

En 2010:
 - 14 morts de moins de 18 ans sur 78 noyades (18% du total des noyades);
- 5 noyade survenues en piscine (dont une dans un piscine publique et l'autre dans un parc aquatique);
- 1 dans un bain et une à cause de la glace qui a cédé sous le poids de la motoneige où l'enfant de 13 ans prenait place avec son père.
- au moins 4 enfants qui n'étaient même pas en troisième année du primaire.

En 2011:
- 12 morts de moins de 18 ans sur 81 noyades (15% du total des noyades);
- une seule noyade survenu dans une piscine et une à la suite de la chute d'un hydravion;
- les 10 autres sont survenues dans des lacs ou des rivières;
- au moins 7 enfants qui n'étaient même pas en troisième année du primaire.