31 mai 2008

Les deuils

Les deuils ne viennent jamais seuls, semble-t-il. Cette fin de l'année scolaire 2007-2008 en sera une preuve indubitable.

Il y a tout d'abord ces élèves de cinquième qui quitteront bientôt la grande école secondaire pour aller, pour la plupart, au cégep. On s'attache à ces petites bêtes avec qui on vit au quotidien, vous savez. Dans le cas d'un groupe, plus particulièrement, nous avons même traversé la perte d'un élève en cours d'année il y a deux ans. Certaines épreuves resserrent les liens. Et puis, je suis ce genre de prof intense qui aime connaître ses élèves, qui les bardasse à l'occasion et qui n'est jamais mais jamais indifférent.

Déjà, je les regarde et je sais que, d'ici deux semaines, ce quotidien n'existera plus. Les fous rires, les petites blagues, les regards complices, tout cela disparaîtra pour renaître sous forme de souvenirs. J'essaie de capturer chaque moment, chaque parcelle de sourire pour les imprégner là ou ils ne meurent jamais. À l'occasion, j'amène l'appareil-photos. Ils aiment bien cela. Surtout me photographier pendant que je fais le clown...

Il m'arrive de conserver des liens avec mes anciens élèves. En fait, ce sont eux qui me relancent. Ils viennent souvent me visiter à mon école comme si j'étais un parent, un ami qu'on voit à l'occasion. Par la magie d'Internet, certains m'écrivent et me parlent de leurs études, de leur mariage. Ouf... On prend décidément un coup de vieux dans ce temps-là.

Ce deuil, je le vis chaque année. J'y suis habitué même si on ne s'y habitue jamais vraiment. Non, ce sont plutôt les autres événements qui appesantissent les choses.

Par exemple, le deuxième deuil est empreint de culpabilité. Il s'agit d'un groupe de troisième secondaire que je devais normalement reprendre l'année prochaine mais qu'avec mon changement de poste, je ne pourrai conserver. Oh! il y aurait moyen de s'arranger avec la direction, mais je ne veux pas de deux préparations et demie et de choses compliquées. On ne peut pas plonger dans une piscine en gardant un pied sur le tremplin. Et je fais un grand saut l'année prochaine.

Je me sens coupable par rapport à ces gamins parce que je devrais être leur prof pour deux ans. Certains n'ont pas quitté cette classe de douance à cause d'enseignants un peu fous comme moi. Je ne leur ai pas annoncé la nouvelle parce que je ne m'en sens pas encore prêt. Ils me parlent de l'année prochaine, de ce que nous ferons ensemble, de combien ils ont appris cette année et ils apprendront encore plus avec moi l'année prochaine. Ils se réchauffent à mes sourires. Ça me fend le coeur et comme il n'est pas déjà vaillant...

Ce matin, j'ai réalisé que je devrai leur annoncer la nouvelle avant la fin de l'année. Cette semaine sûrement. Je leur dois l'honnêteté. Un moment difficile mais nécessaire. Sauf que je ne peux pas faire le contraire de ce que je leur enseigne: l'effort, le meilleur de soi-même. Qu'en pensez-vous?

Enfin, le troisième deuil, ce sont mes collègues d'enseignement. Les naufragées de la Méduse. Je quitte vers un local de profs de premier cycle ou j'ai déjà une réputation de grande gueule surfaite, ou le fait que je vienne de la cinquième sera un puissant handicap. Je devrai adopter le profil assez bas, merci. Un autre changement. Mais, pour l'instant, ce qui m'importe, ce sont mes collègues actuelles. Elles (bien oui!) ont passé la journée de vendredi à me taquiner. Elles me suggèrent déjà de préparer mon kit de prof de première secondaire: de la colle, des ciseaux à bouts ronds, des mouchoirs, des mouchoirs et encore des mouchoirs...

Nous sommes allés diner ensemble et l'une d'elles a même offert le champagne, mon péché mignon. J'ai gardé la bouteille en souvenir. Mon école est grande, trop grande. On risque de peu se voir l'année prochaine. Sauf que, de toute façon, la direction songe à relocaliser ce local de profs de deuxième cycle en plaçant mes collègues un peu partout. Mauvais exemple de gestion pédagogique sur lequel je reviendrai sûrement. Une certaine séparation aura déjà eu lieu. Mais pour l'instant, là encore, je thésaurise, j'accumule, je me remplis.

Des deuils donc. Certains nécessaires. Et ex-madame masquée qui me manque et qui ne reviendra pas. La vie est remplie de nouveaux départs. Et je n'ai pas toujours l'âme d'un coureur.

29 mai 2008

Amour enseignante: mode d'emploi

Je ne reviendrai pas sur le contexte personnel dans lequel je nage et surnage. Mais dans la tourmente, le sarcasme et l'ironie sont les deux mammelles parfois de ma bouée de sauvetage.
Aussi, aujourd'hui, je me permets de solliciter votre contribution à un petit guide sur les relations amoureuses avec un enseignant. Tant qu'à vivre, vivons intensément!
J'ai toujours cru que les enseigants gagnaient à se reproduire entre eux. D'ailleurs, Fille masquée a été conçue avec une prof de français, issue elle-même de l'union d'un directeur d'école primaire et d'une prof de maths. Appelons de la consanguinité pédagogique.
Quels sont les bons coups et les mauvais coups à faire quand notre partenaire de vie amoureuse est un enseignant? Socioconstruisons donc ensemble un texte que vous pourrez montrez à votre tendre moitié en douce certains jours de manière peu subtile.
Si l'humour et l'autodérision sont les bienvenus, je débute tout de suite avec deux vacheries qu'on me pardonnera:
  • plaquer un enseignant la veille de ses vacances d'été (une fois, le motif de la rupture était que je consacrais trop de temps à mes élèves alors que j'allais justement tomber en vacances).
  • susciter des périodes de remise en question existentielles durant une période intense de correction.
  • demander de corriger ses travaux ou ses écrits (pas assez de le faire pour le travail...).
Côté positif:
  • l'aider à corriger certaines épreuves.
  • l'aider à rentrer ses notes (avec le Renouveau, ce type de support deviendra périmé).
  • l'écouter se plaindre pour la centième fois d'un problème scolaire.

Côté infantlisant:

  • Je suis déjà sorti avec une prof du primaire et elle s'assurait que mes bottes étaient bien mises et que j'étais bien couvert quand je sortais l'hiver...
J'attends vos commentaires. Nos lignes sont ouvertes! : )

26 mai 2008

Gala Blogu'or (corrigé)

Un petit mot pour remercier les organisateurs de cet événement merveilleux et génial qu'a été le gala Blogu'or 2008. Ce petit bijou d'organisation et d'animation de La fêlée et de L'ex ivrogne peut être vu ici. On ne soulignera jamais assez l'importance de ces initiatives personnelles propres à la blogosphère.
Le Prof masqué était en nomination dans la catégorie Meilleur blogue d'opinion mais, la compétition étant féroce (une douce façon polie de vous faire croire que j'étais dans la course...), c'est plutôt celui du Gros BS qui a remporté ce prix.
Honneur aux nombreux gagnants et à tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à ce bon moment de la blogosphère!
Des félicitations particulières aux blogueurs suivants qui ont la gentillesse de venir sévir chez moi à l'occasion:
  • En nomination dans la catégorie Meilleure bédaine et gagnante de la catégorie Rigueur de la langue : Grande Dame.
  • En nomination dans la catégorie Meilleur auteur jeunesse: Mia.
  • En nomination dans la catégorie Meilleur blogue sérieux : Renart L'Éveillé et Mario Asselin.
  • En nomination pour la catégorie Kossé qu'ils ont fumé: Prof malgré tout.
  • En nomination pour la catégorie Littérature fiction : Renart Léveillé, poésie.
  • En nomination pour les catégories Meilleur blogue opinion Meilleure blogueuse sérieuse: Noisette sociale.
  • En nomination pour la catégorie Meilleur blogueur: Renart L'Éveillé.

Le professeur voilé...

Québec Solidaire en remet une couche aujourd'hui dans l'actualité sur la possiblité pour les enseignantes de porter le voile pendant leur travail. Je rapporte ici les extraits importants de ce texte et je les commente au fur et à mesure.

Le parti politique le plus ouvertement féministe partage donc sans réserve la recommandation du rapport Bouchard-Taylor voulant qu'il faudrait permettre aux enseignants et fonctionnaires de porter des signes religieux ostentatoires, comme le voile islamique, symbole de soumission des femmes aux hommes et d'intégrisme musulman. (...)

Le voile islamique n'est pas un accessoire de mode innocent. Il découle d'un système de valeurs et de pensée bien différent de celui qu'on retrouve en Occident. Qui plus est, bien des immigrants ont justement fui leur pays d'origine à cause de celui-ci. Et voilà qu'au Québec, on l'autoriserait dans le contexte de l'enseignement alors que d'autres pays occidentaux et arabes ne le font pas justement à cause de sa signification intrinsèque. Décidément, au Québec, on est les meilleurs.

Là où le foulard islamique représente une menace à la stabilité démocratique et aux droits des femmes, «ce sont des pays où l'islam occupe 80 pour cent de la place», a-t-il (Amir Khadir) fait valoir, en rappelant que les musulmans ne forment que deux pour cent de la population québécoise.

Et puis, après? Désolé, mais cet argument du nombre est bien faible. On parle ici de principe, pas de chiffres. Si le voile est en soi une menace, pourquoi le tolérer?

Québec solidaire est aussi d'accord avec la commission Bouchard-Taylor, qui a remis son rapport la semaine dernière, pour dire que ceux qui exercent une fonction d'autorité - comme les policiers et les juges - devraient s'abstenir d'afficher des signes religieux. Mais ce principe ne vaut pas pour les enseignantes. Selon Québec solidaire, interdire le voile serait aller à l'encontre du principe de la laïcité, qui doit «être un instrument d'inclusion et non d'exclusion». «Le port du voile est un choix individuel», selon M. Khadir.

Désolé, mais l'enseignant est une figure d'autorité, quant à moi. Il est un modèle, un représentant social et gouvernemental. Dans les pays de l'Est à l'époque, ce n'est pas pour rien que ces états voulaient tant contrôler l'éducation. C'est un lieu idéologique puissant.

Quant au principe que la laïcité est un instrument d'inclusion, je pense que, dans la pratique, ce principe est parfois perverti. Je me rappelle de cette école religieuse à Montréal qui obligeait les enseignantes à porter le hijab. Ces dernières auront-elles le droit de ne plus le porter maintenant, question de présenter aux jeunes des modèles culturels et religieux différents?

Par ailleurs, le port du voile est-il un choix individuel ou le résultat d'un conditionnement social, culturel et religieux? Dans la même veine alors, pourquoi s'insurger devant nos élèves à demi habillées et hypersexualisées qui exercent un choix individuel? On vit en société. Certaines limites sont nécessaires et acceptables, je crois. Je ne porte pas mon chandail du Bloc Pot en classe, à ce que je sache.

On assiste lentement mais sûrement vers un glissement des droits collectifs vers des droits individuels et je me demande ce que signifiera le mot «inclusion» si toutes les différences se valent et doivent être acceptées.

L'autre porte-parole du parti, Françoise David, a dit partager les vues de M. Khadir, voyant même un côté positif au port du voile par une enseignante.«Le fait de porter un signe religieux va à tout le moins nous indiquer en quoi elle croit», a-t-elle indiqué, en jugeant que cette question ne devait pas devenir une «obsession».

D'accord. Alors, fidèle à la pensée de Mme David, je propose que chaque enseignant se munisse d'un écriteau qu'il portera bien en évidence autour du cou: «Je suis végétaliste, nihiliste, marxiste, voilé, masqué...» Toute ma vie, on m'a appris que l'enseignant devait être neutre, savoir s'effacer devant son devoir et sa matière, qu'il avait un devoir de réserve envers ses élèves.

Sur la défensive, les deux porte-parole ont tenu à rappeler qu'ils étaient féministes. L'ouverture au port du hidjab à l'école, loin de constituer une menace à la laïcité de nos institutions publiques, doit être vue selon eux comme un facteur d'intégration à la société québécoise et à ses valeurs. Ce serait donc là le meilleur moyen de ne pas pousser les femmes et les fillettes qui le portent «dans les bras de ces mollahs de tout acabit qui veulent les encarcaner. Québec solidaire demande au gouvernement de ne pas tarder à appliquer l'ensemble des recommandations du rapport Bouchard-Taylor.

Je comprends cet argument et c'est à mon avis le meilleur mis de l'avant par Québec Solidaire mais, en même temps, je considère qu'il contient en lui-même son propre contre-argument. On relie ici implicitement le voile à des individus «encarcanants» alors qu'on tente de nous dire précédemment que celui-ci ne représente pas une menace. Et je ne suis pas sûr que, dans les faits, ce dernier mènera à une plus grande émancipation des femmes musulmanes au Québec.

Enfin, qu'à cela ne tienne, Québec mettra bientôt sur pied une ligne 1-800 «aider les commerçants, fonctionnaires, enseignants et autres «décideurs» à traiter les demandes d'accommodement raisonnable.» Celle-ci devrait être opérationnelle vers la fin du mois de juin. L'idée est intéressante et évitera de nombreux dérapages. mais en même temps, j'ai bien hâte de voir comment on suggèrera de régler certaines demandes d'accommodement.

23 mai 2008

Bouchard-Taylor et l'école (modifié, long et bon)

Bon, le rapport du psycho-drame national des 18 derniers mois, la commission Bouchard-Taylor, est enfin public! On pourrait bien commenter les 37 recommandations de ce dernier, mais seules quelques-unes s'appliquent à l'école. De façon générale, mon appréciation de ces dernières est plutôt mitigée.

Faisons le tour de certaines d'entre elles avec quelques commentaires.

Le besoin d’une formation accrue chez les agents de l’État dans toutes les institutions publiques, à commencer par l’école en raison de ses fonctions de socialisation.

Ma première réaction a été la suivante: «Encore de la formation!» Dans les faits, je suis conscient du rôle majeur joué par l'école dans le dossier de l'intégration des immigrants. Là ou je me questionne est sur ce que pourra exiger cette dernière des parents venus d'ailleurs. À Montréal, certains parents immigrants exigent de parler anglais avec l'enseignant de leur enfant. On doit également leur traduire les différentes communications envoyées par l'école. Il y a quelque chose de malsain à procéder de la sorte.

Que les gestionnaires d’institutions publiques intensifient leurs efforts pour adapter à leur milieu et traduire en directives concrètes les grandes balises devant guider la gestion des demandes d’ajustement.

Ça, ça revient à demander aux commissions scolaires de baliser les demandes d'accommodement raisonnable. La commission BT refile le ballon à un autre joueur.

Il existe à Montréal, semble-t-il, des cas d'intégration assez réussis, notamment à ville Saint-Laurent, je crois. Par contre, il est fort à parier que certaines CS attendront que Québec forme un comité à cet effet plutôt que d'aller de l'avant. On est décentralisateur quand ça nous arrange. À suivre.

Concernant les problèmes liés au régime de congés religieux en vigueur dans les commissions scolaires (à savoir des congés supplémentaires payés), que l’État forme un comité d’experts mandaté pour trouver une solution équitable et conforme au cadre juridique actuel du régime des congés religieux et ce, après consultation des principaux acteurs intéressés.

On sait que ce cas a été soulevé notamment à Montréal à cause d'enseignants bénéficiant des congés fériés d'origine catholique prévus au calendrier et à ceux demandés par leur religion. Suggérer la formation d'un comité d'expert est une autre façon de refiler le ballon et d'éviter de se mouiller. Un autre dossier à suivre.

La mise sur pied d’un comité d’enquête indépendant mandaté pour faire la lumière sur les pratiques des ordres professionnels en matière de reconnaissance des diplômes.

Cette recommandation a un impact en éducation puisque certains immigrants ne voient pas leur diplôme reconnu alors qu'ils veulent être enseignants. On les confine à la suppléance tout en leur suggérant de retourner sur les bancs de l'université alors qu'on manque de profs. Est-ce une pratique acceptable?

Qu’il (le port de signes religieux par les agents de l’État) soit interdit aux magistrats et procureurs de la Couronne, aux policiers, aux gardiens de prison, aux président et vice-présidents de l’Assemblée nationale.

Mais que:

Qu’il soit autorisé aux enseignants, aux fonctionnaires, aux professionnels de la santé et à tous les autres agents de l’État.

Il s'agit ici de la plus controversée des recommandations de BT quant à moi. Avant d'aller plus loin, prenons connaissance de ce texte de La Presse ou M. Bouchard précise sa pensée:
Au sujet des signes religieux, les commissaires estiment qu’«une enseignante ne pourrait par exemple revêtir une burka ou un niqab en classe et s’acquitter adéquatement de sa tâche», mais qu’en revanche, «le foulard (islamique), lui, ne compromet ni la communication ni la socialisation». «Les jeunes qui sont exposés dès le bas âge à la diversité qu’ils rencontreront à l’extérieur de l’école pourront démystifier plus facilement les différences et seront moins prompts à les appréhender sous le mode de la menace», justifient-ils.

«Il n’en demeure pas moins que l’interdiction du port de signes religieux pour une gamme restreinte de fonctions se justifie mieux, poursuivent les commissaires. On peut avancer que l’exigence d’une apparence d’impartialité s’impose au plus haut point dans le cas de juges, des policiers et des gardiens de prison, qui détiennent tous un pouvoir de sanction et même de coercition à l’endroit de personnes qui se trouvent en position de dépendance et de vulnérabilité.»

Côté réactions, le Congrès juif trouve que cette recommandation ne va pas assez loin, la FTQ et la CSN croient qu'il aurait fallu être plus restrictif. Le Parti québécois ne la commente pas spécifiquement. Même chose pour la CSQ. Quant à Québec Solidaire, Françoise David affirme, à propos des enseignants: «Certains sont pratiquants, d’autres pas, et il n’est pas mauvais que les enfants soient exposés à cette réalité.»

Pour sa part, Christiane Pelchat, présidente du Conseil du statut de la femme, ne voit pas les choses du même oeil: «Dans les écoles publiques, à l’hôpital, la neutralité religieuse devrait être exigée. Pour nous (au Conseil), laïcité et égalité entre les hommes et les femmes vont de pair, et la laïcité préconisée par le rapport ressemble plus à du gruyère qu’autre chose.»

Louise Langevin, professeure de droit à l’Université Laval, explique le point de vue des commissaires de la façon suivante: «contrairement à la France où la laïcité est à tout crin, on considère au Québec que l’État est laïque mais que la religion fait partie intégrante des personnes, qui peuvent rester elles-mêmes dans l’espace public. C’est ce que les commissaires ont traduit.»

Je suis sûrement débile profond, mais je ne partage pas la vision des commissaires Bouchard et Taylor. Pour ma part, tous les agents de l'État devraient afficher une neutralité, à plus forte raison dans nos écoles. BT semble oublier qu'un enseignant est un représentant de l'autorité. La loi lui confère d'ailleurs certains pouvoirs à cet égard. Il est aussi un modèle social: «Je peux porter le hijab, ma prof le fait.» De plus, je vois mal un professeur portant un turban me parler de la religion juive sans avoir uen arrière-pensée. L'image, et c'en est une qui n'est peut-être pas politiquement correct, ne me revient pas.

Mais surtout, on ne pourra m'enlever de la tête que le voile est un symbole religieux souvent associé à l'oppression des femmes. Et là, je ne peux accepter que l'école cautionne une telle vision du monde. L'école est un espace public et devrait être laïque. Les enseignants sont des représentants de l'État. Ils devraient afficher une neutralité dans le cadre de leur fonction. Point à la ligne.
Quelques ajouts avec les journaux de ce matin
Foglia, sur la laïcité, dans La Presse :
Soit. C’est un intégriste qui parle et qui décline son credo laïque en deux articles.
1 - Liberté absolue de conscience et de culte.
2 - L’espace civique doit être absolument laïque.
Je viens de dire deux fois absolument, je sais: c’est bien un intégriste qui parle. L’espace civique? L’école publique en tout premier lieu. L’école avant les tribunaux, avant la police, avant l’armée, avant les institutions. Faut-il vraiment expliquer pourquoi l’école d’abord, pourquoi l’école surtout? Parce que c’est l’institution structurante de la société. Le premier contact de l’enfant avec la citoyenneté, donc avec la société, le lieu de conjugaison non pas des différences, mais des humanités. Il ne me dérangerait pas tant que cela (un peu quand même) d’être contrôlé par un flic portant la kippa. Mais je trouve déplorable, je trouve lamentable que les commissaires acquiescent benoîtement au port ostensible de signes religieux par les élèves et pire encore par les enseignants des écoles publiques.
J’ai trouvé futile que les commissaires suggèrent que l’on décroche le crucifix de l’Assemblée nationale (les députés ont bien fait de voter à l’unanimité pour le garder). Cette absurde histoire de crucifix nous dit quelle mauvaise lecture les commissaires font des signes. On apprend cela dans le premier cours de linguistique: il faut aller au signifié, au contenu du signe... ce crucifix devenu applique murale n’a plus aucun contenu, messieurs les commissaires.
Alors que le voile des jeunes musulmanes à l’école est l’étendard d’un communautarisme qui n’a rien d’innocent. Il a une vérité à proclamer, ce voile. Mieux, il a un projet: le retour du religieux dans l’espace civique.Et c’est ce projet qu’appuient nos curés. Projet baptisé par eux laïcité ouverte. Un concept en forme de cheval de Troie plein de barbus, de voiles et de turbans qui, espèrent-ils, va les ramener dans les écoles par la porte d’en arrière.
Martineau, sur le voile islamique, dans le Journal de Montréal:
Des problèmes? Où ça? Il n'y en a pas, de problèmes, voyons, tout est affaire de perception! Le voile, c'est joli, c'est folklorique, ce n'est pas dangereux, on n'a pas de raison de s'énerver.

On va même permettre aux enseignantes de le porter, vous allez voir, ça va permettre aux jeunes Québécoises de s'ouvrir aux autres cultures... On dort au gaz, les amis. On dort au gaz.
Michel Vastel, sur l'école et la laïcité, dans le Journal de Montréal:
Le conformisme et le souci de ne déplaire à personne se niche dans les moindres détails pour ces commissaires qui recommandent par exemple que le port de signes religieux soit interdit aux magistrats, procureurs, policiers, gardiens de prison et même au pauvre Michel Bissonnet, président de l'Assemblée nationale, mais qu'il soit permis aux enseignants, aux infirmières et aux médecins. Ne voient-ils pas que ces enseignants, infirmières et médecins sont en position d'autorité face aux enfants et aux malades?

Cela donne même lieu à d'incroyables incongruités: les nouveaux cours d'éthique et de culture religieuse pourront donc être donnés par des enseignantes portant le hijab: bel exemple de déconfessionnalisation!
Le Syndicat de la fonction publique du Québec sur le port des signes religieux par les employés de l'État:
«Les employés de l'État qui sont en contact avec les citoyens ne devraient pas porter de symboles. La fonction publique est là pour être neutre et donner les mêmes services partout sur le territoire, soutient la présidente générale du SFPQ, Lucie Martineau. Je n'ai pas le droit de mettre le collant d'un parti politique sur mon bureau pour montrer mon appartenance politique. Ça devrait être la même chose pour la religion.»
Le Conseil du statut de la femme sur le même sujet:
«La distinction qui est faite entre les fonctionnaires se justifie mal. À notre avis, tous les agents de l'État en relation avec le public devraient s'abstenir de porter des signes religieux ostentatoires afin de véhiculer la neutralité de l'État.»
Le président de la Centrale des syndicat du Québec (CSQ) avec lequel je suis en désaccord:
«Chacun est libre de sa pratique religieuse dans la mesure où il n'y a pas de mouvement doctrinaire et que ça ne remet pas en question l'intégrité ou la sécurité physique de la personne», affirme le président de la CSQ, Réjean Parent.

21 mai 2008

Bloguer et l'entourage

Ce billet pourrait aussi s'intituler: «Janette Masquée veut savoir...»

Dans le cadre de la récente restructuration de la gestion de ma vie affective et amoureuse (avouez, ça fait frette en chien...), je me suis mis à constater à quel point ex-madame Masquée, qui connaissait pourtant l'existence de ce blogue, ne s'y manifestait jamais.

Je ne veux pas m'attarder sur les raisons profondes de cette absence, mais des questions plus générales me sont venues à l'esprit: votre entourage personnel ou professionnel est-il au courant du fait que vous avez un blogue? L'a-t-il découvert ou le lui avez-vous dit? Cela vous embête-t-il? Commente-t-il vos billets ou ne fait-il que les lire? Pourquoi? Blogue-t-on en solitaire? Crée-t-on un véritable réseau d'internautes?

Pour ma part, ex-madame Masquée et Fille Masquée sont au courant de ce blogue. Je le leur ai dit. Aucune ne vient ou ne venait y commenter des billets.

Une collègue et amie du secondaire est au courant de l'existence de celui-ci. Elle y vient souvent. On est capables de mettre des noms sur des personnes dont on parle et c'est assez jouissif, je ne vous le cacherai pas... Quelques autres collègues et internautes que j'apprécie ont découvert mon identité avec le temps ou je me suis démasqué à eux.

Et vous?

20 mai 2008

Écran noir II

Je me sens comme Ulysse, obligé de se ligoter au mât de son navire pour résister aux voix ennivrantes des sirènes qui ont pour nom Haine, Dégoût et Névrose.

Mon corps est tremblant sous la douleur et le froid qui l'envahit ne réussit pourtant pas à engourdir mon esprit.

Haine, Dégoût et Névrose sont trois filles du même Mal, celui de vivre et d'aimer encore.

Le MELS et ses bonnes vieilles habitudes...

La Presse nous livre ce matin un compte-rendu du tout premier rapport sur la mise en place de la réforme au secondaire.

Premier élément intéressant: celui-ci a été publié sur le site Internet du MELS vendredi «en catimini». Pas de conférence de presse, rien. Comme si on ne voulait pas trop en parler.

Deuxième élément: les fameuses lunettes roses propres aux fonctionnaires du MELS. Un exemple. Selon la journaliste, le rapport s'attarde de manière générale aux aspects positifs de la mise en place de la réforme. Pourquoi se tirer dans les pattes soi-même, hein? Ainsi, la majorité des enseignants croient que le nouveau programme a des effets aussi bons ou meilleurs sur les élèves que les anciens sur la motivation, l’engagement, l’utilisation des connaissances et la réussite scolaire des élèves. «Toutefois, en ce qui concerne l’amélioration du niveau de connaissance des élèves, les perceptions des enseignants sont un peu moins positives.» Un peu moins positives, on dirait un euphémisme. Autour de moi, les collègues auraient des termes beaucoup moins jovialistes.

En résumé, on apprend qu'une partie importante des enseignants du secondaire font peu de cas de certains éléments importants de la réforme, dont les fameuses compétences transversales et les domaines de formation. Élément important: ce rejet reste stable même lorsque les enseignants se sentent plus à l'aise d'appliquer le renouveau dans leurs classes.

Le concept de compétences transversales rejoint deux fois moins d'enseignants qu'en 2004 tandis que celui des domaines de formation était considéré comme peu ou pas prioritaire par 49% des répondants. Les profs seraient davantage retournés vers les compétences disciplinaires.

Je ne suis pas surpris par de tels constats. Les enseignants au secondaire sont rarement des généralistes. Il est donc normal qu'ils soient davantage précoccupés par leur matière. Ensuite, la plupart d'entre eux ne sont pas formés pour appliquer des concepts reliés à l'interdisciplinarité, comme des stratégies de lecture, des méthodes de structuration de la pensée, etc. Enfin, il ne faut pas se le cacher, certains des concepts de la réforme s'appliquent très mal au mode de fonctionnement du secondaire, tant de la part des enseignants que des directions d'école, par exemple. Plus la réforme avance, plus on s'aperçoit des difficultés à l'appliquer, tant pour des raisons pratiques que pédagogiques.

Ah! les rumeurs et les mauvaises réputations

Mettez-vous en situation.

Une collègue enseigne dans un local situé à côté du mien. Tout à coup, on entend à travers les murs de sa classe des bruits de scie électrique.

Réaction d'un de ses élèves:

  • Ça doit être Prof masqué qui est en train de découper un de ses élèves...
J'avoue que ça m'a fait chaud au coeur quand elle m'a raconté cette anecdote. C'est juste que je n'emploie pas la scie circulaire. Trop salissant.

19 mai 2008

Fif en trois lettres, fif en trois paragraphe

À la demande de Zed.
J’ai passé presque les vingt premières années de ma vie à être fif. C’était écrit dans mon front, dans mes habitudes, dans mon caractère. Vingt longues années à être fif parce que j’étais différent et qu’il fallait nommer ce dont on avait peur, parce qu’il fallait insulter ce qu’on ne comprenait pas. Et le terme le plus haineux qu’utilisait la bouche des enfants qui m’entouraient, des adolescents qui se méfiaient, des jeunes adultes qui me rejetaient, c’était fif.

Sensible? Nerveux? Curieux? Ouvert? Naïf? Émerveillé de la vie, des mots, des romans? Non. Fif. Trois lettres. Un seul mot. Un seul jugement. Comme une croix sur laquelle on nous cloue. Comme une étoile rose que l'on nous force à porter. Même quand je baisais leurs blondes excédées lorsqu'elles les plaquaient. Même quand elles soupiraient dans mes étreintes. Fif. Prononcé comme une pustule qu’on crache. Encore et toujours.

Certains en meurent de ces trois lettres. D’autres en restent marqués à jamais. Je ne suis ni mort ni stigmatisé. Mais je ne souviens et je refuse pour les autres, pour ceux qui m’entourent, pour ceux à qui j’enseigne.

Écran noir

S’ouvrir lentement les poignets pour être sûr d’être bien en souffrant et se surprendre de ne pas goûter le bonheur de sentir la lame sur l’os.
S’arracher l’esprit en tirant sur une cigarette froide comme le métal planté dans nos pensées.
Se saouler de chaque moment joyeux ou tristes comme autant de lames de rasoirs émoussées.
Se répéter que le temps qui passe arrangera les choses en marquant chaque seconde en se frappant la tête à grands coups de souvenirs.

Se.
Sentir .
Seul.
Stupidement.
Sans.
Souffle.
Sans.
Soi .

«Ne pose pas de geste regrettable», dit le courriel. Trop tard. Depuis longtemps. Depuis sept ans, je crois.

16 mai 2008

Absentéisme scolaire et directions d'école

Ce matin, dans La Presse, un article intéressant sur l'absentéisme scolaire. On explique comment nos élèves peuvent parfois sécher les cours sans difficulté, comment la France et l'Angleterre vivent ce problème et surtout comment la DPJ, légalement concernée par cette situation, ne fait pas grand-chose.

En fait, au départ, les problèmes d'absentéisme sont souvent le résultat d'un mode de gestion et de philosophie d'une école. Ils sont aussi très révélateurs de comment une direction gère ses rapports avec les enseignants et les parents. Je m'explique avec un exemple tiré du vécu d'un collègue.

Il y a trois ans, la direction de son école a été remplacée par un gestionnaire plus cool et officiellement plus décentralisateur. Celui-ci a alors aboli le suivi scolaire pour demander aux enseignants de gérer eux-mêmes les retards et les absences de leurs élèves. Le suivi scolaire, pour les ceuses qui sont pas habitués aux écoles, c'est un genre de préfet de discipline qui s'assure de superviser les retards, les absences et le comportement général des élèves. Dans le cas qui nous occupe, il s'agissait d'un enseignant dont la libération était payée à même les enseignants qui acceptaient de faire davantage de périodes d'enseignement que le prévoit la norme du 24,4 périodes par tâche.

Résultat: on soupçonne que l'absentéisme a monté en flèche depuis ce changement, entre autres, parce que ce ne sont pas tous les collègues qui ont la même conscience professionnelle. Pour les retards, les élèves ont pris de mauvais plis ou se sont ajustés selon le degré de sévérité des profs. Enfin, on a découvert que bien des élèves ne faisaient pas leurs remises de temps sans qu'il n'y ait de conséquence à ce manquement. En décentralisant le suivi scolaire et en ne s'assurant pas de la coordination et du travail des enseignants, on a réussi à nuire à un système qui fonctionnait, sommes toutes, bien mieux.

Certains enseignants de cette école ont alors demandé à avoir las chiffres concernant les absences et les retards à la direction concernée. Croyez-vous qu'elle fut assez folle pour se tirer dans le pied? Les chiffres ne sont jamais venus. C'est là qu'on aborde le volet politique de mon billet.

Une direction d'école occupe un poste politique. Elle a des intérêts à servir, dont les siens. Généralement, une direction ne reste pas assez longtemps dans une même école pour qu'elle soit imputable de quoi que ce soit. Elle a donc le beau jeu d'inventer moult prétextes. Elle peut aussi retenir de l'information ou ne pas aborder certains points en CE, par exemple. J'ai assez d'expérience sur cette instance pour en témoigner.

Aussi, dans tout le débat entourant le projet de loi de la ministre Courchesne sur la démocratie scolaire, je repense à cette situation quand j'entends des gens réclamer davantage de pouvoirs pour les directions d'école. Je repense aussi à certaines réactions que j'ai entendues quant au plan sur la qualité du français, dont celle-ci qui est fort révélatrice : «La ministre peut dire ce qu'elle veut. Je suis dans mon école.»

14 mai 2008

Sondage

J'ai mis un petit sondage pas scientifique du tout sur le côté. Vous pouvez cocher plus d'une réponse.

L'enseignement extra-ordinaire

Dans un billet précédent, j'ai parlé de l'enseignement ordinaire. Laissez-moi vous parler aujourd'hui de ces élèves extra-ordinaires, ceux des programmes particuliers.

Tout d'abord, ils sont généralement sélectionnés. Donc, aucune chance qu'ils soient contaminés ces jeunes aux habiletés scolaires non conformes aux évaluations Otis-Lennon, par exemple. Est-ce que cela veut dire qu'ils sont meilleurs que les autres? Au niveau des résultats scolaires, peut-être. Mais vivent-ils moins de stress, de difficultés personnelles? Sont-ils moins impolis? J'en doute.

Ensuite, ces jeunes ont droit à des programmes particuliers parce qu'ils sont particuliers. On donne même parfois à ce peuple élu et sélectionné le Programme d'éducation international qui vante des valeurs de solidarité, de partage et d'ouverture. N'est-ce pas contradictoire? Peu importe.

À ces jeunes, on assure qu'ils auront des profs qualifiés et motivés en faisant passer des entrevues de sélection à ceux qui seraient tenter de leur enseigner. Celles-ci visent à vérifier que les candidats respectent et comprennent les valeurs du PEI. Pourquoi une telle sélection là et pourquoi embauche-t-on sans trop de discernement ailleurs?

Et puis, ces jeunes, ils ont des activités. C'est prévu dans le programme. Enrichissement. Les parents paient. On peut exiger que les parents paient, à vrai dire. Les autres, les ordinaires, on ne leur demande rien parce que la loi nous obligerait à payer pour ceux qui n'en ont pas les moyens. Too bad! Ils n'avaient qu'à se forcer. L'éducation ordinaire est gratuite pour les pauvres.

Enfin, ces extra-ordinaires auront rarement à vivre l'intégration des élèves en difficulté. Ils appartiennent à des groupes performants dans lesquels on ne saurait accepter d'intégrer des éléments qui ralentirait le rythme d'apprentissage. Pourtant... ils auraient à en tirer là bien des apprentissages. Surtout en ce qui a trait au partage et à la solidarité. Mais non: les ti-pas-vite et les pas-fins, qu'on les refile aux ordinaires, à ceux qui viennent à l'école ordinaire pour un enseignement ordinaire avec parfois des profs ordinaires.

13 mai 2008

Comme ça en passant...

Une collègue m'a envoyé ce courriel. Peut-être l'avez-vous déjà reçu? Quoi qu'il en soit, pourquoi ne pas rire un peu un petit coup...

Tu sais que t’es prof quand…
  • T'es 'freak control' sur les bords pis que t'aimes la gestion...de classe!
  • Ta principale occupation est la correction...
  • T'es capable de rire de tes propres jokes devant les yeux exaspérés de tes élèves, pis que tu t'trouves tellement drôle...
  • Tu as l'impression que tu donnes un 'show' tous les jours…
  • Tu te fais imposer tes conditions de travail et des réformes bidons par ton employeur…
  • Tu te rends compte qu'avec tes 2 années de cégep et tes 4 ans d'université et un endettement de 15 000$, tu gagnes deux fois moins que tes amis qui ont fait un D.E.P. De 6 mois payé par le chômage!!!
  • Tu veux étriper le jeune mal élevé à l'épicerie! Ou bien enlever la calotte d'un jeune au resto!
  • Tu ne te rends plus compte que tu répètes tout ce que tu dis...
  • Quand pour toi, temps plein, c'est 32 heures avec 8 heures reconnues mais non-payées !
  • Tu n'es pas certaine d'une réponse et que tu réponds: 'Je vais y revenir...' Et que tu n'y reviens jamais!
  • Tu n'appelleras JAMAIS JAMAIS ton fils Kevin...hum...ya vraiment une étrange corrélation entre ce nom et une certaine cote 12...
  • Tes envies de pipi sont dictées par le son de la cloche...
  • Tu ne te rends plus compte que tu répètes tout ce que tu dis...
  • Les employés du Bureau en Gros le plus proche t’appellent tous par ton prénom…
  • Tu sais ce que signifie EHDAA, GPI, TDAH, TED, MELS, etc.
  • Ton linge est toujours plein de craie...
  • Tu utilises régulièrement la phrase: «c'était pour voir si vous suiviez!», lorsque tu te trompes.
  • Tu dois bannir de ton vocabulaire tous les mots qui pourraient, de près ou de loin, avoir vaguement, une connotation sexuelle, parce que si tu le dis, c'est l'hilarité générale pendant 10 minutes…
  • Tu ne te rends plus compte que tu répètes tout ce que tu dis...
  • Te faire appeler Maman/papa ne te surprend même plus et que te faire dire Madame,Monsieur, tu... Est monnaie courante...
  • Tes élèves remarquent le moindre détail qui a changé sur ta personne…
  • Une partie de ton salaire te sert à payer ce dont tu as besoin pour travailler (matériel didactique, encre pour imprimer chez toi parce que les imprimantes de l'école cessent de fonctionner, etc...)
  • Tu es capable de mémoriser plus de cent prénoms, et ce, en moins de 2 semaines...
  • Tu fais des fautes et que tu dis: c'est pas une faute, c'est une coquille!
  • Tout ce que tu as appris à l'université ne te sert strictement à rien!!
  • Tu pries chaque soir pour que la rumeur qui dit que 'la poussière de craie est cancérigène' soit fausse...:)
  • Tu ne te rends plus compte que tu répètes tout ce que tu dis...
  • Presque toutes tes journées pédagogiques (où tu pourrais faire ta planification, corriger et faire tes trucs dans la classe) sont déjà planifiées avec des formations et des réunions!!
  • Tu attrapes quatre rhumes, deux gastros et une bronchite en une seule année, mais que tu te consoles en te disant que c'est moins pire que l'année passée...
  • Tu souris en parcourant cette liste en te disant : « C’est tellement vrai! »

12 mai 2008

Ben ordinaire

Je ne le croyais pas. On m'en a apporté la preuve et j'en reste quasiment paralysé des doigts. À mon école, dans la grille-matières, l'enseignement dispensé aux élèves n’appartenant pas à des profils particuliers est qualifié d'enseignement ordinaire.

Imaginez la situation suivante.
  • Hey, Paul! Tu as quoi comme tâche cette année?
  • Moi, Ringo, je fais de l'enseignement ordinaire.

Ou encore.

  • Ouins, mon petit débute le secondaire cette année. Il a été accepté en sport-études. Pis, vous, madame Chose ?
  • Le mien, ben, il est en ordinaire, vous savez...

Ordinaire au dictionnaire Robert 2007 a les sens suivants :

  • conforme à l’ordre normal, sans condition particulière;
  • dont la qualité ne dépasse pas le niveau moyen le plus courant, qui n’a aucun caractère spécial;
  • qui n’a rien d’exceptionnel.

Regardons maintenant le terme régulier employé auparavant pour désigner cet enseignement:

  • conforme à la règle, à la norme.
  • (régionalisme - critiqué) Au Canada: normal, ordinaire

Vous savez, il y a longtemps, on mettait de l'essence ordinaire dans le réservoir de nos voitures. Puis, les pétrolières ont compris que ce terme était perçu de façon péjorative. Elles ont alors parler d'essence régulière.

Même les vendeurs de gaz l'ont compris...

Si l'essence précédente l'existence, avec un terme aussi ordinaire, je n'ose pas penser à toute la motivation qu'on donne aux enseignants et aux enfants en les désignant implicitement ainsi.

Mais comme chu rien qu'un gars ben ordinaire...

11 mai 2008

Masqué et enrhumé

Quand le Prof masqué a le rhume, il repense inévitablement à Cyrano de Bergerac. Est-ce à cause d'une similitude nasale, mais me revient en mémoire la célèbre tirade du nez, mais adaptée à l'influenza, disons.

Je passerai outre toutes les métaphores pour n'en garder qu'une seule, qui dit tout: vache à mucus.

Ça va: vous êtes dégoûté? Imaginez une journée complète avec un être dont les voies respiratoires sont aussi congestionnées que l'autoroute 13. Et je vous épargne l'aspect sonore.

Je n'avais pas attrapé cette cochonnerie de l'année et voilà qu'elle me met KO. Ça doit être la faute des élèves de première secondaire que j'ai croisé mercredi par erreur dans un corridor de mon école. Ah! les petits maudits morveux!

Circé, le dessert de demain est fortement compromis...

09 mai 2008

Amenez-en des examens!

Lorsque la ministre Courchesne a annoncé son plan sur le français, elle indiquait qu'il y aurait un examen d'écriture à la fin de la quatrième année du primaire. Certains ont maugréé contre cet ajout.
Que diront-ils quand ils apprendront qu'on instaurera sous peu un examen final d'écriture au primaire et que la correction de ce dernier sera centralisée au MELS? Comme il s'agirait d'une épreuve semblable à ce qui se fait en cinquième secondaire, deux questions me viennent à l'esprit:
  • quelle importance aura cette épreuve quant à la certification du jeune?
  • comment celle-ci s'inscrira-t-elle dans le bilan des apprentissages?

Lentement mais sûrement, quant à moi, la ministre est en train de transformer l'évaluation, possiblement dans le but de contrer ce qu'elle n'aime pas de la réforme. En procédant à la pièce, elle veut éviter de «jeter le bébé avec l'eau du bain». Par contre, il faut se demander si ces mesures n'introduiront pas dans le système suffisamment de contradiction pour que celui-ci se mette à dérailler.

La ministre est aussi en train de transformer le programme de formation de français en établissant un comité sur la progression des apprentissages. En déterminant ce qui sera vu et quand, elle ramène heureusement une certaine cohérence verticale dans les apprentissages. Il conviendrait qu'on fasse de même avec les discours vus en classe. Actuellement, par exemple, tout et chacun parle de la nouvelle littéraire quand il le veut, brûle le matériel des années suivantes, etc. Certains élèves voient et revoient la même matière dans les écoles où la communication entre les niveaux est faible.

08 mai 2008

Une réflexion pas intelligente comme ça

Quand je regarde cette photo, je me dis qu'au Liban, les gens ont bien d'autres sujets de discussion que le fait qu'il soit écrit «stop» sur les panneaux de signalisation routière.

07 mai 2008

À vendre!

À moins d'un imprévu totalement imprévu...

Contenu d'une bibliothèque de classe inapproprié pour des élèves de première secondaire. Faites une offre.

06 mai 2008

Ah! la barbe...

Tiens, cessons de m'apitoyer sur mon sort. Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage. Aujourd'hui, le chien n'a pas envie de se noyer dans ses larmes. Abordons donc quelque chose d'un peu plus... échevelé, disons.

Avez-vous déjà fait des paris avec vos élèves? Moi si. Je parie souvent. Jamais d'argent, on s'entend. Mais des petites gageures symboliques avec, à la clé, l'idée de pousser les élèves un peu plus loin. Cette semaine, j'ai donc perdu ma mise et... ma barbe!

Vous auriez dû voir la mine réjouie, surprise et faussement horrifiée de mes élèves en entrant en classe. Les petits sacripants n'y sont pas allés avec le dos de la Mer morte dans leurs commentaires.

  • Monsieur, ça vous viellit beaucoup et puis on voit davantage vos traits...
  • Je pensais que vous seriez mieux sans barbe mais, finalement, je crois que j'avais tort...
  • Ah! C'est vous. Je pensais que c'était le vieux suppléant gâteux...

Je vous épargne les commentaires méchants et diffamatoires et je vous invite, si vous en avez le courage, à me faire part des défis que vous lancez ou perdez avec vos élèves. Un jour, si vous êtes plus fins que mes morveux, je vous raconterai le pari de bas jaunes. Un haut fait de la pédagogie moderne... Les réformistes n'ont qu'à bien se tenir!

05 mai 2008

Pêle-mêle, pelé mêlé

Depuis quelques semaines, je songe à ce genre de billets ou je n’approfondirais rien, mais ou je me permettrais de vous relater quelques flash survenus durant la semaine comme ça. Situs dexat lisit.

La première secondaire

Officiellement, j’ai le poste. Il paraît que cette demande de changement a fait jaser dans les bureaux de profs et ailleurs. Personne ne la voyait venir. C’est fou comme les gens nous prennent pour acquis et nous confinent à une image. Juste pour ça, tout ce changement, même s’il ne réussit pas, en vaudra la peine.

Reste donc l’entrevue maléfique de mercredi. Mais pensez-vous que j’ai sérieusement envie d’aller me vendre quand je me sens le dernier des pichoux? J’aimerais que mon Adrienne me dise d’aller me battre, d’aller gagner le championnat. Mais il n’y a plus d’Adrienne, il n’y a pas d’escalier et Rocky se sent déjà knock out avant même le premier round.

Quand ma mère est décédée quand j'avais 14 ans, toutes mes larmes n'ont pas réussi à la ramener à la vie. J’ai compris que l'amour ne triomphait pas de la mort. Que la vie était une douce illusion et le vide, une réalité tranchante.

Encore aujourd'hui, je pleure et même les larmes ne réussissent pas à ramener l’amour à la vie.

Restent mes larmes, reste moi.

Pour l'instant, c'est très difficile de désapprendre à aimer. Elle était dans chaque geste et dans chaque moment. Pour l'instant, j'ai le coeur en morceaux et la tête dans un étau. Un pied sur l'accélérateur et l'autre sur le frein.

Il y a des mots que je ne peux plus écrire, mais que je pense encore.

Ma bibliothèque de classe

Le meuble est monté et presque fini. Il a fière allure dans toute sa blancheur et les portes givrées lui donnent exactement la gueule que je voulais. Il ne manque que les petites maudites pinouches Ikea pour tenir les tablettes. Vous savez : les maudites petites pinouches Ikea qu’on ne trouve que chez Ikea. Je compte les remplacer par des goujons de bois. Plus simples. Moins loin. Écologique. Stéphane Dion sera content de moi.

Mais même dans la grosse armoire lette en métal rouillé, les bouquins suscitent toujours l’intérêt des jeunes. J’en prête facilement cinq par semaine. Quelle douce musique à mes oreilles quand j’entends : «Prof, j’ai besoin d’un livre à lire. Aide-moi!» Le pusher littéraire en moi a alors son overdose. Si vous verriez les titres que je leur refile, vous tomberiez des nues. «Tu vas prendre un petit Albert Jacquard avec ça? Normand Baillargeon, tu le connais?»

Des livres ciblés

Parfois, dans sa grande méchanceté, Prof masqué cible ses élèves quand il leur propose des livres. Cette année, deux de mes élèves d’origine arabe ont vu atterrir sur leur bureau le bouquin Arabesques qui traite de l’influence de la langue arabe sur la langue française. Ils l’ont lu, l’ont dévoré. Même qu’ils l’ont prêté à leurs parents et à un élève du groupe.

Ça ne bat pas ces deux élèves haïtiens qui redécouvrent Haïti. Là encore, lecture familiale. Maudit que je me sens vilain de raffermir ainsi nos belles familles dysfonctionnelles! «Ma mère veut te l’emprunter, pis elle te remercie!» Pauvre petite, si tu savais comment on est bien quand sa mère nous ignore…

Situs dexat lisit. Ce n'est pas du latin. C'est rien. Que des lettres vides de sens. Que des mots sans âme et sans esprit. Situs dexat lisit.

04 mai 2008

À propos de l'examen d'écriture du MELS

Cher Renart (et à tous, bien sûr),

Tant qu'à me voir banni du serveur de la CSDM, amusons-nous un peu aujourd'hui....

Le début mai est marqué par la Fête des travailleurs. C'est aussi vers ce moment de l'année que les élèves de cinquième secondaire doivent affronter l'examen ministériel d'écriture. Affronter est un terme peut-être un peu fort, tout de même...

Comme l'ont relevé certains articles de La Presse, la réussite à certains critères de cette épreuve atteint des proportions similaires aux élections soviétiques. Mais comment expliquer un tel succès alors que certains jeunes peinent pourtant à écrire correctement leur langue maternelle?

C'est bien simple: cet examen est conçu pour être réussi par le plus grand nombre possible d'élèves, qu'ils sachent écrire correctement ou pas. L'important, c'est de décerner des diplômes et d'envoyer les petits sur le marché du travail. Pour les autres, des cours de rattrapage sont prévus au cégep et même à l'université. Rattrapage après 13 années d’enseignement du français et deux épreuves ministérielles qui sont supposées valider la maitrise de la langue…

On pourra toujours s'interroger sur la pertinence d'écrire correctement sa langue maternelle pour occuper certains métiers. Il n'en demeure pas moins qu'on fait croire aux jeunes qu'ils maîtrisent leur français en leur donnant aussi mensongèrement 85% à une épreuve terminale.

J'ai souvent lu des témoignages de jeunes qui s'estimaient floués par un système d'éducation qui lui remettait un diplôme pour ensuite les recaler. Ils ont bien raison.

Je les ai souvent vus partir pour le cégep et se casser la gueule dès leur première session parce qu’ils ne possèdent pas les compétences-connaissances nécessaires à leur réussite. Mais qui s’en soucie? Sûrement pas ceux leur décernent un diplôme de la sorte.

Une formule gagnante : le cahier de préparation

Afin de s'assurer que le plus grand nombre d'élèves réussissent cet examen, on leur confère certains avantages majeurs.

On remet tout d'abord un cahier de préparation aux élèves. Ce dernier contient des textes à partir desquels ils devront écrire un texte argumentatif d'environ 500 mots.

Le gag, si c'en était drôle, c'est que ce cahier révèle immédiatement une partie du sujet qui sera abordé. Cette année, par exemple, il y avait de fortes chances que le sujet porte sur la gestion des déchets. Pourquoi? Tout d’abord le titre du cahier est «Parlons poubelles!» Ensuite, il écrit dans le cahier qu’une partie du sujet portera sur ce sujet :

«Au cours des prochains jours, on vous demandera de réfléchir et de prendre position, en tant que jeune citoyen ou citoyenne, sur la gestion des déchets au Québec.»

On suggère même à la même page des activités qui pourraient servir à l’écriture du texte :

«La première vous amène à prendre conscience du problème de l’élimination des déchets. La deuxième vise votre gestion écologique des déchets dans le quotidien. La troisième vous propose certains textes sur cette problématique et ses différentes dimensions telles la réduction, la réutilisation, le recyclage, la valorisation des matières résiduelles, etc.»

Et devinez finalement quel a été le sujet de rédaction? Donnez votre opinion sur les mesures mises en place pour gérer les déchets. Quelle surprise!

L'avantage pour l'élève est donc qu'il pourra écrire une partie de son texte et l’apprendre par coeur, anticiper les aspects de celui-ci, ses arguments, etc. On voit ainsi des élèves qui 50% dans l’année bondir à 75% au ministère.

Combien d’élèves ont écrit à l’avance un sujet amené et l’ont corrigé avec un proche ou à l’ordinateur vous croyez? Combien me l’ont montré en voulant que je le corrige?

Ensuite, et cette année, cela est plus vrai que jamais, chaque texte est résumé en une phrase au début de celui-ci. On s’assure dans certains cas de préciser clairement la fonction de l’auteur du texte.
  • «Comment pouvons-nous diminuer l’accumulation des déchets dans les dépotoirs? Une spécialiste du recyclage et de l’environnement nous en informe dans l’extrait qui suit.»
  • «Les emballages des produits contribuent à l’augmentation des déchets. Peut-on arriver à réduire le volume de ces emballages?»
  • «Les déchets électroniques posent un problème croissant pour l’environnement et la santé publique partout dans le monde.»
  • «Une enquête fouillée de François Cardinal, journaliste spécialiste en environnement au quotidien La Presse, fait ressortir des lacunes relativement à la gestion des déchets au Québec.»

D’ailleurs, chaque texte est introduit par un signet. Cette année, ils sont moins révélateurs, mais je me souviens d’une fois ou il indiquait carrément des aspects à traiter.

Bref, dire que tout le travail est prédigéré serait donc près de la réalité.

Ce cahier est évidemment remis aux élèves qui peuvent le travailler pendant près d'une semaine avec un ami, un parent. Quoi de mieux d’ailleurs qu’un parent enseignant de français quand vous êtes Fille masquée! On ne mesure donc pas la capacité des élèves à comprendre des textes, mais plutôt leurs habiletés sociales ou leur entourage familial.

Dans ma classe, les forts se sont regroupés entre eux et n’ont admis qu’un petit nombre d’élèves en difficulté au sein de leur cénacle. Sur quelle base aurais-je lu les obliger à faire autrement? Soyez gentils… Vous me faites de la grosse pé-peine, là…

Dans la même veine. il est d’ailleurs étonnant que des élèves n’aient pas encore créé un blogue pour échanger leurs informations sur ce cahier. Les accuserait-on de plagiat comme l’a fait une université canadienne dans un cas similaire? Même mes amis d’Atheex n’y ont pas pensé. Oh! Il existe bien quelques forums de discussion sur MSN, mais rien de très sérieux.

Une autre formule gagnante : la feuille de notes

Afin de pouvoir utiliser des arguments solides et précis, on permet à l’élève de retranscrire sur une feuille de notes les extraits tirés des textes qu’il juge pertinents.

Il peut aussi ajouter certains éléments afin de l’aider dans sa correction comme en fait foi cette consigne :

«Après avoir lu et annoté les textes, inscrivez les éléments d’informations susceptibles de soutenir votre argumentation : mots-clés, citations et références, positions d’experts, schémas et définitions. Vous pouvez également y noter des éléments qui vous seront utiles pour vérifier et améliorer la qualité de votre texte (vocabulaire, syntaxe, ponctuation, orthographe d’usage et grammaticale, organisateurs textuels)».

Un élève futé pourra toujours caché au sein de sa feuille de notes des informations qui seraient interdites. De toute façon, à toutes fins pratiques, ces feuilles ne sont pas vérifiées efficacement. Certaines contiennent de milliers de mots, vous imaginez le travail!

Elles ne sont pas envoyées au MELS, le prof qui surveille l’examen n’a souvent aucun idée de ce qu’on doit y retrouver et les zélés comme moi qui demandent à avoir la possibilité d’être libéré pour vérifier les feuilles de notes de ses élèves se heurtent parfois à une direction qui trouve que ça coûte cher.

Oh! On prend soin de préciser que «cette feuille de notes ne doit contenir aucun texte déjà rédigé par l’élève.» Mais j’en ai vu qui ont utilisé avec brio une succession de mots-clés pour y «cacher» leur introduction et des passages importants.

Bref, la porte est toute grande ouverte, les amis… et, on le verra, quelqu’un au MELS a eu la bonne idée cette année de l’ouvrir encore plus.

Dictionnaire et grammaire

Il faut aussi savoir que les élèves rédigent leur texte en ayant la possibilité de consulter un dictionnaire et une grammaire. On s’étonne toujours du nombre de fautes qu’ils commettent quand on sait qu’ils ont droit à ces deux outils.

Là encore, demander à vérifier les dictionnaires ou les grammaires lors d’un examen afin d’identifier certains tricheurs relève de la persévérance. En une heure, chez nous, un prof doit vérifier une centaine de feuilles de notes et autant de dictionnaires et d’ouvrages de références.

Et quand on met la main sur un tricheur, rien n’indique qu’il sera sanctionné. D’expérience pour l’avoir vécu, un adjoint décidera de ce qu’il convient de faire alors que les consignes au surveillant indiquent pourtant que l’élève est immédiatement expulsé du local d’examen.

En plus de la porte, on s’assure également d’ouvrir les fenêtres au cas…

La tricherie

Dire qu’on peut tricher à cet examen est un euphémisme, on l’a vu. Mais il existe d’autres façons de parvenir à fausser les résultats obtenus lors de cette épreuve.

Avec le palmarès des écoles, la compétition est féroce entre certaines écoles pour être première au tableau d’honneur. Si les règles du MELS précisent que les enseignants ne peuvent pas aider directement les élèves à la préparation de cette épreuve spécifique, cette consigne n’est pas toujours suivie rigoureusement. De même pour la vérification de la feuille de notes.

Je me souviens de ces copies ou tous les élèves connaissaient le nom du ministre fédéral de la Justice. On m’a indiqué que, cette année, dans une école de ma CS, un prof aurait permis aux élèves de retranscrire le plan complet du texte sur leur feuille de notes. Pourquoi pas, après tout?

Le progrès technologique est aussi au service des tricheurs. Il y a deux ans, certains élèves de mon école connaissaient le sujet complet de l’examen une heure et demie avant la tenue de l’épreuve. Un ami d’une école voisine qui commence plus tôt est allé au petit coin et a transmis la précieuse information grâce à la magie du téléphone cellulaire. Simple. Efficace.

La CS a eu vent de l’affaire et a corrigé la situation. Est-ce le cas ailleurs?

Et pourquoi ne pas faciliter les choses!

On compare souvent les résultats des élèves d’une année à l’autre. Mauvaise idée! En effet, cette comparaison est fautive parce que le MELS change les conditions dans lesquelles celui-ci est administré.

Par exemple, l’année dernière, on a allongé de 15 minutes le temps dont peuvent bénéficier les élèves parce qu’on a remarqué que plusieurs d’entre eux manquaient de temps. Au lieu de remarquer qu’ils étaient plus faibles et que l’épreuve les dépassait, on leur facilite les choses!

De même, cette année, sans avoir averti les enseignants, le MELS a décidé de permettre aux élèves de pouvoir retranscrire des marqueurs organisationnels sur leur feuille de notes. Au début, ils ne m’ont pas cru quand je leur ai annoncé la nouvelle tellement elle semblait incroyable.

L’impact d’une telle décision est évidemment que les choses seront plus faciles pour nos jeunes puisqu’ils pourront écrire les organisateurs textuels suivants :

Devant ce problème
Pour ma part,
Premièrement
En effet
C’est-à-dire
Par exemple
En fait
Il faut
Deuxièmement
Ainsi
En d’autres mots
Pour conclure
En premier lieu
En second lieu


Ajoutez à cette liste les mots-clés, les citations et références, les positions d’experts, les schémas et définitions de vocabulaire, les éléments de syntaxe, de ponctuation, d’orthographe d’usage et grammaticale et vous obtenez rien de moins qu’un texte à numéros. Dur, dur d’échouer…
Je pourrais aussi vous entretenir de la correction de cette épreuve et des critères d’évaluation du MELS, mais j’en ai assez pour aujourd’hui.

De toute cette mascarade, je ne retiens qu’une chose et elle est un baume sur mon cœur d’enseignant. Le sujet du texte était la gestion des déchets. Un de mes élèves m’a fait remarquer que le ministère de l’Éducation ne prêchait sûrement pas par l’exemple. En effet, il a remis aux élèves un document de quatre pages dont deux étaient vierges. Bel exemple de l’utilisation intelligente des ressources! Sur la rue Fullum, on aurait dû relire un des textes remis aux élèves et qui traitait de la thématique de réduire, réutiliser, recycler et valoriser.

03 mai 2008

La chienne

Non, je ne parlerai pas de chien renifleur. Je parlerai plutôt de la peur du changement, de celle qui vous prend au ventre, de celle qui vous murmure insidieusement à l'oreille: «Tu fais un mauvais choix»

Hier soir, dans le stationnement de l'école, j'ai appris, par le collègue qui occupe temporairement le poste que je désire l'année prochaine, qu'on lui a confirmé que j'obtiendrai la tâche de mon choix, à condition de réussir une entrevue de sélection que je dois passer mercredi. La convention collective oblige ma direction a attribué ce poste par ancienneté puisqu'il est ouvert à tout le monde à l'interne.

Toujours dans le stationnement, on a aussi jasé un peu de ma décision d'enseigner en première secondaire et je lui ai expliqué que celle-ci n'était pas prise contre lui, mais pour moi. Comme il est un chic type, il m'a assuré qu'il comprenait la situation. Donc, pas de rancoeur advenant un changement. Voilà qui me rassure parce qu'il deviendrait quand même mon principal collègue, car on enseignerait au même niveau.

Mais j'ai la chienne. Et si je me trompais? Et si mon désir de changement allait me placer dans un poste pour lequel je ne serais pas fait? Et si j'étais incapable d'enseigner avec des petits moucs? Et s'ils étaient tous des monstres? Et si il y avait des «si» auxquels je n'avais pas pensé?

Plus j'analyse mon choix, plus j'y vois des avantages.
  • Changer de programme et de contenu. Après 15 ans, je donne mon cours les yeux et le cerveau fermés. Je suis professionnel, mais je dors intellectuellement.
  • Changer d'équipe de travail. Pas que les collègues actuels soient déplaisants, mais j'ai besoin d'un nouveau milieu.
  • Me sentir signifiant dès le début du parcours d'un jeune: lui ouvrir les yeux sur la lecture, l'importance de la correction, lui donner de bonnes méthodes de travail, etc. Arrêter de patcher les erreurs des élèves de cinquième pour qu'ils puissent réussir leur examen du MELS.
  • Plus platement, changer de local de profs et de classe. Mon local de profs est au sous-sol, sans aucune fenêtre et ressemble à un garde-robes climatisé avec du mobilier trouvé à l'Armée du Salut. Il est à côté d'un laboratoire d'informatique ou les enfants crient et sacrent sans cesse.
  • Ma classe est un demi-sous-sol sombre et entouré de casiers, donc à proximité d'un espace bruyant et dérangeant. Mon nouvel espace de travail est au troisième. Il fera trop chaud, mais ce sera éclairé, tranquille. Et le local des profs a plus d'allure.
  • La charge de correction sera moins lourde. En cinquième secondaire, on corrige des textes de près de 600 mots chacun. L'enfer! Véritablement l’enfer.
  • Quant à la charge de travail, elle ne sera pas moins lourde, mais différente. Les liens avec les parents, les téléphones, la discipline, la participation à des projets de ce programme particulier. Je ne serai pas en vacances, loin de là. Sauf que je retrouverai peut-être un dynamisme de création qui me manque en cinquième secondaire.

Bon, je sais : quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Ce comportement, que j’ai amoureusement connu récemment, je tente de l’éviter dans ma vie et de faire preuve de nuances. Tout n’est pas si noir dans ma tâche actuelle. Il y a un certain confort. Une sécurité. Mais aussi une habitude et une lourdeur.

Le seul élément dont j'ignore l'issue dans tout ce changement est le fait que je n'aie jamais enseigné à des élèves autres que la troisième, quatrième ou cinquième secondaire. Les jeunes de première sont la seule inconnue de tout ce changement et ils sont une inconnue de taille.

Alors, dans le stationnement de l’école, un vendredi après-midi ensoleillé, le collègue que je pourrais déloger et moi avons convenu que j’irais observer dans ses classes cette semaine. Il aura beau jeu de laisser les jeunes devenir des monstres, arracher les néons, pisser partout, hurler, se battre… Mais je ne l’en crois pas capable.

J’ai la chienne. Vous l’ai-je dit? Devant celle-ci, j’érige en rempart l’analyse, l’observation, la logique. Mais j’ai souvent passé ma vie à avoir peur. On m’a élevé à avoir peur. La peur m’a élevé aussi parfois comme son propre fils.

Dur, dur de grandir. Dur, dur de choisir. Dur, dur de vouloir être vivant.

02 mai 2008

C'est fini! Y'en a pu!

Fini d'enseigner le texte argumentatif! Finis les organisateurs textuels! Fini le bourrage de crâne à cause d'un examen bidon! Fini le travail de patchage pour amener des élèves à réussir une épreuve douteuse alors qu'ils ne savent pas reconnaitre un nom d'un adjectif! Fini, je vous l'ai dit, je crois?

Je peux enfin respirer, je peux enfin enseigner, cesser d'aliéner mon travail au nom de la pseudo réussite du plus grand nombre.

«Oui, mais tu n'es pas obligé de jouer ce jeu, Prof masqué», entends-je.

«Nenni, réponds-je. Dans l'état des choses actuelles, les élèves veulent réussir ce test, leurs parents veulent qu'ils réussissent ce test, ma direction veut avoir des belles moyennes de réussite, le MELS veut des belles moyennes de réussite. Alors, on enseigne pour l'examen, même si en bout de ligne on remet des diplômes à ces élèves qui maîtrisent dificilement leur langue maternelle.»

C'est con. C'est la réalité. Mais c'est comme ça. Et tout le monde est heureux.