Réduction de la bureaucratie
Tout d'abord, référons-nous à la plateforme électorale du PLQ des dernières élections. En avril 2014, il y a 18 mois à peine, la formation de Philippe Couillard s'engageait à réduire la bureaucratie: «Puisque les commissions scolaires sont bien implantées et jouent pleinement leur rôle de gestion des services offerts aux écoles de leur territoire, la mission du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) doit être recentrée.»
Si les directions régionales du MELS de l'époque ont été abolies, cette décision administrative n'a engendré que huit millions d’économies, au lieu des 15 espérés. Par ailleurs, on est sans nouvelle de la réduction de 100 personnes par année pendant cinq ans quant aux effectifs administratifs du MELS. Dans les faits, il est fort à parier que ceux-ci se sont maintenus ou ont même augmenté avec la relocalisation de certains fonctionnaires reliée à l'abolition des directions régionales.
Dans ma boule de cristal, il n'y a aucune économie à espérer du côté du ministère. Ce dernier restera un château bien protégé pendant qu'on coupe les services directs aux élèves dans les écoles.
Le sort des commissions scolaires
Alors qu'on loue sur la plateforme électorale du PLQ l'expertise des commissions scolaires, l'ancien ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, avait songé, pendant un temps, à en réduire le nombre et à redécouper le territoire de certaines autres: deux mesures qui n'ont pourtant jamais été présentées en campagne électorale.
Quelques mois après sa nomination, M. Bolduc avait également indiqué l'intention du gouvernement d'abolir les élections scolaires, une autre mesure sur laquelle les Québécois ne sont pas prononcés lors du dernier scrutin provincial. On pourra toujours arguer que la faible participation aux récentes élections scolaires indique le peu d'importance que les citoyens leur accordent, il n'en demeure pas moins que la solution de rechange proposée par le PLQ n'a fait l'objet d'aucun véritable débat et constitue, dans les faits, un déficit démocratique puisque ce sera le gouvernement qui nommera les membres des «conseils d'administration» des CS. Il est ironique de constater que des représentants municipaux, élus par acclamation, pourraient y siéger...
Avec l'accession de François Blais à l'Éducation, l'ère des fusions forcées semble révolue. Le nouveau ministre se serait rendu compte que ce genre de décision administrative génère rarement les économies escomptées. Il est toujours rassurant de voir un ministre dire, quelques mois à peine après sa nomination, le contraire de son prédécesseur. On sent que les décisions de nos hommes politiques sont basées sur des analyses sérieuses et rigoureuses. Dans les faits, il est troublant de voir avec quelle légèreté ce ministre se rend soudainement aux arguments énoncés depuis des années par de nombreux chroniqueurs (dont je fais partie).
De façon machiavélique, on peut se demander si le gouvernement Couillard n'a pas laissé les CS en place afin qu'elles portent l'odieux de certaines décisions, comme l'augmentation de la taxe scolaire et la coupure de certains services aux élèves, pour ensuite prendre le crédit de les réformer.
Dans ma boule de cristal, le gouvernement libéral va aller de l'avant avec son projet d'abolition des élections scolaires. Il risque cependant de rencontrer quelques écueils du côté de la communauté anglophone. Quant à la restructuration des commissions scolaires, en abandonnant le projet d'Yves Bolduc, le ministre Blais est habile. Il évite de braquer les intervenants du milieu. Il a déjà indiqué qu'il mettra de l'avant des «incitatifs» afin de favoriser la fusion volontaires de certaines commissions scolaires ou de certains services d'entre elles, espérant ainsi entrainer une réduction des couts administratifs On peut parier que ces «incitatifs» permettront de faire indirectement ce que le ministre ne voulait pas faire directement, quitte à forcer la main à certains. Advenant un échec de cette réforme «administrative douce», il sera facile pour nos dirigeants gouvernementaux provinciaux de blâmer les CS et de s'en laver les mains.
Le sort des commissions scolaires est également intimement lié au degré d'autonomie que le gouvernement voudra conférer aux écoles. Mais on comprend déjà que la volonté du ministère est de s'assurer qu'elles constituent des centres de services pour les écoles. De nombreuses questions restent cependant en suspens, par exemple la délimitation des bassins des écoles ou l'approbation des programmes régionaux. Elles devraient trouver réponses bientôt. On est loin de la pensée de l'Action démocratique du Québec de Mario Dumont qui voulait l'abolition complète des CS et on se rapproche davantage des positions avancées par la Coalition avenir Québec de François Legault. Soulignons ici aussi l'ironie de cette situation: le PLQ n'a jamais présenté aux électeurs des mesures qui sont largement empruntées à une formation concurrente..
L'école autonome
Dans la plateforme du PLQ, on indique que les écoles québécoises bénéficieront de plus d'autonomie dans le cadre de leur projet pédagogique. Il reste à voir comment celle-ci se traduira concrètement. C'est actuellement là le plus grand mystère du ministère... Et surtout, il s'agira de voir comment s'opéreront les mécanismes de reddition de comptes. À titre d'illustration, il en coute $800 000 par année à l'Université Laval en termes de rapports à fournir au ministère de l'Éducation.
La lutte contre le décrochage
C'est actuellement en ce qui a trait à ce volet de sa plateforme électorale que le PLQ connait sa plus grande faillite politique et intellectuelle. L'écart entre les promesses, la réalité d'aujourd'hui et le discours du ministre est sidérant.
En avril 2014, cette formation politique s'était engagée à:
- Assurer un service d’aide aux devoirs dans toutes les écoles primaires;
- Étendre l’aide aux devoirs aux écoles secondaires;
- Élargir les périodes d’aide aux devoirs avec des séances certains midis et soirs.
Un endroit où le PLQ est encore plus en profonde contradiction avec ses engagements politiques en matière de décrochage est quand il s'engageait à:
- Soutenir les projets issus de la communauté tel le CRÉPAS au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
En effet, on apprenait hier que le ministère de l'Éducation allait couper 25$ millions en ce qui a trait au décrochage scolaire et que cette mesure allait toucher justement des initiatives locales, dont le CRÉPAS! Il fallait voir le ministre Blais honteusement justifier ces coupures. Cet ancien universitaire de haut niveau s'est s'abaissé à n'être qu'un politicien avec des raisonnements tordus dont celui qu'il fallait prendre le temps d'évaluer la performance des programmes en place alors qu'en fait, il leur coupe tout financement et est incapable d'indiquer les mesures qu'il compte mettre de l'avant! Aussi bien dire que, pendant une année (une année de «transition», dit le ministre), le Québec n'a aucune véritable politique en matière de décrochage scolaire.
Une autre promesse brisée est ce qui a trait aux élèves en difficulté. En avril 2014, on pouvait lire sur la plateforme électorale du PLQ qu'il entendait:
- Prioriser le diagnostic hâtif chez les jeunes montrant des difficultés d’apprentissage et l’intervention rapide dès la petite enfance en s’assurant du nombre adéquat de spécialistes.
Pour l'instant, aucune mesure concrète ne semble appuyer cette promesse. Et, en suivant les négociations actuelles entre le gouvernement et les enseignants, on découvre que les élèves en difficulté risquent d'être laissés pour compte. En effet, les offres patronales prévoient des dispositions qui les toucheront directement. On songe à l'augmentation du nombre d'élèves par classe, à l'abandon de certaines «cotes d'identification» des élèves en difficulté d'apprentissage, au dépistage et à la reconnaissance des élèves à risque plus difficiles, à la disparition de 600 postes d'enseignants ressources et d'enseignants orthopédagogues, etc.
Encore une fois, il est ironique de constater la volonté de ce gouvernement de réduire le déficit des finances publiques actuelles du Québec en coupant les services destinés à certaines clientèles parmi les plus vulnérables, comme le premier ministre Couillard le reconnaissait enfin hier. Il lèguera une province moins endettée à des citoyens plus dépourvus parce qu'ils n'auront pas reçu les services nécessaires à leur bon développement - économique et social - au sein de notre société.
J'arrête ici cette démonstration exhaustive de la faillite politique et intellectuelle du gouvernement actuel en matière d'éducation. Des engagements jamais annoncés, des promesses brisées, des improvisations inquiétantes, des raisonnements intellectuels défaillants... «L’éducation, c’est le meilleur investissement qui soit pour le futur», déclarait M. Couillard en avril 2014. Force est de constater que le gouvernement de ce dernier ne le démontre pas par ses actions. Et que dire de l'actuel ministre de l'Éducation de ce gouvernement qui approuve sans aucune opposition des coupures qui nous permettent de douter de sa volonté d'être le véritable représentant de ce volet important de la société québécoise.
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Et les autres promesses?
Question de rire jaune encore un peu, voici quelques autres promesses libérales du mois d'avril 2014:
- Travailler de concert avec les partenaires pour lutter contre la violence et l’intimidation à l’école;
- Régler de façon prioritaire les problèmes de qualité de l’air dans les écoles.
- Insister sur l’importance de la lecture et de l’écriture;
- Accentuer la promotion de la qualité du français dès l’école primaire.