Le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, a publié aujourd'hui sa très attendue politique sur la réussite éducative (ici, ici et ici). Comme l'ont noté bien des observateurs, celle-ci vise des objectifs ambitieux mais présente peu de moyens pour parvenir à les atteindre. Dans deux cas, on reprend même des mesures annoncées au cours des derniers mois.
Ce qui est désolant dans cette politique est son absence de profondeur. Le gouvernement n'a pas su statuer sur les enjeux existants: formation des enseignants, création d'un institut national d'excellence en éducation, fréquentation scolaire obligatoire jusqu'à 18 ou jusqu'à l'obtention d'un premier diplôme, etc. Les problèmes en éducation sont connus depuis des années: il est anormal qu'on soit encore en train d'attendre des solutions concrètes.
Le ministre Proulx, qui est en poste depuis février 2016, a tenu des consultations sur la situation de l'éducation, mais semble n'en avoir rien retenu pour s'attaquer immédiatement aux problèmes actuels. Sinon, pourquoi mettre de l'avant trois chantiers et deux tables de concertation? Se peut-il que ces consultations n'aient pas été aussi fructueuses qu'il ne l'aurait souhaité? Et sur quoi travaillent les fonctionnaires du MEES pour qu'encore aujourd'hui, on doive encore consulter. Je ne doute pas de la volonté de M. Proulx de vouloir améliorer la situation de l'éducation au Québec. Mais actuellement, ni lui ni son ministère ne semblent avoir répondu aux attentes placées en eux.
Si l'on réfléchit aussi avec un peu de recul, ce que l'on comprend est que le parti libéral du Québec a été élu avec un programme électoral qui a été carrément remanié en cours de mandat. Dans les faits, il est à se demander si l'on peut véritablement compter sur ce que les formations politiques promettent en éducation lors d'une campagne électorale. Porté au pouvoir en 2014, le PLQ nous livre aujourd'hui ce qui constituera finalement ses engagement pour une prochaine élection, élection que certains voient même en aout prochain . Et là encore nous faudra-t-il attendre voir quels moyens seront finalement mis de l'avant pour les concrétiser.
Je reviendrai sur deux points dans de futurs billets. Ainsi, la création d'un institut national d'excellence en éducation devrait être perçue comme une gigantesque camouflet par le milieu universitaire. C'est un peu comme si on disait aux facultés d'éducation qu'elles n'ont pas la crédibilité nécessaire pour assurer la réussite des jeunes. Quant à l'idée de vouloir atteindre un taux de diplomation de 85%, il s'agit d'un objectif à la fois louable et dangereux.
21 juin 2017
11 juin 2017
Quand on néglige la recherche en éducation (ajout)
En éducation, il faut croire que n'importe qui peut être un spécialiste de la chose parce qu'il est allé à l'école. Notons qu'on peut même être ministre sans avoir d'étude ou d'expérience dans ce domaine. Par contre, jamais on n'admettrait qu'on puisse nommer un ministre de la Justice sans connaissance en droit (est-ce une obligation mais ils ont tous été avocats depuis la création de ce ministère en 1965) ou un ministre des Finances sans expérience économique. De plus, chaque gérant d'estrade peut y aller de son idée sur comment gérer nos écoles ou les apprentissages de nos jeunes. Et si le gérant est un individu connu, il y a de fortes chances qu'il ait l'oreille du ministre ou que son idée se retrouve dans les médias.
Dans le premier cas, on se souvient bien sûr des trois ténors de l'éducation qui ont obtenu 1,5 million pour leur projet de Lab-école. Ce sont eux qui ont soumis leur projet au ministre Proulx. Soyons honnête: M. Lavoie a une bonne expérience du monde l'éducation avec ses fameux cubes d'énergie. Mais qu'ont fait les deux autres de concret dans le monde scolaire? Quand Ricardo propose que les jeunes se fassent des «toasts au beurre de peanut» à l'école le matin et que M. Thibault suggère d'enlever toutes les clôtures entourant les écoles... Et à l'image de notre bon vieux MEES où la main droite ignore ce que fait la main gauche, quelqu'un sait-il dans ce ministère que ce projet aurait pu être aisément arrimé à celui qu'on met actuellement sur pied dans la région de Terrebonne avec une idée unique au Québec d'«école universitaire au primaire»?
Dans le deuxième cas, on retrouve la semaine dernière Mitch Garber, un homme d'affaires, qui propose une bourse de 1000$ pour encourager les jeunes à finir leurs études secondaires. Il a eu droit à l'oreille du ministre mais aussi à une importante couverture médiatique: «M. Garber a déjà glissé un mot de son idée au ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx. Il a l'intention de le rencontrer d'ici la fin de l'année pour en discuter plus à fond.» L'idée, qui a finalement été rejetée par toutes les formations politiques à Québec, a été reprise des dizaines de fois dans les médias mais un seul article s'est donné la peine de vérifier la validité de cette proposition.
Et voici ce que nous apprend la journaliste Silvia Galipeau: «L'idée, rejetée par le ministre de l'Éducation Sébastien Proulx hier, est loin d'être nouvelle. L'économiste Roland Fryer, de l'Université Harvard, l'a même testée pendant 10 ans, dans des écoles publiques à Houston, New York et Chicago. Tous les scénarios ont été essayés : le chercheur a payé les parents pour les pousser à s'impliquer, les élèves pour les inciter à lire, même les enseignants pour les motiver à mieux faire réussir leurs élèves. Il a distribué les bourses. Il a versé des millions de dollars en incitatifs de tous genres. Résultat ? « L'impact des incitatifs financiers sur la réussite scolaire est nul dans chaque ville », cite la revue The Atlantic, dans un article sur la réussite scolaire publié l'an dernier.»
Ni le ministre, ni les commentateurs de l'actualité, ni les journalistes sauf une n'ont eu le réflexe de se demander ce que disait la recherche. En éducation, il faut croire que n'importe qui peut être un spécialiste de la chose parce qu'il est allé à l'école...
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Et La Presse qui publie l'avis de tout et chacun aujourd'hui... On dirait que l'éducation en est rendue au niveau des lignes ouvertes sportives.
Dans le premier cas, on se souvient bien sûr des trois ténors de l'éducation qui ont obtenu 1,5 million pour leur projet de Lab-école. Ce sont eux qui ont soumis leur projet au ministre Proulx. Soyons honnête: M. Lavoie a une bonne expérience du monde l'éducation avec ses fameux cubes d'énergie. Mais qu'ont fait les deux autres de concret dans le monde scolaire? Quand Ricardo propose que les jeunes se fassent des «toasts au beurre de peanut» à l'école le matin et que M. Thibault suggère d'enlever toutes les clôtures entourant les écoles... Et à l'image de notre bon vieux MEES où la main droite ignore ce que fait la main gauche, quelqu'un sait-il dans ce ministère que ce projet aurait pu être aisément arrimé à celui qu'on met actuellement sur pied dans la région de Terrebonne avec une idée unique au Québec d'«école universitaire au primaire»?
Dans le deuxième cas, on retrouve la semaine dernière Mitch Garber, un homme d'affaires, qui propose une bourse de 1000$ pour encourager les jeunes à finir leurs études secondaires. Il a eu droit à l'oreille du ministre mais aussi à une importante couverture médiatique: «M. Garber a déjà glissé un mot de son idée au ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx. Il a l'intention de le rencontrer d'ici la fin de l'année pour en discuter plus à fond.» L'idée, qui a finalement été rejetée par toutes les formations politiques à Québec, a été reprise des dizaines de fois dans les médias mais un seul article s'est donné la peine de vérifier la validité de cette proposition.
Et voici ce que nous apprend la journaliste Silvia Galipeau: «L'idée, rejetée par le ministre de l'Éducation Sébastien Proulx hier, est loin d'être nouvelle. L'économiste Roland Fryer, de l'Université Harvard, l'a même testée pendant 10 ans, dans des écoles publiques à Houston, New York et Chicago. Tous les scénarios ont été essayés : le chercheur a payé les parents pour les pousser à s'impliquer, les élèves pour les inciter à lire, même les enseignants pour les motiver à mieux faire réussir leurs élèves. Il a distribué les bourses. Il a versé des millions de dollars en incitatifs de tous genres. Résultat ? « L'impact des incitatifs financiers sur la réussite scolaire est nul dans chaque ville », cite la revue The Atlantic, dans un article sur la réussite scolaire publié l'an dernier.»
Ni le ministre, ni les commentateurs de l'actualité, ni les journalistes sauf une n'ont eu le réflexe de se demander ce que disait la recherche. En éducation, il faut croire que n'importe qui peut être un spécialiste de la chose parce qu'il est allé à l'école...
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Et La Presse qui publie l'avis de tout et chacun aujourd'hui... On dirait que l'éducation en est rendue au niveau des lignes ouvertes sportives.
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