25 février 2013

M. Royer radote

Honnêtement, je comprends mal la tribune qu'on accorde à cet universitaire qui radote sympathiquement le même message depuis des années. Bien que, sur certains points, les propos de M. Égide Royer soient intéressants, je ne suis plus capable de l'entendre parler du décrochage scolaire chez les garçons. Une garçon sur trois déroche, ne cesse de répéter l'universitaire. Il n'en faut pas plus pour crinquer tous les mononcles médiatiques que Québec, Benoit Dutrizac en tête, pour s'épancher sur le sort de nos pauvre petits garçons.

Or, M. Royer devrait avoir l'honnêteté intellectuelle d'indiquer également à combien s'élève le décrochage des filles. (Grosso modo, 30% des garçons décrochent avant la fin de leur secondaire contre 20% des filles.) On verrait alors que le portrait du décrochage au Québec est un phénomène bien plus complexe que ne le résume ce «penseur de l'éducation». En ne s'attardant qu'au décrochage des garçons, il semble réduire le décrochage scolaire à une appartenance sexuelle et cautionner l'idée que l'école est sexiste.

Ce manque de rigueur, inacceptable quant à moi, renforce la victimisation et la paranoïa de certains intervenants, garçons et hommes québécois.

10 février 2013

Ça fait plus de six ans que j'écris sur ce blogue. Cette semaine, pour la première fois, aussi bien vous le confier, si j'avais pu démissionner de l'éducation, je l'aurais fait. Je ne veux ni ne peux en dire plus. Mais une grosse écoeurantite.

On s'interroge beaucoup sur les jeunes qui quittent après cinq ans de pratique. On devrait s'interroger aussi pour les autres cas.


09 février 2013

Les parents et l'école

Deux textes qui s'intéressent à la relation entre les parents et l'école. Je retiens cette piste qui veut que ces derniers ont une confiance moins grande en cette institution publique parce que, souvent plus éduqués, il leur est très facile de jouer aux gérants d'estrades comparativement aux parents d'autrefois. Ensuite, que l'approche «clientéliste» de l'école a entrainé un surplus de travail pour les enseignants.

J'aime beaucoup cette réaction de Marc Saint-Pierre (qui publie des commentaires ici à l'occasion) qui souhaite que, de clients, les parents deviennent des citoyens. Il touche un point important. Sauf que c'est une autre signe de cette dérive des valeurs de notre société.

À lire.

Le monarque, c'est moi.

Les parents face à l'école - Des clients ou des citoyens

03 février 2013

Intimidation, violence, parent et hypocrise

Le Journal de Montréal rapportait le samedi 26 janvier dernier un événement survenu dans une école de la Rive-Nord de Montréal. Un jeune aurait été tabassé par un autre élève parce qu'il aurait partagé sur son profil Facebook des propos «désobligeants» à l'égard de sa soeur.

Le père du jeune tabassé accuse l'école d'avoir mal géré l'événement en n'envoyant pas le jeune tabassé immédiatement à l'hôpital en raison des blessures qu'il a subies, de ne pas avoir appelé la police mais aussi d'avoir voulu faire disparaitre des preuves de l'agression. Il songe d'ailleurs à poursuivre la direction au civil.

Honnêtement, il s'agit d'accusations graves, dont une relève possiblement du Code criminel. Il m'a fallu beaucoup de temps avant de décolérer à la suite de la lecture de ce texte. Pas uniquement à cause du comportement du parent dans les médias mais aussi à cause de la façon dont ceux-ci ont rapporté la nouvelle et des limitations auxquelles fait face l'école dans de tels cas.

Dans le présent texte, je travaillerai surtout avec la version papier de cette nouvelle puisque c'est elle qui a été la plus susceptible d'être lue, mais je la mettrai en lien avec une autre publiée en format internet en cours de journée par le même média.

À propos du titre «irresponsable»

Tout d'abord, en version papier, le titre de ce texte est: Une école «irresponsable». Dans une salle de rédaction, un titre ne relève pas obligatoirement du journaliste qui a écrit l'article. Il est donc difficile de savoir qui en est l'auteur, mais celui-ci est particulièrement ambigu.

En effet, on y affirme que l'école est «irresponsable» sans pour autant indiquer qui a fait cette affirmation ou expliquer pourquoi ces guillemets. Normalement, on précise l'auteur d'une citation de façon claire dans un titre. Ici, il est difficile de savoir qui avance cette idée: le journaliste, le journal, un individu concerné par cette histoire? S'il ne lit pas au-delà des manchettes, la perception du lecteur est cependant fortement orientée.

Dans les faits, le mots «irresponsable» a été employé par le parent pour indiquer que le comportement de l'école aurait été «complètement irresponsable» dans le présent cas.  Fallait-il étirer sa pensée jusqu'à affirmer qu'il pense que l'école est «irresponsable» ou est-ce une position éditoriale?

Quoiqu'il en soit, on remarquera que ce titre est devenu plus tard sur Internet: «Un adolescent passé à tabac à l'école».

De la responsabilité de l'école

Un des noeuds de cette histoire est ce que le père de l'enfant tabassé reproche à l'école.

Tout d'abord, concernant le fait que la direction n'a pas immédiatement envoyé le jeune en ambulance à l'hôpital en raison de ses blessures, celles-ci ne semblaient pas si importantes,  aux yeux du jeune même qui situait la douleur qu'il ressentait à 5 sur une échelle de 10. Il faut savoir également qu'à moins que la vie ou l'intégrité physique d'un enfant soit mise en danger, certaines directions ont adopté comme attitude d'attendre de rejoindre un parent avant d'envoyer un jeune en ambulance à l'hôpital. En effet, il est arrivé que j'ai vu des parents se plaindre qu'on aie envoyé un jeune à l'hôpital en ambulance sans leur autorisation.  De plus, si le jeune n'est pas accompagné d'un parent ou d'un adulte responsable, c'est l'école qui doit veiller à ce qu'un membre du personnel suive l'élève à l'hôpital. De telles situation sont déjà arrivées à mon école.

Ici, permettez-moi de le souligner, il a fallu des heures avant de rejoindre un adulte responsable du jeune. Dans un cas de vie ou de mort, c'est l'école qui aurait eu à prendre certaines décisions importantes. Trop de parents sont négligents quand on leur demande des numéros où les joindre ou encore où joindre un parent en cas d'urgence.

Par ailleurs, le père du jeune tabassé accuse la direction de l'école de ne pas avoir porté plainte à la police. Encore une fois, ici, je me dois de préciser que certaines directions ont adopté comme attitude d'attendre de rejoindre un parent avant de poser un tel geste. En effet, il arrive que des parents préfèrent parfois qu'un incident se règle autrement, par le biais d'une rencontre entre les divers intervenants, par exemple. Encore une fois, j'ai vu des parents blâmer une direction qui avait appelé la police dans le cas d'altercations.

Enfin, le père accuse la direction de l'école d'avoir voulu faire disparaitre des preuves concernant l'altercation qui auraient été publiées sur Facebook.  Or, il faut savoir que, dans plusieurs codes de vie, une direction a le droit de demander à des jeunes d'effacer des images tournées sans autorisation dans l'école. Si elle l'a fait dans le cas présent, c'est évidemment pour éviter que ces images deviennent virales et engendrent une dynamique difficile à contrôler. Contrairement aux prétentions du parent et à ce qu'a originalement véhiculé le Journal de Montréal, l'école, on le verra plus tard, aurait pris ses responsabilités concernant les preuves entourant cette altercation.

De l'exagération rapportée sans nuance et avec précipitation

Si on analyse maintenant davantage tous les faits que j'ai rapportés à partir de la version papier du texte couvrant cet incident, ce que l'on remarque au départ est la journaliste a publié les propos d'un parent en colère avec un manque navrant de rigueur ou de vérification. Allons-y avec quelques autres exemples pour en rajouter.

Dans la version papier, le père déclare: «Je n'arrive pas à croire que l'école a simplement renvoyé Colin chez lui alors qu'il saignait abondamment.» Ce jeune n'a pas été renvoyé chez lui. On le spécifie même dans le texte: sa grand-mère est venu le chercher! Quelle crédibilité la journaliste doit-elle accorder alors à ce père manifestement frustré? Ensuite, ce parent exagère-t-il un peu quand il dit que son enfant aurait saigné abondamment... pendant des heures?

Dans un autre extrait de la version papier, le père déclare: «La direction de l'école a obligé les élèves à effacer les vidéos de l'agression qu'ils avaient publiés sur Facebook. C'est très frustrant. Clairement, l'école voulait se protéger et avait peur pour sa réputation. C'est inacceptable. On a même refusé de me faire une copie des vidéos.» Ce que ce parent reproche à l'école constitue possiblement une infraction criminelle. Or, on apprend dans le format internet mis en ligne plus tard les faits suivants: «L’école et la CSA n’ont jamais voulu cacher quoi que ce soit, dans cette affaire. La preuve, c’est que la vidéo a été montrée au parent et a été acheminée au Service de police»,  a précisé un responsable des communications de la commission scolaire concernée. Qu s'est-il passé entre ces deux versions d'une même histoire?

Origine de l'altercation et hypocrisie

Ce qui est paradoxal est que les textes publiés à propos de cette altercation occulte sensiblement ce qui est à l'origine de cet incident: l'intimidation sur Facebook. Ce jeune se serait fait casser la gueule parce qu'il aurait répété des propos désobligeants à l'égard d'une élève. N'est-ce pas ce que certains bien-pensants souhaitent à l'occasion?

«Mon fils aurait répété des injures écrites par les autres et le frère aîné de cette fille-là s'en est pris à mon fils», reconnait le père. Il faut cependant savoir qu'un jeune, qui recopie des propos injurieux sur sa page Facebook, les partage avec tous ses amis et ne fait pas que banalement les répéter. À moins qu'il n'indique qu'il n'est pas d'accord avec ceux-ci, il les cautionne en quelque sorte et et se livre ainsi à de l'intimidation.

Or, si on écoute le père, son fils est une innocente victime. La preuve en est qu'il existe maintenant une page Facebook pour soutenir ce jeune élève et sa famille. On y retrouve même un logo «Stop à l'intimidation» et des intervenants qui le plaignent. Une question: qui se soucie de la jeune fille qui a été intimidée au départ? Qui a remarqué que ce jeune a participé à son intimidation?

«J'aurais aimé qu'il y ait un rapport de police pour donner l'exemple aux jeunes que si l'on se bat, il y a des conséquences», ajoute le père. J'espère que les parents de la jeune fille calomniée useront de la même logique et porteront plainte eux aussi à la police. L'intimidation sur Internet est une chose sérieuse. Des propos blessants laissent parfois des marques aussi importantes qu'une mâchoire fracturée. Mais voilà: pas un mot là-dessus dans aucun des deux textes. La blessure physique alerte les médias qui semblent par contre ignorer la blessure psychologique. Toute la place est occupée par le jeune intimidateur infortuné et son père, mais qu'en est-il de la jeune fille, de son frère, de ses parents? Pourquoi n'est-ce pas ces derniers qu'on retrouve dans les journaux?

Quant au père du jeune concerné, il n'a pas à craindre d'éventuelles poursuites de la part de l'école ou de la commission scolaire. Mais ce dernier y est allé de propos pour le moins imprudents. Celles-ci ne confieront pas à leur service légal le mandat d'exiger des excuses ou d'éventuelles réparations. Même quand elles ont raison de le faire, elles préfèrent plutôt compter sur le temps pour effacer les événements de la mémoire des gens. Ce en quoi elles ont tort, à mon avis.  Le monde de l'éducation se laisse trop souvent salir sans réagir.

Qu'on me comprenne bien: je ne cautionne pas le fait que ce jeune se soit fait tabasser. Cette forme de violence est inacceptable. Je trouve cependant incroyable qu'on victimise à outrance un intimidateur qui a reçu une râclée et qu'on oublie les gestes qu'il a posés au préalable, qu'on oublie la victime du geste qu'il a posé. Quant à moi, si ce jeune était mon fils, je me garderai une petite gêne.

À cet égard, tout média devrait se montrer plus prudent en couvrant ce genre d'événement et également ne pas mentionner le nom des mineurs impliqués comme ce fut malheureusement le cas ici.


Pendant ce temps, en France...

Si vous pensez qu'il n'y a qu'au Québec qu'on se penche sur les vrais problèmes de l'éducation, allons jeter un petit coup d'oeil chez nous cousins.

« "Ecole maternelle". Cette façon d'appeler l'école des 2 à 6 ans ne plaît pas à Sandrine Mazetier, députée socialiste de Paris. Dans une question écrite au gouvernement elle propose de revoir cette terminologie qu'elle juge sexiste. »

Avouez que vous êtes d'accord. Faudrait aussi penser au décrochage qu'engendre l'appellation «école secondaire»...