30 janvier 2011

Élite en éducation: un exemple universitaire

Camil Bouchard est quelqu'un de bien connu dans le domaine de l'éducation. Ancien député péquiste du comté de Vachon et père du rapport Un Québec fou de ses enfants, il accordait une entrevue à Isabelle Maréchal sur les ondes du 98,5 FM à propos du bulletin unique le 19 janvier dernier.

Les propos de ce professeur associé à l'UQAM montrent un homme souvent lucide sur l'état actuel du système scolaire québécois mais parfois aveuglé par une idéologie qui guide ses actions depuis... des années et des années.

Sur la réforme

Tout d'abord, M. Bouchard me fait sourciller lorsqu'il déclare : «On continue de se servir d'une espèce d'inconfort avec le bulletin chez les profs pour faire le procès de la réforme.» Il est vrai que la FAE tente de faire indirectement ce qu'elle ne peut pas faire directement en s'attaquant au bulletin pour viser la réforme. Mais affirmer que les enseignants sont «inconfortables» avec le bulletin actuel est un euphémisme, une grossière négation pour cacher que c'est bien l'ensemble de la réforme qui irrite encore bon nombre d'entre eux.

Il est d'ailleurs ironique d'entendre M. Bouchard féliciter les profs pour avoir réussi à assurer un enseignement de qualité auprès des élèves: «Pour ceux qui sont à l'école, avec les ratés qu'on a attribués à la réforme, bien bravo aux profs parce qu'ils se sont démerdés là-dedans avec un manque souvent de préparation, un manque de formation, un manque de matériel même au départ de la réforme.»

Ironique donc, parce qu'il emploie les termes «ratés qu'on a attribuées» comme s'il voulait se distancer ou minimiser ces critiques à l'égard du Renouveau. Ironique aussi parce que ce spécialiste en éducation, je vous le rappelle, ne semble pas savoir que le matériel a manqué jusqu'à la cinquième secondaire. On est loin du départ... Ironique enfin parce que je ne l'ai jamais entendu souligner ces faits lorsqu'il était député.

Pour lui, s'il y a eu des ratés dans l'application de la réforme, les fondements de celle-ci n'ont pas à être remis en question: «J'aimerais qu'on arrête d'en parler (du bulletin) pour un petit bout de temps parce qu'on est en train, je crois, de faire toujours dévier le débat à propos des bulletins sur la réforme alors qu'on a des succès avec la réforme.» Des succès? Vraiment?

Ainsi, il est consternant d'entendre M. Bouchard utiliser les derniers résultats des élèves québécois aux tests PISA pour appuyer la réforme. Or, on le sait, ce que montrent clairement ces tests, c'est que nos élèves stagnent ou régressent alors que le Renouveau pédagogique devait améliorer les choses et réduire le décrochage! Combien d'énergie et de centaines de millions de dollars dépensées en pure perte.

En ce qui concerne l'inefficacité de la réforme quant au décrochage, M. Bouchard en est conscient: «Là où la réforme nous a déçus, et on a encore de gros, gros, gros, gros efforts à faire, c'est sur le décrochage.» Déçus? Vous voulez rire: on a chambardé tout le réseau de l'éducation pour arriver à des résultats similaires!

Sur les connaissances

Dans la même veine de vision partielle de la réalité, M. Bouchard se fait l'écho de certains poncifs en déclarant: «Vous demandez à n'importe quel prof commet il évalue les compétences, tout le monde va vous dire, madame Maréchal, c'est impossible d'évaluer une compétence sans évaluer les connaissances.»

Il est affligeant d'entendre un homme de sa stature intellectuelle émettre une telle affirmation. Premièrement, M. Bouchard semble présumer de la réponse de dizaines de milliers d'enseignants au Québec. Deuxièmement, M. Bouchard répète une ânerie dont il ne semble pas vouloir comprendre la bêtise: les situations d'évaluation des apprentissages que corrigent actuellement les enseignants mesurent des compétences mobilisant un nombre souvent restreint de connaissances. Point à la ligne. Alors, qu'il arrête de répéter ce mantra en espérant qu'il devienne réalité. Cette phrase est une demi-vérité, pour ne pas dire un mensonge éhonté, quand on a un peu de capacité intellectuelle et d'analyse.

En français, par exemple, avec les grilles d'évaluation que doivent appliquer les enseignants, il est possible pour un élève de réussir une situation d'écriture et de faire une faute aux 15 mots. Méchante mobilisation de connaissances grammaticales, surtout quand on sait que le jeune a droit à un dictionnaire et une grammaire! De même, en univers social, les évaluations sont devenues des tests de lecture et d'écriture où l'élève n'a rien à étudier puisqu'il complétera son évaluation à partir de courts textes qu'on lui fournira. Même mes élèves le disent: «Ça ne sert à rien d'écouter pendant le cours: l'examen se fait tout seul.»

Enfin, c'est un peu bitch, mais je tiens à souligner à quel point nos élites en éducation ont la vie dure. M. Bouchard a démissionné de son poste de député provincial en plein mandat sans aucune pénalité parce qu'il ne sentait plus qu'il pouvait faire une différence. Il a ainsi entrainé la tenue d'une élection partielle qui a coûté 500 000$ aux contribuables. Ajoutons qu'il a quitté volontairement l'Assemblée nationale en bénéficiant d'une prime de départ de 100 000$ et une pension de retraite alors qu'un emploi l'attendait à l’UQAM. Pas si mal.

Après la Tunisie, c'est l'Égypte. Le Québec attendra, on dirait.

28 janvier 2011

Non, mais sacrez-moi ça dehors, quelqu'un!

Qui, un jour, va se décider à faire le grand ménage au Québec? Qui scrute véritablement les dépenses de nos roitelets de tout acabit? Les journalistes, à l'occasion. C'est du moins ce qu'on commence à comprendre à la lecture de ce texte.

Travailler pour gagner sa croûte, son entrée, son repas principal, son dessert, son digestif...

Ainsi, on apprend aujourd'hui que la présidente de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, (CSSMI), Paule Fortier, a dépassé la limite du budget d’allocation plus de 40% des fois où elle a pris un repas sur le bras des contribuables depuis mars 2008, soit 80 repas sur 185. En trois ans, madame Fortier a mangé pour 11 290,93 $, soit plus de 4 300$ de plus que ce qui est prévu normalement. Combien représente ce montant par rapport à celui du budget d'épicerie d'une famille québécoise moyenne? Dans la même veine, avez-vous idée de combien de millions de dollars sont ainsi dépensés en frais de restaurant par les commissions scolaires et le MELS? De quoi vous couper l'appétit.

On remarquera également que cette dame a pris grosso modo un repas sur six à nos frais depuis trois ans, jours de vacances inclus. Combien on parie qu'elle ne fait pas de lunch quand elle va au bureau? Dure, dure, la vie de DG.

Quand on indique que Mme Fortier a dépassé le montant prévu pour les repas, il faut savoir que celui-ci est de 10 $ pour un déjeuner, 20 $ pour un dîner et 30 $ pour un souper par personne, des montants somme toute raisonnable à moins qu'on y ajoute de l'alcool, parce qu'il faut savoir que l'État québécois paie le vin et la bière à ses décideurs étatiques.

Par contre, sachez que, comme enseignant et comme tous les autres modestes employés de l'État, je n'ai droit à aucun dépassement et encore moins de demander qu'on me rembourse quelque alcool que ce soit.

Scratch my back, I'm gonna scratch yours

Le plus incroyable dans cette histoire est que tous ces dépassements ont été autorisés par la vice-présidente de cette CS, Johanne Beaulieu, qui elle-même voit ses dépassements de coût de repas autorisés par... Mme Fortier

C’est en effet la vice-présidente, Johanne Beaulieu, qui a le mandat d’autoriser les dépenses de la présidente. Et c’est la présidente qui autorise les dépenses de la vice-présidente. Croyez-vous sérieusement que Mme Beaulieu, qui a fort possiblement été nommée par Mme Fortier, va chipoter sur des factures de restaurant? On est entre membres d'une même équipe de direction.

Le règne du Ni vu ni connu

«Nous pouvons parfois dépasser le montant. C’est autorisé dans certaines circonstances», a expliqué la présidente de la CSSMI. Dans certaines circonstances? Mais c'est véritablement devenu une habitude, oui! Dans 40% des cas, je vous le rappelle.

Et comment réagir quand on constate que Mme Fortier a reçu des reçus d'impôts personnels pour des dons effectués par la commission scolaire. Commentant un cas précis, celle-ci indique: «C’est une erreur en effet, nous allons y remédier. Le reçu n’aurait pas dû être à mon nom.»

Pourquoi a-t-il fallu qu'un journaliste s'intéresse à ce cas précis pour qu'elle se réveille tout à coup? Combien de correctifs de ce genre a-t-elle demandés ou aurait-elle dû demander depuis trois ans?

Les roitelets de l'État

«On ne peut que s’améliorer. On a fait quelques erreurs et nous allons voir comment nous pouvons faire mieux pour la prochaine année», a jovialisé la présidente du CSMI. Quelques erreurs... Faire mieux...

Mais qu'attend-on au gouvernement pour donner le signal que la curée est finie? «Y'a plus de sous dans les coffres», ne cesse-t-on de nous répéter. Il n'y en a pas non plus dans nos classes. Les sous, manifestement, ils semblent plutôt être dans l'estomac de ceux qui n'en ont jamais assez.

Combien on parie qu'il ne se passera rien à la prochaine assemblée des commissaires de cette CS? Platement, je réclamerais rien de mon que sa démission pour mauvaise gestion et je lui apporterais quelques boites à lunch pour l'aider à subvenir à ses besoins alimentaires futurs. Et je demanderais qu'on revoit tout le processus de d'autorisation des dépenses parce qu'il est manifestement vicié.

La Tunisie, je vous dis. Le Québec et la Tunisie, même gestion gouvernementale. Des roitelets qui siphonnent systématiquement nos fonds publics. Et puis non: les Tunisiens, eux, ont compris.

25 janvier 2011

100 000 façons d'écoeurer un prof

En parallèle à ce billet sur l'anonymat, il existe bien des moyens d'éteindre un enseignant qui dérange par sa volonté d'exercer sa liberté d'expression. Pour paraphraser Félix Leclerc, il existe 100 000 d'écoeurer un prof. En voici quelques-unes.

1- Lui attribuer un local d'enseignement abominable, de préférence près du système de chauffage, des toilettes ou sans fenêtre.
2- Lui attribuer un nombre incalculable de locaux situés loin les uns des autres. Faisons-le marcher, courir d'une classe à l'autre.
3- Lui concevoir un horaire de travail décourageant. Par exemple, s'assurer qu'il doive rentrer tous les matins à la première première et quitter tous les soirs à la dernière.
4- Lui attribuer des surveillances d'examen dans des groupes d'élèves difficiles ou qu'il ne connait pas.
5- Lui concevoir une tâche comportant de nombreux niveaux ou de nombreuses préparations. Si possible, lui refiler des groupes de doubleurs ou des matières pour lesquelles il existe peu de matériel pédagogique.
6-Lui imposer des compléments de tâche dont personne ne veut, par exemple s'occuper du club d'échecs alors qu'il déteste ce jeu.
7- Lui faire surveiller des activités ennuyantes et où il ne connait personne.
8- Intervenir dans sa pédagogie et son évaluation.
9- L'obliger à suivre des formations dont il n'a pas besoin ou qui sont carrément insignifiantes.
10- L'obliger à assister à des rencontres inutiles.
11- Ne pas le soutenir dans des cas d'élève.
12- Refuser systématiquement ses projets sans aucune justification.
13- Ignorer l'enseignant quand il vous salue lorsqu'il vous croise dans l'école.

Voilà pourquoi un prof apprend à se taire parfois. Parce que, dans son quotidien, 180 jours par année, on peut le faire suer.

23 janvier 2011

Élite en éducation: un exemple

Dans la catégorie Les élites québécoise en éducation, voici certains des propos de Francois Paquet, président de la Fédération des comités de parents du Québec, en entrevue au 98,5 FM, le 19 janvier dernier, sur le sujet du bulletin unique et des connaissances.

«Nous, les parents, les compétences, je pense que l'ensemble des parents, ça fait quand même au-dessus de 10 ans qu'on en parle. Je pense que les parents les ont assimilées. (...) Être capable de lire une phrase, c'est ça des connaissances, être capable de lire un mot. Mais être capable de comprendre un texte, je pense que ça, c'est une compétence.»

C'est clair? Il a vraiment tout compris. Lire est une connaissance. Et il parle au NOUS. Et il parle pour l'ensemble des parents. Rien de moins.

Il faut le voir défendre bec et ongles la réforme. Ainsi, les élèves issus de celle-ci qui entrent au cégep ne sont pas moins bons que leurs prédécesseurs. Vous en voulez SA preuve: «Moi, j'en ai une fille au cégep et elle réussit très bien.»

Avouez qu'on vole très haut et avec des arguments de qualité.

Pour M. Paquet, tous les parents comprenaient le bulletin il y a cinq ans à l'école de ses enfants et, s'il y a eu des modifications depuis, c'est bien parce que «ça devenait compliqué pour les enseignants de faire l'évaluation et je pense que ça, on peut compâtir à ça. Par contre, qu'on me dise qu'on ne veut plus montrer aux jeunes comment se servir de leurs connaissances, là, j'ai un problème.»

Allons plus loin et écoutons-le sur l'intégration des élèves en difficulté.

«Nous, y'a eu un forum dernièrement, au mois d'octobre, le forum de la ministre Beauchamp, nous, on s'était préparé avant. On a fait fait venir 100 parents d'un peu partout au Québec. Des parents d'élèves intégrés, des parents d'élèves handicapés. On a réfléchi pendant une journée. On a amené des solutions à ce forum-là.(...) On leur a présenté nos solutions. Y'en a certaines qui vont être mises en place.»

Il faut l'entendre être fier que des mesures comme le plan d'intervention «uniforme» et le dépistage précoce soient retenues comme s'il s'agissait de nouvelles idées en éducation.

Je vous le rappelle: monsieur Paquet représente les parents. Il est le président d'un organisme qui donne son avis en éducation et qui a été consulté sur le bulletin unique. Il n'est pas méchant. Mais, comment dire? ça manque de fini.

22 janvier 2011

Les parents et le conseil d'établissement d'une école

Prof malgré tout parle des pouvoirs des parents au sein du Conseil d'établissement dans son tout récent billet. Il relève, avec justesse, la nuance entre «adopter» et «approuver» et suggère que celle-ci limite le pouvoir réel des parents. S'il a raison sur le fond, dans la pratique, la situation est parfois plus complexe. Tout dépend comment ils jouent la «game».

Par exemple, ceux-ci peuvent se servir du concept d'«approbation» pour faire de l'obstruction systématique afin d'obtenir ce qu'ils veulent. Ils refusent ce que propose la direction et la renvoient à ses devoirs. Comme dans le cas de la grille-matières. Ainsi, un directeur peut être mis dans une position intenable, coincé par un CE qui n'approuve pas ce qu'il propose et les dates de remise de celle-ci à la CS. J'ai déjà vécu cette situation et le directeur de mon école, qui a manifestement dû expliquer à ses patrons qu'il ne contrôlait pas son CE, marchait sur des oeufs...

Pour contourner ce genre de manoeuvre, j'ai déjà connu une direction d'école pour qui les propositions sujettes à approbation ne devaient faire l'objet d'aucun débat et d'aucune suggestion de remplacement. Le document était présenté, expliqué. Point. On pouvait poser des questions d'éclaircissement et rien d'autre. Ce qui nous a valu deux ou trois rencontres officielles en un mois sur la grille-matières que la direction voulait imposer et que le CE refusait. Deux ou trois assemblées générales officielles également de la direction avec les enseignants à qui elle devait présenter pour «consultation» son projet de grille-matières remanié. Un beau bras-de-fer politique et syndical. Le tout s'est réglé lors de rencontres informelles, on l'a deviné. Et devinez qui a perdu...

Dans les faits, les parents d'un CE ont les moyens de faire suer un directeur ou une équipe-école. Mais ils le font rarement. Plusieurs raisons expliquent cela:
1- On n'aime pas jouer le rôle de fauteur de troubles au Québec, même quand on aurait raison de le faire.
2- Les parents de CE ne veulent pas se mettre à dos la direction de l'école de LEUR enfant. Il y a ici un côté téteux et politique. Sois fin avec le directeur: ça pourrait te servir.
3- J'ai connu des parents qui avaient des aspirations politiques et siéger sur un CE était pour eux la première marche de leur ascension... Donc, ils évitaient de confronter la direction de l'école et la CS.
4- Les parents siégeant au CE ne sont pas toujours bien informés par les directions d'école qui contrôlent et filtrent l'information. Certains directeurs n'aiment pas partager leurs pouvoirs et ils ont compris que l'information est le nerf de la guerre.
5- Les parents siégeant au CE ne sont pas toujours clairement informés des pouvoirs et obligations qu'ils ont de par la loi. Ils ignorent aussi bien des éléments légaux. Par exemple, dans une école de ma commission scolaire, les parents ont approuvé que chaque élève doit porter un costume obligatoire en éducation physique. Or, il se peut que je me trompe, mais cette mesure est contraire à la loi.

C'est davantage l'hommerie et la manque de connaissance des parents siégeant sur un CE qui expliquent que ceux-ci sont parfois confinés à un rôle de figuration. En même temps, quel prof ou directeur s'en plaindrait?

20 janvier 2011

Un silence de plus en plus présent

Vous avez peut-être remarqué que je publie moins de billets sur ce blogue depuis quelque temps. Deux raisons expliquent mon manque de volubilité.

J'ai perdu mon anonymat

Pendant des années Le professeur masqué a pu bénéficé de l'anonymat au travail. Mais voilà: mon aura de mystère s'est éventée. Avec elle, a disparu une certaine protection qui me permettait d'aborder des sujets qui survenaient à mon école et qui mettaient en scène des collègues, par exemple.

Il existe plein de sujets intéressants que j'aurais pu aborder ici, mais la crainte de commentaires, de remarques, de bouderies (oui, oui: des collègues qui te boudent comme des enfants, ça existe!) me poussent à me tenir coi.

Et il y a ces cas d'élèves dont je ne peux plus parler puisque, même auprès des gamins, mon anonymat est disparu. Imaginez si je vous parlais d'une élève qui a pissé dans son pantalon en classe parce qu'elle est trop nerveuse et battue par ses parents. Il suffirait d'un jour pour qu'on trouve de qui il s'agit.

Le monde de l'éducation me tue

L'autre raison qui me rend silencieux, c'est la bêtise du monde de l'éducation. Aussi bien le dire, le monde scolaire est purement désespérant. Un exemple: la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Josée Bouchard, qui justifie les voyages d'un directeur en Chine, en Belgique, en Tunisie et en France.

«Notre système d'éducation est souvent critiqué ici. On peut faire mieux, mais, à l'étranger, on sert d'exemple! Des pays veulent être comme nous et veulent être aidés. C'est un devoir qu'on a comme pays nanti d'aider des pays en situation de pauvreté. On parle d'entraide, ici.» Selon Mme Bouchard, le personnel des commissions scolaires qui se rend à l'étranger revient avec «un regard nouveau» qui «apporte de nouvelles façons de travailler».


Du grand n'importe quoi! Il me semble que le réseau scolaire québécois devrait se recentrer sur ses missions de base au lieu de s'exporter à droite et à gauche. «On peut faire mieux!», dit-elle. Mais le fait-on vraiment? Et en quoi des initiatives semblables permettent-elles de faire mieux? Et que fait concrètement Mme Bouchard pour réduire le décrochage, par exemple?

À moins d'un coup de baguette magique, rien ne semble parti pour changer. Rien.

Je m'ennuie de la Tunisie. Le Québec est, à sa manière, victime de la dictature de la bêtise de ses pseudos élites.

12 janvier 2011

Facebook et les querelles à l'école

Depuis le début de l'année, je remarque que des commentaires échangés entre élèves sur Facebook causent parfois des situations qui finissent par déborder à l'école.

Des exemples.

Cet automne, je pense à un élève qui affirmait faire une blague en en traitant une autre de «sale pute» et de «blondasse». Résultat: le lendemain, un comité d'accueil l'attendait à l'école pour lui faire un mauvais parti. Il a fallu suspendre le supposé farceur, le temps de régler la crise afin d'éviter le pire. Et puis, on a dû convoquer les parents, appliquer des sanctions...

La semaine dernière, un élève profite qu'un autre laisse son ordinateur sans surveillance deux minutes pour aller écrire sur le profil de ce dernier: «Je suis gay.»

Aujourd'hui, deux élèves se chicanaient à propos de ce qu'une avait écrit sur l'autre. Larmes, crises, bureau de l'adjoint.

Je me demande si l'école est responsable de gérer de telles situations et si elle a à les sanctionner, le cas échéant. Par ailleurs, l'absence d'éducation des jeunes (et moins jeunes) quant à l'utilisation d'Internet commence à devenir sérieusement pesante.

10 janvier 2011

Absentéisme et FCSQ (ajout fort pertinent de M. Bérubé)

La Fédération des commissions scolaires du Québec (FQSC) s'inquiète de l'absentéisme de la part des travailleurs en éducation et réclame du gouvernement une étude pour mieux comprendre cette situation. Pourquoi, demandez-vous?

Près de 50 % des absences sont causées par des problèmes de santé mentale, comme l'épuisement professionnel, la dépression ou l'anxiété. «Ce sont des données comparables à d'autres secteurs, mais ça demeure une préoccupation. Si on veut mettre en place des mesures pour réduire ces congés, il faut en connaître les causes. On sait que les problèmes de santé mentale peuvent être causés par des problèmes professionnels ou personnels ou un amalgame des deux, mais on voudrait connaître dans quelle proportion», affirme Caroline Lemieux, porte-parole de la Fédération des commissions scolaires.

Les propos de Josée Bouchard, la présidente de la FSCQ, à Paul Houde sont tout simplement savoureux.

C'est vraiment pas dans le but de livrer une lutte par exemple à nos corps syndicaux qui pourraient dire «Ah? Pourquoi ils voudraient questionner ça?» C'est vraiment de façon à mieux comprendre qu'est-ce qui arrive et aussi à comprendre au fait est-ce que c'est relié vraiment uniquement à la tâche parce que souvent on nous sert aussi ces arguments à l'effet que la tâche est trop lourde, tout ça. Alors, on sait que, dans la vie d'une personne, eh bien c'est sûr qu il y a le travail qui peut causer un certain stress, mais on sait qu il y a aussi tous les éléments de la vie personnelle . Et compte tenu que nos chffres se comparent très bien au reste des réseaux publics mais aussi de la grande entreprise, ben ça vaut le coût d'y voir clairement.

Avouez que la madame se contredit. Et pas à peu près.

Pourquoi une telle étude si le taux d'absentéisme se compare avec ailleurs? C'est bizarre mais pourquoi se consacrer à résoudre un non-problème alors qu'il y a bien d'autres situations vraiment urgentes en éducation au Québec?

*******

Je voudrais mettre en évidence ce commentaire de M. Bérubé qui devance un point que je voulais aborder dans un prochain billet: comment le gouvernement a créé cette crise en brisant un pacte avec ses employés qui durait depuis des ans. Et ce bris de confiance perdure encore aujourd'hui.

Il y a une partie de l'absentéisme qui s'explique depuis 1996 (environ). Cette année-là, on a eu l'heureuse initiative d'aller chercher 100 millions entre autres dans le moyen suivant: prendre les congés de maladie monnayables et les rendre non monnayables… Oh bien sûr, s'il en reste à la fin de l'année, on enlève une journée et on verse les autres journées dans une banque qui pourra éventuellement être utilisée plus tard.

Mais des cas de banques (incroyablement énormes) amassées et voulant être prise par de "vieux" enseignants pour se faire ainsi une retraite progressive ou partir quelques mois avant le temps ont existé où les CS ne voulait plus "offrir" ces journées. Je connais au moins un ou deux cas de poursuites devant les tribunaux à ce sujet, etc. Bref, après avoir vu ces "abus" (dans un sens ou l'autre), les enseignants permanents prennent souvent les congés de maladie chaque année, vu qu'ils ne sont pas monnayables, car ils
ont peur de "perdre" ces congés dans une banque qui s'autodétruira le moment utile venu…

NTIC et école

Dans un billet précédent, je mentionnais que les nouvelles technologies étaient parfois davantage l'apanage des décideurs en éducation que des simples exécutants sur le terrain. Même si je me sais choyé, je ne peux pas perdre de vue que, dans certains cas, on peut se question sur la pertinence de payer ainsi forfaits et équipements.

Dans le JdeM, on se penche sur le cas de l'université Concordia.

De hauts dirigeants de l'Université Concordia peuvent s'acheter des ordinateurs et même des téléphones pour la maison, grâce à une somme de 150 000 $ par année que les contribuables mettent à leur disposition pour du «développement professionnel.»

Questionné quant à ces remboursements, M. Freedman, un avocat, a affirmé que tous ces frais avaient été remboursés à même son allocation de «développement professionnel» de 5 000 $ par an. Il a déclaré que ces biens étaient utilisés à la «maison» et qu'ils étaient devenus sa «propriété personnelle», même si ce sont les contribuables qui les avaient payés.

Le haut dirigeant a laissé entendre qu'aucune politique n'encadrait le versement de cette allocation ou les achats qu'elle pouvait servir à effectuer, mais il a précisé que ceux-ci devaient «être reliés au travail, d'une certaine manière. »


J'ai de la difficulté avec des équipements publics qui sont utilisés à des fins personnelles. De plus, ceux-ci deviennent ni plus ni moins des avantages sociaux et devraient compter en ce qui a trait aux impôts.

04 janvier 2011

École et NTIC

Ce court extrait d'un texte paru dans La Presse ce matin :

En 1997, Frédéric Hurpesz pensait lâcher l'école. En âge de fréquenter le cégep, il n'y allait pas, car rien ne l'intéressait. Dans un ultime effort, il s'est inscrit à un programme d'études professionnelles en comptabilité. Et c'est là qu'il est tombé amoureux de l'informatique.

Quelques années plus tard, M. Hurpesz est devenu directeur de l'école Terre des jeunes, à LaSalle. Et un constat l'a frappé: alors que la direction utilisait abondamment les ordinateurs, les enfants, eux, n'y avaient pratiquement pas accès. «J'ai voulu que ça change», raconte-t-il.


À mettre en lien avec la conclusion de mon billet précédent:

On sait qu'un nombre important de décideurs scolaires (commissaires, directeurs, cadres...) ont un accès institutionnel aux nouvelles technologies. Le problème, encore une fois, est que celles-ci ne descendent pas dans nos classes.

La manque de maitrise des NTIC de la part de certains enseignants n'est pas scandaleux. C'est le système qui engendre cette situation qu'on se doit questionner.

03 janvier 2011

Reportages du JdeM sur les NTIC

Le JdeM publie aujourd'hui deux textes sur l'ordinateur et l'école (ici et ici). J'en ferai la critique parce que trop d'éléments y sont présenté de façon incomplète.

Le blocage des réseaux sociaux à l'école

Ainsi, dans un texte, on attribue le blocage de certains réseaux sociaux au fait que des enseignants ont été piégés à leur insu par des élèves et que des photos ou des vidéos les présentant sous un jour défavorable ont été mis en ligne. Croyant connaitre un peu la pensée de M. Asselin en la matière et dont on rapporte les propos ici, je m'étonne d'un raisonnement si bancal et incomplet de sa part.

Tout d'abord, le filtrage des réseaux sociaux à l'école n'empêche en rien la prise non autorisée de photos en milieu scolaire ou la mise en ligne d'informations péjoratives sur certains enseignants. Ce n'est pas parce que Facebook n'est pas disponible dans une école que cela empêchera un jeune de mettre sur Internet une photo d'un prof le soir chez lui. Il n'y a donc aucun lien entre ces deux éléments. Je trouve regrettable qu'on semble faire porter aux enseignants l'odieux d'une mesure dont ils ne sont en rien responsables et qui n'a tout simplement aucun impact sur la problématique soulevée.

En fait, on oublie un élément essentiel dans ce texte: le filtrage des réseaux sociaux est davantage la conséquence directe de la demande de certains parents ou organismes les représentant. En effet, l'école doit s'assurer de bloquer certains sites dont le caractère éducatif ne semble pas évident à leurs yeux et les réseaux sociaux en font partie, surtout qu'avec Youtube et Facebook, ils permettent l'accès indirect à du contenu offensant ou pornographique. À cet égard, on aurait gagné à pousser un peu plus loin le travail de recherche journalistique et d'analyse plutôt qu'à toujours blâmer les profs pour ce qui ne marche pas.

Les jeunes: tous des virtuoses des NTIC

Dans un autre texte, on écrit: «Alors que les jeunes sont très à l'aise avec les nouvelles technologies, les écoles québécoises et les enseignants, eux, sont très en retard par rapport à leurs élèves.»

Ici, on véhicule encore une fois un lieu commun dangereux. Étant enseignant dans un projet où chaque élève est muni d'un portable, j'avais dans ma classe en début d'année des jeunes sans adresse de courriel personnelle ou qui ne savaient pas attacher un fichier à leur envoi. Très à l'aise? Pas tous.

Ensuite, que signifie «très à l'aise»? Quand je regarde la qualité des recherches que certains élèves font sur Internet, je me dis qu'on est souvent aveuglés par l'éclat de fausses illusions. À quoi sert d'être très à l'aise avec Google si on sait pas lire et comprendre le sens des mots à l'écran?

Les profs: ces incompétents notoires

Là où je suis choqué est la façon dont on décrit les enseignants. On relève au moins à quatre reprises le fait que ceux-ci ne maitrisent pas les NTIC. Or, ce n'est qu'à la toute fin de cet article qu'on apprend le fait suivant: «51,2 % des enseignants du secondaire n'ont pas une «maîtrise suffisante» des nouvelles technologies pour les intégrer dans leur enseignement.» On est loin des affirmations généralisatrices répétées par ce journaliste. De plus, sur quoi s'est-on basé pour parvenir à un tel constat?

C'est comme lorsqu'on écrit que «62,1 % des enseignants avouent n'utiliser qu'une «minorité» des applications de télécommunication des nouvelles technologies, comme la correspondance, les échanges et les forums.» Peut-on mettre ce pourcentage en lien avec les deux faits suivants?
1- 32,8 % des ordinateurs installés dans les écoles secondaires ne sont pas reliés à Internet.
2- 52,7 % des ordinateurs ne sont pas aptes à l'utilisation performante de multimédia.
Comment les enseignants peuvent-ils utiliser les NTIC si on ne leur donne pas les moyens de le faire? C'est «tivident», comme dirait l'au
tre.

Je ne nierai pas le fait que des collègues aient une maitrise insuffisante de l'ordinateur, mais peut-on dépasser le stade du simple constat et s'interroger sur les raisons expliquant cette situation?

Combien retrouve-t-on d'enseignants par ordinateur au Québec? Alors que leur tâche leur demande souvent de se promener d'un local à l'autre, combien d'enseignants ont accès à un ordinateur portable et un réseau sans fil fiable? Saviez-vous que, dans certaines commissions scolaires, la maintenance de ce réseau se fait durant les heures de classe? Et puis, combien de journées de formation reliée aux NTIC donne-t-on par année à chaque enseignant? Quand je pense au fric et au temps qu'on perd dans des formations bidon, j'en rage.

Dans un tel contexte, a-t-on le droit de demander à tous les enseignants une maitrise suffisante des NTIC alors que le système dans lequel ils évoluent leur démontre le peu de pertinence qu'on leur accorde? On sait qu'un nombre important de décideurs scolaires (commissaires, directeurs, cadres...) ont un accès institutionnel aux nouvelles technologies. Le problème, encore une fois, est que celles-ci ne descendent pas dans nos classes.

La manque de maitrise des NTIC de la part de certains enseignants n'est pas scandaleux. C'est le système qui engendre cette situation qu'on se doit questionner. Et les deux textes du JdeM ne le font malheureusement pas.

Belle chronique de Jean-Simon Gagné

Belle chronique de Jean-Simon Gagné dans Le Soleil ce matin. On peut aimer ou pas le style de ce rédacteur qui voisine celui de l'école primaire, semble-t-il, ses fréquents recours à l'anecdote ou à la citation, mais le monsieur me parle. On a eu les mêmes profs, on a souvent les mêmes idées.

Aujourd'hui, M. Gagné s'intéresse à la récente campagne sur le décrochage scolaire du MELS. Quelques extraits savoureux:

- L'argent? Les filles? Les 105 paires d'espadrilles? C'est donc ça, nos arguments massue pour convaincre les gars de rester à l'école? Si on était méchant, on persiflerait que les mêmes arguments pourraient servir à recruter des joueurs de hockey professionnel. Ou les membres d'un gang de motards...

- Je ne veux pas vous embêter avec des analyses à la noix, du genre Clotaire Rapaille des pauvres. Mais entre les campagnes de pub québécoise et américaine, il y a un monde. La première utilise l'école pour faire la promotion de l'argent. La seconde utilise l'argent, en l'occurrence des millionnaires du sport, pour faire la promotion de l'école. La première évite de valoriser la connaissance. La seconde essaye de maintenir allumée la petite flamme. Com me le pilote dans un poêle à gaz.


École digne d'une société de consommation. Voilà le problème.