11 octobre 2019

École : du plomb dans l’aile, du plomb dans l’eau (ajout)

On savait tous que l’école québécoise avait du plomb dans l’aile. Par contre, avant la semaine dernière, peu savait qu’elle avait aussi du plomb dans l’eau. 

Pourtant, ce phénomène est connu de certains intervenants en la matière depuis bien des années, ce qui n’a pas empêché nos décideurs publics de ne rien faire. Pas plus tard qu’en février 2019, dans un avis de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), on s’inquiétait du niveau de plomb dans l’eau des écoles et des garderies du Québec. Cette substance, un neurotoxique puissant, peut affecter le quotient intellectuel des enfants. Dans certains cas, elle pourrait aussi augmenter les risques de développer un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Dans les faits, toute exposition au plomb, peu importe le taux, est considérée dangereuse.

D’après ce rapport de l'INSPQ, entre 2013 et 2016, 15 des 436 établissements scolaires testés présentaient un taux de plomb dépassant la norme provinciale de 10 microgrammes par litre, certaines écoles atteignant parfois jusqu’à 350 microgrammes par litre, soit 35 fois la norme permise. La situation serait plus préoccupante pour les établissements construits avant 1975 et le portrait de cette situation serait évidemment pire encore si on appliquait la norme fédérale qui est de 5 microgrammes par litre.

En juillet 2019, différents médias rapportaient enfin de larges pans de ce rapport. En réaction à ces informations, le premier ministre du Québec, François Legault, jugeait la «situation préoccupante» et mandatait ses ministres de la Santé et de l’Éducation pour qu’ils suivent « de très près la situation dans les écoles concernées.»

Il aura cependant fallu une nouvelle série d’articles en collaboration avec l'Université de Montréal pour que le gouvernement québécois se décide enfin à bouger la semaine dernière. Dans le cadre de cette enquête, on apprenait alors que l'eau d'une fontaine testée sur six dépassait la norme fédérale.

Dorénavant, l’eau de toutes les écoles et garderies du Québec sera testée. On pourrait se satisfaire de cette réponse gouvernementale si on ne prêtait pas attention aux propos de différents chercheurs universitaires, dont l’experte de la question du plomb dans l’eau potable, Michèle Prévost. En effet, cette dernière doute de la validité des tests qu’on s’apprête à effectuer dans les écoles et les garderies. Rien ne garantit, par exemple, que ce seront toutes les fontaines où s’abreuvent les jeunes qui seront testées. De plus, la nature du test elle-même serait insuffisante. «Faire couler l’eau cinq minutes, c’est la façon parfaite de cacher le problème, de le minimiser. Moi qui pensais que Québec avait enfin compris», dit celle qu’on décrit comme une sommité mondiale en la matière. À cet égard, il est paradoxal que, pour des raisons environnementales, l'école québécoise incite les jeunes et son personnel à ne plus consommer de l'eau en bouteille alors qu'elle semblerait incapable d'assurer une qualité d'eau saine.

Tous ces faits m’amènent, pour l’instant, à être inquiet quant à ma santé et celle des élèves que j’ai côtoyés. Je serais rassuré si on mettait de l’avant des mesures plus efficaces et pertinentes concernant cette situation. 

Je me souviens des premières années où des enseignants et des parents dénonçaient la présence d’amiante dans nos écoles. On accordait peu d’importance à leurs doléances et ce, c’était quand on ne les tournait pas en ridicule. Aujourd’hui, le Québec est devant une situation semblable et j’ai peur que nous n’apprenions rien du passé et de la science.

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On apprenait mercredi que le gouvernement Legault a décidé que les tests concernant le plomb dans l'eau des écoles et des garderies seront faits en respectant les normes canadiennes.

«L’Ontario l’a fait en quatre ans, le Nouveau-Brunswick en un an. On va essayer de le faire en moins d’un an, a-t-il avancé. Et après, on va corriger les situations. […] On sera transparents.», a déclaré le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge.

Huit longs mois. Je veux bien comparer avec d'autres provinces mais je ne comprends pas que ce soit si long. De mémoire, le ministre a été bien plus incisif quand ce fut le temps d'allonger le temps des récréation. Et je vous rappelle que cette situation est connue depuis au moins février 2019, si ce n'est pas avant. Si le gouvernement avait été plus pro-actif, ce dossier serait déjà réglé.

Disons qu'au minimum, on peut espérer que cette situation sera réglée pour la santé de tous.



    

02 octobre 2019

Projet de loi 40: point de vue d'un enseignant

Le projet de loi 40 déposé mardi par le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, ne concerne pas que la gouvernance scolaire. Il s'intéresse aussi au statut de l'enseignant et à la reconnaissance de celui-ci.

Ainsi, à l'article 19 de la Loi sur l'instruction publique (LIP), le ministre veut ajouter que l'enseignant est un individu «possédant une expertise essentielle en pédagogie». Le hic est que cette reconnaissance s'arrête à ce seul article.  En effet, il suffit de lire un certain nombre de modifications ou d'ajouts que le ministre veut apporter à la loi actuelle pour s'en convaincre. 

La formation continue 

Par exemple, à l'article 456 qui traite de l'autorisation d'enseigner, le ministre se 
donne le pouvoir d'établir par le biais d'un simple règlement «les obligations de formation continue des titulaires d’une autorisation d’enseigner, les modes de contrôle, de supervision ou d’évaluation de ces obligations, les sanctions découlant du défaut de s’y conformer et, le cas échéant, les cas de dispense.»

C'est un peu comme si le ministre croyait que les enseignants du Québec ne faisaient aucune formation continue dans nos écoles. L'affirmation, dans le projet de loi 40, que les enseignants possèdent «une expertise essentielle en pédagogie» en prend tout un coup. Sait-il que bien des commissions scolaires obligent les enseignants à se doter d'un plan annuel de formation? Rien que l'année dernière, j'ai suivi plus de 15 heures de formation officielle donnée par mon école ou ma commission scolaire. Et on ne parle pas de la formation informelle, les lectures ainsi que les recherches touchant le contenu disciplinaire ou pédagogique.

À toutes fins pratiques, le ministre se substitue en partie à un ordre professionnel. Quand aura lieu cette formation? Auprès de qui? Sur quels sujets? Correspondra-t-elle aux besoins réels des enseignants? Sera-t-elle reconnue financièrement? Et qui la paiera?

La modification des notes

Ici aussi, la reconnaissance de l'«expertise essentielle en pédagogie» des enseignants ne se traduit pas dans les faits et le ministre contredit même ce qu'il énonçait il y a quelques mois à peine. Qu'on pense à l'ajout à l'article 96.15 de l'alinéa suivant:  

«Les normes et modalités d’évaluation des apprentissages visées au paragraphe 4° du premier alinéa ne peuvent avoir pour effet de permettre la majoration automatique d’un résultat. Elles peuvent toutefois permettre exceptionnellement au directeur de l’école, après consultation de l’enseignant, de majorer le résultat d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire. ».

Une direction d'école pourra donc toujours modifier les résultats d'un élève sans tenir compte de l'avis professionnel d'un enseignant. Cela va à l'encontre du «signal clair venant d'en haut» que le ministre Roberge disait envoyer contre le gonflement des notes en avril 2019 lorsqu'il affirmait:  «Ça sera beaucoup plus cohérent lorsque je rappellerai au réseau de respecter le jugement professionnel des enseignants et de ne pas gonfler les notes parce que j’aurai fait la même chose.»  

On comprend donc que l'évaluation ne sera toujours pas le domaine exclusif de l'enseignant et que certains conseillers pédagogiques ou directeurs d’école continueront à s’immiscer dans l’évaluation des élèves. Bref, on continuera de retrouver dans des classes de troisième secondaire des élèves qui n'ont pas réussi leur cours de français ou de mathématique depuis la sixième année du primaire.