17 novembre 2019

Quand un Parent se mêle d'éducation

Qu'un chroniqueur généraliste montre son incompétence quand il aborde un sujet relié à l'éducation me choque toujours. Pourquoi? Tout simplement parce que je comprends mal qu'on accepte de laisser un néophyte aborder un thème aussi spécialisé et important pour notre société. Après tout, on confie la couverture du monde de l'économie à des analystes financiers, pas à un chroniqueur sportif ou à un météorologue. C'est un peu comme si on laissait un commentateur sportif parler d'immigration...

Mais quand je vois un chroniqueur spécialisé en éducation errer dans son analyse, là, je fulmine. Et le dernier en lice est Réjean Parent, dans le Journal de Montréal. Ce qui est encore plus choquant est que M. Parent a longtemps été président d'une centrale syndicale.

On peut être pour la réussite de tous les élèves, comme le préconise M. Parent. Mais ce dernier semble très mal comprendre tout le débat autour de l'article 96.15 du projet de loi 40 autorisant la direction d'une école après consultation de l'enseignant concerné. Voici ce que dit cet article:

«Les normes et modalités d’évaluation des apprentissages visées au paragraphe 4° du premier alinéa ne peuvent avoir pour effet de permettre la majoration automatique d’un résultat. Elles peuvent toutefois permettre exceptionnellement au directeur de l’école, après consultation de l’enseignant, de majorer le résultat d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire. ».

Voici maintenant ce qu'en dit M. Parent dans son analyse:

«De même pour les syndicats qui se scandalisent que leurs membres soient invités par la direction d’établissement à rehausser la note lorsqu’elle se situe près du seuil de réussite. Les représentants syndicaux devraient plutôt y voir un effort pour amener l’élève plus loin dans son parcours.»

Tout d'abord, la réalité n'est pas que les enseignants seraient «invités» à augmenter la note d'un élève: on pourrait non seulement les y contraindre mais modifier celle-ci sans même leur consentement. Un beau matin, un enseignant pourrait regarder les notes de son groupe et voir certains résultats modifiés sans qu'il y ait touchés.  On est loin de l'invitation polie. On est davantage dans un geste de déni de l'expertise professionnelle de l'enseignant. Qu'un ancien syndicaliste ne comprenne pas cela est consternant.

Comme si on n'avait pas déjà assez du ministre de l'Éducation actuel pour remettre en question la compétence des enseignants, voilà que M. Parent en rajoute une couche en citant une étude du professeur américain Alfie Kohn qui indique qu'on doit «retarder le plus longtemps possible le moment où une note doit être mise sur les performances de l’élève et à s’assurer qu’elle ne lui soit pas nuisible. Estime de soi et motivation sont pour l’élève des piliers de la réussite que l’enseignant devrait s’imposer comme préoccupation constante.»

Comme si tous les enseignants du Québec se plaisaient à évaluer les élèves au mauvais moment ou à leur nuire sciemment! Très souvent, M. Parent devrait se le rappeler, les moments d'évaluation les plus importants dans le parcours scolaire d'un élève ne sont pas décidés par les enseignants mais bien par le ministère de l'Éducation, la commission scolaire ou l'école. Il s'agit d'une contrainte qui leur est imposée.

M. Parent associe ces modifications de notes à un effort «pour amener l'élève plus loin dans son parcours». On peut se demander ici si l'ancien président de la CSQ ne subordonne pas la «réussite» scolaire à l'acquisition véritable de savoirs et de compétences.  Il est ironique de voir ce dernier indiquer que «le jugement professionnel [des enseignants] devrait surpasser la statistique des tests!» alors qu'il semble prendre les enseignants pour des demeurés pédagogiques.

Là cependant où M. Parent se surpasse est lorsqu'il écrit «Encore plus triste de faire échouer un élève à un point sous la barre du 60 % quand on sait que, chez les voisins ontariens, le seuil est à 50 %» alors que, quelques lignes plus haut, il rappelle l'importance des «données probantes». 

Quelqu'un pourrait-il lui rappeler qu'il est méthodologiquement incorrect de comparer deux seuils de réussite de la sorte alors qu'ils s'appliquent à des programmes de formation et à des réalités scolaires aussi différentes? Rien n'indique qu'un 50% ontarien équivaut à un 50% québécois et vice versa. 

L'argument invoqué par M. Parent n'a aucune valeur. En effet, un seuil de réussite élevé ne signifie pas automatiquement qu'on soit plus exigeant envers les élèves. N'importe quel enseignant peut vous expliquer qu'il est facile de créer un examen qui sera réussi (à 60 %) par à peine la moitié de ses élèves une semaine et un autre portant sur la même matière qui sera réussi par à peu près tous la semaine suivante.

Un pourcentage de réussite indique la proportion des élèves ayant répondu à certaines attentes en ce qui a trait à une évaluation, mais ne garantit en rien que cette évaluation soit exigeante. Par conséquent, une note de passage n'est qu'une note et n'a de signification réelle que quand on regarde les exigences auxquelles les élèves sont confrontés. Ainsi, si la note de passage n'est que de 50 % en Ontario, mais que les examens y sont beaucoup plus difficiles que ceux au Québec, la comparaison en apparence favorable à la Belle province n'a plus aucune valeur.

Lorsque, pour des raisons politiques dans les années 1980, on a voulu montrer qu'on était plus exigeants dans nos écoles québécoises, on a décidé de hausser le seuil de réussite de 50 à 60 %, il a fallu seulement un an pour que tout le monde de l'éducation s'ajuste à celui-ci. Les élèves sont-ils alors devenus soudainement meilleurs? Si oui, qu'attend-on aujourd'hui pour le hausser à 70, ou même à 80 %? Dans les faits, on comprend bien que ce sont les exigences qui ont été revues à la baisse et que ce seuil est bien relatif.

M. Parent aime bien donner des leçons. Encore faut-il que ce qu'il enseigne soit fondé et exact.





15 novembre 2019

PL 40: la supposée autonomie des directions d'école

Un des objectifs du projet de loi 40 modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique relativement à l'organisation et à la gouvernance scolaire est de conférer plus d'autonomie aux écoles. Quand on rebaptise les commissions scolaires en les appelant maintenant des «centres de services», on s'imagine que ces dernières deviendront de simples fournisseurs de ressources matérielles et humaines mis à la disposition de directions d'écoles fortes et autonomes.

Or, quand on y réfléchit quelques instants, ce n'est pas tout à fait le cas. En effet, qui nommera les directions d'école dans un tel système? qui encadrera réellement leur performance? qui pourra déterminera leur nomination d'une école à une autre? qui sera responsable de leur congédiement, si nécessaire? Réponse; les pseudo centres de services dont les pouvoirs et l'autorité exercée sur les directeurs d'école resteront identiques à ceux de la situation actuelle.

Les CS nommeront donc à la direction de ces supposées écoles plus autonomes des individus qui correspondront au profil managérial qu'ils attendent. Par conséquent, comment peut-on croire qu'un directeur d'école voudra ou même pourra bénéficier d'une marge d'autonomie et d'un marge d'esprit critique suffisant pour remettre en question les pratiques administratives et pédagogiques déterminées par le CS? Qui relève de qui dans une telle organisation?

Il se peut que je saisisse mal toute cette nouvelle dynamique qui se mettra bientôt en branle. Si je comprends très bien l'attitude très «accueillante» des cadres scolaires qui ne voient pas leurs postes menacés, jouiront de pouvoirs plus importants et seront débarrassés des élus scolaires (des emmerdeurs patentés, aux yeux de certains), l'enthousiasme à peine dissimulé des représentants des directions d'école me fait douter de mon analyse. Quels pouvoirs réels ces derniers gagneront-ils?  Y a-t-il des choses que je ne comprenne pas ou qui demeurent cachées pour l'instant?

Chose certaine, le PL 40 est très loin des premières ébauches que la CAQ avait faites en éducation. On se rappellera, par exemple, que MM Roberge et Legault proposait alors de donner un droit d'embauche complet aux directions d'école.







09 novembre 2019

Projet de loi 40: l'épitre du Cardinal

François Cardinal, de La Presse, signe un éditorial pour le moins douteux sur le projet de loi 40 ce matin. Douteux pour diverses raisons que j'énoncerai ici.

Un ministre enseignant n'est pas un gage de compétence en éducation

M. Cardinal présente celui qui propose ce projet de loi, l'actuel ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, en affirmant qu'il «sait de quoi il parle» parce qu'il a oeuvré dans ce domaine. Or, ce n'est pas parce que M. Roberge a été enseignant pendant 17 ans qu'il connait le fonctionnement d'un réseau scolaire et qu'il est automatiquement apte à diriger le MEES.  On a vu ce que des ministres pourtant médecins ont fait du réseau de la santé. On devrait juger M. Roberge en tenant compte de ce qu'il dit, de ce qu'il écrit et de ce qu'il fait. De grands ministres de l'Éducation n'ont jamais été enseignants, mais ils ont su écouter et s'entourer d'une équipe leur permettant de marquer l'histoire de ce ministère.

Dans certains dossiers, M. Roberge a pris des mesures courageuses, notamment en ce qui a trait aux écoles dites religieuses. Par contre, il suffit d'analyser le projet de loi 40 pour comprendre à quel point sa vision de l'éducation est réductrice et sa vison des enseignants pire encore.

Par ailleurs, divers intervenants en éducation que je connais et qui ont eu affaire à M. Roberge (et même des membres de son propre parti) m'ont partagé le sentiment qu'il manifeste, dans certains dossiers, une attitude problématique. On n'a qu'à penser à son refus de reconnaitre s'être trompé en payant des intervenants provenant de l'extérieur du Québec lors de la commission parlementaire sur les maternelles quatre ans.

M. Roberge aime avoir raison. Il est persuadé de posséder toutes les bonnes solutions et écoute peu les idées contraires aux siennes. Mais peut-il en être autrement quand son premier ministre n'a de cesse de le présenter comme un Sauveur? Autour de moi, on dit même qu'on est manifestement devant un clone de M. Jolin-Barrette et que le ministre, s'il ne corrige pas son attitude, connaitra le même sort que son confrère.

La fameuse anecdote des dictionnaires

M. Roberge cite souvent cette anecdote des dictionnaires que rapporte ici M. Cardinal sans plus de nuance. Il se souvient qu'une enveloppe budgétaire «fermée» l'avait empêché d'acheter des dictionnaires alors qu'il estimait en avoir besoin pour ses élèves.  Il faudrait préciser que, contrairement à ce qu'écrit M. Cardinal,  l'usage de ces enveloppes budgétaires est rarement décidée par les commissions scolaires, mais bien par le ministère que dirige aujourd'hui M. Roberge. On parle alors de mesures «protégées» qui ne peuvent être transférées à un autre poste budgétaire.

Cette anecdote relevant d'un discours politique populiste m'a toujours fasciné pour trois raisons. La première est qu'on peut se demander si le ministre actuel est contre les règles de gestion comptable que son propre ministère impose aux commissions scolaires et aux écoles. Suivant sa logique administrative, dès sa nomination, il aurait dû abolir ces règles et laisser les écoles dépenser les sommes qu'on leur octroie comme bon leur semble. Or, il n'a posé aucun geste en ce sens.

La seconde est la fin de l'anecdote où l'on apprend que les somme que convoitait le futur ministre pour acheter des dictionnaires avaient été dépensées en clés USB inutiles. M. Roberge réalise-t-il qu'il fait ainsi la preuve que, lorsqu'on laisse aux écoles le soin de dépenser des budgets, elles ne le font nécessairement avec sagesse? Or, ce sont à ces mêmes écoles qu'il entend confier plus de pouvoirs, affirme-t-il, avec le projet de loi 40.

La troisième est que le ministre, en pleine période de surplus budgétaire, n'a posé aucun geste afin de mettre un terme à la rareté des dictionnaires et des grammaires qu'il a été à même de constater dans nos écoles comme enseignant. Au contraire, il a reconduit des sommes importantes pour l'achat massif de matériel informatique pédagogique, une mesure sur laquelle on devrait se questionner fortement.

Une fausse autonomie

Mais il n'y a pas que M. Roberge qui manque d'analyse logique. M. Cardinal répète exactement la même erreur de croire qu'une école plus autonome serait nécessairement plus compétente. L'éditorialiste de La Presse montre plus loin dans son texte sa compréhension inexacte du projet de loi 40 quand il écrit:

«C'est là que le mérite du projet de loi 40 se révèle : les écoles seraient tout simplement gouvernées par le conseil d’établissement, qui aurait le dernier mot sur le projet éducatif de l’école. Il pourrait ainsi statuer sur les orientations de l’établissement, les horaires, la grille-matières, les arts enseignés au primaire, etc.»

En effet, contrairement à ce qu'il affirme, avec ce projet de loi, le projet éducatif d'une école devra être cohérent, entre autres, avec les directives imposées par le ministre mais aussi avec les mesures de réussite décidées  par ce qu'on appelle paradoxalement (et de façon illogique) le centre de services auquel elle appartient. De même, il faut ne rien connaitre en ce qui a trait à la gestion du transport scolaire pour croire qu'une école peut décider seule de son horaire.

M. Cardinal ne semble pas d'ailleurs remarquer la propre contradiction de sa position quand il qualifie d'«irritant», plus loin dans son texte, le fait que le ministre concentre un nombre important de pouvoirs en déterminant «les cibles et les objectifs des centres de services ainsi que les exigences liées à leurs rapports annuels.» Notre éditorialiste, qui dénonçait le fait que les écoles actuelles ne sont que des succursales des commissions scolaires, ne semble pas réaliser que c'est exactement le même sort qui attend et les écoles et les centres de services: être des succursales relevant directement de l'autorité du ministre de l'Éducation.

Enfin, comment ne pas être consterné par la conclusion de ce texte qui montre une fois de plus la profonde incompréhension du débat actuel de son auteur?

«Cela dit, ne perdons pas de vue l’essentiel : le gouvernement élimine enfin la politique du réseau scolaire. Il réduit les risques d’excès et de dérapages bureaucratiques. Il limite le contrôle imposé d’en haut aux écoles. Et surtout, il abolit enfin des instances en crise de légitimité depuis trop d’années.»

Premièrement, le projet de loi 40 n'élimine pas «la politique du réseau scolaire»: il élimine des contre-pouvoirs, permettant ainsi au contraire au ministre d'exercer un plus grand contrôle politique sur le réseau scolaire québécois. Si on voulait éliminer la politique de réseau, on confierait un plus grand rôle aux professionnels qui y oeuvrent, ce qui n'est pas le cas, mais on s'assurerait aussi que les données scientifiques probantes occupent une plus grande place dans les décisions de tous les jours en éducation. À cet égard, on remarquera que le ministre Roberge est bien plus pressé d'éliminer les commissions scolaires que de présider à la création d'un centre d'excellence en éducation, pourtant une promesse de la CAQ.

Deuxièmement, ce projet de loi ne réduit pas «les risques d'excès et de dérapages bureaucratiques»: le ministère de l'Éducation continuera d'exercer un contrôle administratif et budgétaire à la fois sur les centres de services et les écoles. Aucun fonctionnaire ministériel, aucun cadre scolaire ne voit son emploi menacé. Les nombreuses rééditions de compte auxquelles les directions d'école doivent se livrer chaque année et relevant directement du ministère de l'Éducation ne seront pas magiquement abolies. Les seuls qui y goutent, dans les faits avec ce projet de loi,  sont les commissaires scolaires et les enseignants, comme si c'était eux les responsables de l'actuelle situation de l'éducation au Québec. Rien n'empêchera l'anecdote des dictionnaires de se reproduire.

Troisièmement, malgré les beaux discours, on le comprend bien, le contrôle «imposé d'en haut» aux écoles demeure: à cet égard, que cela plaise ou non, il est en partie nécessaire pour s'assurer de la coordination régionale de certains services.

Quatrièmement, le projet de loi ne fait pas qu'abolir des «instances en crise de légitimité». Il élimine un niveau démocratique qui embête depuis longtemps tous les ministres qui se sont succédé à l'Éducation, mais aussi tous les cadres scolaires qui croient ainsi pouvoir jouir illusoirement de plus de liberté.

En terminant, plus on connait le monde de l'éducation, plus on est déprimé de lire certains commentateurs de l'actualité, dont on publie les épitres comme si elles étaient des vérités. Avec le projet de loi 40, les écoles ne seront pas «libérées»: elles seront encore et toujours asservies, mais autrement.





04 novembre 2019

L’Ontario, elle l’a tu l’affaire!

Grosse nouvelle ce matin : l’Ontario interdit le cellulaire dans ses écoles. Tous les gérants d’estrades jubilent. Voilà un gouvernement qui s’intéresse aux vraies affaires et qui n’hésite pas à intervenir avec rigueur dans ses établissements scolaires. Qu’attend-on pour faire de même au Québec, province gouvernée par des pleutres à genoux devant des enfants-rois?

Euh… Et si on prenait le temps de regarder en quoi consiste cette interdiction, l’on découvrirait ceci :

«Les jeunes peuvent toutefois continuer à amener leur téléphone intelligent à l'école, par exemple pour l'utiliser sur l'heure du dîner ou à la récréation. 
Des exceptions sont prévues pour permettre aux élèves d'utiliser leur cellulaire en classe s'ils ont des besoins particuliers, pour des raisons de santé ou à des fins éducatives, sous la directive de l'enseignant.» 

On est donc loin d’une interdiction totale. Dans les faits, si on prend la peine de s’informer un peu, on découvrirait que bien des écoles primaires et secondaires du Québec appliquent déjà des mesures similaires à celles de l’Ontario concernant l’utilisation du cellulaire. En fait, toutes les écoles que je connais ont un règlement similaire. Elles vont même jusqu’à interdire la seule possession en classe. L’appareil doit demeurer au casier.

Bref, certains gagneraient à s’informer un peu avant d’avoir une opinion.

01 novembre 2019

Participes passés et futur très conditionnel

Après des débats enflammés sur le report de la fête de l’Halloween, voilà que le Québec s’embrase à nouveau. Cette fois-ci, c’est à propos d’une éventuelle réforme des accords des participes passés. Un débat stérile n’attend pas l’autre dans ce pays où l’on s’étourdit à force d’immobilisme. 

Au-delà des arguments des uns et des autres, des notions de respect de la langue et de discrimination sociolinguistique, le véritable problème, quant à moi, n’est pas de savoir s’il faut ou non mettre un «S» ici et là, mais bien de se questionner sur les véritables apprentissages effectués en grammaire par les jeunes qui fréquentent nos écoles.

Enseignant depuis 26 ans au secondaire, c’est toujours avec stupéfaction que je constate chaque année, peu importe le niveau où j’oeuvre, que j’ai dans mes classes un nombre important d’élèves incapables de repérer un sujet dans une phrase ou de distinguer un verbe à l’infinitif d’un participe passé. Alors, imaginez quand il est question de repérer un complément direct nécessaire (ou non) à l’accord d’un participe passé avec l’auxiliaire avoir. Ne croyez pas ici que je méprise ces jeunes. Au contraire, je les plains amèrement et leur ignorance souvent diplômée m’attriste.

Dans tout ce débat sur l’accord des participes passés, personne ne s’interroge sur les raisons qui expliquent ce que savent et surtout ne savent pas ces jeunes, personne ne remet en question les méthodes d’enseignement qu’on nous impose dans nos classes et surtout personne ne dénonce le laxisme des évaluations qui permettent à ces mêmes jeunes de faire une faute de grammaire ou d’orthographe aux 15 mots, leur permettant ainsi de réussir une évaluation ministérielle nécessaire à l’obtention du diplôme d’études secondaires.

Il est ironique de voir tant de gens proposer de réformer une grammaire dont nous manquons chaque jour cruellement d’exemplaires dans nos classes. Où sont-ils, ces savants simplificateurs du verbe et de sa forme participiale quand on dénonce une situation pourtant pas si complexe? Où sont-ils, ces vertueux apôtres de l’égalité des chances linguistiques quand on s’insurge contre le fait que l’école privée peut forcer des élèves à acheter un code grammatical alors que l’école publique laisse les jeunes qui lui sont confiés les mains vides?  

Nul besoin de simplifier la grammaire française. Au rythme où vont les choses, elle s’avérera tout bonnement inutile si on continue à s’étourdir de la sorte. Une grammaire pour chaque élève en tout temps. Voilà le premier objectif qui devrait animer tous ceux qui se vantent de défendre une langue  qu’ils devraient tourner sept fois dans leur bouche avant de la parler ou de l'écrire.