01 novembre 2019

Participes passés et futur très conditionnel

Après des débats enflammés sur le report de la fête de l’Halloween, voilà que le Québec s’embrase à nouveau. Cette fois-ci, c’est à propos d’une éventuelle réforme des accords des participes passés. Un débat stérile n’attend pas l’autre dans ce pays où l’on s’étourdit à force d’immobilisme. 

Au-delà des arguments des uns et des autres, des notions de respect de la langue et de discrimination sociolinguistique, le véritable problème, quant à moi, n’est pas de savoir s’il faut ou non mettre un «S» ici et là, mais bien de se questionner sur les véritables apprentissages effectués en grammaire par les jeunes qui fréquentent nos écoles.

Enseignant depuis 26 ans au secondaire, c’est toujours avec stupéfaction que je constate chaque année, peu importe le niveau où j’oeuvre, que j’ai dans mes classes un nombre important d’élèves incapables de repérer un sujet dans une phrase ou de distinguer un verbe à l’infinitif d’un participe passé. Alors, imaginez quand il est question de repérer un complément direct nécessaire (ou non) à l’accord d’un participe passé avec l’auxiliaire avoir. Ne croyez pas ici que je méprise ces jeunes. Au contraire, je les plains amèrement et leur ignorance souvent diplômée m’attriste.

Dans tout ce débat sur l’accord des participes passés, personne ne s’interroge sur les raisons qui expliquent ce que savent et surtout ne savent pas ces jeunes, personne ne remet en question les méthodes d’enseignement qu’on nous impose dans nos classes et surtout personne ne dénonce le laxisme des évaluations qui permettent à ces mêmes jeunes de faire une faute de grammaire ou d’orthographe aux 15 mots, leur permettant ainsi de réussir une évaluation ministérielle nécessaire à l’obtention du diplôme d’études secondaires.

Il est ironique de voir tant de gens proposer de réformer une grammaire dont nous manquons chaque jour cruellement d’exemplaires dans nos classes. Où sont-ils, ces savants simplificateurs du verbe et de sa forme participiale quand on dénonce une situation pourtant pas si complexe? Où sont-ils, ces vertueux apôtres de l’égalité des chances linguistiques quand on s’insurge contre le fait que l’école privée peut forcer des élèves à acheter un code grammatical alors que l’école publique laisse les jeunes qui lui sont confiés les mains vides?  

Nul besoin de simplifier la grammaire française. Au rythme où vont les choses, elle s’avérera tout bonnement inutile si on continue à s’étourdir de la sorte. Une grammaire pour chaque élève en tout temps. Voilà le premier objectif qui devrait animer tous ceux qui se vantent de défendre une langue  qu’ils devraient tourner sept fois dans leur bouche avant de la parler ou de l'écrire.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis entièrement d’accord avec vous.
Affectueusement, très affectueusement
Paola ;)

Anonyme a dit…

Très pertinent.

Isabelle a dit…

Seriez-vous d’accord avec l’idée que le participe passé soit une classe grammaticale à part entière?

Mariya a dit…

Merci

Anonyme a dit…

Bonjour. Je suis d'accord avec certains éléments de votre plaidoyer, en particulier lorsque vous dénoncez le laxisme dans l'évaluation. On devrait sans doute être plus exigeant, au secondaire, sur la maitrise de l'orthographe grammaticale: changer les critères d'évaluation pour envoyer le bon signal aux élèves. Par ailleurs, cela n'est pas incompatible avec une réforme du participe passé, qui a pour objectif de rendre ce système plus cohérent. Je publierai bientôt une lettre à ce sujet dans le Devoir. J'espère aussi vous rencontrer à l'AQPF bientôt, où je donnerai un atelier sur cette réforme.
Mario Désilets

Le professeur masqué a dit…

M. Désilets:

Effectivement, aucune incompatibilité. Mais on fait beaucoup de bruit pour simplifier des règles que les élèves ne pourraient jamais consulter car on manque de grammaires dans nos classes. C'est là, l'incohérence. On veut simplifier la grammaire mais elle ne sera pas plus accessible. :)