13 février 2021

Un bulletin pour le ministre Roberge ou le principe de Peter

Le 5 février était la date limite pour la remise des notes du premier bulletin pour bien des écoles. Pourquoi ne pas ne pas saisir cette occasion pour également évaluer notre ministre de l’Éducation?

 

Des mesures sanitaires insuffisantes

 

Même s’il n’en est pas le premier responsable, M. Roberge a accepté l’implantation de mesures sanitaires qui ont fait que les écoles québécoises, toute proportions gardées, ont connu trois fois plus d’éclosions que celles de l’Ontario. Ce dernier se garde bien de souligner une si triste réalité. Pour certains employés scolaires et parents, le ministre a été peu soucieux de la santé des gens dont il a la responsabilité. Si ce sont des risques que le premier ministre a dit lui-même assumer, la chose est d’autant plus facile quand on ne travaille pas dans une école ou que notre enfant ne fait pas partie d’une bulle regroupant 31 autres familles.

 

Dès la rentrée en septembre, des enseignants ont demandé le port du masque pour les élèves et une forme d’enseignement à distance afin de limiter le nombre de contacts dans les écoles. Deux mesures que le gouvernement a dû se résoudre à prendre par la suite. Combien d’éclosions aurait-on évitées si on avait mis immédiatement de l’avant ces mesures basées sur un simple principe de précaution? On ne le saura jamais. 

 

Des mesures pédagogiques tardives 

 

Sur trois points, au niveau pédagogique, le ministre Roberge a été à l’encontre de certains principes élémentaires en éducation.

 

Tout d’abord, il ne s’est pas assuré de mettre de l’avant des interventions précoces afin de limiter ou réduire les difficultés scolaires rencontrées par les jeunes et liées à la pandémie. Ce n’est qu’en février 2021 qu’il a annoncé un programme de tutorat alors que bien des enseignants demandaient des mesures d’aide dès la rentrée 2020-2021. Ce programme, présenté comme une mesure phare, est déjà critiqué parce que trop tardif mais également insuffisant. Les sommes consacrées à celui-ci feront qu’une fraction des élèves en difficulté recevront tout au plus une dizaine d’heures en petit groupe sous la supervision d’un adulte parfois en ligne et pas nécessairement qualifié.  On est loin des exigences pour qu’une telle mesure soit efficace selon les données probantes.

 

Ensuite, en ce qui a trait la pondération, on a compris que le ministre attendait de voir les résultats du premier bulletin pour dévoiler les changements qu’il comptait apporter à celle-ci. De plus, on note que celui-ci prend soin d’utiliser les chiffres qui l’arrangent en s’intéressant au taux de réussite et non pas aux notes des élèves. Un jeune qui passe de 81% en novembre 2019 à 62% en février 2021 est toujours en réussite. Faut-il s’en réjouir pour autant? Dans les faits, M. Roberge a ajusté son évaluation en fonction du résultat des élèves. Une pratique qu’il a lui-même dénoncée dans son livre «Et si on réinventait l’école?»  Là encore, ce n’est que six mois après la rentrée que le ministre a annoncé la véritable pondération de l’année. Déjà, dès décembre, de nombreux enseignants demandaient au ministre de dévoiler celle-ci afin d’éviter le décrochage chez des élèves qui se savaient en échec. Sur le terrain, ce n’est que cette semaine qu’on a enfin pu redonner de l’espoir à certains jeunes. 

 

Reste la question des savoirs essentiels. La liste définitive de ces derniers n’est arrivée qu’en février 2021, elle aussi. Le ministre aura beau indiquer que son ministère avait envoyé des premières indications à la rentrée, que valaient celles-ci aux yeux des enseignants quand ils savaient qu’on annonçait une nouvelle liste en cours d’année?

 

Pour toutes ces raisons objectives, le député de Chambly a perdu la confiance de bien des intervenants du réseau de l’éducation. Et, même si la question est délicate, certains traits de sa personnalité sont venus encore plus nuire à l’évaluation qu’on peut faire de son travail. Alors qu’il a tenté récemment de se présenter sous le jour d’«un gars ben ordinaire», le ministre est perçu, à tort ou à raison, comme un individu borné qui manque d’humilité. Son attitude, conjuguée aux nombreux retards de ses actions, fait qu’il lui reste peu de crédibilité. 

 

En bref, le ministre Roberge n’a pas su répondre à temps à ce que la situation demandait et à se poser en véritable leader en ce qui a trait à l’éducation au Québec. Il est l'illustration parfaite du principe de Peter où «tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence». Est-ce son ministère qui est trop lourd pour remplir les commandes qu’il lui donne? Est-ce lui qui ne réussit pas à le faire fonctionner ou à lui insuffler un dynamisme suffisant? Une performance semblable a valu une rétrogradation à l’ancienne ministre de la Santé, Danielle McCann. Pourtant, M. Legault, qui a déjà occupé cette fonction et qui doit bien connaitre les exigences reliées à celle-ci, le garde en poste. Pourquoi?

 

L’évaluation du «chef»

 

Tout d’abord, le ministre Roberge a mené à l’adoption du projet de loi 40 sur l’abolition des commissions scolaires et travaille à l’implantation des maternelles à quatre ans. Deux promesses électorales majeures du programme de la CAQ. De plus, le député de Chambly a un plaisir manifeste à inaugurer des projets de nouvelles écoles, ce qui fait la fierté du premier ministre. 

 

Il faut comprendre que MM Legault et Roberge ont une vision commune de l’éducation et que ce dernier a même été parmi les premiers partisans de la CAQ. Avant même la fondation officielle de ce parti, certains analystes sentaient bien qu’il serait le protégé de M. Legault au poste qu’il occupe actuellement.  

 

Ce n’est pas par hasard que, devant les difficultés que ce dernier a rencontrées, le premier ministre l’a délesté d’une partie de ses responsabilités (soit l’enseignement supérieur) et lui a envoyé de précieux conseillers.  

 

Bref, pour l’instant, pour le premier ministre, l’évaluation du ministre Roberge est positive. Celui-ci le sert très bien, d’autant plus qu’on a l’impression que cet enseignant est prêt à tout pour conserver son poste, même à jouer ce que des collègues appellent le rôle d’«enseignant de service» avec ses 17 années d’expérience. 

 

M. Roberge est donc l’homme du premier ministre, mais pas nécessairement celui dont le monde de l’éducation, les parents et les élèves ont véritablement besoin. Combien de temps M. Legault le gardera-t-il encore en poste? Tant et aussi longtemps qu’il ne nuira pas à son parti. Tant et aussi longtemps que les électeurs des comtés qui ont porté au pouvoir des députés de la CAQ ne manifesteront pas leur insatisfaction. Les récriminations des employés scolaires, des syndicats n’auront aucun effet sur M. Legault. De même, pour celles des analystes politiques dont le vote ne compte pas aux yeux de celui qui espère être réélu en 2022. 


On est bien loin des besoins des jeunes.

13 janvier 2021

La dernière gaffe du ministre Roberge

Lors de sa conférence de presse du vendredi 8 janvier dernier, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, indiquait, parmi certaines mesures, que les examens ministériels de cette année étaient annulés, que la remise du premier bulletin scolaire était reportée et que la valeur de celui-ci sur le bilan sommaire allait être modifiée. Tous les intervenants du monde de l’éducation s’attendaient alors qu’il annonce la nouvelle pondération 

Pas du tout! On a alors vaguement compris qu’il reviendra sur ce sujet un jour. Ce silence est d’autant plus consternant que, depuis des semaines, des voix se font entendre dans le réseau de l’éducation, chercheurs universitaires, directions d’école comme enseignants, pour que le ministre change la valeur du premier bulletin, la jugeant trop élevée à 50% de la note finale. Il est inconcevable que le ministre n’ait pas encore véritablement répondu à cette demande alors que la moitié de l’année scolaire est complétée. Si l’on veut qu’un jeune s’engage dans sa réussite, il y a un principe connu de tous qui veut qu’il doive être informé de la valeur de chaque évaluation ou examen auquel on le soumet.

 

On peut s’interroger sur les qualités de pédagogue de notre ministre. Déjà, il a pris trop de temps pour réagir quant aux résultats scolaires des jeunes. Un des principes importants du programme de formation québécois est qu’un enseignant ne doit pas attendre qu’un élève soit en échec afin de l’aider à mieux réussir. Une intervention précoce est en effet bien efficace. Depuis novembre, dans le réseau, on a indiqué à M. Roberge qu’il fallait des ressources pédagogiques supplémentaires si on voulait éviter une catastrophe. Sa réponse n’est venue que la semaine dernière.  En plus d’être tardive, celle-ci est si faible et si incomplète qu’on se demande si les mesures annoncées arriveront à sauver la présente année scolaire.  

 

Maintenant, c’est au ministre d’agir et de donner un peu d’espoir à nos élèves qui savent qu’ils sont déjà en échec au premier bulletin avec la pondération actuelle. S’ils tirent de l’arrière, la partie n’est cependant pas encore terminée. Ils doivent apprendre de sa bouche le plus rapidement possible, pas dans un mois, pas dans deux semaines mais dès la semaine prochaine, quelle valeur aura chacun des deux bulletins de l’année. Ils doivent savoir qu’ils auront une chance de se reprendre et de pouvoir compléter leur année avec succès s’ils s’y mettent vraiment. 

 

Il est temps de le dire : nos élèves sont fatigués qu’on se comporte avec eux comme s’il s’agissait de vulgaires yoyos. Depuis le mois de septembre, on les bardasse sans arrêt. Nos élèves ont besoin de bienvaillance, d’aide, d’espoir, de motivation. 

 

M. Roberge a bâclé la dernière année scolaire en parlant de «vacances» aux élèves. Par la suite, il a été incapable de les convaincre de travailler avec sérieux et de donner aux enseignants les outils et les moyens pour intervenir auprès de leurs élèves. Pour leur réussite, il ne doit pas refaire une aussi grosse erreur une deuxième fois. Il est temps d’être un véritable leader et d’agir au bon moment. Maintenant.

 

03 janvier 2021

Échec scolaire des jeunes : un ministre toujours en retard

 Alors que l’école reprend de façon virtuelle cette semaine prochaine, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, dit qu’il attendra les résultats du premier bulletin prévu le 22 janvier avant d’évaluer s’il doit revoir ou non son plan de match quant aux apprentissages des jeunes Québécois. «Pas d’information, pas de décision», affirme le député de Chambly dont les formules choc peinent à masquer le fait qu’il soit complètement dépassé par la situation actuelle. En somme, c’est un peu comme si le gouvernement avait attendu en mars 2020 que chaque Québécois se fasse tester avant d’agir.  

 

Toujours attendre

 

Si on se fie au cours normal des choses en éducation, il faudra des semaines avant que des décisions soient prises à la suite de ce premier bulletin et des mois avant que des effets concrets soient ressentis sur le terrain. Et comme nous serons déjà presqu’à la fin janvier quand le ministre prendra la pleine mesure de la situation actuelle, aussi bien dire que ce sont encore une fois les enseignants qui tenteront de sauver l’année scolaire de leurs élèves avec le peu de moyens nouveaux mis à leur disposition cette année. À moins bien sûr qu’on fasse passer tout le monde… comme en juin dernier.

 

On comprend mal que quelqu’un qui a été enseignant pendant 17 ans attende que ses élèves reçoivent un bulletin d’ores et déjà annoncé comme catastrophique pour agir. Une pédagogie efficace n’est-elle pas celle qui demande d’être pro-actif et de travailler à la réussite des élèves au lieu d’attendre bêtement qu’ils aient échoué? Des milliers d’enseignants sont à même de constater que la situation est au plus mal dans nos écoles et que des mesures immédiates sont nécessaires. Mais le ministre sera une fois plus en retard. Comme c’est son habitude.

 

En avril comme en janvier

 

Après avoir évoqué des «vacances» en mars dernier, le ministre Roberge a été incapable de corriger ce message désastreux et bien des élèves ont décidé que l’année scolaire était finie. De toute façon, pourquoi auraient-ils fait des efforts alors que le plan de retour en classe d’avril 2020 était parmi les moins élaborés au Canada? Par exemple, alors que l’Ontario plaçait des commandes pour des dizaines de milliers d’appareils électroniques, M. Roberge est demeuré trop longtemps inactif, laissant ainsi le champ libre à tous les autres gouvernements provinciaux 

 

En aout 2020, comparé à notre province voisine, le plan de retour en classe de M. Roberge avait des allures de devoir incomplet alors que le gouvernement Ford allait de l’avant avec le masque obligatoire, l’école virtuelle au choix des parents, des classes à effectif réduit, des investissements en ventilation, etc. A quoi a travaillé le ministre pendant l’été? On se le demande. 

 

Et comme une mauvaise idée ne vient pas seule, le report du premier bulletin, qui semblait à prime abord intéressant, s’avère aussi une erreur. À moins d’un changement, des jeunes seront dans l’impossibilité de réussir leur année scolaire avec une première note qui vaudra 50% de l’année. Depuis des semaines déjà, dans le réseau, des voix demandent que celui-ci soit ramené à 40% afin de permettre aux élèves, qui ont un retard scolaire de plusieurs mois, d’avoir une chance de se rattraper. Y a-t-il des oreilles au ministère pour écouter ceux qui oeuvrent sur le terrain? On en doute. Doit-on encore attendre que la situation soit désespérée pour enfin réagir?

 

Dans les faits, je vois mal, dans mes classes de troisième secondaire, comment des élèves, qui ont été promu en deuxième secondaire en 2019-2020 alors qu’ils étaient en échec en première secondaire, pourront réussir leur année actuelle alors qu’ils ont déjà manqué quatre mois de classe au printemps dernier? Malgré leurs efforts et les miens, on leur demande tout simplement l’impossible.

 

Dans les classes, on cherche les renforts dont le ministre se vantait en début d’année scolaire. Où sont-ils? M. Roberge invoque maintenant une pénurie dans le réseau scolaire pour expliquer cette absence. Alors, pourquoi avoir évoqué des ressources supplémentaires s’il sait qu’elles sont inexistantes?  De plus, qu’a-t-il fait concrètement depuis sa nomination pour contrer le manque de personnel? Jamais on ne l’a vu proposer de meilleures conditions de travail pour ceux qui oeuvrent en éducation. Son plan «Je réponds présent» pour ramener des retraités dans nos écoles québécoises en aurait attiré 300 au lieu des 800 qu’il prévoyait. Et on ne parle pas des orthopédagogues et autres professionnels qu’on cherche à embaucher et qui n’existent tout simplement pas.

 

De plus, si les élèves ne retournent pas en classe en janvier, on manquera d’appareils électroniques dans les écoles primaires. Dans le réseau scolaire, cette situation est connue depuis le mois de septembre. La fameuse «garantie Roberge» à l’effet que tous les jeunes auront accès à un ordinateur ou une tablette aura finalement autant de valeur qu’une promesse électorale. Mais on peut parier que le ministre invoquera à nouveau le principe de «subsidiarité» pour éviter d’assumer les responsabilités qui lui reviennent pourtant. C’est à lui de donner aux centres scolaires des objectifs réalisables et d’en assurer un suivi rigoureux. Comme ministre, il est redevable des fonctionnaires sous sa gouverne, un principe parlementaire élémentaire qu’il semble ignorer. Au cours de l’histoire, plusieurs ministres ont été démis de leurs fonctions pour moins que ça. 

 

Manifestement, à la lumière de tous ces faits, le ministre Roberge ne semble pas avoir réalisé l’ampleur du défi qui se présentait à lui et on comprend encore mal aujourd’hui que le Premier ministre Legault ne l’ait pas remplacé en juin dernier. Bien sûr, on peut pointer du doigt certains élèves qui ne fournissent pas les efforts nécessaires à leur réussite. Bien sûr, certains parents n’encadrent pas leurs enfants avec sérieux. Bien sûr, certains enseignants pourraient en faire davantage, bien qu’autour de moi je ne vois que des collègues exténués. Mais il manque actuellement en éducation un leader crédible et efficace si on veut redresser la situation actuelle et espérer sauver la présente année scolaire. 

 

 

 

 

 

 

Les bulles à l’école : une formule sur le point d’éclater

Ceux qui qualifient de succès le fameux système de bulles du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, ne semblent pas constater qu’avec des mesures aussi faibles et qu’il a fallu constamment resserrer au fil du temps, les écoles québécoises connaissaient au 22 décembre dernier  5592 cas actifs comparativement à 1844 pour l’Ontario, qui a pourtant un bien plus grand nombre d’élèves.  

 

Depuis le début de la pandémie, c’est plus de 17 000 élèves et 4000 membres du personnel qui ont contracté la covid dans le réseau de l’éducation. À la veille des vacances des Fêtes, le Québec comptait 1503 groupes en isolement, le plus grand nombre depuis la rentrée. Les écoles québécoises occupent même la deuxième place parmi les lieux les plus propices à des éclosions, passant devant les milieux de vie et de soins. Plus de 26% des éclosions de COVID-19 se trouvent dans les écoles et celles-ci sont même devenues le principal facteur de la transmission communautaire du virus à Montréal.

 

Et cela, c’est sans parler de la qualité de l’air et de la ventilation dans nos écoles. Le fameux rapport sur cette question promis pour la fin novembre arrivera finalement – peut-être- à la mi-janvier.  Mais rassurons-nous : le ministre estime que le débat est actuellement biaisé par des intérêts commerciaux et politiques. Pourtant, plus de 300 experts ont signé récemment une lettre soulignant la transmission du virus par aérosols et demandant de mettre en place de nouvelles mesures pour limiter la propagation de celui-ci.

 

Finalement, si on s’imagine que la situation sera moins pire dans le monde de l’éducation à la mi-janvier parce que les jeunes et leurs parents auront été confinés au cours des dernières semaines, une telle opinion relève de la pensée magique. Les dernières semaines auront surtout permis à certains de ne pas tenir compte des règles sanitaires élémentaires et on ne parle pas que de ces familles parties dans le Sud.

 

Mais combien parie-t-on que le gouvernement Legault va dire qu’il s'inspire de l’Ontario qui ouvre ses classes primaires le 11 janvier alors que le taux de contamination est moins élevé dans les écoles de cette province, que l'enseignement à distance est au choix des parents, que les classes sont à effectif réduit et que le secondaire ne recommencera que le 25 dans le sud du pays de Doug Ford...

 

 

 

 

 

 

26 novembre 2020

Le roi Jean-François 1er annonce que...

Depuis le début de cette crise, on a pu voir à quel point le ministre de l'Éducation est dépassé par les événements. Encore aujourd'hui, il est incapable d'assurer la santé du personnel scolaire et des élèves dans les écoles. Qu'à cela ne tienne: ce dernier, qui semble confondre le titre de ministre avec celui de roi, vient de donner comme directive que les enseignants doivent maintenant assurer la scolarisation des élèves isolés à la maison de façon individuelle.

Mais sur quelle planète vit cet incompétent ministériel? Les enseignants sont déjà au bout du rouleau qu'il leur ajoute un tâche de plus! Mais notre étonnant guide pédagogique a une réponse toute prête:

«Au besoin, ces tâches pourraient être confiées à du personnel supplémentaire, comme des enseignants retraités ou à temps partiel.» 

Peut-être même cet ajout de travail pourrait faire l'objet du fameux «temps supplémentaire» payé dont un représentant du ministre a déjà parlé?

Ce qui est savoureux dans tout cela est que le ministre fait cette annonce le jour même où la FAE a placé 1000 chaises vides avant l'Assemblée nationale pour illustrer la pénurie de personnel en éducation.

Quand va-t-on demander des comptes à ce ministre? Pour les écoles à la ventilation douteuse? Pour les appareils électroniques manquants? Pour les ratés de la rentrée? Pour des mesures pédagogiques insuffisantes alors que plus de 30% d'élèves sont en échec dans nos classes?

M. Roberge ignore manifestement que certains enseignants au secondaire (un monde dont il semble ignorer l'existence) ont parfois plusieurs planifications. Une collègue a 17 groupes différents... Un autre a deux niveaux, trois planifications, deux classes en hybride, une en présentiel et une fermée...

Ben non. On laisse le bon Jean-François gouverner dans une réalité alternative. Pendant ce temps, dans les écoles, c'est parfois l'hécatombe et la détresse.



12 octobre 2020

Télé-enseignement: le réseau public n'est pas prêt

On peut lire ce constat dans La Presse: en cas de confinement, le réseau scolaire public n'est pas prêt à tomber en télé-enseignement.

On peut bien vouloir blâmer les enseignants, les commissions scolaires (qui n'existent plus!); dans les faits, la situation est bien plus simple.

1- Le réseau public est sous-équipé depuis des années en matière de matériel informatique. Le retard à rattraper est donc important. Et la CAQ aura beau blâmer les gouvernements précédents, sa plate-forme électorale ne contenait rien à ce propos et elle n'a rien fait en la matière à ce sujet avant mars 2020. 

2- La décision du ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, de financer l'achat de matériel électronique en vue d'un enseignement à distance est arrivée deux semaines après celle de l'Ontario ce printemps. Deux semaines après.. en mode réaction... en copiant la province voisine. Voilà comment fonctionne ce gouvernement quand il s'aperçoit que ses idées ne marchent pas. Donc, il ne faut pas se surprendre que le matériel arrivera en 2021. Le Québec n'a pas été parmi les premiers à passer ses commandes et la demande mondiale est très forte.

3- Tout le monde de l'éducation a pris des vacances cet été. Je ne blâme personne: l'exemple est venu d'en haut. De très haut.  Mais formater les ordinateurs et des tablettes reçus selon les normes des CCS a commencé à la mi-aout. 

4- On manque de personnel de soutien informatique dans les CSS. Et c'est bien normal, car on est en pénurie de travailleurs dans de nombreux domaines au Québec et que le secteur privé offre des conditions bien plus intéressantes que celles des CSS.

Maintenant, y a-t-il de la résistance de la part de certains enseignants à basculer vers le télé-enseignement? Oui. Mais il serait faux de croire que ceux-ci sont très nombreux. Ce que je vois autour de moi, ce sont des profs engagés qui travaillent fort avec les moyens du bord. Et certains centres de services et directions d'école qui ont une attitude... 

Un exemple? Celles-ci se soucient peu des conditions dans lesquelles oeuvrent les enseignants à distance, en autant que les élèves et les parents ne se plaignent pas. Par contre, quand vient le temps d'autoriser le télétravail lors des journées pédagogiques, les enseignants ont reçu une liste de deux pages de conditions à remplir s'il veulent travailler de la maison. Comme s'ils étaient des «voleurs de temps». Le plus consternant est de voir la liste de matériel et d'équipement que l'enseignant doit obligatoirement fournir. Matériel et équipement qui ne sont soudainement plus exigés formellement une fois qu'un enseignant doit donner ses cours à des élèves à la maison. Deux poids, deux mesures...

Actuellement, dans le cas des classes confinées, on lit peu ou pas de plaintes de la part des parents et des élèves, sinon que cette forme d'enseignement ne les motive pas. À ce propos, juste un rappel: dans certaines classes en présentiel, des élèves dorment sur le bureau, ne font pas leurs travaux et se moquent d'échouer. L'école, en classe ou à distance, ne rejoindra jamais tout le monde. Pour paraphraser un éminent philosophe québécois: «Vaut mieux du télé-enseignement que pas d'enseignement du tout.»

Je connais peu de profs qui aimeraient retourner en télé-enseignement, sauf ceux qui craignent pour leur santé. Mais ça, c'est un autre problème.

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Pour illustrer la situation: depuis la parution de ce texte, l'ordinateur du Prof masqué (fourni par l'école) est tombé en panne. On m'a alors demandé de remplir une réquisition pour le faire réparer. On peut compter les jours avant qu'il ne soit vu par le technicien de l'école, qui est débordé.

Autour de moi, je ne compte pas le nombre dec ollègues qui utilisent leur propre oriinateur dans le cadre de leur travail.

28 septembre 2020

Construire un avion en plein vol alors qu'il s'écrase (ajout)

Manifestement, la stratégie actuelle du gouvernement Legault en ce qui concerne la pandémie que nous vivons ne fonctionne pas. Le nombre d'individus positifs repart à la hausse. Les cas de gens hospitalisés ou aux soins intensifs montent lentement. Montréal et Québec redeviennent des zones rouges. Est-ce le plan de la Direction de la Santé publique qui dérape? Sont-ce les citoyens québécois qui sont indisciplinés? Un peu des deux, je crois.

Dans tout ce brouhaha, on parle de contamination communautaire, de restreindre l'accès aux bars et aux restaurants. Mais le tout reste flou. Et qu'en est-il de l'impact de la réouverture des écoles? Pas un mot. Comme s'il s'agissait d'un tabou. Un tabou qu'on maintient au nom de l'économie.

 

On pourrait facilement établir un lien chronologique avec la hausse des cas de covid et le retour en classe. Pourtant, il est encore difficile d'établir scientifiquement si les enfants sont des vecteurs de contamination. De même, la Direction de la Santé publique fournit peu ou pas de données sur l'origine des différentes contaminations. De toute façon, les a-t-elle, ces données, quand 25% des gens ne répondent pas aux appels téléphoniques concernant le traçage des cas infectés?  


Au Québec, il y a près d'une semaine, 334 écoles ont eu un cas de covid diagnostiqué, 234 classes ont dû être fermées et au moins quatre d'entre elles ont même dû fermer leurs portes pour 14 jours. Dans les faits, les chiffres sont plus importants, encore aujourd'hui, si on se base sur le site Covid écoles Québec qui recense 554 écoles ayant un cas de covid. Et rien n'indique que ces mêmes écoles, ou des classes en leur sein, ne devront pas refermer au moins encore une fois au cours de l'année scolaire. Dans certains cas, j'ai déjà des jeunes qui ont manqué deux semaines de classe sans qu'on soit obligé de leur fournir quelque suivi scolaire que ce soit parce c'était un proche qui était atteint de la covid. Et l'année scolaire ne fait que commencer....

 

Ce que l'on remarque aussi est que, pour bien des enseignants (et le personnel scolaire en général), le nombre de contacts quotidiens a littéralement explosés avec le retour en classe, ce qui augmente d'autant les facteurs de risques. Pourtant, des centres de services scolaire s'entêtent à demander aux profs de se présenter à l'école lors des journées pédagogiques et règlementent le télétravail d'une façon si restrictive qu'il devient impossible à effectuer à la maison. Dans un exemple qu'on m'a soumis, un CSS n'arrive même pas à respecter à l'école les consignes qu'il demande à un enseignant de suivre à la maison. Dans un autre exemple, la présence des enseignants a été requise à l'école pour suivre une formation à distance...

 

Il y en aurait beaucoup à dire sur certains décideurs qui manquent tellement de jugement en ces temps de crise. Il faut croire que l'abolition des commissions scolaires n'a pas rendu certaines dirigeants plus compétents ou efficaces. Ils demeurent bien à l'aise cachés derrière leur bureau, sans excuse pour expliquer leur piètre performance. Peut-être devraient-ils venir faire quelques jours dans les écoles et en classe (où on ne les voit jamais) pour qu'ils réalisent la situation dans laquelle nous sommes?

 

Pour ce qui est des élèves, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, fabule avec son concept de bulle-classe. Dans les faits, certains jeunes sont rendus à trois, quatre et même cinq bulles-classe quotidiennement. Le nombre de contacts qu'ils ont chaque jour a, lui aussi, explosé. Ils ne voient plus seulement leurs amis proches comme lors du confinement, mais tous leurs amis plus éloignés qui sont maintenant avec eux à l'école. Ils les retrouvent le midi au restaurant, s'amusent avec eux sur des terrain de basket et retournent à la maison le soir sans qu'on sache ce qu'ils ramènent avec eux...

 

De manière générale, le plan du ministre Roberge, soit un retour complet sans masque en classe, a eu comme effet pervers de mettre dans la tête des citoyens que la situation était redevenue plus normale. «Si mon fils peut être avec 29 autres élèves en classe sans masque, pourquoi je ne pourrais pas être avec 10 de mes amis à souper?», ai-je entendu récemment. Les signaux sont contradictoires et les citoyens, écoeurés, font un peu beaucoup n'importe quoi. 

 

Pour ma part, au secondaire, la seule réalité que je connais bien, certaines mesures devraient être mises de l'avant d'urgence. Tout d'abord, on doit permettre l'enseignement à distance aux parents qui le demandent pour leurs enfants. On réduirait ainsi le nombre de contacts quotidiens de certains jeunes qui ne sont pas à l'aise de se retrouver en classe. Ensuite, on doit instaurer l'enseignement hybride, c'est-à-dire alterner entre des moments de présence en classe et des moments de travail à la maison, quitte à assurer un suivi par télé-enseignement. De la sorte, il serait plus facile de faire respecter les mesures sanitaires à l'école. Enfin, on doit obliger le port du masque en tout temps et en tout lieu à l'école. En cédant manifestement à la pression populaire, le gouvernement Legault a discrédité sa propre stratégie, si je puis dire. Il sera difficile pour lui de renverser cette décision politique... sans perdre la face.

 

Ces mesures, je les estime nécessaires, car je crois que l'école est un lieu effectif de contamination communautaire. Le problème est que le ministre Roberge, en favorisant par orgueil «le tout à l'école», comme il a qualifié son plan, a demandé au réseau de consacrer des énergies colossales à organiser une rentrée vouée à l'échec et a négligé des solutions alternatives pour des raisons qu'on comprend mal. Quand l'enseignant en chef affirmait que la rentrée 2020 se déroulerait bien, puisque celle de mai s'était bien passée, il avait manifestement oublié que cette dernière ne se déroulait qu'au primaire, dans des écoles à moitié vides et situées en dehors des zones où étaient concentrés la majorité des cas d'infections. L'autre hypothèse est qu'il soit simplement bête ou qu'il croit ses propres mensonges politiques.


Le personnel scolaire est déjà brûlé et septembre n'est pas encore terminé. Personne n'est pas prêt à effectuer immédiatement de tels changements qui tiendront de l'improvisation parce qu'en haut lieu, on a encore une fois mal planifié les choses. Il faudrait une semaine, voire deux pour y parvenir. Ce qui correspond en passant à la durée de fermeture des écoles ou des classes à cause d'une éclosion en leur sein.


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À la suite du point de presse de M. Legault, on comprend que, d'après lui:

  • Il faut protéger les écoles, mais on ne fait rien pour que celles-ci soient plus sécuritaires. Tout semble bien aller.
  • L'école en télé-enseignement semble pire que de tomber malade ou en confinement sans suivi pédagogique.
  • Les écoles ne sont pas un lieu d'éclosion et de transmission communautaire: «Pour l'instant, il n'y a rien de changé dans les écoles.»
  • Le gouvernement veut éviter la socialisation pour un mois... sauf dans les écoles et à l'heure du diner. On continue de coller au plan Roberge.


Une seule question sur les écoles de la part des journalistes...  

12 septembre 2020

La vision embuée du ministre Roberge

Il n'y a pas que les enseignants et le personnel scolaire qui ont de la difficulté à bien voir dans le cadre de leurs fonctions à cause de leur protection oculaire qui est souvent remplie de buée: le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, qui a pourtant omis de porter une visière ou des lunettes lors de ses récentes visites d'élèves en classe, semble lui aussi manoeuvrer en plein brouillard.

En effet, conformément à la volonté du Premier ministre François Legault, volonté en réaction à des pressions populaires, les activités parascolaires pourront reprendre dès lundi dans les écoles primaires et secondaires des régions où tout se déroule bien. Pourtant, pour qui suit un tant soit peu la situation sanitaire, une telle déclaration n'a aucun sens. Soit le gouvernement québécois ne comprend rien de ce qui se passe actuellement dans plusieurs écoles de la pas si Belle Province, soit il prend des distances importantes avec la réalité pour des raisons politiques, faisant peu de cas de la santé des élèves et des gens qui travaillent dans nos écoles.

Tout d'abord, comment le ministre Roberge peut-il affirmer que la situation est «maitrisée» dans nos écoles alors que le gouvernement auquel il appartient ne dispose d'aucune donnée fiable sur les différents cas de contamination en milieu scolaire? Il faut être bien imbu de soi pour croire maitriser un virus comme celui qui nous afflige. Le ministère de la Santé, Christian Dubé, faisant preuve d'un peu plus d'humilité, a préféré suspendre la publication en ligne d'une liste concernant ces cas, jugeant que celle-ci n'était pas de «qualité». En Ontario, une telle liste est produite quotidiennement depuis la rentrée pour les écoles et les garderies.

Disposer d'informations dûment vérifiées est essentiel dans la prise de décisions dans le contexte dans lequel nous vivons. Soulignons que c'est une initiative citoyenne qui donne actuellement le meilleur portrait de la situation du covid dans les établissements d'enseignement au Québec. À lui seul, un individu disposant de peu de ressources fournit un résultat supérieur à deux ministères réunis. Pourquoi a-t-on encore une fois une impression de malaise et d'improvisation? Pourquoi a-t-on encore une fois cette impression que ce gouvernement, en éducation, est toujours deux semaines en retard sur la pandémie? À cet égard, il est consternant d'entendre le Premier ministre tenter de discréditer ce site en remettant en question la fiabilité de ses informations alors que ses propres fonctionnaires sont incapables de faire mieux. Mais on commence à comprendre que M. Legault a le commentaire aigre quand on le prend en défaut.

Dans ce texte, les propos du Dre Joanne Liu explique très bien en quoi les stratégies du gouvernement québécois soulèvent de nombreuses interrogations. Ainsi, il faut se servir des vagues creuses des épidémies pour se préparer pour les prochains coups. Force est de constater que le ministre de l'Éducation a proposé un plan bien en retard, comme s'il avait pris de longues vacances cet été, et a demandé au réseau scolaire de mettre les bouchées doubles par la suite. 

Ensuite, Mme Liu mentionne que la transparence et la cohérence sont des éléments importants pour établir un lien de confiance entre le gouvernement et la population. Tout comme au printemps 2020, ces deux éléments semblent encore absents en ce moment. En ce qui concerne la transparence, des représentant du ministère de l'Éducation ont songé, un moment, à ne plus tenir une liste officielle des écoles ayant des élèves atteints de la covid pour des raisons de confidentialité rattachée aux individus touchés. Après avoir annoncé leur fermeture devant des risques d'éclosions, les cégeps de Rivière-du-Loup et de Rimouski, tout comme le Centre matapédien d'études collégiales et l'Institut maritime du Québec se sont refusés à tout autre commentaire et ont avisé qu'ils n'accorderaient aucune entrevue aux médias. Quand le ministre Roberge nous parlait du «défi de la transparence», on ne croyait pas que ce serait aussi difficile. Quant à la cohérence, on revit en éducation un mode de gestion qu'on aurait souhaiter ne plus connaitre: une liste d'écoles bourrée d'erreurs, des directives changeantes, des bulles inexistantes... 

Enfin, Mme Liu, qui sera appelée à travailler à l'OMS, indique qu'«une réponse à une pandémie est un exercice d’humilité et la seule chose pour laquelle on a des certitudes, ce sont nos incertitudes. C’est pour cela qu’il faut être extrêmement modérés dans nos propos.» Quand on écoute M. Roberge, on comprend rapidement que l'humilité et lui sont deux réalités bien distinctes.

Mais faut-il se surprendre du ton de l'annonce du ministre de l'Éducation concernant les activités parascolaires quand on se rappelle à quel point il était confiant que la rentrée de septembre se déroulerait aussi bien que le retour en classe du 25 mai? Est-ce par incompétence ou par calcul politique, mais le ministre omettait que celle-ci s'était déroulée dans un contexte particulier: mesures sanitaires beaucoup plus strictes, nombre d'élèves réduit, ouverture dans des régions peu touchées par la pandémie. Bref, des éléments qu'on retrouve peu ou pas dans ce que nous vivons. Avec ses 239 écoles ayant au moins un cas positif et deux écoles connaissant une éclosion, le bilan du Québec est, à titre de comparaison, plus lourd que celui de la France. La crédibilité de M. Roberge, du moins ce qu'il en reste, en prend tout un coup dans le réseau scolaire.

Kim Lavoie, professeure de psychologie en médecine du comportement à l'UQAM, qui codirige l’étude internationale iCare sur l’impact des politiques de confinement et de mesures sanitaires,  a des mots très durs à l'égard de la stratégie du gouvernement Legaut en ce qui a trait aux mesures sanitaires concernant les écoles: «Ma seule insatisfaction, et elle est grande, concerne le plan de retour à l’école du Québec, qui est totalement inadéquat. Le Québec a le plus de cas au pays, et on a les mesures de prévention à l'école les plus faibles. Et ils n'ont pas le courage d'exiger que tous les enfants portent le masque.»

Dans les écoles, on comprend que la fameuse notion de «bulle-classe» est tellement étirée qu'il ne faudra pas se surprendre qu'elle explose sous peu. Avec les récentes annonces gouvernementales, au secondaire, un même élève pourra maintenant appartenir à un groupe d'apprentissage, mais aussi à deux autres bulles. À cela, il faut aussi ajouter la bulle «autobus scolaire» matin et soir. Dans le cas d'un programme sport-étude, un élève pourra aussi appartenir à une autre bulle «autobus scolaire» en journée pour se rendre à son lieu d'entrainement. C'est à se demander pourquoi on exige des enseignants qu'ils se déplacent de classe en classe pour éviter que les élèves multiplient les contacts alors que ces derniers, appartenant dorénavant jusqu'à cinq bulles, peuvent également côtoyer des jeunes autres que ceux de leur bulle d'apprentissage durant les battements et au diner.

Bref, plus que jamais, on comprend que la notion de bulle du ministre Roberge est de la «bulle-shit» politique. Sur le terrain, on a l'impression d'être les dindons d'une gigantesque farce: celle où un gouvernement se dédouane politiquement aux yeux de la population en imposant, sous le couvert de la science, aux différents acteurs scolaires des mesures improvisées qui n'ont aucun sens. Le ministre Roberge l'a d'ailleurs clairement signifié: tout dérapage relève de la responsabilité de ceux qui n'appliquent pas correctement les mesures qu'il a édictées.

Entre les lignes, on voit que certains directeurs-généraux des CSS peinent à contenir leur frustration, tout comme plusieurs directions d'école et enseignants. On revit exactement le même mode de gestion brouillon et approximatif qu'il y a six mois. Et les dindons de cette gigantesque farce ont l'impression qu'ils retourneront  en confinement - quel hasard - après l'Action de Grâces. 

Pour ma part, je crois que ce gouvernement ne pourra se résoudre à fermer les écoles. Il veut trop plaire aux parents, aux travailleurs et aux entreprises. On ira donc de fermeture temporaire de groupes en fermeture temporaire d'écoles. Une même classe pourra être fermée une, deux, trois fois au cours de l'année. On aura des élèves en isolement sans enseignement à distance qui finiront par décrocher faute de suivi adéquat avec tout ce rythme chaotique.  

Après les infirmières et les préposés aux bénéficiaires, les enseignants et tout le personnel scolaire seront assurément les prochains anges gardiens. Peut-être même davantage des gardiens. Après tout, c'est là leur principal rôle actuellement.




08 septembre 2020

La subsidiarité ou l'art de faire porter la faute sur les autres

«Le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, revient à l'entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action.» - Wikipédia

Avec le ministre Jean-François Roberge, c'est surtout une façon de se laver les mains, un geste de circonstance, quand une situation en éducation devient incontrôlée ou incohérente à cause de ses propres directives.

Aujourd'hui, en conférence de presse, ce ministre a repris ce principe de façon peu subtile pour ceux qui oeuvrent sur le terrain. Alors que son ministère et celui de la Santé sont incapables de fournir une liste à jour et sans erreur des écoles ayant un cas d'individu contaminé (une opération essentielle en temps de pandémie qu'un simple parent parvient, lui, à faire seul et rapidement), celui qui a été enseignant pendant 17 ans et qui ne cesse de nous donner des leçons y est allé d'une déclaration très révélatrice: «Selon lui, il est « à peu près impossible » qu’une éclosion survienne dans une école si le concept de « bulle-classe » est bien appliqué.»

Voilà. C'est simple. Si la situation se détériore, c'est que, sur le terrain, on ne suit pas correctement pas ses directives. Les responsables, ce sont ceux qui n'appliquent pas bien son concept magique de bulle-classe. Aucune remise en question, aucun questionnement. «L'erreur, c'est les autres», dirait Sartre.

On se demande dans quelle bulle vit justement ce ministre. Dans les écoles secondaires, c'est l'incohérence la plus complète comme il est facile de l'observer  Les élèves, confinés dans une même classe, peuvent aller diner avec n'importe quel ami tout en ne respectant pas la distanciation physique ou le port du masque. Et on ne parle pas de ce qui se passe après les cours... 

Pis encore, les mesures sanitaires actuelles n'interdisent pas les battements entre chaque période.  On se demande pourquoi on permet aux élèves de se déplacer alors qu'on a exigé que les classes soient fixes. Pour fumer une «top» entre deux cours? En agissant ainsi, on augmente tout d'abord  les risques de contamination entre élèves. Pour les enseignants, déjà que les risques de contamination entre collègues sont plus élevés en leur demandant d'aller de classe en classe, voilà qu'on leur impose aussi de se promener avec leur petit chariot dans des corridors souvent surpeuplés où, non seulement la distanciation physique est impossible, mais où les contacts non désirés sont fréquents. Dans une école secondaire de 1500 élèves, bonne chance pour y parvenir. Aussi bien revenir à ce qui était auparavant.

Manifestement, M. Roberge ne comprend ni ce qu'est un virus ni comment il se propage. Encore aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, il y allait du diagnostic suivant: «Bien, bien souvent, c'est un seul élève qui l'a attrapé à l'extérieur de l'école et ne se présente même pas à l'école et, donc, évidemment, ne peut pas le donner, même chose pour les membres du personnel.»

M. Roberge connait-il la durée d'incubation de ce virus ou encore le caractère asymptomatique de certains individus contaminés? Voilà qui est ce ministre à la tête d'un plan qu'il juge quasi infaillible. Est-ce rassurant? On l'invite peut-être à discuter avec la Dre Caroline Quach pédiatre et microbiologiste-infectiologue qui s'y connait davantage. On lui aurait recommandé le Dre Joanne Liu, mais elle ne semble pas assez bonne pour le gouvernement québécois.

Actuellement, au lieu de pavaner de conférence de presse en conférence de presse, le ministre devrait régler le problème de la liste des cas d'individus contaminés dans nos écoles. Ensuite, il devrait mieux se renseigner sur la transmission de ce virus au lieu de dire des énormités. Enfin, je lui suggère un peu de modestie au cours de deux prochaines semaines parce que rien n'est actuellement sous contrôle, contrairement à ce qu'il semble croire.

En passant, voici une photo qui montre que le ministre ne respecte pas les règles de son propre ministère. En tant que visiteur, il n'est peut-être pas obligé de toutes les suivre (un ministre de l'Éducation, visiteur dans une école?). Mais pour l'exemple, on repassera.



 



27 août 2020

Le jour de la marmotte selon JF Roberge

«Pas d'arts ni de sports à l'extérieur des groupes-classes, tranche Roberge», rapporte Radio-Canada.

C'est la consternation dans les écoles ayant des programmes particuliers, surtout en sport-étude. On dirait que le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, qui ne connait rien de la réalité du secondaire, vient de se réveiller tout en ne comprenant pas comment fonctionnent ces derniers qui existent pourtant depuis des années. 

La pratique d'un sport à l'extérieur de l'école sous l'égide d'une fédération sportive est l'essence même de ces programmes et n'a rien à voir avec des activités parascolaires. L'excellent article de Martin Leclerc sur Radio-Canada.ca explique d'ailleurs toute l'incohérence de cette décision ministérielle en ce qui concerne la pratique du sport scolaire et civil. En gros, il est donc interdit pour un jeune d'aller pratiquer son hockey l'après-midi dans le cadre d'un programme scolaire particulier mais il le peut le soir avec des jeunes de diverses provenances. Au cégep, les équipes sportives sont même maintenues!

Je comprends donc que la logique veut qu'on prive de sport un jeune qui s'est inscrit dans un programme pour être motivé dans ses études parce qu'il pratiquera une discipline à l'extérieur des murs de son école avec d'autres athlètes qui viennent d'une autre bulle-classe. 

C'est strictement la même incohérence qu'une situation que j'ai vécue ce midi mais permise par les consignes de M. Roberge. J'explique.  Pourquoi dois-je forcer des jeunes qui mangent à la cafétéria à rester avec les élèves de leur bulle-classe mais, que s'ils sortent de l'école, ils peuvent allègrement «chiller» avec leurs amis d'autres groupes au Subway?  Poliment, on comprend que le concept de classe-bulle est surtout de la «bulle-shit» politique.

Bref, aller au Subway sans aucune supervision: oui. Le sport sous l'égide d'une fédération sportive respectueuse d'un protocole sanitaire: non. Comprenne qui pourra.

Le plus incroyable est que M. Roberge annonce sa directive aujourd'hui alors que les groupes de sport-étude sont formés depuis plusieurs jours et que des enseignants leur ont déjà donné leurs premiers cours et leurs premiers devoirs! Encore une fois, ce ministre est en retard comme s'il maitrisait mal ou négligeait ses dossiers: en retard d'une dizaine de journées sur l'Ontario pour un plan de la rentrée; en retard en déposant un plan de rattrapage pédagogique des jours après celui de la rentrée (alors que l'Ontario a tout déposé en même temps). Et maintenant, cette directive lors du premier jour de la rentrée. Comme s'il avait manqué de temps durant depuis la fin juin.

D'ailleurs, cette réaction d'un dirigeant  du Collège Mont-Sainte-Anne, à Sherbrooke  est très éclairante: « Ce n’est pas drôle du tout de voir que le ministère nous convoque aujourd’hui (jeudi), jour de rentrée, en nous disant qu’on va nous éclaircir des points, alors que ça aurait dû être fait il y a deux semaines.» Deux semaines: voilà ce qui semble être le retard moyen que le ministère a dans la majorité de ses décisions.

Le travail en retard de ce ministre, c'est tout le réseau qui en paie le prix: directions, personnel scolaire, enseignants mais aussi les élèves et leurs parents. On comprend mal que M. Roberge ait mérité un vote de confiance aussi grand de la part du premier ministre Legault. Il serait temps que le chef de la CAQ réalise que son ministre de l'Éducation est brûlé dans le monde scolaire et qu'il dessert son gouvernement. Avec M. Roberge aux commandes, on a l'impression de revivre la même gestion improvisée et bâclée du printemps dernier. Et l'année ne fait que commencer.

Si le film Le Jour de la marmotte était drôle et sympathique, celui dans lequel ce ministre nous fait jouer est, de loin, beaucoup moins drôle.

Pour ceux qui croient que ce sont les écoles qui ont mal fait leur travail, je suggère la lecture de ce texte fort éclairant. «Quand on a eu des rencontres avec les 53 programmes sport études au Québec, début juillet, c’était clair pour tout le monde qu’il y avait un groupe classe stable à l’école et un groupe d’entraînement stable au sport. On a tous interprété ce qui était écrit de la même façon. On a demandé de se faire confirmer le tout, on a annoncé au ministère de l’Éducation qu’on allait baser notre modèle scolaire en fonction de ces données -là. Le ministère était courant, mais il ne nous a jamais donné d’indication contraire», explique Jean-Benoît Jubinville, directeur adjoint au 1er et au 2e cycle Sports-études, de l'école Le Triolet. Mais avec M. Roberge, ce sont toujours les autres qui ont tort...

Alors que M. Roberge indiquait que sa position était claire et ferme le matin même, le Premier ministre François Legault est venu calmer les esprits et acheter du temps en promettant que ces activités pourraient se dérouler dans deux semaines si les circonstances le permettent. Il a ainsi désavoué son ministre pour la deuxième fois depuis avril. Il ne faut décidément pas avoir d'orgueil ou trop aimé être le «professeur en chef» pour accepter pareil traitement. D'autres ministres ont déjà perdu leur poste pour moins que cela. Il faut croire que M. Roberge est encore utile.