17 novembre 2019

Quand un Parent se mêle d'éducation

Qu'un chroniqueur généraliste montre son incompétence quand il aborde un sujet relié à l'éducation me choque toujours. Pourquoi? Tout simplement parce que je comprends mal qu'on accepte de laisser un néophyte aborder un thème aussi spécialisé et important pour notre société. Après tout, on confie la couverture du monde de l'économie à des analystes financiers, pas à un chroniqueur sportif ou à un météorologue. C'est un peu comme si on laissait un commentateur sportif parler d'immigration...

Mais quand je vois un chroniqueur spécialisé en éducation errer dans son analyse, là, je fulmine. Et le dernier en lice est Réjean Parent, dans le Journal de Montréal. Ce qui est encore plus choquant est que M. Parent a longtemps été président d'une centrale syndicale.

On peut être pour la réussite de tous les élèves, comme le préconise M. Parent. Mais ce dernier semble très mal comprendre tout le débat autour de l'article 96.15 du projet de loi 40 autorisant la direction d'une école après consultation de l'enseignant concerné. Voici ce que dit cet article:

«Les normes et modalités d’évaluation des apprentissages visées au paragraphe 4° du premier alinéa ne peuvent avoir pour effet de permettre la majoration automatique d’un résultat. Elles peuvent toutefois permettre exceptionnellement au directeur de l’école, après consultation de l’enseignant, de majorer le résultat d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire. ».

Voici maintenant ce qu'en dit M. Parent dans son analyse:

«De même pour les syndicats qui se scandalisent que leurs membres soient invités par la direction d’établissement à rehausser la note lorsqu’elle se situe près du seuil de réussite. Les représentants syndicaux devraient plutôt y voir un effort pour amener l’élève plus loin dans son parcours.»

Tout d'abord, la réalité n'est pas que les enseignants seraient «invités» à augmenter la note d'un élève: on pourrait non seulement les y contraindre mais modifier celle-ci sans même leur consentement. Un beau matin, un enseignant pourrait regarder les notes de son groupe et voir certains résultats modifiés sans qu'il y ait touchés.  On est loin de l'invitation polie. On est davantage dans un geste de déni de l'expertise professionnelle de l'enseignant. Qu'un ancien syndicaliste ne comprenne pas cela est consternant.

Comme si on n'avait pas déjà assez du ministre de l'Éducation actuel pour remettre en question la compétence des enseignants, voilà que M. Parent en rajoute une couche en citant une étude du professeur américain Alfie Kohn qui indique qu'on doit «retarder le plus longtemps possible le moment où une note doit être mise sur les performances de l’élève et à s’assurer qu’elle ne lui soit pas nuisible. Estime de soi et motivation sont pour l’élève des piliers de la réussite que l’enseignant devrait s’imposer comme préoccupation constante.»

Comme si tous les enseignants du Québec se plaisaient à évaluer les élèves au mauvais moment ou à leur nuire sciemment! Très souvent, M. Parent devrait se le rappeler, les moments d'évaluation les plus importants dans le parcours scolaire d'un élève ne sont pas décidés par les enseignants mais bien par le ministère de l'Éducation, la commission scolaire ou l'école. Il s'agit d'une contrainte qui leur est imposée.

M. Parent associe ces modifications de notes à un effort «pour amener l'élève plus loin dans son parcours». On peut se demander ici si l'ancien président de la CSQ ne subordonne pas la «réussite» scolaire à l'acquisition véritable de savoirs et de compétences.  Il est ironique de voir ce dernier indiquer que «le jugement professionnel [des enseignants] devrait surpasser la statistique des tests!» alors qu'il semble prendre les enseignants pour des demeurés pédagogiques.

Là cependant où M. Parent se surpasse est lorsqu'il écrit «Encore plus triste de faire échouer un élève à un point sous la barre du 60 % quand on sait que, chez les voisins ontariens, le seuil est à 50 %» alors que, quelques lignes plus haut, il rappelle l'importance des «données probantes». 

Quelqu'un pourrait-il lui rappeler qu'il est méthodologiquement incorrect de comparer deux seuils de réussite de la sorte alors qu'ils s'appliquent à des programmes de formation et à des réalités scolaires aussi différentes? Rien n'indique qu'un 50% ontarien équivaut à un 50% québécois et vice versa. 

L'argument invoqué par M. Parent n'a aucune valeur. En effet, un seuil de réussite élevé ne signifie pas automatiquement qu'on soit plus exigeant envers les élèves. N'importe quel enseignant peut vous expliquer qu'il est facile de créer un examen qui sera réussi (à 60 %) par à peine la moitié de ses élèves une semaine et un autre portant sur la même matière qui sera réussi par à peu près tous la semaine suivante.

Un pourcentage de réussite indique la proportion des élèves ayant répondu à certaines attentes en ce qui a trait à une évaluation, mais ne garantit en rien que cette évaluation soit exigeante. Par conséquent, une note de passage n'est qu'une note et n'a de signification réelle que quand on regarde les exigences auxquelles les élèves sont confrontés. Ainsi, si la note de passage n'est que de 50 % en Ontario, mais que les examens y sont beaucoup plus difficiles que ceux au Québec, la comparaison en apparence favorable à la Belle province n'a plus aucune valeur.

Lorsque, pour des raisons politiques dans les années 1980, on a voulu montrer qu'on était plus exigeants dans nos écoles québécoises, on a décidé de hausser le seuil de réussite de 50 à 60 %, il a fallu seulement un an pour que tout le monde de l'éducation s'ajuste à celui-ci. Les élèves sont-ils alors devenus soudainement meilleurs? Si oui, qu'attend-on aujourd'hui pour le hausser à 70, ou même à 80 %? Dans les faits, on comprend bien que ce sont les exigences qui ont été revues à la baisse et que ce seuil est bien relatif.

M. Parent aime bien donner des leçons. Encore faut-il que ce qu'il enseigne soit fondé et exact.





15 novembre 2019

PL 40: la supposée autonomie des directions d'école

Un des objectifs du projet de loi 40 modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique relativement à l'organisation et à la gouvernance scolaire est de conférer plus d'autonomie aux écoles. Quand on rebaptise les commissions scolaires en les appelant maintenant des «centres de services», on s'imagine que ces dernières deviendront de simples fournisseurs de ressources matérielles et humaines mis à la disposition de directions d'écoles fortes et autonomes.

Or, quand on y réfléchit quelques instants, ce n'est pas tout à fait le cas. En effet, qui nommera les directions d'école dans un tel système? qui encadrera réellement leur performance? qui pourra déterminera leur nomination d'une école à une autre? qui sera responsable de leur congédiement, si nécessaire? Réponse; les pseudo centres de services dont les pouvoirs et l'autorité exercée sur les directeurs d'école resteront identiques à ceux de la situation actuelle.

Les CS nommeront donc à la direction de ces supposées écoles plus autonomes des individus qui correspondront au profil managérial qu'ils attendent. Par conséquent, comment peut-on croire qu'un directeur d'école voudra ou même pourra bénéficier d'une marge d'autonomie et d'un marge d'esprit critique suffisant pour remettre en question les pratiques administratives et pédagogiques déterminées par le CS? Qui relève de qui dans une telle organisation?

Il se peut que je saisisse mal toute cette nouvelle dynamique qui se mettra bientôt en branle. Si je comprends très bien l'attitude très «accueillante» des cadres scolaires qui ne voient pas leurs postes menacés, jouiront de pouvoirs plus importants et seront débarrassés des élus scolaires (des emmerdeurs patentés, aux yeux de certains), l'enthousiasme à peine dissimulé des représentants des directions d'école me fait douter de mon analyse. Quels pouvoirs réels ces derniers gagneront-ils?  Y a-t-il des choses que je ne comprenne pas ou qui demeurent cachées pour l'instant?

Chose certaine, le PL 40 est très loin des premières ébauches que la CAQ avait faites en éducation. On se rappellera, par exemple, que MM Roberge et Legault proposait alors de donner un droit d'embauche complet aux directions d'école.







09 novembre 2019

Projet de loi 40: l'épitre du Cardinal

François Cardinal, de La Presse, signe un éditorial pour le moins douteux sur le projet de loi 40 ce matin. Douteux pour diverses raisons que j'énoncerai ici.

Un ministre enseignant n'est pas un gage de compétence en éducation

M. Cardinal présente celui qui propose ce projet de loi, l'actuel ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, en affirmant qu'il «sait de quoi il parle» parce qu'il a oeuvré dans ce domaine. Or, ce n'est pas parce que M. Roberge a été enseignant pendant 17 ans qu'il connait le fonctionnement d'un réseau scolaire et qu'il est automatiquement apte à diriger le MEES.  On a vu ce que des ministres pourtant médecins ont fait du réseau de la santé. On devrait juger M. Roberge en tenant compte de ce qu'il dit, de ce qu'il écrit et de ce qu'il fait. De grands ministres de l'Éducation n'ont jamais été enseignants, mais ils ont su écouter et s'entourer d'une équipe leur permettant de marquer l'histoire de ce ministère.

Dans certains dossiers, M. Roberge a pris des mesures courageuses, notamment en ce qui a trait aux écoles dites religieuses. Par contre, il suffit d'analyser le projet de loi 40 pour comprendre à quel point sa vision de l'éducation est réductrice et sa vison des enseignants pire encore.

Par ailleurs, divers intervenants en éducation que je connais et qui ont eu affaire à M. Roberge (et même des membres de son propre parti) m'ont partagé le sentiment qu'il manifeste, dans certains dossiers, une attitude problématique. On n'a qu'à penser à son refus de reconnaitre s'être trompé en payant des intervenants provenant de l'extérieur du Québec lors de la commission parlementaire sur les maternelles quatre ans.

M. Roberge aime avoir raison. Il est persuadé de posséder toutes les bonnes solutions et écoute peu les idées contraires aux siennes. Mais peut-il en être autrement quand son premier ministre n'a de cesse de le présenter comme un Sauveur? Autour de moi, on dit même qu'on est manifestement devant un clone de M. Jolin-Barrette et que le ministre, s'il ne corrige pas son attitude, connaitra le même sort que son confrère.

La fameuse anecdote des dictionnaires

M. Roberge cite souvent cette anecdote des dictionnaires que rapporte ici M. Cardinal sans plus de nuance. Il se souvient qu'une enveloppe budgétaire «fermée» l'avait empêché d'acheter des dictionnaires alors qu'il estimait en avoir besoin pour ses élèves.  Il faudrait préciser que, contrairement à ce qu'écrit M. Cardinal,  l'usage de ces enveloppes budgétaires est rarement décidée par les commissions scolaires, mais bien par le ministère que dirige aujourd'hui M. Roberge. On parle alors de mesures «protégées» qui ne peuvent être transférées à un autre poste budgétaire.

Cette anecdote relevant d'un discours politique populiste m'a toujours fasciné pour trois raisons. La première est qu'on peut se demander si le ministre actuel est contre les règles de gestion comptable que son propre ministère impose aux commissions scolaires et aux écoles. Suivant sa logique administrative, dès sa nomination, il aurait dû abolir ces règles et laisser les écoles dépenser les sommes qu'on leur octroie comme bon leur semble. Or, il n'a posé aucun geste en ce sens.

La seconde est la fin de l'anecdote où l'on apprend que les somme que convoitait le futur ministre pour acheter des dictionnaires avaient été dépensées en clés USB inutiles. M. Roberge réalise-t-il qu'il fait ainsi la preuve que, lorsqu'on laisse aux écoles le soin de dépenser des budgets, elles ne le font nécessairement avec sagesse? Or, ce sont à ces mêmes écoles qu'il entend confier plus de pouvoirs, affirme-t-il, avec le projet de loi 40.

La troisième est que le ministre, en pleine période de surplus budgétaire, n'a posé aucun geste afin de mettre un terme à la rareté des dictionnaires et des grammaires qu'il a été à même de constater dans nos écoles comme enseignant. Au contraire, il a reconduit des sommes importantes pour l'achat massif de matériel informatique pédagogique, une mesure sur laquelle on devrait se questionner fortement.

Une fausse autonomie

Mais il n'y a pas que M. Roberge qui manque d'analyse logique. M. Cardinal répète exactement la même erreur de croire qu'une école plus autonome serait nécessairement plus compétente. L'éditorialiste de La Presse montre plus loin dans son texte sa compréhension inexacte du projet de loi 40 quand il écrit:

«C'est là que le mérite du projet de loi 40 se révèle : les écoles seraient tout simplement gouvernées par le conseil d’établissement, qui aurait le dernier mot sur le projet éducatif de l’école. Il pourrait ainsi statuer sur les orientations de l’établissement, les horaires, la grille-matières, les arts enseignés au primaire, etc.»

En effet, contrairement à ce qu'il affirme, avec ce projet de loi, le projet éducatif d'une école devra être cohérent, entre autres, avec les directives imposées par le ministre mais aussi avec les mesures de réussite décidées  par ce qu'on appelle paradoxalement (et de façon illogique) le centre de services auquel elle appartient. De même, il faut ne rien connaitre en ce qui a trait à la gestion du transport scolaire pour croire qu'une école peut décider seule de son horaire.

M. Cardinal ne semble pas d'ailleurs remarquer la propre contradiction de sa position quand il qualifie d'«irritant», plus loin dans son texte, le fait que le ministre concentre un nombre important de pouvoirs en déterminant «les cibles et les objectifs des centres de services ainsi que les exigences liées à leurs rapports annuels.» Notre éditorialiste, qui dénonçait le fait que les écoles actuelles ne sont que des succursales des commissions scolaires, ne semble pas réaliser que c'est exactement le même sort qui attend et les écoles et les centres de services: être des succursales relevant directement de l'autorité du ministre de l'Éducation.

Enfin, comment ne pas être consterné par la conclusion de ce texte qui montre une fois de plus la profonde incompréhension du débat actuel de son auteur?

«Cela dit, ne perdons pas de vue l’essentiel : le gouvernement élimine enfin la politique du réseau scolaire. Il réduit les risques d’excès et de dérapages bureaucratiques. Il limite le contrôle imposé d’en haut aux écoles. Et surtout, il abolit enfin des instances en crise de légitimité depuis trop d’années.»

Premièrement, le projet de loi 40 n'élimine pas «la politique du réseau scolaire»: il élimine des contre-pouvoirs, permettant ainsi au contraire au ministre d'exercer un plus grand contrôle politique sur le réseau scolaire québécois. Si on voulait éliminer la politique de réseau, on confierait un plus grand rôle aux professionnels qui y oeuvrent, ce qui n'est pas le cas, mais on s'assurerait aussi que les données scientifiques probantes occupent une plus grande place dans les décisions de tous les jours en éducation. À cet égard, on remarquera que le ministre Roberge est bien plus pressé d'éliminer les commissions scolaires que de présider à la création d'un centre d'excellence en éducation, pourtant une promesse de la CAQ.

Deuxièmement, ce projet de loi ne réduit pas «les risques d'excès et de dérapages bureaucratiques»: le ministère de l'Éducation continuera d'exercer un contrôle administratif et budgétaire à la fois sur les centres de services et les écoles. Aucun fonctionnaire ministériel, aucun cadre scolaire ne voit son emploi menacé. Les nombreuses rééditions de compte auxquelles les directions d'école doivent se livrer chaque année et relevant directement du ministère de l'Éducation ne seront pas magiquement abolies. Les seuls qui y goutent, dans les faits avec ce projet de loi,  sont les commissaires scolaires et les enseignants, comme si c'était eux les responsables de l'actuelle situation de l'éducation au Québec. Rien n'empêchera l'anecdote des dictionnaires de se reproduire.

Troisièmement, malgré les beaux discours, on le comprend bien, le contrôle «imposé d'en haut» aux écoles demeure: à cet égard, que cela plaise ou non, il est en partie nécessaire pour s'assurer de la coordination régionale de certains services.

Quatrièmement, le projet de loi ne fait pas qu'abolir des «instances en crise de légitimité». Il élimine un niveau démocratique qui embête depuis longtemps tous les ministres qui se sont succédé à l'Éducation, mais aussi tous les cadres scolaires qui croient ainsi pouvoir jouir illusoirement de plus de liberté.

En terminant, plus on connait le monde de l'éducation, plus on est déprimé de lire certains commentateurs de l'actualité, dont on publie les épitres comme si elles étaient des vérités. Avec le projet de loi 40, les écoles ne seront pas «libérées»: elles seront encore et toujours asservies, mais autrement.





04 novembre 2019

L’Ontario, elle l’a tu l’affaire!

Grosse nouvelle ce matin : l’Ontario interdit le cellulaire dans ses écoles. Tous les gérants d’estrades jubilent. Voilà un gouvernement qui s’intéresse aux vraies affaires et qui n’hésite pas à intervenir avec rigueur dans ses établissements scolaires. Qu’attend-on pour faire de même au Québec, province gouvernée par des pleutres à genoux devant des enfants-rois?

Euh… Et si on prenait le temps de regarder en quoi consiste cette interdiction, l’on découvrirait ceci :

«Les jeunes peuvent toutefois continuer à amener leur téléphone intelligent à l'école, par exemple pour l'utiliser sur l'heure du dîner ou à la récréation. 
Des exceptions sont prévues pour permettre aux élèves d'utiliser leur cellulaire en classe s'ils ont des besoins particuliers, pour des raisons de santé ou à des fins éducatives, sous la directive de l'enseignant.» 

On est donc loin d’une interdiction totale. Dans les faits, si on prend la peine de s’informer un peu, on découvrirait que bien des écoles primaires et secondaires du Québec appliquent déjà des mesures similaires à celles de l’Ontario concernant l’utilisation du cellulaire. En fait, toutes les écoles que je connais ont un règlement similaire. Elles vont même jusqu’à interdire la seule possession en classe. L’appareil doit demeurer au casier.

Bref, certains gagneraient à s’informer un peu avant d’avoir une opinion.

01 novembre 2019

Participes passés et futur très conditionnel

Après des débats enflammés sur le report de la fête de l’Halloween, voilà que le Québec s’embrase à nouveau. Cette fois-ci, c’est à propos d’une éventuelle réforme des accords des participes passés. Un débat stérile n’attend pas l’autre dans ce pays où l’on s’étourdit à force d’immobilisme. 

Au-delà des arguments des uns et des autres, des notions de respect de la langue et de discrimination sociolinguistique, le véritable problème, quant à moi, n’est pas de savoir s’il faut ou non mettre un «S» ici et là, mais bien de se questionner sur les véritables apprentissages effectués en grammaire par les jeunes qui fréquentent nos écoles.

Enseignant depuis 26 ans au secondaire, c’est toujours avec stupéfaction que je constate chaque année, peu importe le niveau où j’oeuvre, que j’ai dans mes classes un nombre important d’élèves incapables de repérer un sujet dans une phrase ou de distinguer un verbe à l’infinitif d’un participe passé. Alors, imaginez quand il est question de repérer un complément direct nécessaire (ou non) à l’accord d’un participe passé avec l’auxiliaire avoir. Ne croyez pas ici que je méprise ces jeunes. Au contraire, je les plains amèrement et leur ignorance souvent diplômée m’attriste.

Dans tout ce débat sur l’accord des participes passés, personne ne s’interroge sur les raisons qui expliquent ce que savent et surtout ne savent pas ces jeunes, personne ne remet en question les méthodes d’enseignement qu’on nous impose dans nos classes et surtout personne ne dénonce le laxisme des évaluations qui permettent à ces mêmes jeunes de faire une faute de grammaire ou d’orthographe aux 15 mots, leur permettant ainsi de réussir une évaluation ministérielle nécessaire à l’obtention du diplôme d’études secondaires.

Il est ironique de voir tant de gens proposer de réformer une grammaire dont nous manquons chaque jour cruellement d’exemplaires dans nos classes. Où sont-ils, ces savants simplificateurs du verbe et de sa forme participiale quand on dénonce une situation pourtant pas si complexe? Où sont-ils, ces vertueux apôtres de l’égalité des chances linguistiques quand on s’insurge contre le fait que l’école privée peut forcer des élèves à acheter un code grammatical alors que l’école publique laisse les jeunes qui lui sont confiés les mains vides?  

Nul besoin de simplifier la grammaire française. Au rythme où vont les choses, elle s’avérera tout bonnement inutile si on continue à s’étourdir de la sorte. Une grammaire pour chaque élève en tout temps. Voilà le premier objectif qui devrait animer tous ceux qui se vantent de défendre une langue  qu’ils devraient tourner sept fois dans leur bouche avant de la parler ou de l'écrire.

11 octobre 2019

École : du plomb dans l’aile, du plomb dans l’eau (ajout)

On savait tous que l’école québécoise avait du plomb dans l’aile. Par contre, avant la semaine dernière, peu savait qu’elle avait aussi du plomb dans l’eau. 

Pourtant, ce phénomène est connu de certains intervenants en la matière depuis bien des années, ce qui n’a pas empêché nos décideurs publics de ne rien faire. Pas plus tard qu’en février 2019, dans un avis de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), on s’inquiétait du niveau de plomb dans l’eau des écoles et des garderies du Québec. Cette substance, un neurotoxique puissant, peut affecter le quotient intellectuel des enfants. Dans certains cas, elle pourrait aussi augmenter les risques de développer un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Dans les faits, toute exposition au plomb, peu importe le taux, est considérée dangereuse.

D’après ce rapport de l'INSPQ, entre 2013 et 2016, 15 des 436 établissements scolaires testés présentaient un taux de plomb dépassant la norme provinciale de 10 microgrammes par litre, certaines écoles atteignant parfois jusqu’à 350 microgrammes par litre, soit 35 fois la norme permise. La situation serait plus préoccupante pour les établissements construits avant 1975 et le portrait de cette situation serait évidemment pire encore si on appliquait la norme fédérale qui est de 5 microgrammes par litre.

En juillet 2019, différents médias rapportaient enfin de larges pans de ce rapport. En réaction à ces informations, le premier ministre du Québec, François Legault, jugeait la «situation préoccupante» et mandatait ses ministres de la Santé et de l’Éducation pour qu’ils suivent « de très près la situation dans les écoles concernées.»

Il aura cependant fallu une nouvelle série d’articles en collaboration avec l'Université de Montréal pour que le gouvernement québécois se décide enfin à bouger la semaine dernière. Dans le cadre de cette enquête, on apprenait alors que l'eau d'une fontaine testée sur six dépassait la norme fédérale.

Dorénavant, l’eau de toutes les écoles et garderies du Québec sera testée. On pourrait se satisfaire de cette réponse gouvernementale si on ne prêtait pas attention aux propos de différents chercheurs universitaires, dont l’experte de la question du plomb dans l’eau potable, Michèle Prévost. En effet, cette dernière doute de la validité des tests qu’on s’apprête à effectuer dans les écoles et les garderies. Rien ne garantit, par exemple, que ce seront toutes les fontaines où s’abreuvent les jeunes qui seront testées. De plus, la nature du test elle-même serait insuffisante. «Faire couler l’eau cinq minutes, c’est la façon parfaite de cacher le problème, de le minimiser. Moi qui pensais que Québec avait enfin compris», dit celle qu’on décrit comme une sommité mondiale en la matière. À cet égard, il est paradoxal que, pour des raisons environnementales, l'école québécoise incite les jeunes et son personnel à ne plus consommer de l'eau en bouteille alors qu'elle semblerait incapable d'assurer une qualité d'eau saine.

Tous ces faits m’amènent, pour l’instant, à être inquiet quant à ma santé et celle des élèves que j’ai côtoyés. Je serais rassuré si on mettait de l’avant des mesures plus efficaces et pertinentes concernant cette situation. 

Je me souviens des premières années où des enseignants et des parents dénonçaient la présence d’amiante dans nos écoles. On accordait peu d’importance à leurs doléances et ce, c’était quand on ne les tournait pas en ridicule. Aujourd’hui, le Québec est devant une situation semblable et j’ai peur que nous n’apprenions rien du passé et de la science.

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On apprenait mercredi que le gouvernement Legault a décidé que les tests concernant le plomb dans l'eau des écoles et des garderies seront faits en respectant les normes canadiennes.

«L’Ontario l’a fait en quatre ans, le Nouveau-Brunswick en un an. On va essayer de le faire en moins d’un an, a-t-il avancé. Et après, on va corriger les situations. […] On sera transparents.», a déclaré le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge.

Huit longs mois. Je veux bien comparer avec d'autres provinces mais je ne comprends pas que ce soit si long. De mémoire, le ministre a été bien plus incisif quand ce fut le temps d'allonger le temps des récréation. Et je vous rappelle que cette situation est connue depuis au moins février 2019, si ce n'est pas avant. Si le gouvernement avait été plus pro-actif, ce dossier serait déjà réglé.

Disons qu'au minimum, on peut espérer que cette situation sera réglée pour la santé de tous.



    

02 octobre 2019

Projet de loi 40: point de vue d'un enseignant

Le projet de loi 40 déposé mardi par le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, ne concerne pas que la gouvernance scolaire. Il s'intéresse aussi au statut de l'enseignant et à la reconnaissance de celui-ci.

Ainsi, à l'article 19 de la Loi sur l'instruction publique (LIP), le ministre veut ajouter que l'enseignant est un individu «possédant une expertise essentielle en pédagogie». Le hic est que cette reconnaissance s'arrête à ce seul article.  En effet, il suffit de lire un certain nombre de modifications ou d'ajouts que le ministre veut apporter à la loi actuelle pour s'en convaincre. 

La formation continue 

Par exemple, à l'article 456 qui traite de l'autorisation d'enseigner, le ministre se 
donne le pouvoir d'établir par le biais d'un simple règlement «les obligations de formation continue des titulaires d’une autorisation d’enseigner, les modes de contrôle, de supervision ou d’évaluation de ces obligations, les sanctions découlant du défaut de s’y conformer et, le cas échéant, les cas de dispense.»

C'est un peu comme si le ministre croyait que les enseignants du Québec ne faisaient aucune formation continue dans nos écoles. L'affirmation, dans le projet de loi 40, que les enseignants possèdent «une expertise essentielle en pédagogie» en prend tout un coup. Sait-il que bien des commissions scolaires obligent les enseignants à se doter d'un plan annuel de formation? Rien que l'année dernière, j'ai suivi plus de 15 heures de formation officielle donnée par mon école ou ma commission scolaire. Et on ne parle pas de la formation informelle, les lectures ainsi que les recherches touchant le contenu disciplinaire ou pédagogique.

À toutes fins pratiques, le ministre se substitue en partie à un ordre professionnel. Quand aura lieu cette formation? Auprès de qui? Sur quels sujets? Correspondra-t-elle aux besoins réels des enseignants? Sera-t-elle reconnue financièrement? Et qui la paiera?

La modification des notes

Ici aussi, la reconnaissance de l'«expertise essentielle en pédagogie» des enseignants ne se traduit pas dans les faits et le ministre contredit même ce qu'il énonçait il y a quelques mois à peine. Qu'on pense à l'ajout à l'article 96.15 de l'alinéa suivant:  

«Les normes et modalités d’évaluation des apprentissages visées au paragraphe 4° du premier alinéa ne peuvent avoir pour effet de permettre la majoration automatique d’un résultat. Elles peuvent toutefois permettre exceptionnellement au directeur de l’école, après consultation de l’enseignant, de majorer le résultat d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire. ».

Une direction d'école pourra donc toujours modifier les résultats d'un élève sans tenir compte de l'avis professionnel d'un enseignant. Cela va à l'encontre du «signal clair venant d'en haut» que le ministre Roberge disait envoyer contre le gonflement des notes en avril 2019 lorsqu'il affirmait:  «Ça sera beaucoup plus cohérent lorsque je rappellerai au réseau de respecter le jugement professionnel des enseignants et de ne pas gonfler les notes parce que j’aurai fait la même chose.»  

On comprend donc que l'évaluation ne sera toujours pas le domaine exclusif de l'enseignant et que certains conseillers pédagogiques ou directeurs d’école continueront à s’immiscer dans l’évaluation des élèves. Bref, on continuera de retrouver dans des classes de troisième secondaire des élèves qui n'ont pas réussi leur cours de français ou de mathématique depuis la sixième année du primaire.







23 septembre 2019

Éducation: des enseignants d'expérience qui quittent

On s'insurge du fait qu'un pourcentage significatif de nouveaux enseignants quittent la profession qu'ils ont pourtant choisie quelques années auparavant. Selon les études, de 20 à 25% de ceux-ci délaisseraient le monde de l'éducation après cinq ans.  Pour contrer ce phénomène, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, propose entre autres d'améliorer les conditions dans lesquelles ils exercent leur profession mais aussi leur salaire à l'entrée. Mais tout cela n'est peut-être qu'un marché de dupes quand on adopte un regard plutôt critique.

Une réalité qu'on aborde rarement lorsqu'on parle de rétention du personnel en éducation est également le nombre important d'enseignants expérimentés qui quittent avant leur pleine retraite. Le phénomène est peu connu et, signe de l'importance qu'on y accorde, il est impossible de trouver quelque statistique que ce soit à cet effet. Même l'appareil gouvernemental est silencieux à ce propos. Pourtant, autour de moi, tous les enseignants que je connais et qui quittent la profession le font malgré les pénalités actuarielles importantes qu'ils subiront. Quand on sait que leur pension mensuelle sera moins avantageuse depuis les dernières conventions collectives, ce départ silencieux mérite pourtant qu'on s'y attarde.

Or, que propose-t-on pour retenir ces enseignants à part des pénalités actuarielles inefficaces? Rien. Et on peut douter qu'ils se fient aux promesses d'amélioration de leurs conditions de travail. Après tout, ils en ont vu des ministres passer et leur promettre des jours meilleurs. D'autant plus que, comme employés, depuis les dernières années, ils n'ont jamais été aussi micro-gérés à la minute près par certaines directions qui les traitent comme s'ils étaient des voleurs de temps.

Alors, ces enseignants se choisissent et quittent un réseau d'éducation auquel ils ne croient plus. La vocation, qui demande de justement croire en quelque chose, on l'a tuée en eux, minute après minute comptabilisée, année après année frustrante, programme après programme déficient,  ministre après ministre incompétent. Pas étonnant que des jeunes, intéressés par l'éducation et témoins de cette situation, choisissent une autre voie.

12 septembre 2019

Comment agrandir une école de façon nuisible

Un peu partout au Québec, on parle d'ajouts de classes ici et là dans des écoles secondaires. Par on ne sait quelle pensée magique, on croit que de construire uniquement plus de classes suffit pour assurer un climat sain et sécuritaire dans des milieux surpeuplés. Or, la réalité est parfois bien différente.

Dans certains cas, on s'aperçoit que, si on ajoute des locaux de classe dans plusieurs établissements scolaires, on oublie carrément d'ajuster en conséquence la taille des espaces communs avec des répercussions parfois néfastes pour la qualité de l'enseignement et la qualité de vie des gens qui les fréquentent.

Prenons par exemple une cafétéria qu'on «oublie» d'agrandir pour permettre aux jeunes de diner tous à la même heure. Résultat: les élèves finissent par manger un peu partout dans l'école, salissant ainsi des espaces qui ne sont pas prévus à cette fin. Les corridors, par exemple. On augmente alors les coûts d'entretien ménager mais aussi la circulation et le bruit alors que se tiennent parfois dans des classes des périodes de récupération pour les élèves éprouvant des difficultés.

Une façon de régler ce problème d'espace à la cafétéria est évidemment de créer un horaire avec des périodes de diner différentes selon le niveau des élèves. Si on s'assure ainsi que chaque élève aura une place assise à la cafétéria, on augmente le va-et-vient dans les corridors, nuisant ainsi à la quiétude des périodes d'enseignement prévues à l'horaire, mais aussi le cout des surveillants lors des deux périodes de diner.

Un autre exemple: ne pas avoir «prévu» des espaces suffisants pour installer les nouveaux casiers nécessaires avec l'augmentation du nombre d'élèves accueillis par l'école. Cet «oubli» a comme conséquence qu'on place des casiers un peu partout dans les corridors, augmentant encore une fois les sources de bruit à proximité des classes et le va-et-vient dans l'école. Pis encore, on restreint l'espace prévu pour la circulation dans les corridors avec des élèves qui se déplacent pour aller en classe et qui doivent se frayer un chemin parmi d'autres élèves en train de prendre leurs livres ou de ranger leur manteau. Il devient également difficile d'assurer une surveillance efficace de tous les casiers disséminés ici et là.

Il y a aussi la bibliothèque, quand il y en a une, évidemment. Aucune augmentation de la superficie de cette dernière alors qu'elle doit desservir un plus grand nombre d'élèves. Et ne parlons pas du manque d'espace pour accueillir les nouveaux livres auxquels l'école a droit avec plus d'élèves mais aussi une augmentation récente du budget consacré à l'achat de ceux-ci. Plus de livres, plus d'élèves mais le même espace.

Enfin, une augmentation du nombre de classes ne signifie pas une augmentation des locaux destinés aux bureaux des enseignants et de certains professionnels qui, eux aussi, sont nécessairement plus nombreux. On s'entasse donc, comme d'habitude.

Nos décideurs vous diront que les situations décrites ici ne sont pas réelles, que des directives évitent ce genre de situation ou que c'est la faute de certaines commissions scolaires. La réalité que me confient des collègues sur le terrain est pourtant celle que j'ai décrite plus haut. On ajoute des classes dans nos écoles sans nécessairement améliorer les conditions d'apprentissage et de vie de nos jeunes. Dire que pendant ce temps, on nous beurre les oreilles avec des projets de Lab-École...

Il est grand temps que les choses s'améliorent dans nos écoles.


31 août 2019

Sexualité et ECR: une décision pleine de bon sens

La décision du ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, de vouloir intégrer le contenu relié à l'éducation à la sexualité au cours d'Éthique et culture religieuse (ECR) est pleine de bon sens et résolument pratique quand on connait la réalité scolaire.

C'est au secondaire que la situation s'améliorera avec cette décision. En effet, actuellement, chaque école doit s'assurer de donner un certain nombre d'heures d'enseignement relié à la sexualité en intégrant celui-ci dans des cours déjà existants. Dans les faits, la situation varie grandement selon les écoles et semble quelquefois chaotique.  

Qu'on me comprenne bien pour l'avoir en partie fait: enseigner la sexualité ne consiste pas à parler devant les élèves de ce sujet, animer une discussion de groupe ou inviter un conférencier spécialisé (généralement une infirmière ou un sexologue) mais bien à enseigner un programme avec des contenus et des compétences à développer. C'est à la fois précis et rigoureux. On doit développer des séquences de cours, construire des activités qui rejoindront les objectifs prescrits par le MEES. Généralement, c'est aux enseignants de français, de sciences et d'ECR qu'on confie cette tâche dans les écoles. Plus poliment, disons-le, c'est aux enseignants de français, de sciences et d'ECR que le reste de l'équipe-école se débarrasse de cette tâche. En ECR et en sciences, il existe des liens logiques évidents entre cette matière et ce contenu, mais en français...  

Bien sûr, il est possible d'y parvenir à travers la lecture d'un roman, par exemple.  Mais encore faut-il trouver une oeuvre adéquate et signifiante au niveau littéraire, en faire acheter au minimum une trentaine d'exemplaires par l'école (où sont les budgets?), la préparer et créer le matériel didactique s'y rapportant. Dans les faits, il faut parfois se livrer à de véritables contorsions pédagogiques dignes du kamasutra pour intégrer (pas aborder mais intégrer) certains contenus dans un programme de français déjà fort chargé et complexe. Et les objectifs du programme d'une année ne se prêtent pas toujours à ceux du programme en sexualité. «Ah! Mais vous avez bien plus de périodes d'enseignement que bien d'autres matières et vous n'avez qu'à lire et écrire des textes sur ce sujet», m'a déjà dit un collègue. Ouaip... j'imagine ça, moi, la rédaction d'une nouvelle littéraire ayant pour thème la syphilis. Quoique si on s'intéresse à Maupassant...

Dans la réalité, loin de celle des hautes tours de nos fonctionnaires de la pédagogie, au secondaire, tout est déjà complexe et l'idée d'intégrer le contenu relié à la sexualité correspond très bien à l'adage «Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?» Il est difficile de coordonner l'action de huit enseignants différents pour chaque élève et vouloir intégrer un contenu précis dans divers cours parfois surchargés relève de la haute voltige. Pour ces raisons, ce qui est l'affaire de tous devient rapidement l'affaire de personne.

En prenant cette décision qui indisposera malgré tout certains enseignants, M. Roberge fait le bon choix, surtout si l'on pense à la santé des jeunes Québécois. Et si je peux me permettre: c'est exactement ce que suggéraient plusieurs enseignants il y a de cela des années. Mais on ne les a pas écoutés, préférant perdre temps, énergie et argent. Un bémol cependant: On peut se demander si tous les enseignants d'ECR auront l'agilité de présenter certains contenus disons plus scientifiques.

Reste maintenant à suggérer au ministre de s'intéresser aux différents contenus reliés à l'orientation scolaire et professionnel qui doit aussi être intégré dans différents cours, avec un succès bien relatif.

07 juin 2019

Exempter des élèves des examens de fin d'année pour souligner la réussite: une autre fausse bonne idée

Une école de ma région a commencé à instaurer un système de motivation pour récompenser les étudiants méritants: il s'agit d'exempter de l'examen de fin juin les élèves ayant présenté une moyenne de 85% dans une matière donnée. Cette mesure ne s'applique cependant pas aux examens ministériels ou relevant de la commission scolaire, comme si ces derniers étaient de «vraies» évaluations et les autres que des tests facultatifs donnés on ne sait trop pourquoi finalement.

Sur quelles données probantes repose cette idée? Aucune idée. Un spécialiste que j'ai consulté m'a indiqué qu'à sa connaissance, il n'existe rien sur le sujet.

En pratique, cette mesure pose tout d'abord des problèmes au niveau de l'équité des résultats des élèves. Ainsi, en français, en juin, on ne retrouve qu'un examen de lecture. L'élève fort en écriture ou en oral devra donc se présenter à un examen pour un volet où il réussit moins bien qu'un confrère bon en lecture mais qui aurait une moyenne générale plus faible en français. Appelons cela une situation injuste. De même pour un élève qui aurait un enseignant plus généreux que son ami malchanceux aux prises avec un enseignant plus rigoureux. Quand on sait qu'il est rare qu'on favorise la rigueur dans notre réseau scolaire, on comprendra qu'on en arrivera un jour à un inévitable point de comparaison où le prof plus exigeant devra baisser ses attentes s'il veut ne pas subir l'opprobre des jeunes, des parents ou même de sa direction.

Également, les examens de juin mesurent parfois, dans certaines matières comme les sciences ou les mathématiques, des contenus qui ont été enseignés en fin d'année et qui ont peu été évalués formellement. On perd donc ici une occasion d'évaluer un élève quant à des contenus nouveaux. Cela fausse donc l'évaluation. Un élève fort pendant l'année n'aura pas à subir une évaluation qui, théoriquement, aurait pu diminuer sa moyenne générale, par exemple.

Mais ce qui m'embête davantage est le message que véhicule une telle mesure. En effet, l'école fixe ainsi un seuil de réussite implicite de 85%. À 85%, tu mérites d'être exempté. À 85%, tu es bon. 85%, c'est le seuil de reconnaissance de ta valeur. En bas de 85%, tu ne mérites rien. En bas de 85%, tu n'es pas reconnu. En bas de 85%, tu es... poche.

Pour des collègues ayant vécu cette expérience, il s'ensuit une étonnante et désespérante ségrégation. Ainsi, on sait tous que les élèves se comparent entre eux et 85% devient alors le nouveau seuil minimal où l'on départage les «forts» des «faibles». On m'a rapporté le cas d'une bonne élève travaillante en larmes pendant de longues minutes et qui affirmait ne pas être bonne parce qu'elle n'avait que 84%. Elle anticipait le regard de ses collègues de classe et de ses parents. Voilà comment une fausse bonne idée transforme une élève méritante en une élève honteuse. Comment peut-elle ne pas être fière d'avoir obtenu 84%?

En plus de vouloir récompenser les élèves qui réussissent bien et de vouloir réduire le nombre d'évaluations qui seraient des sources de stress, cette initiative vise à inciter les élèves à maintenir un effort constant tout au long de l'année. Or, on ne semble pas constater l'effet pervers qui se produirait avec l'instauration d'un tel système. Les jeunes se mettent davantage à stresser à chaque travail, à chaque évaluation pour avoir 85%. Ils calculeraient davantage leur moyenne générale pour savoir s'ils seront exemptés et questionneraient davantage leurs enseignants quant à la correction de leurs travaux et de leurs examens. En bon québécois, ils se mettraient «à gosser pour des points». Ils ne viseraient plus à apprendre, mais à réussir.

Et quand on ouvre cette porte dans la course aux notes, on favorise évidemment une certaine motivation mais aussi la tricherie. L'accent est mis, non sur les apprentissages, mais sur la réussite, peu en importe les moyens. On est loin des valeurs saines qu'on devrait préconiser dans un établissement d'éducation, quant à moi. Ne pas faire une évaluation devient une récompense. C'est un peu comme ce prof qui promet à ses élèves de remplacer un cours par une activité récompense s'ils atteignent certains objectifs. Les jeunes deviennent motivés à l'école pour ne pas avoir d'école. Un joyeux paradoxe.

Pour ma part, on devrait valoriser la différence dans la réussite, valoriser les élèves selon ce qu'ils sont et qui ils sont. Un gamin qui trime dur et qui obtient un 67% est peut-être plus méritant qu'un jeune blasé et impoli qui a 89% et qui ne fait rien en classe.  On me répondra qu'il existe des systèmes de mentions, de commentaires au bulletin. Rien ne bat cependant aux yeux d'un élève la récompense «ultime» d'être exempté d'une épreuve que devront faire ses collègues «moins bons» que lui. On consacre ainsi la «réussite» tout en stigmatisant «l'échec» avec 84% de moyenne...

«Oui, mais les forts n'ont jamais de reconnaissance. On s'occupe juste des plus faibles», pourrait-on répliquer. Ces affirmations sont pourtant fausses. Les plus forts reçoivent déjà une reconnaissance de facto de  l'école par la note inscrite à leur bulletin et on ne s'occupera jamais assez des plus faibles justement parce qu'ils sont les plus faibles.

Dans les faits, en plus d'être une «fausse bonne idée», ce genre de mesure souligne le caractère d'une école où on ne travaille pas la motivation intrinsèque de l'élève et une bonne reconnaissance de ses effort et de sa réussite. La note devient un but en soi. Pas les apprentissages.  Pas les stratégies d'apprentissage. Pas les connaissances. On formate les élèves à se définir encore plus par les notes que comme des apprenants. On ne se questionne pas sur les buts, les moyens et les valeurs qu'on instaure.

Voilà, finalement, une autre belle dérive de la gestion axée sur le résultat.


11 mai 2019

Un examen ministériel de français écrit inéquitable (ajout)


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Les actions d’un éducateur sont guidées par de nombreuses valeurs. L’une d’entre elles est de traiter chacun de ses élèves équitablement, notamment en matière d’évaluation.

Récemment, des finissants ayant effectué l’épreuve d’écriture de français de cinquième secondaire soulevaient une situation inéquitable dont ils auraient été victimes, soit celle où certains jeunes, fréquentant généralement une institution privée, pouvaient utiliser une tablette ou un ordinateur pour rédiger le texte argumentatif exigé lors de cet examen. Ils soulignaient le fait qu’il était plus simple et rapide pour les jeunes de se servir d’un dictionnaire électronique que d’un ouvrage de référence en papier.

Si l’on peut débattre de la validité de cet énoncé, il existe une autre forme d’inéquité indiscutable quant à l’utilisation d’un appareil électronique lors de cet examen essentiel à l’obtention du diplôme d’études secondaires. En effet, un jeune habile avec une tablette ou un ordinateur n’aura pas à mettre au propre son brouillon de plus de 500 mots. Il imprimera simplement sa version finale sur laquelle il aura travaillé jusqu’à la dernière minute. D’après mes observations, j’estime à environ 45 minutes le temps dont profite ainsi un tel élève. C’est énorme quand on sait que cet examen dure 3h30.

Devant cette forme d’injustice, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, comme éducateur en chef, ne peut accepter une telle situation et doit y remédier pour la prochaine année scolaire. Tous les élèves du Québec, à moins de bénéficier de mesures d'appui prévues dans un plan d'intervention concernant la dyslexie ou la dyspraxie, par exemple, doivent être placés dans des conditions similaires lors de cet examen et leur réussite ne devrait en aucun cas dépendre de leur accès ou pas à un appareil technologique. L’examen de français se veut unique et uniforme : ce n’est manifestement plus le cas quand les conditions de passation de celui-ci sont aussi différentes d’une école à l’autre.

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Ajout: Dans la même veine, certaines écoles ont constaté l'avantage de fournir des dictionnaires électroniques à leurs élèves lors de cette épreuve.