Le projet de loi 40 déposé mardi par le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, ne concerne pas que la gouvernance scolaire. Il s'intéresse aussi au statut de l'enseignant et à la reconnaissance de celui-ci.
Ainsi, à l'article 19 de la Loi sur l'instruction publique (LIP), le ministre veut ajouter que l'enseignant est un individu «possédant une expertise essentielle en pédagogie». Le hic est que cette reconnaissance s'arrête à ce seul article. En effet, il suffit de lire un certain nombre de modifications ou d'ajouts que le ministre veut apporter à la loi actuelle pour s'en convaincre.
La formation continue
Par exemple, à l'article 456 qui traite de l'autorisation d'enseigner, le ministre se
donne le pouvoir d'établir par le biais d'un simple règlement «les obligations de formation continue des titulaires d’une autorisation d’enseigner, les modes de contrôle, de supervision ou d’évaluation de ces obligations, les sanctions découlant du défaut de s’y conformer et, le cas échéant, les cas de dispense.»
C'est un peu comme si le ministre croyait que les enseignants du Québec ne faisaient aucune formation continue dans nos écoles. L'affirmation, dans le projet de loi 40, que les enseignants possèdent «une expertise essentielle en pédagogie» en prend tout un coup. Sait-il que bien des commissions scolaires obligent les enseignants à se doter d'un plan annuel de formation? Rien que l'année dernière, j'ai suivi plus de 15 heures de formation officielle donnée par mon école ou ma commission scolaire. Et on ne parle pas de la formation informelle, les lectures ainsi que les recherches touchant le contenu disciplinaire ou pédagogique.
À toutes fins pratiques, le ministre se substitue en partie à un ordre professionnel. Quand aura lieu cette formation? Auprès de qui? Sur quels sujets? Correspondra-t-elle aux besoins réels des enseignants? Sera-t-elle reconnue financièrement? Et qui la paiera?
La modification des notes
Ici aussi, la reconnaissance de l'«expertise essentielle en pédagogie» des enseignants ne se traduit pas dans les faits et le ministre contredit même ce qu'il énonçait il y a quelques mois à peine. Qu'on pense à l'ajout à l'article 96.15 de l'alinéa suivant:
«Les normes et modalités d’évaluation des apprentissages visées au paragraphe 4° du premier alinéa ne peuvent avoir pour effet de permettre la majoration automatique d’un résultat. Elles peuvent toutefois permettre exceptionnellement au directeur de l’école, après consultation de l’enseignant, de majorer le résultat d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire. ».
Une direction d'école pourra donc toujours modifier les résultats d'un élève sans tenir compte de l'avis professionnel d'un enseignant. Cela va à l'encontre du «signal clair venant d'en haut» que le ministre Roberge disait envoyer contre le gonflement des notes en avril 2019 lorsqu'il affirmait: «Ça sera beaucoup plus cohérent lorsque je rappellerai au réseau de respecter le jugement professionnel des enseignants et de ne pas gonfler les notes parce que j’aurai fait la même chose.»
On comprend donc que l'évaluation ne sera toujours pas le domaine exclusif de l'enseignant et que certains conseillers pédagogiques ou directeurs d’école continueront à s’immiscer dans l’évaluation des élèves. Bref, on continuera de retrouver dans des classes de troisième secondaire des élèves qui n'ont pas réussi leur cours de français ou de mathématique depuis la sixième année du primaire.
On comprend donc que l'évaluation ne sera toujours pas le domaine exclusif de l'enseignant et que certains conseillers pédagogiques ou directeurs d’école continueront à s’immiscer dans l’évaluation des élèves. Bref, on continuera de retrouver dans des classes de troisième secondaire des élèves qui n'ont pas réussi leur cours de français ou de mathématique depuis la sixième année du primaire.
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