31 janvier 2008

La réforme et la politique (la suite)

Que va-t-il se passer après le coup d'éclat de MM Landry et compagnie? Si je faisais de la futurologie politique hier, on peut constater que, ce matin, les choses se mettent en place un peu comme je le sentais dans mon billet précédent.

Tout d'abord, je doute que la manifestation de la coalition Stoppons la réforme et la sortie de Landry et compagnie ajoute quoi que ce soir au débat sur la réforme.

Nous avons droit ce matin à une belle chicane inutile entre MM Arcand et Landry (lire aussi ce texte de Patrick Lagacé). On peut reprocher à M. Arcand son style baveux, mas il n'en demeure pas moins que l'ex-premier-ministre du Québec n'a pas répondu aux questions concernant sa responsabilité quant à la situation actuelle en éducation.

Bien sûr, il est facile aujourd'hui à ces anciens politiciens de parler de détournement pédagogique, mais que font-ils de leur responsabilité ministérielle, de leur responsabilité personnelle? N'interviennent-ils pas un peu tard? Et depuis 10 ans, ou était-il au fait? Lisait-il les journaux?

Chaque parti a ses torts, on était de bonne foi, il faut regarder en avant... Voilà grosso modo les mots qui résument les pirouettes de M. Landry aux questions de M. Arcand. À cet égard, j'aime cent fois mieux la déclaration de la ministre Boulay, par exemple, qui a reconnu que c'était une erreur de la part de son gouvernement d'avoir remis la gestion des ponts aux municipalités. Quand quelqu'un admet simplement ses torts ou constate qu'une situation est problématique, on est davantage près d'être en mode solution.

Elle (la ministre Courchesne) gardera un profil bas et poursuivra son travail.

Dans Le Devoir de ce matin, on peut lire : «Réforme de l'éducation - Courchesne annonce une révision complète des programmes.» Tiens, tiens... Suis-je étonné? Encore une fois, la façon dont la ministre répondra au rapport Ouellon sera un bon indicateur de sa loigne de pensée.

De façon plus générale, les libéraux prendront un vilain plaisir à lui rappeler son passage au MELS. De son côté, elle leur soulignera qu'ils n'ont rien fait depuis les années qu'ils sont au pouvoir.

Toujours tiré du Devoir: «Une chef péquiste qui en attribue les ratés à ses successeurs libéraux, qui n'auraient pas su voir adéquatement à son implantation. Une ministre libérale qui relance la balle au gouvernement précédent, qui l'a implantée en pleine période de compressions budgétaires.»

À noter que j'ignore systématiquement l'ADQ dans ce billet pour la simple raison que j'estime qu'il ne jouit pas d'une grande crédibilté dans tous les débats entourant l'éducation et qu'au-delà des mots, sa position est d'un vide sidéral. Et vlan dans le néant!

Les proréformes continueront à penser que tout va bien et que les antiréformes sont des rétrogrades. Les antiréformes continueront à croire que tout va mal et que les proréformes sont des illuminés...

Là-dessus, vous avez le choix des sites à lire: les commentaires de Mme Louise Lafortune du RAEQ qui se plaint de son passage à l'émission Poirier en Direct, par exemple. Ou encore la lutte tout azimut de la FAE et de la Coalition Stoppons la réforme.

Le reste, c'est du divertissement, du triste divertissement de part et d'autre.

Qu'ajouter de plus sinon que la ministre Courchesne a son plan de match, on l'aura compris, et qu'elle ira de l'avant avec des idées qui ne plairont inévitablement ni à l'un ni à l'autre. Le monde de l'éducation est divisé et les traces de la crise qu'il traverse risque de demeurer longtemps.

Voilà le véritable gâchis auquel tous ont contribué de bonne foi et en ayant nos torts...

PS: Une partie de moi est en faveur de tendre la main, de faire des ponts. Sauf que ma boule de cristal verse dans l'absurde par moment...

Dans la logique des choses, les pro et les antiréformes vont se chicaner jusqu'à ce que la ministre Courchesne apporte ses corrections à la réforme De là, tout le monde va chiâler sur les idées de la ministre. Les opinions seront alors encore plus divisées que jamais et, si le PQ prend le pouvoir, on risque de repartir tout ce débat sur d'autres pistes.

Bref, je commence à être en faveur de la théorie qui voudrait qu'on enferme tous ceux que cette situation concerne dans une grande pièce, sans eau sans nourriture et sans toilette, et qu'ils y demeurent jusqu'à ce qu'un concensus en émerge. Et qui sait, pour les motiver davantage, on pourrait leur faire entendre ad nauseam cette chanson de Boris Vian.

30 janvier 2008

La réforme et la politique

Ça y est: la politique débarque à nouveau dans le débat sur la réforme. Bien sûr, il y avait eu les propos de la ministre Courchesne aux Francs-Tireurs. Aujourd'hui, ce sont ceux de MM Landry, Facal, Lisée et Rebello qui soulèvent toute une controverse. Quand le monde de l'éducation est divisé, il est inévitable que des politiciens s'en mêlent, pour le meilleur ET pour le pire.

La réforme : une affaire politique

Remarquez: la réforme a toujours été une affaire politique, dès les tout débuts de cette dernière. C'est seulement qu'avant, il n'y avait pas de politiciens pour la contester. Bien au contraire, chaque ministre qui se succédait au MELS en faisait l'éloge, la soutenait ou ne voulait pas y toucher. Souvent, celui-ci ignorait aussi ce qui se passait dans nos écoles. Du moins, c'est ma perception.

Bien sûr, il est facile aujourd'hui à ces anciens politiciens de parler de détournement pédagogique, mais que font-ils de leur responsabilité ministérielle, de leur responsabilité personnelle? N'interviennent-ils pas un peu tard? «On ne nous a jamais dit au conseil des ministres que cela voulait dire la disparition des moyennes de groupe, que ça signifiait le non-redoublement et la primauté des ‘compétences transversales’ des mots à peine compréhensibles», écrit Bernard Landry. Et depuis 10 ans, ou était-il au fait? Lisait-il les journaux?

Dans la même veine politique, la scission FAE-FSE est basée aussi sur des considérations pédagogiques et politiques. C'est notamment parce que ces deux entités syndicales ne s'entendaient pas sur la réforme qu'elles en sont venues à franchir un point de rupture. Sentant la tempête gronder parmi ses membres, la FSE, qui avait eu une attitude plutôt complaisante, est d'ailleurs devenue plus critique par la suite. Mais la FAE et la FSE sont toujours à couteaux tirés.

La réforme : un projet diviseur

Faut-il s'étonner de ces derniers développements? Pour ma part, non. Depuis des mois, chaque camp est figé dans ses positions et ce à quoi on assiste aujourd'hui devrait agrandir davantage le fossé qui sépare les pro et les antiréformes.

Déjà, une manifestation de la coalition Stoppons la réforme est prévue pour samedi prochain. Dans une école de Granby, des enseignants se sont vu menacer par leur direction de mesures disciplinaires s'ils n'enlevaient pas les affiches annonçant celle-ci.

Ce qui est remarquable, c'est que personne ne se regarde dans un miroir, personne ne se livre à son mea culpa.

Désolé, mais ceux qui ont implanté le Renouveau pédagogique ont fait un très mauvais travail. Au début de son implantation, ils ont fait table rase de tout ce qui existait auparavant. Ils ont été de mauvais pédagogues et de mauvais gestionnaires. Ils n'ont pas tenu compte des résistances de plusieurs enseignants. Ils n'ont pas tenu compte de leurs commentaires quand celui-ci connaissait des dérapages. Certains penseurs, universitaires et pédagogues auraient gagné à être plus vigilants à l'égard de ceux qui mettaient en oeuvre leurs idées.

Quand on propose un changement de cette envergure, on en porte la responsabilité et on ne peut toujours se défiler en jetant la faute sur les autres. Mais certains n'ont pas le sens de l'autocritique très développé et cherchent l'éternel coupable. Si la FAE n'existait pas, il leur aurait fallu l'inventer.

Certains proréformistes ont aussi manqué de sensibilité politique. Ainsi, Jean-Pierre Proulx, du RAEQ, écrit: « ... une portion significative et surtout organisée d’enseignantes et enseignants ont dit non à cette réforme. À mon avis, c’est, en général, pour de mauvaises raisons. Mais peu importe, ils ont dit non. Et en politique, il n’y a pas que la force des arguments. La force du nombre compte davantage.» Le problème est que ce «non» existe depuis longtemps et il aurait fallu en tenir compte au lieu de croire qu'il allait disparaître avec le temps ou plier l'échine sous le poids des contraintes.

À l'inverse, dans l'autre camp, il vient un temps ou il faut commencer à tendre la main, à faire des compromis. Proposer un moratoire est irréaliste et cette stratégie de jusqu'au-boutisme peut même s'avérer dangereux pour leurs propres convictions personnelles. En même temps, certains proréformes avaient le don de saborder la discussion en s'affirmant prêts à la discussion en autant qu'on ne remette pas grand chose en question.

Par ailleurs, il est encore faux d'affirmer que la réforme actuelle laisse beaucoup de liberté à certains enseignants. On a simplement changé qui portaient les chaînes, quant à moi. Rien de plus.

Ainsi, dans certains domaines, ceux-ci ont les poings et les pieds liés. S'il a fallu lutter pour faire admettre le principe qu'on pouvait utiliser diverses méthodes pédagogiques (et pas que la sacro-sainte pédagogie par projet), en évaluation, on a demandé aux enseignants de changer ce qu'ils doivent évaluer, comment ils doivent l'évaluer et comment ils doivent communiquer ce résultat. À cet égard, dire que la ditée est permise dans une classe n'est rien de plus qu'un joli hochet mignon.

De plus, contrairement à ce qui est véhiculé chez les proréformes, l'évaluation des compétences ne permet pas toujours d'évaluer les connaissances. En français, un domaine d'enseignement par compétence depuis des années, sans et avec la réforme, des élèves reçoivent un diplôme alors qu'ils peinent à écrire un texte convenable.

De même, la baisse des résultats des élèves dont parle M Facal est-il un effet de la transition entre deux programmes de formation? Juge-t-on trop vite des retombées de la réforme? Chose certaine, il est facile d'être critique à son égard quand on se rappelle à quel point on nous l'a vendue comme étant la huitième merveilleux du monde.

Et maintenant, que va-t-il se passer?

Tout d'abord, je doute que la manifestation de la coalition Stoppons la réforme et la sortie de Landry et compagnie ajoute quoi que ce soir au débat sur la réforme.

Ensuite, regardons du côté du Parti libéral. Advenant un échec relatif de la manifestation de samedi, la ministre Courchesne pourrait toujours tempérer ses ardeurs quant aux corrections qu'elle entend apporter au Renouveau pédagogique, mais j'en doute. Advenant cette fois un succès monstre de cette démonstration publique, la ministre serait également trop pragmatique pour imposer un moratoire. Ses propos à l'émission Les Francs-Tireurs étaient assez clairs à ce sujet. Elle gardera un profil bas et poursuivra son travail. Donc, zéro impact de ce côté.

C'est davantage du côté du Parti québécois que les choses déterminantes risquent d'arriver. La chef du PQ pourrait se braquer et se peinturer dans un coin, comme on dit. Plus logiquement, elle devrait défendre une réforme dont elle a été la mère tout en tenant compte des critiques qu'elle a récoltées. Celle-ci n'aura d'autre choix au fond que de souffler le chaud et le froid. Déjà, il est très révélateur que Mme Marois soit intervenue dans les médias pour défendre SA réforme tout en indiquant que des correctifs étaient nécessaires quant au redoublement, à l'évaluation et aux matières de base.

De façon plus générale, les libéraux prendront un vilain plaisir à lui rappeler son passage au MELS. De son côté, elle leur soulignera qu'ils n'ont rien fait depuis les années qu'ils sont au pouvoir. Les proréformes continueront à penser que tout va bien et que les antiréformes sont des rétrogrades. Les antiréformes continueront à croire que tout va mal et que les proréformes sont des illuminés...

Dans les faits, c'est lorsque la ministre Courchesne prendra position sur le rapport Ouellon concernant l'enseignement du français qu'on saura quelle direction se débat prendra d'ici peu. Le reste, c'est du divertissement, du triste divertissment de part et d'autre.

Les muffins au pot resurgissent!

Voilà du moins ma première réaction quand je lis cet article publié sur Cyberpresse!

Dans le cadre d'un débat sur la démocratie scolaire qui aura lieu les 20 et 21 février, la Fédération des commissions scolaires du Québec (FSCQ), par le biais de son jovialiste président, André Caron, suggère que les CS soient plus puissantes et autonomes afin de susciter l'intérêt de la population à s'intéresser davantage à celles-ci. On se rappelera que le taux de participation aux dernières élections scolaires avait atteint un maigre 8%.

Cette proposition a de quoi faire réagir quand on sait que bien des gens proposent plutôt leur abolition pure et simple! On peut s'interroger aussi grandement sur le manque de sensibilité politique de la FCSQ. Demander plus quand le grand public considère ces institutions inefficaces et sclérosées. Il y a comme un décalage important.

Pour M. Caron, les citoyens ne s'intéresseront pas aux CS si celles-ci ne sont là que pour appliquer les décisions prises par le MELS : «Ce qu’on veut pouvoir faire, c’est, par exemple, pour un jeune qui ne peut pas faire d’éducation physique, ne pas avoir à demander la permission à la ministre de l’Éducation, mais pouvoir prendre la décision à notre niveau.» Gros enjeu qui suscitera les passions, on l'avouera.

Là ou la chose est plus croustillante, c'est lorsque la FCSQ propose de «déplafonner» le taux de la taxe scolaire (0,35$ par 100$ d'évaluation) pour permettre l'imposition d'un taux selon les services à offrir dans chaque milieu: «Les électeurs seraient alors plus nombreux à s’intéresser aux débats sur l’éducation ainsi qu’à l’administration scolaire. Les élus scolaires seraient alors davantage redevables envers les électeurs.»

Ah! la vilaine coquine! Un gouvernement provincial pourrait être intéressé par une telle mesure de taxation. Il refilerait ainsi l'odieux d'une augmentation à un autre partenaire gouvernemental et pourrait ensuite, par exemple, réduire son financement à celui-ci. Le ministre Fournier avait tenté une manoeuvre similaire quand les comptes de taxes municipales avaient connu une forte augmentation il y a deux ans, je crois.

Si l'on creuse davantage cette idée, on pourrait aussi assister, logiquement, à une baisse du taux de taxation et donc à une baisse des services offerts. Enfin, plus pernicieux encore, comme on sait que la demande de services est plus élevée dans les milieux socio-économiques défavorisé, ce sont eux qui seront nécessairement les plus taxés.

Commençons donc par placer la date des élections scolaires en même temps que celles des élections municipales. Ensuite, assurons-nous donc que les CS soient plus efficaces dans le traitement des dossiers dont elles ont déjà la responsabilité.

Un dernier commentaire en passant: les CS ont un rythme de gestion plutôt lent. Arrive u dossier et on parle en terme d'année scolaire. Arrive le mois de mai et on remet le tout en septembre. Arrive la fin novembre et on pare d'apès Noël.

Il y a des cultures d'entreprise parfois fortement enracinées.

28 janvier 2008

Les bibliothèques scolaires: on s'en tape! (ajout)

Ce matin, Le Devoir publiait un article portant sur le retour des bibliothécaires dans les écoles.

Eh bien, tout d'abord, n'ayons pas peur des mots: les bibliothèques, bien des décideurs scolaires considèrent que ça coûte trop cher! Et puis, offrez-leur le choix d'investir dans un laboratoire informatique ou dans des livres et vous verrez leur réaction. Comme le soulignait ce billet, il y a même des directions d'école qui ont fermé la leur parce que tout est maintenant disponible sur Internet, paraît-il. Il ne faut vraiment rien connaître au domaine de l'édition et aux livres pour faire un tel geste. Quelqu'un pourrait-il leur indiquer que ce ne sont pas tous les ouvrages littéraires ne sont pas disponibles sur la toile?

De toute façon, pour certains, une bibliothèque, c'est vieux, c'est silencieux, c'est passé de mode. Et puis, souvent ceux qui en veulent, ce sont les profs de français qui râlent parce qu'ils ont de vieux dictionnaires dans leur classe, dictionnaires dans lesquels on ne retrouve même pas le mot Internet! Tant pis pour ceux qui préconisent l'éveil aux livres et à la lecture! Tant pis pour ceux qui travaillent à ce que les enfants du Québec cessent d'être dans les derniers rangs quant on s'intéresse à la lecture!

En plus, le monde de l'éducation ne s'aide pas: les bibliothèques scolaires sont de belles vaches à lait pour les librairies des quartiers voisins. Il faut savoir que la loi interdit l'achat, par les écoles publiques, de livres dans des magasins à grande surface ou encore de livres dans un commerce qui n'est pas situé sur le territoire desservi par l'école. Le but de cette mesure: stimuler l'achat local et assurer aux librairies environnantes un certain nombre d'achats obligatoires. Vous m'excuserez, mais je ne crois pas que le budget du ministère de l'Éducation doive remédier à la minceur de celui de la Culture.

Dans un autre cas, un directeur m'a confié devoir refuser les dons de livres à son école. Il n'aurait pas le budget pour préparer et encoder ceux-ci comme le voudraient les normes de sa commission scolaire.

Quant aux bibliothécaires, elles aussi coûtent trop cher pour nos administrateurs. Pourquoi payer une universitaire quand une technicienne ou un agent de bureau classe XYZ peut faire la job de prêter un livre? Mieux encore, un parent bénévole! Là encore, on préfère mettre les sous ailleurs, question de priorité. Alors quand je lis dans La Presse que Québec veut former 20 bibliothécaires scolaires par année, je me demande qui va vouloir les embaucher et payer leur salaire.

D'ailleurs, il faudrait commencer à se demander ou ils vont les sous en éducation. Sûrement pas dans les bibliothéques scolaires, sûrement pas non plus dans les nouvelles technologies de communication puisque le Québec fait figure de parent pauvre au Canada.

Il existe des solutions pratiques comme jumeler les bibliothèques scolaires et municipales, mais celle-ci semble avoir un défaut: c'est une solution et elle est pratique.
Je joins à ce billet la déclaration de la CSQ à ce sujet (ici et ici).

25 janvier 2008

La bouillie des maths au secondaire

Je suis un prof de français. Alors, ce billet est peut-être dans le champ, incohérent, inexact, imprécis, peu fidèle à la réalité, approximatif...

Enfin, tout cela ne m'empêche pas d'écouter mes collègues de maths. Et ces derniers en râlent un coup ces temps-ci.

En quatrième et cinquième secondaire, les choses pour l'année prochaine ont la clarté d'une fuite de pétrole lourd. Il y aura trois séquences de cours, trois profils de cours de maths, très différents les uns des autres. Donc, l'équivalent de trois programmes distincts. Des programmes tellement distincts que les maisons d'édition devaient produire trois manuels différents. J'écris «devaient» parce que certaines ne l'auraient tout simplement pas fait parce que l'exercice n'est pas assez rentable étant donné les coûts de conception d'un manuel scolaire. Fractionnement de la clientèle. Pas assez d'élèves pour qui on achèterait le volume. Du moins, c'est ce qu'on m'a expliqué.

Plus compliqué encore, chaque séquence devrait mener à certains programmes collégiaux précis (sciences de la santé, par exemple). C'est donc dire que les petits enfants de troisième secondaire devraient immédiatement choisir une séquence de maths qui déterminerait leur choix de programme au cégep. Oui, oui, monsieur! Tout de suite! L'élève faible se ferait inévitablement inscrire dans la séquence pour les nuls (ce qui aurait été mon cas), mais celui qui réussit assez bien déciderait quoi?

Ne me parlez pas d'école orientante pour guider les élèves dans leur choix d'une future carrière. C'est une chimère dans bien des écoles. Chez nous, avec le PPO (projet personnel d'orientation), il s'agit d'un running gag quand on veut mentionner quelque chose dont tout le monde parle, mais dont on ignore l'existence formelle.

Plus rigolo, on ne sait pas encore quelle séquence on doit indiquer à un élève de prendre selon son choix de carrière, car les cégeps n'ont pas encore déterminé quelle séquence serait obligatoire pour l'admission aux différents programmes qu'ils offrent.

De plus, les écoles n'ont pas décidé si elles offriraient chacune les trois séquences prévues ou non. Elles attendent, entre autres, une décision des cégeps. Et on comprendra que, selon les séquences qu'elles offriraient, certains jeunes pourraient avoir à changer d'école et que certaines écoles pourraient trier subtilement leur clientèle...

On n'en sort définitivement pas. Et je vous rappelle que la réforme a vu son implantation retardée de deux ans au secondaire. Qu'est-ce que cela aurait été sinon?

En terminant, je vous le rappelle. Je suis un prof de français. Alors, ce billet est peut-être dans le champ, incohérent, inexact, imprécis, peu fidèle à la réalité, approximatif...

24 janvier 2008

Les études: qu'ossa donne?

A-t-on besoin d'en dire beaucoup plus: plus besoin de diplôme d'études secondaires pour être admis au cégep. Voilà ce que nous apprend Le Devoir et La Presse ce matin. En soi, le titre est vrai et faux à la fois. Vrai à condition qu'il ne manque que l'équivalent de six crédit à l'élève. Vrai puisque le jeune n'aura pas besoin d'avoir obtenu son DES pour être admis, mais faux puisqu'il lui faudra quand même l'avoir complété lors du premier trimestre s'il veut ne pas se faire foutre à la porte.

Évitons de ruer dans les brancards: je suis entré à l'université sans mon DEC. Il me manquait un cours que j'ai complété lors de ma première session universitaire. Et il s'agissait d'un cours de français! J'avais abandonné théâtre parce que je n'avais aucune mémoire pour ce qui est de retenir un texte. Sauf que je ne me sentais pas fier de cette erreur de parcours.

Il y aura toujours un échappatoire

Le premier problème que j'éprouve avec une telle mesure en est une de perception. Le message qu'on passe aux jeunes est qu'il y aura toujours un échappatoire. «Tu coules? Pas grave: on a prévu une façon de te tirer de là.» Pour certains qui n'ont pas la culture de l'effort, c'est encore une invitation à remettre à demain ce qu'ils auraient pu faire aujourd'hui.

Cette mesure permettra «d'élargir l'accessibilité des études collégiales», explique la responsable des communications de la Fédération des cégeps, Caroline Tessier. Élargir dans quel but? Rendre service à l'élève ou contrer une baisse de clientèle dans les cégeps?

Dans cette veine, une petite anecdote. Mon école a vu surgir un centre d'éducation aux adultes il y a quelques années non loin de son périmètre. Depuis ce temps, la phrase magique «Je vais le finir aux adultes, mon cours» est devenu le leitmotiv de plusieurs élèves.

Autrefois, ils fournissaient un effort supplémentaire ou on les orientait vers les adultes. Aujourd'hui, ils demandent à aller aux adultes dès la troisième secondaire avant même de donner le meilleur d'eux-mêmes. Et combien reviennent me voir en me disant qu'ils s'ennuient du secondaire et suggèrent à leurs amis de persévérer! Combien finalement obtiennent leur DES aux adultes alors qu'ils auraient pu le finir au secondaire?

Je ne dis pas que le secteur des adultes est une mauvaise chose, mais qu'il devienne aussi banal est un signal que quelque chose ne fonctionne pas dans notre société et dans notre réseau de l'éducation, réforme pas réforme.
De plus, on oublie de mentionner qu'il existe déjà des examens de reprise pour les élèves ayant connu des échecs au secondaire. Faut-il en rajouter?

L'illusion

Le deuxième, c'est qu'on vend de l'illusion aux jeunes. Comment un gamin qui n'a pas réussi son cours de français après cinq années d'études au secondaire pourra-t-il y parvenir en un trimestre alors qu'il devra aussi affronter une première session collégiale. Mystère? On est dans la pensée magique s'il l'on pense qu'ils suffit d'ouvrir les portes du cégep pour que tous puissent y réussir.

Dans le même ordre d'idées, combien d'élèves bénéficiant de cours de mise à niveau obtiennent finalement leur DEC? Je comprends bien qu'on veuille donner des chances aux jeunes, mais est-ce réaliste? Leur offre-t-on tout le support nécessaire à leur réussite?

Contrer une baisse de clientèle?

Le troisième élément qui m'embête est que cette mesure s'inscrit dans un plan plus global et sur lequel je m'interroge.

Ainsi, il sera dorénavant possible «d'admettre des jeunes qui ont passé plus de deux ans loin des banquettes de classes si l'établissement juge qu'ils possèdent «une formation et une expérience [...] suffisantes». Un tel principe existe dans certaines universités, c'est vrai.

De plus, un cégep pourra décerner un diplôme d'études collégiales sans mention. Il sera remis à un étudiant ayant cumulé des cours dans différents programmes». «C'est une mesure pour favoriser la réussite et la diplomation», explique Caroline Tessier. Favoriser la réussite et la diplomation, mais de quelle réussite parle-t-on et dans quel but?

Toute ces mesures me laissent un drôle de goût dans la bouche. Je ne suis pas contre la vertu. Mais je crains ses effets pervers. L'enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Et je me demande où l'on va avec tout cela. À force de vouloir raccrocher les raccrocheurs, dont les problèmes ne sont pas tous reliés à l'école, va-t-on inciter d'autres élèves à y aller plus mollo? Et quels services offrira-t-on à ceux qu'on dit vouloir raccrocher?

23 janvier 2008

Les exposés-z-oraux

Enseignants de français du monde entier, les exposés oraux sont les moments les plus jouissifs ou les plus ennuyants de notre boulot.

Garder l'oeil ouvert, lutter contre le sommeil alors que ce qui se passe devant nous incite au sommeil profond. Ne pas sourire quand l'élève voit le décor qu'il a malhabilement bricolé s'écrouler sur lui. Ne pas se réjouir quand il bute à un endroit précis, endroit dont on lui avait dit de se méfier ou d'éviter. Autant de moments qui font de nous de véritables professionnels.

Mais aussi s'émerveiller du génie de ces jeunes qui créent de toutes pièces des petits moments de magie. Apprécier leur intelligence quand ils nous démontrent qu'ils ont bien compris la tâche à réaliser et qu'ils la rendent de façon exceptionnelle, vivante, enjouée. Noter leur maîtrise de la langue, maîtrise dont ils ne font malheureusement pas toujours montre une fois le cours terminé. Autant de moments qui motivent encore à faire ce métier.

Un peu comme Safwan, je termine cette semaine la période d'évaluation des exposés oraux. Tout s'est bien déroulé dans l'ensemble. Aucun évanouissement, aucune crise d'hyperventilation, aucune échappée urinaire, aucune absence non motivée ou douteuse. La totale, quoi!

Ne riez pas: ce genre d'événement arrive. Il m'a déjà fallu réanimer un élève qui était tombé dans les pommes. Il m'a déjà fallu aussi trouver un petit sac brun pour un élève en crise. Pour l'incontinence passagère, je n'ai pas encore connu... et ne le souhaite pas non plus.

Cette année, un de mes groupes a eu à analyser le texte d'un poème ou d'une chanson. Lire un texte (poétique) et le comprendre. Mummmm... Faire des liens entre les mots, les temps de verbe, la ponctuation, le narrateur, les champs lexicaux, les figures de style. Un travail sérieux, rigoureux, exigeant.

Un autre a eu à analyser les personnages du roman Des souris et des hommes, de John Steinbeck. Description physique, psychologique, liens entre les personnages, valeurs, symboles, vocabulaire utilisé. Rien d'évident non plus. Quelques-uns ont lu le roman trois fois afin de recueillir toutes les informations nécessaires à leur exposé!

Certains s'en sont d'ailleurs plaint : «C'est trop difficile! On peut pas faire ça sur mon animal favori ou sur un film?» J'ai écouté leurs doléances et les ai renvoyés à leur travail. D'accord, j'ai un peu triché en leur offrant de la maxi-récupération le matin, le midi et le soir. Il s'agit d'un travail de fou, aussi bien les accompagner avec ce que je suis déjà comme perturbé mental.

Et certains m'ont livré des exposés géniaux dont ils ont raison d'être fiers. Ainsi, on a assisté à l'enterrement de Saint-Denys-Garneau, à Passe-Partout expliquant un poème de Rimbaud et à un de mes cours de français ou les élèves ont pastiché devant la classe votre humble scripteur. Inutile de dire qu'ils s'en sont donné à coeur joie avec tous mes tics et mes manies! Bref, des petits moments de bonheur!

Ce qui est regrettable cependant, c'est qu'on enseigne véritablement peu l'oral en français de cinquième secondaire. La qualité de la langue écrite est si mauvaise qu'on met beaucoup d'énergie sur la grammaire et l'écriture. Si on ne le faisait pas, les élèves nous en voudraient en fin d'année, une fois leur examen du MELS échoué...

On fait donc des exposés, mais combien de temps prend-on pour expliquer aux élèves leurs qualités et leurs défauts quand ils s'expriment ainsi devant un groupe? Combien de temps leur parle-t-on de prosodie, de maintien, de regard? Combien de temps consacre-t-on à l'utilisation efficace des moyens de communication audiovisuels, à ne pas décrocher d'un personnage, par exemple? Peu.

Cette année, comme j'ai un groupe que je conserverai pour deux ans, je prends plus de temps avec eux. Je commente, on échange. Je vais possiblement les filmer pour qu'ils puissent s'observer pour la prochaine année.

Mais chose certaine, l'expérience des oraux, qui est parfois pénible, s'est avérée agréable. Certaines équipes ont su conjuguer intelligence et audauce. Le prof est content. Les élèves le savent.

22 janvier 2008

CS des Hautes-Rivières: vers un même but, vraiment?

C'est joli comme slogan. On parle d'action, d'unité, de solidarité dans un objectif commun. Ce slogan, c'est celui de la CS des Hautes-Rivières.

La question est : quel est ce but? En effet, on peut se questionner raisonnablement sur sa véracité si on lit l'article paru dans Le Devoir hier. Faire un virage à 360° de la sorte manque de crédibilté pédagogique et sent l'improvisation budgétaire à plein nez.

Aujourd'hui, un article du Journal de Montréal nous en apprend un peu plus.
  • La CS des Hautes-Rivières a un taux de décrochage scolaire de 30%.
  • Elle a connu un taux de décroissance de 10% de sa clientèle en quatre ans.
  • Elle fait face à un déficit de 2 millions $.
  • 55 postes d'enseignants qui sont remis en question.
  • 41 groupes de cheminement particulier temporaire au secondaire risquent de fermer.
  • 10 classes spécialisées au primaire pourraient disparaître.
  • Au secondaire 700 sur 8 8232 pourraient être touchés directement par ces compressions.
  • Au primaire, 150 élèves seraient aussi touchés.
Un discours rassurant et épeurant

«On a essayé de maintenir l'offre de service jusqu'à maintenant, mais dans de telles conditions, on n'a pas le choix de s'adapter», affirme Claude Boivin, directrice générale de la CS.

«C'est possible d'avoir moins d'enseignants sans diminuer la qualité des services aux élèves», assure la présidente du comité consultatif des services aux élèves handicapés et en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, Nathalie Drolet.

L'article du Devoir d'hier prévoyait déjà un exemple de scénario pour l'année prochaine: «La direction jongle donc avec d'autres modèles d'intégration en classes ordinaires, par exemple en regroupant les élèves en difficulté dans de petits groupes uniquement pour les cours de français et de mathématiques.»

Les autres matières, on le sait, sont sans importance... Elles sont des passe-temps, des foutoirs où il n'est pas nécessaire d'accompagner les élèves présentant des difficultés d'apprentissage parce qu'on n'y apprend rien, j'imagine. Pourtant, avec la réforme, le nombre de cours nécessaires à l'obtention du DES a augmenté.

Et puis, «s'adapter», ça ne concerne que quelques élèves poqués et les enseignants. Des pauvres, des paumés, des pestiférés. Aussi bien dire personne.

Des questions sur la gestion de cette CS

Devant une situation semblable, plusieurs interrogations me viennent à l'esprit:
  • Quelles mesures ont déjà été mises de l'avant avant d'en arriver aux compressions décidées par la CS?
  • Cette baisse de clientèle était prévisible. Qu'a fait la CS pour minimiser ses impacts sur son budget depuis quatre ans?
  • La CS a-t-elle un plan précis et efficace en matière de décrochage?
  • La CS a-t-elle déjà fait des demandes supplémentaires de budget auprès du MELS?
  • Peut-on rationaliser les dépenses ailleurs qu'en coupant ces programmes?
  • La CS a-t-elle fait une véritable analyse de la qualité des services donnés auprès des élèves en difficulté?
  • Près de 850 élèves seront déstabilisés dans leurs apprentissages. Combien devront changer d'école pour retourner dans leur secteur d'appartenance d'origine?
  • Grosso modo, ce sera deux élèves par classe qui seront intégrés au secteur régulier. A-t-on analysé les impacts de ce changement sur les élèves déplacés, les élèves accueillants et les enseignants? Dans certains cas, ce bouleversement pourrait compromettre tout leur cheminement personnel et scolaire. Des liens avec des amis et des profs seront brisés.
  • Arrivera-t-on à présenter et à adopter un projet satisfaisant avant l'attribution des tâches?

Manifestement ici, on a affaire à une décision budgétaire prise rapidement et dont toute la CS n'aura pas fini de se ressentir.

Si les enseignants sont déjà montés au front, il reste à espérer que les parents se réveilleront et se plaindront de cette forme de gestion. Un tel changement, effectué de façon aussi sauvage pour les élèves et les enseignants, transpire le mépris et la suffisance :«On est les patrons, on décide. Un même but: le nôtre.»

Comme gestionnaire, les décideurs de la CS des Hautes-Rivières ne peuvent arriver avec une telle solution aussi radicale sans avoir exploré, de façon transparente et avec tous les partenaires de cet organisme, des pistes de solutions efficaces.

Du côté du MELS, la réaction est décevante , quant à moi. Jean-Pascal Bernier, l'attaché politique de la ministre Courchesne, indique que celle-ci a fait des vérifications auprès de la CS et souhaite que la décision finale soit prise par le conseil de commissaires «dans l'intérêt des élèves, au cas par cas».

L'intérêt des élèves? Les commissaires? Dans certains cas, laissez-moi douter.

21 janvier 2008

Votre CS est en déficit: vivement des coupures!

Petite pièce d'anthologie ce matin dans Le Devoir : les coupures ne sont pas finies en éducation!

Les faits

Selon ce journal, la commission scolaire des Hautes-Rivières en Montérégie s'apprête à faire des compressions sur le dos des élèves en difficulté. Comme l'article n'est pas disponible dans sa version intégrale sur Internet, je vous en résume de larges extraits. (Ness l'a finalement recopié au complet ici.)

Aux prises avec un budget déficitaire de 2 millions $, la Commission scolaire des Hautes-Rivières, en Montérégie, projette de réduire considérablement les services aux élèves en difficulté d'apprentissage.

Ainsi, elle compte réduire le nombre de groupes à effectif réduit pour les élèves en difficulté afin de les intégrer dans les classes ordinaires. On abolirait 41 classes de cheminement particulier temporaire au secondaire, les classes de présecondaire pour les élèves n'ayant pas les acquis nécessaires pour entrer au secondaire après leur sixième année et les «classes ressources» en troisième secondaire pour les élèves à risque d'échec ou de décrochage.

De plus, la CS réduirait du tiers les classes en cheminement particulier continu au secondaire et les classes spécialisées au primaire pour les élèves ayant des difficultés graves d'apprentissage, des difficultés intellectuelles légères ou encore des difficultés langagières.

Allo, madame Courchesne? Ça ne vous tente pas de mettre une commission scolaire sous tutelle? Une petite vérification des livres comptables et des décisions de gestion récente? Une chance sur deux qu'il y a des cadres qui se sont acheté du mobilier neuf pour leur bureau cette année... Une chance sur deux qu'il y a des frais de représentations qui comprennent le remboursement d'alcool... Une chance sur deux que les coupures ne frappent que les plus faibles et les profs...

Allo, les pédagogues qui crient contre le décrochage et proposent des pédagogies alternatives pour nos enfants? Ça ne vous tente pas de vous faire une légitimité et dénoncer une telle mesure?

Les conséquences

Bien évidemment, tous ces élèves finiront dans les classes régulières sans service d'accompagnement. Ces jeunes en paieront le prix, les autres élèves en paieront le prix, les enseignants en paieront le prix. Mais il n'y aura plus de déficit et on ne se penchera pas sur la gestion financière de cette commission scolaire. Trop facile... On appelle cela de la gestion à courte vue.

À cet égard, la réaction de la présidente du syndicat local, Jacinthe Côté, est fort juste: «Avec les hypothèses sur la table, on est en train de mettre en péril la réussite non seulement des élèves en difficulté, mais aussi celle des élèves des classes régulières. L'incapacité de la commission scolaire d'assurer des services adaptés aux besoins des élèves incitera un plus grand nombre de parents à diriger leurs enfants vers l'école privée, diminuant encore plus le nombre d'élèves dans nos école et augmentant d'autant le casse-tête financier futur.»

Au coût humain élèves, j'ajouterai celui des enseignants. Ce sont quelque 55 postes d'enseignants qui seront supprimés, ce qui va entraîner un effet «bumping» incroyable. Certains se retrouveront sans emploi, d'autres dans des postes qui connaissent mal. Enfin, certains recevront le coup de pouce suffisant pour partir en congé de maladie...

Quand on veut noyer son chien...

Pour justifier cette décision, la direction de la commission scolaire des Hautes-Rivières estime que la situation financière de cet organisme est intenable. Elle ne peut dépenser 4 millions de plus que ce que Québec lui donne pour les services d'adaptation scolaire.

De plus, Claudine Boivin, directrice générale, affirme: «Malgré tout ce qu'on investit, on n'a pas les résultats escomptés.» Il faut savoir que cette CS est en queue de peloton au chapitre du passage du secondaire au collégial et que le taux de réussite des cheminements particulier temporaire est de 20%. Bien tiens... Quel hasard de vouloir changer les choses maintenant! Et que ça ne marchait pas avant, ça ne vous dérangeait pas? On peut questionner légitimement l'efficacité de certaines de ces mesures d'appui, mais c'est un drôle de hasard de le faire maintenant. Trop facile...

À cet égard, la réaction de l'attaché de presse de la ministre Courchesne est intéressante: «Le débat ne se pose pas entre l'intégration ou le cheminement particulier à tout prix. Si la commissions colaire préconise l'intégration, il faut qu'il y ait un très bon plan d'intervention pour chacun des élèves.»

J'ai hâte de lire les solutions que préconisera cette CS pour assurer l'intégration et le succès de ces élèves qu'elle déplacera au secteur régulier.

20 janvier 2008

Un choque dans le Journal de Montréal (modifié)

On le sait, des erreurs, ça arrive à tout le monde. Ce blogue contient d'ailleurs plusieurs perles, fautes de frappe, anglicismes... Trop à mon goût. J'en échappe quelques-unes à l'occasion et je me refuse encore au correcteur orthographique par pure bêtise humaine. C'est pourquoi je ne passe jamais de commentaire sur la qualité du français de ceux qui y écrivent.

Par contre, quand les écrits sont de nature publique et publiés par des médias reconnus, ça me turlupine un peu plus.

J'ignore qui est au pupitre au Journal de Montréal ou à Canoe mais, ce matin, on pouvait lire ce titre bien en vue dans le texte suivant:

Le choque des générations
Des jeunes en rupture avec leurs aînés

Moi aussi j'ai eu un choc. Le JdeM est-il en rupture avec l'orthographe?
(Tiens, tiens: quelqu'un a trouvé un dictionnaire dans la salle de rédaction ce matin.)

Déjà, ce journal s'était surpassé avec un article publié le 9 janvier dernier et qui dénonçait le mauvais français des jeunes. Ce dernier contenait 6 fautes en environ 150 mots. Il se lisait comme suit sur Internet.

Les jeunes en (1) arrachens en français

  • Entre 2000 et 2005, le taux d'échec des élèves de sixième année à l'examen de français du ministère est passé de 10% à 17%.
  • À peine 48% des élèves de cinquième secondaire ont (2) réussit le volet orthographique de l'examen du ministère.
  • La performance des élèves de quatrième année en lecture s'est détériorée, selon le Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS). Les Québécois sont passés du (3) 6ième au (4) 23ième rang mondial entre 2000 et 2005.
  • Seulement 47% des enfants du Québec lisent à l'extérieur de l'école par plaisir, selon le Centre international pour l'évaluation des apprentissages scolaires (CIEAS). C'est moins que toutes les autres provinces ayant (5) participées à l'étude, soit la Colombie-Britannique, l'Ontario (6) , et la Nouvelle-Écosse.

(À ce sujet, voir le texte de Martin Bélanger)

19 janvier 2008

De manger et de la langue (modifié)

Deux faits tout petits ont suscité mon attention ce matin à la lecture des journaux. Je les partage avec vous.

Les muffins hallucinogènes

J'ai déjà traité de cet incident hier mais, ce matin, à la suite de cette blague de mauvais goût, certains camarades de classe du jeune inconscient ont pris sa défense dans cet article:
  • «Ben oui, il y avait du pot. Tout le monde le savait... sauf le prof. C'est ceux qui n'avaient pas déjeuné qui se sont sentis mal».
  • «Le gars voulait pas que ça finisse mal comme ça.»

Voilà pourquoi ma maman voulait que je déjeune bien tous les matins! Si jamais quelqu'un qui ne voulait pas que ça finisse mal tentait de m'intoxiquer au pot...

Et depuis quand doit-on excuser les actions d'un individu qui ne souhaitait pas qu'un incident regrettable survienne? «J'ai conduit mon char, pis j'étais paqueté. J'voulais pas la tuer ta blonde dans l'aut' char, té.»

Avec de tels raisonnements, on est en train de justifier une véritable société d'irresponsables. Quand on pose un geste stupide, on a au moins le courage d'en assumer les conséquences, il me semble. Sauf que j'oubliais qu'il y a le mot «stupide» dans cette phrase...

J'ose espérer qu'une des victimes poursuivra devant les tribunaux civils l'auteur de ce geste. Certains individus ne comprennent rien quand on tente de leur expliquer les choses ou s'en tirent avec des peines ridicules devant la justice. Peut-on au moins avoir le plaisir de les frapper au portemonnaie? Un tel recours serait assez facile à entreprendre et à gagner. Il n'y a que le montant de l'amende à verser aux huit victimes qui pourrait faire l'objet d'une contestation.
Vite, un bon avocat qui aime les causes médiatiques et que se paierait au pourcentage!
Une déclaration hallucinée

En réaction à la série d'articles du Journal de Montréal sur les difficultés de se faire servir en français, le vice-président du Parti québécois, François Rebello, a suggéré d'accorder un crédit de taxe aux entreprises qui obtiendraient leur certificat de francisation.
Dans La Presse, on rapporte que M. Rebello «croit que la seule façon de pénaliser la mauvaise attitude des commerçants qui refusent le français comme langue de travail est bien souvent d'y associer un coût.»

J'ai un malaise certain devant cette idée de donner une réduction d'impôts aux entreprises qui respecteraient tout simplement la loi et qui serviraient, entre autres, leurs clients dans la langue officielle du Québec. Il y a une limite à ne pas vouloir sévir et à faire du renforcement positif, il me semble! À quand un rabais sur les frais de scolarité des étudiants qui n'ont pas mis de pot dans les muffins qu'ils ont offerts à leur prof?

De plus, que le gouvernement lie de la sorte le respect de la langue officielle du Québec à une bête question d'encouragement financier me laisse un goût amer. Les entreprises délinquantes paieront leurs impôts comme d'habitude comme tout bon citoyen ordinaire et ne seront pas tenues de respecter la loi. C'est un peu comme si on octroyait indirectement un permis pour ne pas parler français. Moi, je ne mange pas de ce pain-là. Contrairement à ce qui est mentionné dans La Presse, il n'y a aucun coût supplémentaire associé à ce comportement délinquant et l'État (donc nous) se priverait même d'argent pour récompenser ceux qui font leur devoir de citoyen.
Au Québec, on a peur d'appliquer la loi en ce qui concerne les questions linguistiques. Bien sûr, il s'agit là d'un domaine à haute sensibilité politique.

Quant à moi, on a tout faux. Il faut cesser d'attendre du gouvernement qu'il fasse respecter la loi 101 en matière de commerce. En tant que consommateurs, nous détenons déjà un grand pouvoir financier: celui de ne pas acheter chez un commerçant qui ne respecte pas la loi. Nous ne sommes plus à l'époque de la domination des commerçants anglophones. Il existe une grande variété de boutiques et magasins ou l'on peut faire ses achats en français. Mais les Québécois et l'effort de se faire respecter...
Lisez ce texte de Stéphane Laporte qui résume bien ma pensée à ce propos.

En passant, une question me turlupine. L'utilisation du mot «dédiée» est-elle correcte dans la phrase suivante : «Je n'ai pas encore d'opinion définitive, mais ma suggestion pourrait être dédiée aux commerces de 1 à 50 employés.» Revenez-moi avec vos réponses. Je chercherai de mon côté.

La méchante corneille du Devoir (édité)

Il existe au Devoir un chroniqueur littéraire dont je n'apprécie pas particulièrement le travail. Il s'agit de Louis Cornellier. L'an dernier, il avait livré une critique si mal fondée d'un livre écrit par un membre de mon entourage que c'en était ridicule.
Pour moi, un critique a un certain devoir d'honnêteté, même s'il peut avoir des opinions. On peut ne pas aimer Céline Dion et tout de même reconnaître qu'elle sait donner un excellent spectacle.
Aussi, quand je lis la critique qu'il fait ce matin des ouvrages de Pennac, Meirieu et Finkielkraut, je me méfie. Au départ, ce monsieur a un net penchant envers tout ce qui est réforme pédagogique et une haine viscérale de ce qu'il apparente parfois à tort à du conservatisme.
Bien sûr, tout le monde a droit à son opinion, mais je m'en voudrais de ne pas rappeler en terminant les mots de Pierre Bourgault qui me disait un jour : «Tout le monde a droit à son opinion, mais certaines sont meilleures que d'autres parce que mieux fondées et mieux construites.»

18 janvier 2008

Veux-tu un muffin? Mummmm...

Bon, un petit élève rigolo aurait décidé, semble-t-il, de fêter la fin de son cours de soutien informatique en offrant généreusement des muffins hallucinants (ici et ici). Il aurait ajouté à la recette une quantité importance de psychotrope (on pense à de la marajuana, mais le tout n'est pas confirmé).

Résultat: huit personnes, un enseignant et sept élèves, se sont retrouvées à l'hôpital, victimes d'une grave intoxication. Certains se seraient évanouis, d'autres auraient été pris de malaises importants. Il fallait que les muffins soient forts en... pour causer de tels effets.

Quoi qu'ils en soient, mes élèves qui ont appris la chose en ont plutôt rigolé jusqu'à ce que je leur fasse remarquer que le jeune cuisinier risque d'être poursuivi en justice et que je leur souligne que, s'il avait fallu qu'une des personnes intoxiquées ait des problèmes cardiaques ou des allergies, on aurait pu avoir affaire à une blague au goût mortel.

Là, je ne sais pas pourquoi, mais ils ont moins ri. Le muffin ne passait plus.

Toute cette histoire renforce une de mes convictions pédagogiques profondes: ne jamais accepter de la bouffe provenant d'un élève.

L'enfant dans la cage: une suite

Réjouissons-nous: on vient d'apprendre que les parents de Félix se font poursuivre! Vous vous souvenez de l'enfant mis en cage? Celui qu'une enseignante avait mis en retrait comme un animal? Oui, oui, oui! cette horifique histoire que j'avais déjà commentée dans quelques billets (ici, ici et ici). Eh bien, l'enseignante visée a décidé de poursuivre les parents de l'enfant isolé.

Ainsi, dans le Nouvelliste, on peut lire: «Ariane Gagnon réclame 200 000 $ à Louise Sinotte et à son conjoint, Jacques Turennes, soit 150 000 $ pour dommages moraux et 50 000 $ pour dommages exemplaires. Elle est appuyée dans ses démarches par le Syndicat de l'enseignement de la Mauricie.»

Pendant plusieurs jours, ces individus avaient déclaré sur plusieurs tribunes que leur enfant avait été isolé durant cinq semaines du reste de son groupe derrière un paravent de bois. Ils avaient même demandé publiquement la démission de l'ensiegnante et de la directrice de l'école de leur fils. Bon, il leur a fallu cinq semaines pour s'en apercevoir même si le frère jumeau de Félix était dans la même classe que lui, mais on en n'est pas à un détail près...

Ne soyez pas surpris si vous ne voyez pas cette nouvelle dans certains médias comme ceux de la Corporation Sun Média, le Journal de Trois-Rivières, de même que le Journal de Québec : ceux-ci sous le coup d'une poursuite de la part de l'enseignante et préfèrent garder le profil bas. Ils ne sont quand même pas pour se flageler! Par contre, La Presse et les médias de Gesca ne se priveront pas de mentionner la chose.

Plus sérieusement, il n'ya pas lieu de se réjouir d'une telle saga:

  • Jamais les parents n'auraient dû avoir recours aux médias de la sorte, exposant ainsi publiquement (pour le meilleur et pour le pire) les difficultés de leur enfant.
  • Jamais les médias n'auraient dû rapporter les propos des parents concernés sans vérifier leurs dires.
  • Jamais les gérants d'estrade n'auraient dû commenter ce dossier sur la base d'informations plus ou moins vérifées.
Des exemples (les soulignés sont de moi):

«Or, il faut savoir que depuis le début de la fréquentation scolaire de l'enfant, sa mère a, en alternance, refusé ou interrompu les services spécialisés qui ont été offerts à l'écolier qui présente des troubles de comportement et des difficultés d'apprentissage.» - Le Nouvelliste

«L'enseignante et la direction d'école ont définitivement manqué de jugement et ont omis de respecter des étapes cruciales dans une telle situation. De plus, lorsqu'on veut isoler un élève et qu'on désire l'aider à bien écouter ce qui se passe en classe, ce n'est certainement pas en l'isolant comme un animal de foire et encore moins en le mettant face à un mur. Cela ressemble davantage à une punition qu'à une intervention professionnelle qui devrait être prise dans l'intérêt de l'élève et de ses camarades de classe. Qu'on appelle l'ordre des enseignants du Québec.... Oups, c'est vrai, il n'y en a pas.» - Celle-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom, Le Journal de Montréal

«J'ai été horrifiée, gênée et j'ai eu honte en apprenant ça. C'est bien triste pour cet enfant qui a été isolé, humilié et étiqueté. Je ne vois pas comment on pourrait faire ça à des animaux. Ce sont de mauvais traitements, et c'est très méprisant. Pourquoi cette enseignante peut avoir fait ça et s'en tirer sans s'expliquer publiquement ? Je pense qu'il y a des congédiements qui se perdent...» - Andrée Ruffo

De telles dérapages surviennent fréquemment dans les médias et il peut arriver qu'on puisse commettre une erreur de bonne foi, sous le coup d'informations qu'on croyait exactes. Seulement, ici, c'est le jugement des médias qui est remis en cause. Comme journaliste et chroniqueur, il faut toujours être prudent dans nos propos ou, du moins, s'abstenir de commenter le comportement d'un individu précis sans avoir en mains toutes les informations nécessaires. Souvent, et je l'ai assez vécu pour le savoir, les médias se copient les uns les autres (on prend un texte de La Presse pour faire le bulletin radio, par exemple) et, sous l'effet de la concurrence oblige, on en rajoute un peu.

Un dernier détail: Félix et son frère sont scolarisés à la maison depuis le début de ces événements.

17 janvier 2008

Pauvreté et difficultés scolaires

Ben, tiens... Grosse nouvelle dans le Journal de Montréal ce matin: les écoles situées dans des milieux défavorisés seraient plus susceptibles de voir leurs élèves connaître des difficultés scolaires (ici, ici, ici et ici). L'éducation fait vendre dans les médias, me rappelait récemment une journaliste. Vous en doutiez-vous? Enfin, il est toujours bon de rappeler à certains bien-pensants des évidences aussi grosses.

Cependant, il faut aussi éviter de généraliser: pauvreté n'égale pas automatiquement échec scolaire. D'ailleurs, un des textes du JdeM est un peu faible quand il traite du lien pauvreté-difficultés scolaires. Pourtant, les chiffres existent. Il aurait fallu que le journaliste pousse plus loin son travail: croiser les résultats du classement des écoles ayant un indice de milieu socio-économique (IMSE) de dévaforisation élevé avec les résultats des écoles aux tests ministériels, par exemple. Il aurait ainsi pu remarquer certaines corrélations intéressantes.

Quoi qu'il en soit, à Montréal, on peut lire ailleurs dans ce journal que la moitié des établissements scolaires seraient situés dans des milieux défavorisés (206 sur 412) tandis que, dans la grande région métropolitaine, ce serait plus tiers.

Une autre partie du reportage du Journal de Montréal souligne que, règle générale, les élèves de mileu défavorisé vivent dans des conditions de pauvreté et de sous-scolarisation qui compromettent leur réussite scolaire: vêtement inadéquat pour l'hiver, boîte à lunch moins garnie en fin de mois, implication moins grande des parents qui peuvent avoir des complexes ou des préjugés face à l'école, décrochage lié à la nécessité d'aller sur le marché du travail. La situation serait à l'opposé pour les écoles situées en milieu favorisé ou proposant des programmes particuliers comme le montre ce texte.

Pour ma part, la sous-scolarisation et les préjugés des parents sont un phénomène avec lequel je vis même dans mon école riche de banlieue et peut causer des problèmes importante. J'ai une élève brillante dont les parents ne voient pas la nécessité qu'elle poursuive des études collégiales: «Nous, on n'a pas fait d'études. Ça sert à rien.»

Il est évident également que l'école a un travail à faire pour se montrer plus accueillante et ouverte à l'égard des parents. Elle doit accepter de s'ouvrir, de ne pas juger, d'éduquer sans culpabliser. Éduquer parce que certains parents sont bien démunis parfois. Mais tout cela demande du temps et des moyens dont elle ne dispose pas.

Là où je décroche quelque peu à la suite de la lecture de ce reportage, c'est quand Robert Cadotte, spécialiste de l'enseignement en milieu défavorisé et conférencier, généralise un brin quant au comportement des enseignants qui oeuvrent dans les milieux défavorisés: «C'est plus difficile pour un enfant qui vit dans un milieu socioéconomique défavorisé. Les profs s'attendent déjà à ce qu'il ne soit pas bon. Généralement issus de milieux beaucoup plus aisés, les professeurs qui s'apprêtent à enseigner dans des classes d'élèves pauvres ne connaissent souvent rien de leur réalité. La chose la plus importante que l'on doit faire, c'est mieux former les profs pour qu'ils connaissent mieux ce milieu»

Je ne dis pas que M. Cadotte a entièrement tort et que ce phénomène n'existe pas. Seulement, le titre de l'article «Il faut des profs mieux formés» me rappellent les arguments peu subtils de l'IEDM. Et que font nos décideurs scolaires dans tout cela? Les profs sont-ils les seuls que l'on doive pointer du doigt? Pourquoi ne pas abaisser le nombre d'élèves par classe dans les milieux défavorisés? Pourquoi ne pas se pencher sur la façon dont l'argent est dépensé dans le réseau de l'éducation?

À ce sujet, comme on peut le lire dans ce billet, puis-je vous rappeler que le Centre en enseignement en milieux défavorisés de l'UQAM a fermé ses portes en juin dernier à la suite de la fin de la subvention de la Fondation Lucie et André Chagnon et de la restructuration financière de l'UQAM. M. Cadotte, qui y oeuvrait, je crois, aurait pu le mentionner, il me semble...

Enfin, une dernière observation: on a justifié l'implantation du Renouveau pédagogique au Québec en affirmant qu'il visait à contrer le décrochage scolaire. Ne pensez-vous pas qu'ils sont bien heureux et motivés, tous ces élèves dont le ventre est toujours aussi vide à la fin du mois mais qui ont maintenant de beaux manuels tout neufs?

S'il fallait revoir nos pratiques d'enseignement, utiliser le décrochage scolaire comme argument pour appuyer une réforme de l'éducation et ne rien faire pour les élèves venant de milieux démunis est inconséquent. Comme si le décrochage n'était, au fond, un problème d'élèves (riches) qui s'ennuyaient à l'école. Où sont-elles les vraies mesures pour contrer le décrochage? Ou sont-ils ces pédagogues qui nous parlent du bien-être de l'élève?

Parce que l'école québécoise est trop occupée à se dépêtrer dans un Renouveau magique, elle laisse en plan les élèves les plus fragiles.

16 janvier 2008

IEDM: analysons plus loin

L'Institut économique de Montréal (IEDM) y allait cette semaine dans le Journal de Montréal d'onze idées pour secouer le Québec. Dans ce texte, l'une d'entre elles suggérait de créer 25 écoles de performance ou enseigneraient 1000 super professeurs.

Un précédent billet montrait à quel point cette idée remettait en question la compétence des enseignants et ne tenait pas compte d'autres facteurs importants dans la réussite des élèves.

Par curiosité, je suis allé lire la proposition complète de l'IEDM sur son site Internet. On s'aperçoit que cette idée va plus loin.

On parle en effet d'écoles (les caractères gras sont de moi) «où les règles et contraintes de recrutement, d’encadrement et de rémunération du personnel enseignant seraient assouplies en faveur de contrats de résultats incitatifs tant pour ces types de personnel que pour les directions d’écoles.» Bref, cela revient-il à dire qu'on pourrait embaucher des enseignants non qualifiés, par exemple? On peut penser qu'une telle mesure signifie aussi que ces enseignants ne bénéficieraient pas des avantages réguliers des conventions collectives des établissements scolaires privés ou publics.

Plus loin, on peut lire: «Le gouvernement pourrait soustraire les directions de ces écoles de l’application des règles administratives et syndicales habituelles afin de leur donner la flexibilité et les outils nécessaires à l’amélioration de leur rendement. Ces écoles n’auraient pas le droit de sélectionner les élèves à l’entrée mais elles auraient le droit et le pouvoir de choisir et d’embaucher directement les enseignants et le personnel de soutien jugés à la fois les plus efficaces pour contrer le décrochage et les plus compétents pour améliorer les résultats objectifs des élèves de ces milieux. Les directions auraient également le pouvoir de congédier et de remplacer rapidement les enseignants et le personnel de soutien dont le rendement observé ou anticipé serait considéré comme insuffisant.» Imaginez un instant le pouvoir dont jouiraient les directions de ces écoles. Je pense à ces enseignants et je me dis que Faust a signé un contrat semblable. De plus, comment avec le nombre de décrocheurs au Québec, ces 25 écoles arriveraient-elles à ne pas procéder à une sélection? Mystère.

Poursuivons plus loin: «Les enseignants recrutés seraient soumis à une évaluation de leur rendement (sur le plan du décrochage et de la diplomation au sein de leur école) et recevraient, en plus de leur rémunération normale dans le réseau, des primes au rendement pouvant aller en moyenne jusqu’à 20 000 $ par an par enseignant et par membre du personnel de soutien.» Donc, rien n'est assuré. Qui irait enseigner dans une telle école avec autant de conditions et si peu de garantie?

Mais là ou l'IEDM fait preuve d'hypocrisie, c'est dans son analyse de la situation des écoles à problèmes. «Plusieurs écoles font face à des défis démesurés dans la mesure où, ne pouvant pas garder leurs meilleurs éléments, elles se retrouvent avec un nombre disproportionné d’élèves en difficulté. De plus, elles n’arrivent pas à relever les défis que cette situation pose, car elles ne peuvent choisir un personnel enseignant et d’encadrement suffisamment motivé, expérimenté et talentueux, eu égard aux difficultés éprouvées dans ces écoles. »

Or, à ce que je sache, les écoles privées subventionnées par le gouvernement sont en partie responsables de cette dynamique ou des parents n'inscrivent plus leur enfant dans le réseau public, ce qui crée de véritables ghettos scolaires. Coïncidence, mais l'IEDM appuie l'enseignement privé au Québec et est même l'auteur du fameux Palmarès des écoles. C'est un peu comme si un pyromane jetait de l'essence sur le feu d'un côté et proposait des solutions pour éteindre un incendie. Ça manque de crédibilité.

L'IEDM est un regroupement de penseurs de droite. Cela ne fait pas d'eux des cons. Seulement, si leur idéologie les aveugle, on peut difficilement parler de visionnaires.

15 janvier 2008

Jonathan, Fille masquée et le Canadien

Depuis quelques jours, un élève est au centre d'un dilemme professionnel dans ma pratique enseignante.

Ce dernier - appelons-le Jonathan - connaît la passion maladive de ma fille pour le hockey et le Canadien de Montréal. Oui, oui, maladive parce que Fille masquée peut vous réciter par coeur la fiche d'à peu près tous les joueurs de cette équipe et est capable d'en remontrer à son pauvre père inculte. Sa chambre est d'ailleurs à l'image d'une vraie partisane: figurines, table stylisée... Elle a lu des ouvrages historiques portant sur ce sport d'hiver et cette célèbre dynastie montréalaise. Pis encore: elle écoute même les matchs à la radio à la maison parce que je ne veux pas être abonné au câble!

Or, ma fille vient de recevoir son dernier bulletin. À 87% de moyenne générale dans un programme scientifique, j'ai envie de lui montrer mon apprécitation en lui réservant une surprise. Ne craignez rien : je ne suis pas un papa-McDo qui gâte sa progéniture avec des cochonneries. Fille masquée a reçu mon appréciation antérieurement sous forme de câlins, de commentaires positifs, de démonstrations de fierté parternelle bien placée.

Mais voilà que Jonathan a dans son entourage quelqu'un qui connaît quelqu'un... Bref, il peut me procurer gratuitement deux billets pour à peu près n'importe quel match et refuse que je le rétribue de quelque façon que ce soit. Dilemme!

Que feriez-vous?

12 janvier 2008

IEDM : onze idées pour secouer le Québec

Ce matin, le Journal de Montréal, il va d'un dossier choc en demandant à des économistes de l'Institut économique de Montréal (IEDM), un organisme reconnu pour ses positions de droite et émettant des reçus pour don de charité, d'y aller de l'avant avec «onze idées pour secouer le Québec».

Je ne suis pas féru en économie, mais quelques lignes à peine permettent de constater qu'il s'agit davantage d'un devoir bâclé ou on lance des idées sans trop réfléchir et sans les analyser en profondeur, notamment en éducation. Voici quelques petits exemples.
Proposition 1: hausser les frais de scolarité

Mathieu Laberge propose «Le dégel asymétrique des droits de scolarité faisant en sorte que les étudiants paieraient 40 % des coûts de leur formation. Par exemple, un étudiant en lettres paierait 1604 $ par session, soit moins qu’à l’heure actuelle. Un étudiant en médecine paierait 4627 $ par session. Le dégel asymétrique serait accompagné d’une nouvelle manière de rembourser les prêts étudiants, qui serait calculée proportionnellement aux revenus des diplômés. Cela serait moins contraignant que de rembourser la dette en totalité sur une période arbitraire de dix ans, comme c’est le cas à l’heure actuelle.»

Si vous pensez qu'il s'agit d'une mesure intéressante et équitable, attendez de lire le reste. Il y a un ver dans la pomme.

«Avantages : Mettre fin à une injustice entre les élèves tout en injectant de l’argent neuf dans le système d’éducation. En outre, cela inciterait peut-être certains étudiants à opter pour une formation professionnelle au secondaire ou technique au collégial, ce dont le Québec a besoin.»

Oups! Faut-il comprendre qu'on souhaite moins de savoir et plus de bras? Derrière les propos de M. Laberge, on comprend que l'éducation a comme seule utilité de former des travailleurs peu ou pas spécialisés. Moi qui pensais qu'on visait à établir une économie du savoir au Québec. Tout à coup, un doute m'effleure. Tout cela me rappelle les propos de M. Dumont qui estimait que certains programmes universitaires étaient moins utiles que d'autres.

Proposition 3 : 25 écoles pour les décrocheurs

Paul Daniel Muller et Marcel Boyer proposent de «Créer un corps d’élite de 1000 enseignants et de 1000 employés de soutien qui seraient déployés dans 25 écoles de «performance» situées en milieu défavorisé. Les membres de ce corps d’élite seraient payés en moyenne 20 000 $ de plus par an que les autres employés du système.

Ils seraient recrutés sur la base de leurs compétences. En outre, ils ne seraient pas syndiqués, ce qui permettrait de la flexibilité à l’embauche et leur remplacement rapide s’ils n’arrivaient pas à atteindre leurs objectifs. Leur mission : contrer le décrochage efficacement.»

Tout d'abord, cette idée a quelque chose d'odieux: elle impute une bonne partie du décrochage scolaire à l'éducation et aux enseignants eux-mêmes.

«Le groupe que l’on doit protéger au premier plan, ce sont les enfants. On veut qu’ils réussissent. Le congédiement d’un professeur incompétent ne nous empêchera pas de vivre.» – Marcel Boyer

«La véritable solidarité sociale est de mettre de l’argent pour envoyer nos professeurs les plus compétents enseigner dans les secteurs les plus difficiles.» – Paul Daniel Muller

Or, de nombreuses études démontrent que ce sont des facteurs socio-économiques et personnels (donc extra scolaires) qui sont les plus grandes causes du décrochage scolaire. Dans certaines régions du Québec, ce sont même les employeurs qui incitent les jeunes à décrocher parce qu'ils ont besoin de main-d'oeuvre peu spécialisée. En France, une mesure similaire a eu peu d'impact.

Quant aux causes scolaires entraînant le décrochage, peut-on parler de la gestion actuelle des ressources dans nos écoles? des incompétents qui nous administrent? des incompétents qui nous dirigent? des incompétents qui nous gèrent? Pas un mot là-dessus. Ou sont les leaders pédagogiques dans nos milieux de travail? Ou sont les ressources pour appuyer nos ambitions? Dépensées dans du mobilier pour des bureaux de cadre et de direction?

Plusieurs enseignants (si j'écris tous, on va me traiter d'utopiste) souhaitent que leurs élèves réussissent, mais voient leurs actions limitées par des contraintes autres que syndicales. Dans plusieurs cas, ce sont justement les enseignants qui protègent les enfants contre les incompétents au-dessus d'eux. Sauf qu'il est tellement plus facile de frapper sur le plus petit...

De plus, cette proposition omet de préciser que les décideurs scolaires tolèrent les enseignants incompétents en éducation à la fois parce qu'ils sont incapables de juguler la grave pénurie de personnel qui persiste depuis 10 ans, qu'ils ne s'assurent pas qu'ils reçoivent une formation adéquate et qu'ils ne supervisent pas adéquatement les enseignants en place connaissant des difficultés professionnelles. Quand des employés travaillent mal dans une épicerie, on peut toujours les congédier. Mais quand la situation perdure, on peut s'interroger aussi sur le travail du gérant de ce commerce.

Ensuite, on comprend que ces deux économistes estiment implicitement que le Renouveau pédagogique n'a pas atteint l'un de ses objectifs qui était de contrer le décrochage: «Le décrochage scolaire est un fléau, particulièrement chez les garçons issus de milieu défavorisé, et aucune mesure, jusqu’à présent, n’a pu contrer ce phénomène.» C'est bizarre de ne pas les entendre le dire à d'autre moment que quand il s'agit de livrer le Québec pieds et mains liés au secteur privé.

Si l'on revient plus précisément à cette proposition maintenant, elle est tout simplement irréalistes parce que le Québec connaît actuellement une grave pénurie d'enseignants. Ou va-t-on trouver les 1000 membres de ce «corps d'élite»? Va-t-on déshabiller Jacques pour habiller Pierre?

De plus, elle pose l'argent comme étant une motivation pour attirer ces super professeurs. Méchant critère de formation d'une équipe d'enseignants: le fric! Au moins, si les deux économistes avaient proposé des classes plus petites, davantage de spécialistes (en pénurie eux aussi, en passant), on aurait senti un peu de pédagogie et d'humanité...

Enfin, cette proposition tient peu compte des régions ou les élèves en voie de décrochage devront parcourir de longues distances afin d'avoir accès à ce type d'école spécialisée.

Proposition 4 : les fonctionnaires payés au rendement

Yannick Labrie propose que «Le Québec pourrait s’inspirer de l’expérience de la Suède et mettre en place un régime de rémunération individualisé pour les employés de la fonction publique en vertu duquel les augmentations annuelles se feraient à 50 % selon la hausse du coût de la vie et à 50 % selon la performance et le mérite. « Tous, même les cadres, seraient soumis à cette mesure. Ça améliorerait le recrutement dans la fonction publique, comme dans l’enseignement par exemple.»

Personnellement, je suis très intrigué de savoir comment on peut mesurer le rendement d'un enseignant en éducation. Une telle idée m'inquiète beaucoup quant à la véritable qualité du service offert. Comment la mesure-t-on? Ou se situe la Suède dans le palmarès mondial de la qualité de ses élèves?

Et un petit détail croustillant pour M. Labrie: une telle mesure m'aurait valu une augmentation de salaire au cours des dernières années puisque celui-ci est gelé par le gouvernement Charest.

Proposition 5 : soumettre le secteur public à la concurrence du privé

Mathieu Laberge propose «Que les services financés publiquement – des Postes aux bibliothèques en passant par la collecte des ordures, etc. – fassent l’objet d’un appel d’offres où des entreprises privées seraient en concurrence avec les unités syndicales du secteur public pour l’obtention d’un contrat. Les contrats seraient d’une durée de cinq ans.»

Peut-on indiquer à cet éminent spécialiste que les Postes sont de juridiction fédérale... Peut-on lui indiquer que, dans le cas de l'éducation, une telle mesure est tout simplement impossible étant donné le nombre de postes à combler? Règle générale, cette mesure s'appliquerait qu'à de petites unités syndicales ou à des emplois peu spécialisés.

M. Laberge mentionne que cette mesure a entraîné des économies de 38 millions à Philadelphie. Quand on sait que le budget d'une telle ville se mesure en milliards, il n'y a pas de quoi s'exciter. Un programme d'économie d'énergie serait tout aussi efficace.

Si vous vous donnez la peine de lire les autres propositions, certaines sont de la même eau. «Onze idées pour secouer le Québec»? Il est vrai que rire est une forme de secousse. Seulement, on peut rire même quand ce n'est pas drôle. À croire que le Journal de Montréal est devenu un journal de droite. Vous pouvez toujours aller commenter ces idées sur le Forum de discussion du JdeM sur ce sujet.

J'attends donc avec impatience qu'il publie les onze idées pour secouer le Québec de la part de nos intellectuels de gauche.

PS : L'illustration de ce billet est un peu facile, mais je ne pouvais pas y résister.