30 janvier 2008

La réforme et la politique

Ça y est: la politique débarque à nouveau dans le débat sur la réforme. Bien sûr, il y avait eu les propos de la ministre Courchesne aux Francs-Tireurs. Aujourd'hui, ce sont ceux de MM Landry, Facal, Lisée et Rebello qui soulèvent toute une controverse. Quand le monde de l'éducation est divisé, il est inévitable que des politiciens s'en mêlent, pour le meilleur ET pour le pire.

La réforme : une affaire politique

Remarquez: la réforme a toujours été une affaire politique, dès les tout débuts de cette dernière. C'est seulement qu'avant, il n'y avait pas de politiciens pour la contester. Bien au contraire, chaque ministre qui se succédait au MELS en faisait l'éloge, la soutenait ou ne voulait pas y toucher. Souvent, celui-ci ignorait aussi ce qui se passait dans nos écoles. Du moins, c'est ma perception.

Bien sûr, il est facile aujourd'hui à ces anciens politiciens de parler de détournement pédagogique, mais que font-ils de leur responsabilité ministérielle, de leur responsabilité personnelle? N'interviennent-ils pas un peu tard? «On ne nous a jamais dit au conseil des ministres que cela voulait dire la disparition des moyennes de groupe, que ça signifiait le non-redoublement et la primauté des ‘compétences transversales’ des mots à peine compréhensibles», écrit Bernard Landry. Et depuis 10 ans, ou était-il au fait? Lisait-il les journaux?

Dans la même veine politique, la scission FAE-FSE est basée aussi sur des considérations pédagogiques et politiques. C'est notamment parce que ces deux entités syndicales ne s'entendaient pas sur la réforme qu'elles en sont venues à franchir un point de rupture. Sentant la tempête gronder parmi ses membres, la FSE, qui avait eu une attitude plutôt complaisante, est d'ailleurs devenue plus critique par la suite. Mais la FAE et la FSE sont toujours à couteaux tirés.

La réforme : un projet diviseur

Faut-il s'étonner de ces derniers développements? Pour ma part, non. Depuis des mois, chaque camp est figé dans ses positions et ce à quoi on assiste aujourd'hui devrait agrandir davantage le fossé qui sépare les pro et les antiréformes.

Déjà, une manifestation de la coalition Stoppons la réforme est prévue pour samedi prochain. Dans une école de Granby, des enseignants se sont vu menacer par leur direction de mesures disciplinaires s'ils n'enlevaient pas les affiches annonçant celle-ci.

Ce qui est remarquable, c'est que personne ne se regarde dans un miroir, personne ne se livre à son mea culpa.

Désolé, mais ceux qui ont implanté le Renouveau pédagogique ont fait un très mauvais travail. Au début de son implantation, ils ont fait table rase de tout ce qui existait auparavant. Ils ont été de mauvais pédagogues et de mauvais gestionnaires. Ils n'ont pas tenu compte des résistances de plusieurs enseignants. Ils n'ont pas tenu compte de leurs commentaires quand celui-ci connaissait des dérapages. Certains penseurs, universitaires et pédagogues auraient gagné à être plus vigilants à l'égard de ceux qui mettaient en oeuvre leurs idées.

Quand on propose un changement de cette envergure, on en porte la responsabilité et on ne peut toujours se défiler en jetant la faute sur les autres. Mais certains n'ont pas le sens de l'autocritique très développé et cherchent l'éternel coupable. Si la FAE n'existait pas, il leur aurait fallu l'inventer.

Certains proréformistes ont aussi manqué de sensibilité politique. Ainsi, Jean-Pierre Proulx, du RAEQ, écrit: « ... une portion significative et surtout organisée d’enseignantes et enseignants ont dit non à cette réforme. À mon avis, c’est, en général, pour de mauvaises raisons. Mais peu importe, ils ont dit non. Et en politique, il n’y a pas que la force des arguments. La force du nombre compte davantage.» Le problème est que ce «non» existe depuis longtemps et il aurait fallu en tenir compte au lieu de croire qu'il allait disparaître avec le temps ou plier l'échine sous le poids des contraintes.

À l'inverse, dans l'autre camp, il vient un temps ou il faut commencer à tendre la main, à faire des compromis. Proposer un moratoire est irréaliste et cette stratégie de jusqu'au-boutisme peut même s'avérer dangereux pour leurs propres convictions personnelles. En même temps, certains proréformes avaient le don de saborder la discussion en s'affirmant prêts à la discussion en autant qu'on ne remette pas grand chose en question.

Par ailleurs, il est encore faux d'affirmer que la réforme actuelle laisse beaucoup de liberté à certains enseignants. On a simplement changé qui portaient les chaînes, quant à moi. Rien de plus.

Ainsi, dans certains domaines, ceux-ci ont les poings et les pieds liés. S'il a fallu lutter pour faire admettre le principe qu'on pouvait utiliser diverses méthodes pédagogiques (et pas que la sacro-sainte pédagogie par projet), en évaluation, on a demandé aux enseignants de changer ce qu'ils doivent évaluer, comment ils doivent l'évaluer et comment ils doivent communiquer ce résultat. À cet égard, dire que la ditée est permise dans une classe n'est rien de plus qu'un joli hochet mignon.

De plus, contrairement à ce qui est véhiculé chez les proréformes, l'évaluation des compétences ne permet pas toujours d'évaluer les connaissances. En français, un domaine d'enseignement par compétence depuis des années, sans et avec la réforme, des élèves reçoivent un diplôme alors qu'ils peinent à écrire un texte convenable.

De même, la baisse des résultats des élèves dont parle M Facal est-il un effet de la transition entre deux programmes de formation? Juge-t-on trop vite des retombées de la réforme? Chose certaine, il est facile d'être critique à son égard quand on se rappelle à quel point on nous l'a vendue comme étant la huitième merveilleux du monde.

Et maintenant, que va-t-il se passer?

Tout d'abord, je doute que la manifestation de la coalition Stoppons la réforme et la sortie de Landry et compagnie ajoute quoi que ce soir au débat sur la réforme.

Ensuite, regardons du côté du Parti libéral. Advenant un échec relatif de la manifestation de samedi, la ministre Courchesne pourrait toujours tempérer ses ardeurs quant aux corrections qu'elle entend apporter au Renouveau pédagogique, mais j'en doute. Advenant cette fois un succès monstre de cette démonstration publique, la ministre serait également trop pragmatique pour imposer un moratoire. Ses propos à l'émission Les Francs-Tireurs étaient assez clairs à ce sujet. Elle gardera un profil bas et poursuivra son travail. Donc, zéro impact de ce côté.

C'est davantage du côté du Parti québécois que les choses déterminantes risquent d'arriver. La chef du PQ pourrait se braquer et se peinturer dans un coin, comme on dit. Plus logiquement, elle devrait défendre une réforme dont elle a été la mère tout en tenant compte des critiques qu'elle a récoltées. Celle-ci n'aura d'autre choix au fond que de souffler le chaud et le froid. Déjà, il est très révélateur que Mme Marois soit intervenue dans les médias pour défendre SA réforme tout en indiquant que des correctifs étaient nécessaires quant au redoublement, à l'évaluation et aux matières de base.

De façon plus générale, les libéraux prendront un vilain plaisir à lui rappeler son passage au MELS. De son côté, elle leur soulignera qu'ils n'ont rien fait depuis les années qu'ils sont au pouvoir. Les proréformes continueront à penser que tout va bien et que les antiréformes sont des rétrogrades. Les antiréformes continueront à croire que tout va mal et que les proréformes sont des illuminés...

Dans les faits, c'est lorsque la ministre Courchesne prendra position sur le rapport Ouellon concernant l'enseignement du français qu'on saura quelle direction se débat prendra d'ici peu. Le reste, c'est du divertissement, du triste divertissment de part et d'autre.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Divertissement?

C'est sans doute pour ça que le visage de Guy Nantel apparait dans la publicité du Journal de Morial, invitant à cette manifesation pour lincher le monstre, responsable de tous les mots.

Zed :)