Divers commentateurs de l'actualité (ici, ici et ici) ainsi que le président de l'AIRDF-Québec (Association internationale pour la recherche en didactique du français), Érik Tardif, et la présidente de l'AQPF (Association québécoise des professeurs de français), Suzanne Richard, (ici) se sont prononcés en faveur de celui-ci.
Il
m'est toujours apparu clairement que cet ordre sera surtout une magnifique
structure bureaucratique, sans plus. En effet, tout ce qui encadre la
profession (droit d'exercer la profession, traitement des plaintes, révocation
du permis d'enseignement, etc.) constituent des pouvoirs déjà dévolus à divers
intervenants : MELS, commissions scolaires, directions d’école, etc. Par
contre, en ce qui concerne les avantages réels, quotidiens et concrets
qu’apporterait cet ordre aux enseignants et au grand public, on verse dans les
voeux pieux et l'illusion.
Je ne reprendrai pas l'argumentaire de tous et chacun, mais certains lieux communs méritent d'être démontés.
Un ordre professionnel valoriserait la profession enseignante. Ah bon? C'est bizarre, mais les sondages nous montrent que les enseignants constituent une des professions les plus reconnues par le grand public. En fait, il n'y a que certains médias qui semblent s'acharner à détruire celle-ci à coups de reportages sensationnalistes.
Un ordre professionnel protégerait le grand public. Ah bon? Je regarde ce que font les autres ordres professionnels et j'ai comme un doute. Il s'agit plutôt de grosses corporations qui défendent leurs membres avec une efficacité redoutable au détriment même du public parfois. Ce que je remarque aussi, c'est la porte toute grande ouverte à une judiciarisation des plaintes. Il suffit de repenser à la saga du Doc Mailloux, par exemple.
Un ordre professionnel favoriserait la formation continue. Euh? Tout à fait, mais dans quelles conditions et avec quels avantages pour les enseignants? Le soir et les fins de semaine en surplus du temps de travail alors que la charge de travail n'a jamais été aussi lourde?
La plupart des gens en faveur de cet ordre affirment qu'elle donnera une voix aux enseignants. Or, celle-ci sera noyée dans la cacophonie qui existe déjà dans le monde de l'éducation. Et encore, qui laissera aux enseignants le pouvoir de décider de certains enjeux importants?
Prenons l'exemple de l'accès à la profession et de la formation initiale. Les universités accepteront-elles de se faire dicter les conditions minimales pour être admis dans un programme d'enseignement? J'en doute fortement. De même, le ministère de l'éducation acceptera-t-il de revoir à la hausse les seuils de réussite aux examens de fin d'année pour les élèves? Les commissions scolaires accepteront-elles de resserrer les règles de passage pour les élèves entre la première et la troisième année du secondaire où il n'est pas toujours obligatoire d'avoir réussi un seul cours pour être promu à l'année suivante? Dans les faits, un ordre professionnel ne changera rien à la lourdeur de la tâche des enseignants, à la précarité de leurs conditions de travail, à leur soi-disante autonomie professionnelle.
S'il
est un point qu'il conviendrait de ramener sur la table, c'est bien celui d'une
formation continue valorisée. Actuellement, un enseignant n'a aucun véritable
avantage à se perfectionner. S'il le fait, c'est lors de journées pédagogiques
alors qu'il est débordé de corrections qui l'attendent sur son bureau ou à
l'extérieur de son temps de travail. Il fut un temps où l'on reconnaissait, à
l’aide d’incitatifs monétaires, les enseignants qui se perfectionnaient. Mais
voilà: pour des raisons idéologiques, nos vaillants syndicats ont
décidé qu'«équité» signifiait «égalité salariale pour tous». Pourtant, il
est anormal, par exemple, que des enseignants ayant réussi des programmes
universitaires de 2e cycle ne soient pas reconnus financièrement. Contrairement
au proverbe, finalement, il n'y a qu'en éducation où qui s'instruit ne
s'enrichit pas. Pour le reste, un ordre professionnel consistera surtout pour les enseignants à choisir eux-mêmes la couleur de leurs chaines.