On pourrait penser que ce blogue ne défend que les enseignants. Or, les questions d'éducation concernent bien souvent tous les citoyens de notre société. Dans le cas du plan de déconfinement du gouvernement du Québec, le volet scolaire touche tous les secteurs de cette société. C'est dans cette optique que ce billet sera surtout rédigé.
Il faut tout d'abord comprendre qu'actuellement, le Québec a le plus triste bilan de décès et d'individus atteints par ce virus au Canada. Quand il présente celui-ci, M. Legault s'abstient de mentionner à quel pourcentage d'augmentation correspond tous les chiffres qu'il récite. À quoi correspond une augmentation de 875 cas confirmés de plus qu'hier? Une hausse de 3,5% en une seule journée. On a beau indiquer que le phénomène est surtout concentre dans la grande région métropolitaine et les CHSLD, il est difficile de faire abstraction de cette réalité. Et de faire abstraction qu'un CHSLD est administré par le gouvernement du Québec.
La province voisine ontarienne, pourtant moins touchée, ne s'estime pas encore prête à se lancer dans cette grande et nécessaire opération déconfinement. Oui, on ne pourra demeurer terrés comme des bêtes dans nos maisons. Oui, il va falloir découvrir des façons de vivre une nouvelle réalité. Par contre, il est important d'y parvenir en minimisant les couts humains et sociaux.
L'Ontario, quant à elle, a fixé des balises claires à atteindre avant d'effectuer un déconfinement, dont une baisse du nombre de cas de deux à quatre semaines avant d'assouplir les restrictions mises en vigueur en mars dernier. Au Québec, on nous demande de faire confiance aux autorités en place et de nous fier à la santé publique. Pour ma part, quand je regarde notre performance en ce qui a trait aux CHSLD, ma confiance n'est pas aveugle. On a manqué de gants, de blouses, de masques, de tests... Pour des soldats qu'on veut envoyer au front, l'impression qu'on pourrait manquer de munition est un sentiment terrible.
Comparé à l'Ontario donc, le processus québécois manque de transparence. Quand on veut inspirer la confiance et susciter une mobilisation, c'est un mauvais premier pas. À tort ou à raison, tout cela donne aussi une impression d'improvisation qui est malsaine dans une pareille situation. Un déconfinement mal réussi signifiera un nombre plus élevé d'individus contaminés et de morts. Il signifiera aussi un recul quant aux six semaines où les Québécois ont dû «se mettre sur pause».
En conférence de presse, le premier ministre du Québec a affirmé qu'on procédera à la réouverture des écoles «si et seulement si la situation reste comme actuellement». Pas de baisse nécessaire. L'école ne sera pas obligatoire et du «travail sera fait auprès des enfants qui restent à la maison.»
Selon M. Legault, les deux mots-clé de cette opération seront «graduel» et «prudence». Pourtant, si je comprends bien, on permettra théoriquement le déconfinement de près de la moitié des 600 000 élèves du réseau public, des 300 000 enfants en garderie ainsi qu'une partie importante de 100 000 membres du personnel des écoles et des garderies sur une période d'à peine deux semaines à la grandeur du Québec. On repassera pour le caractère «graduel» de la chose. Et c'est alors qu'on en vient immédiatement à s'interroger sur le mot «prudent».
Certaines études indiquent que les plus jeunes seraient peu transmetteurs du covid-19 comparativement aux adolescents, ce qui est rassurant en soi. Par contre, de restreindre la durée de cette opération sur une période aussi courte quand on connait le temps d'incubation (présumé) de ce virus me semble hasardeux. Aura-t-on vraiment le temps de réagir efficacement en cas de dérapage? N'aura-t-il pas été plus sage de s'inspirer des expériences d'autres pays qui débutent leur période de déconfinement? Ne vient-on pas alimenter les craintes en se déconfinant en même temps que des régions éloignées qui ont connu l'arrivée de ce virus bien avant nous?
M. Legault indique que les écoles secondaires, les cégeps et les universités seront ouverts seulement en septembre 2020 pour assurer un aspect «graduel» (on peut questionner ce terme, on l'a vu) au déconfinement, mais aussi parce que les jeunes qui y étudient utilisent davantage le transport en commun, ce qui constitue une difficulté additionnelle pour conserver une distance de deux mètres (i.e. comparativement à des enfants du primaire qui demeurent souvent à proximité de leur école - ce qui est assez logique). Selon lui, il sera également plus facile pour les plus vieux de vivre l'éducation à distance, ce qui est également fondé. Mais en même temps, comment penser que des plus jeunes sauront respecter adéquatement les règles de distanciation physique?
De plus, je comprends mal pourquoi M. Legault annonce que les éducatrices porteront un masque en garderie. À moins d'être un N-95, ce dernier n'empêche aucunement la contamination d'un adulte. Il sert à éviter de contaminer les autres autour de lui. Logiquement, les enfants devraient aussi porter un masque si on tient à s'assurer de réduire des risques de transmission. Également, pourquoi un masque pour une éducatrice mais pas une enseignante? Quelle est la différence entre une éducatrice et une enseignante en maternelle quatre ans? Il faudrait qu'on nous l'explique, si on en est capable.
Par la suite, M. Legault y va avec les cinq raison qui ont guidé son choix de rouvrir les écoles. Passons en revue certaines d'entre elles.
1- Le bien des enfants
Je ne doute pas de la sincérité de M. Legault. Simplement, après une semaine où il nous a longuement entretenu de l'immunité collective, l'argument tombe à plat. Quand il indique que c'est surtout «pour les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage» qu'on ouvre les écoles, on peut comprendre la réaction de nombreux enseignants qui se battent depuis des années pour que ceux-ci aient de meilleurs conditions d'apprentissage. On n'y croit pas. De plus, rien n'indique que ces journées supplémentaires d'école, vécues dans un climat si particulier, sauront faire une différence. De nombreux experts ont déjà indiqué que ce gain serait nul. Je doute qu'un élève autiste (un exemple indiqué par M. Legault) tirera profit d'une telle expérience actuellement.
Également, comment peut-on invoquer le bien des enfants et laisser à la maison tous ces élèves plus âgés qui ont aussi des besoins? On voit ici les limites de cet argument qui parait bien, mais qui crée une certaine dissonance cognitive.
M. Legault indique qu'il va «demander» aux enseignants de porter une attention spéciale aux élèves du primaire en difficulté, qu'ils soit à l'école ou non. La question soulevée par de nombreux collègues: comment feront-ils pour enseigner de jour en classe tout en accompagnant certains élèves à la maison? On n'osera jamais le dire, mais on vient de voter une augmentation de la tâche de ces enseignantes sur le terrain. Où sera le soutien, où sera l'aide pour ces dernières? Aucune réponse de la part de M. Legault. Et ce sont ces points qui donnent que l'idée que le gouvernement actuel manque d'empathie à l'égard de ceux qu'ils lancent dans la mêlée.
2- Le risque est limité
Ici, M. Legault indique que les enfants et les personnes de moins de 60 ans sans problème de santé ont des risque «minimes» de subir les conséquences d'une éventuelle contamination par le covid-19. On en conclut donc que certains enseignants âgés et certains enfants resteront à la maison.
Il se garde cependant une porte de sortie en indiquant que la situation sera réévaluée. Le problème est que cette opération «graduelle» se déroule en moins de deux semaines. Le discours aurait été plus rassurant si on avait tout d'abord procédé avec de plus petites régions où le virus est moins présent et facile à contrôler. Le tout donne l'impression qu'on veut procéder rapidement sans trop expliquer vraiment pourquoi.
3- La situation est «sous contrôle» dans les hôpitaux
Il conviendrait que les journalistes demandent au Premier ministre ce que signifie cette expression. Dans l'ensemble, on a l'impression que oui. On notera néanmoins que des pénuries de matériel de protection et une contamination importante à l'hôpital Sacré-Coeur à Montréal peuvent soulever certaines craintes.
4- On a le OK de la santé publique
Ici, encore une fois, le Premier ministre nous demande un acte de foi: «On écoute la science.» Fort bien. Peut-on savoir quels sont les paramètres sur lesquels se base le Dr Arruda pour en venir à un tel constat? On est loin des indicateurs clairs de l'Ontario.
5- La vie doit continuer
Pour M. Legault, il est «bon que les enfants revoient leurs amis». On est dans un argument de type émotif. Si cela est vrai, pourquoi seulement à l'école alors? Pourquoi recevraient-ils une amende de plus de $1500 s'ils le font dans un parc? Que se passera-t-il en été alors que les écoles seront fermées? La vie devra s'arrêter à nouveau? En invoquant cet argument, le Premier ministre ouvre une sacré boite de Pandore.
Les questions des journalistes
M. Legault ne s'attend pas à ce que ce soit tous les enfants qui retournent en classe. Il vise des groupes de 15 élèves aux maximum. On comprend ici qu'il y aura un sacré problème de gestion pour les directions d'école. Où iront les amis en trop? Avec quel enseignant qu'ils ne connaissent pas? Le Premier ministre croit que les écoles secondaires pourraient toujours servir si trop d'enfants se présentent à l'école primaire. Un jeune qu'on retire de sa classe sera ainsi totalement dépaysé. Manifestement, on a affaire ici à une réponse de gestionnaire qui va à l'encontre des principes de «La vie continue cet «Le bien des enfants». Je n'aimerais pas être la direction d'école qui va annoncer à un parent que, comme son enfant est le seizième du groupe, il ira à l'école secondaire voisine avec d'autres jeunes qu'il ne connait pas.
À la lumière des explications du Dr Arruda, on comprend mal cependant qu'il soit prévu de déconfiner Montréal aussi rapidement en parlant d'un geste «progressif, modéré, mesuré»? Comment peut-on penser faire des actions ciblées de traçabilité dans un milieu aussi vaste et aussi touché? On a aussi peu d'informations sur ce qui constitue un enseignant «en bonne santé», ce qui alimente les craintes du personnel scolaire ayant une maladie chronique.
Par ailleurs, le Premier ministre affirme qu'il prendra toutes les mesures possibles pour que personne n'attrape la covid-19. Comment cela se traduira-t-il concrètement dans une école? On a bien hâte de le savoir. Si jamais la pénurie des enseignants s'aggrave, M. Legault assure que des étudiants pourraient venir apporter leur aide. Après tout, on a déjà l'armée dans nos CHSLD, diront les plus cyniques.
Le problème avec celle annonce de M. Legault, ce sont ses incohérences. La plus grande est qu'on élude complètement la notion d'immunité collective qui était pourtant l'argument majeur d'une réouverture des écoles pas plus tard que vendredi dernier. Cela donne l'impression qu'on cherche des raisons pour procéder à cette opération de déconfinement et que n'importe quelle fera l'affaire.
Un autre irritant est cet acte de foi que demande M. Legault à certains de ses employés tout en ne donnant pas l'impression que des moyens supplémentaires pourraient être apportés pour les soutenir dans le défi qui les attend. Cela donne encore l'impression qu'ils devront faire plus avec rien. De plus, on le sent peu faire preuve d'empathie quand on parle des difficultés qu'ils pourraient rencontrer. Toute la question des équipements de protection semble escamotée alors qu'elle est au cours même des craintes des enseignantes. Comment peut-on penser que le tout se règlera en une réponse de trente secondes à un journaliste? Comment les amener à penser qu'elles n'auront pas besoin de masque alors qu'à la pharmacie où je vais, on me questionne et prend ma température pour que je puisse me rendre devant un comptoir protégé d'un plexiglass où une employée gantée et masquée me demande de respecter une distance de deux mètres?
De plus, comment ne pas assimiler ce retour à l'école comme une opération «garderie» alors que les enfants passeront une journée complète en classe? Pourquoi ne pas avoir retenu des journées raccourcies ou alternées pour débuter? A-t-on idée des efforts et de l'énergie qu'il faudra pour gérer la seule période du diner? C'est alors que le non retour des plus grands à l'école prend tout son sens pour les plus cyniques: ils arriveront à se «garder tout seuls.
Il est là, le problème de l'annonce de M. Legault, celui d'une profonde dissonance cognitive. On a demandé aux Québécois de se confiner pendant des semaines et on ordonne soudainement à près de 100 000 employés de retourner à leur travail, dans certains cas sans aucune protection. On comprend alors que les mots «prudent» et «graduel» ne sont guère crédibles dans le présent cas. Et comme on est devant un fléau inconnu, davantage de pédagogie, de charisme et de rigueur auraient été de rigueur.
Auprès de ses employés, M. Legault a manqué son «pitch» de vente.
NB: dans un prochain billet, je reviendrai sur la conférence de presse de M. Roberge.
28 avril 2020
27 avril 2020
Une crise qui révèle la vision de l'éducation d'un gouvernement
On va se le dire clairement: il n'y a aucune raison pédagogique de rouvrir les écoles québécoises. Le Québec, la province canadienne la plus touchée par la pandémie, semble bien pressée de se donner un peu de lustre en ramenant des élèves en classe. Ça sera effectué de façon régionale, à temps partiel, pour certains niveaux, mais ça sera fait.
On comprend que la manoeuvre est plus politique qu'autre chose. Certains parents qui rêvent de se débarrasser de leurs enfants encombrants, toutes ces entreprises qui espèrent retrouver leurs employés et le chemin de la profitabilité seront bien déçus.
Et si on se fie à la façon dont on gère les centres hospitaliers de soins de longue durée, on peut possiblement s'attendre au pire. Déjà, on permet aux employés de l'éducation qui vont donner un coup de main en CHSLD de revenir dans les milieux scolaires sans test ni quarantaine. Imaginez comment on gérera ce qu'on nous annonce.
Un fiasco en éducation
Si le gouvernement Legault avait voulu que les élèves fassent de véritables apprentissages, il leur aurait déjà fourni des ordinateurs comme c'est le cas en Ontario. Non, on dirait qu'il attend qu'on tombe en pénurie d'appareils électroniques ou tout bonnement que le télé-enseignement soit impossible afin que l'école continue à jouer son rôle traditionnel de garderie sociale.
De plus, s'il était sérieux, son ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, pour des raisons qu'on ignore, n'aurait pas rejeté du revers de la main cette offre de la commission scolaire Beauce-Etchemin de pourvoir les élèves du Québec d'un programme de formation en ligne tout aussi intéressant que celui qu'on retrouve dans la province de Doug Ford et que certains médias nous ont tant vanté.
Ce programme existe depuis des années. Il sert aux cours d'été et permet même d'obtenir un diplôme d'études secondaire dans le cadre d'une formation générale. Jean-François Roberge a donc ignoré une alternative qui aurait permis à des milliers de jeune Québécois de bénéficier d'un moyen d'apprentissage de qualité. Pourquoi? En l'absence d'une réponse officielle, les hypothèses courent et l'une d'entre elles veut que M. Roberge n'aurait pas accepté qu'une simple commission scolaire vienne au secours de son ministère.
Une école «instrumentalisée»
Ce fiasco en éducation est encore plus évident quand on songe à la façon dont le Premier ministre Legault a annoncé son intention de rouvrir les écoles: la fréquentation ne sera pas obligatoire et on n'y fera que de la consolidation des apprentissages. Bref, de la garderie.
Les rumeurs courent dans le milieu de l'éducation que même le ministre Roberge aurait été surpris par cette annonce. Mais est-il encore dans le coup, cet homme qui a fait la preuve de son inefficacité depuis plus de six semaines? Il faut être bien naïf, pour ne pas dire plus, pour croire comme c'est son cas que les émissions de Télé-Québec, la plateforme École ouverte et les trousses pédagogiques conçues par son ministère permettraient d'assurer une continuité pédagogique aussi bonne que celle offerte par bien des écoles privées.
Cette réouverture des écoles, on a tenté de la «légitimiser» de bien des façons au cours des derniers jours. Pourtant, il est faux de croire que, dans un environnement aussi anxiogène, les jeunes auront le plaisir de retrouver leurs amis peut-être porteurs du virus. Oublions aussi l'idée que les enseignants, avec la distanciation sociale et le stress, sauront repérer les indices permettant de dénoncer des parents abuseurs à la DPJ. Enfin, contrairement aux souhaits de l'Association des pédiatres et du bon docteur Julien, qui semblent finalement s'imaginer bien des choses, dans une école, en temps de pandémie, on ne donnera pas de petits déjeuners aux enfants qui ont faim.
En fait, si le premier ministre Legault a décidé de rouvrir les écoles, c'est pour des raisons sanitaires et peut-être économiques. Oublions l'éducation. De toute façon, qui s'en soucie vraiment au Québec? Croyant au principe de l'immunité collective et que les enfants sont peu atteints par le covid-19, le gouvernement veut favoriser une hausse de la contamination de la population québécoise. Pour ce faire, il «instrumentalisera» donc les écoles et les travailleurs qu'on y retrouve pour transformer chaque jeune en vecteur de contamination auprès de sa famille plus âgée et les 150 000 membres du personnel scolaire. C'est aussi simple que cela. Le corps enseignant deviendra sous peu un corps infecté à son corps défendant.
Ce faisant, le gouvernement placera sciemment des travailleurs dans des conditions de travail dangereuses qui n'ont aucun lien avec la nature même de leur emploi. Est-ce légal? Après tout, un prof devrait oeuvrer à propager le savoir, pas un virus. Au risque de vous surprendre, la réponse à cette question est oui. Actuellement, ce gouvernement peut fonctionner par décret lui donnant d'immenses pouvoirs tout en lui permettant de ne répondre qu'à certaines questions de quelques journalistes pas toujours bien informés. Il peut même transformer un prof en concierge s'il l'estime nécessaire. MM Legault et Roberge n'ont même pas à répondre de leurs actions devant le Parlement ironiquement fermé pour on ne sait pas combien de temps.
Oh bien sûr! Des mesures sanitaires seront mises de l'avant. On prendra soin de retirer le personnel de plus de 60 ans et ceux atteints de maladies chroniques demandant un suivi régulier. Un individu dont le diabète ou l'hypertension est contrôlé devra donc se présenter au travail. Et on recommandera le port du masque pour les adultes et les élèves au secondaire. Remarquez l'astuce: entre les lignes, on comprend qu'on ne l'obligera pas puisqu'il serait impossible au gouvernement d'en fournir en quantité suffisante. Ce sera donc aux travailleurs eux-mêmes, qu'on place dans des conditions de travail extra ordinaires, de fournir leur propre équipement de protection. On a vu dans des hôpitaux et des CHSLD des soignants devant oeuvrer sans masque et blouse. Que verra-t-on en éducation? Des quantités de masques tomber du ciel?
Mais plus que tout, peut-on m'expliquer pourquoi instaurer des mesures de protection et de distanciation sociale dans une école si le but de toute cette opération est, au contraire, de favoriser la contamination? Comment des enseignants peuvent-ils se sentir respectés professionnellement alors qu'ils sont utilisés dans le cadre d'une manoeuvre aussi grossière?
Au cours de sa jeune histoire, la CAQ a parfois fait peu de cas des travailleurs syndiqués. Un exemple parmi tant d'autres: en bon comptable qu'il est, M. Legault s'imagine qu'augmenter les salaires attirera davantage de préposés aux bénéficiaires (PAB). Il a tout faux: c'est un environnement de travail sain et sécuritaire qui incite les gens à se présenter au boulot. Si quelqu'un décide de devenir PAB en courant le risque d'attraper le covid-19 pour quatre dollars de l'heure de plus, c'est l'argent qu'il aime, pas cet emploi. Quand il a suggéré une possible réouverture des écoles il y a deux semaines, jamais le Premier ministre Legault n'a mentionné les mot «enseignant» ou «personnel scolaire» tellement ceux-ci n'existent pas dans son esprit.
Qu'on se comprenne bien: il faudra en venir un jour ou l'autre à un déconfinement. Mais pas au détriment de la santé des enseignants, pas à ce moment-ci étant donné les circonstances et l'état des connaissances:
À ceux qui dénonçaient le comportement paresseux de certains enseignants et clamaient bien haut que ceux-ci devaient devenir les «anges gardiens de l'éducation», j'espère qu'ils seront comblés. On les envoie stupidement au front, dénaturant la nature même de leur travail et le rôle fondamental de l'école. Comme des soldats conscrits de force, mal préparés et mal équipés dans un combat où on connait à peine l'ennemi. Comme si on tenait à créer une source de distraction pour cacher l'hécatombe des CHSLD. Wag the dog...
L'éducation n'est pas un service essentiel, on l'a bien compris au cours des dernières semaines avec l'inaction relative du ministre Roberge: elle est essentiellement un service dont la nature varie au gré du pouvoir politique. Et il serait faux de croire que ce débat ne concerne que l'éducation: il concerne toute la société québécoise. Les experts sont d'avis que la marge est très mince en ce qui concerne le déconfinement actuellement. Il n'est absolument pas certains que nos services hospitaliers soient prêts à accueillir une deuxième vague.
Bref, le prof masqué sera véritablement masqué. Et il se souviendra.
On comprend que la manoeuvre est plus politique qu'autre chose. Certains parents qui rêvent de se débarrasser de leurs enfants encombrants, toutes ces entreprises qui espèrent retrouver leurs employés et le chemin de la profitabilité seront bien déçus.
Et si on se fie à la façon dont on gère les centres hospitaliers de soins de longue durée, on peut possiblement s'attendre au pire. Déjà, on permet aux employés de l'éducation qui vont donner un coup de main en CHSLD de revenir dans les milieux scolaires sans test ni quarantaine. Imaginez comment on gérera ce qu'on nous annonce.
Un fiasco en éducation
Si le gouvernement Legault avait voulu que les élèves fassent de véritables apprentissages, il leur aurait déjà fourni des ordinateurs comme c'est le cas en Ontario. Non, on dirait qu'il attend qu'on tombe en pénurie d'appareils électroniques ou tout bonnement que le télé-enseignement soit impossible afin que l'école continue à jouer son rôle traditionnel de garderie sociale.
De plus, s'il était sérieux, son ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, pour des raisons qu'on ignore, n'aurait pas rejeté du revers de la main cette offre de la commission scolaire Beauce-Etchemin de pourvoir les élèves du Québec d'un programme de formation en ligne tout aussi intéressant que celui qu'on retrouve dans la province de Doug Ford et que certains médias nous ont tant vanté.
Ce programme existe depuis des années. Il sert aux cours d'été et permet même d'obtenir un diplôme d'études secondaire dans le cadre d'une formation générale. Jean-François Roberge a donc ignoré une alternative qui aurait permis à des milliers de jeune Québécois de bénéficier d'un moyen d'apprentissage de qualité. Pourquoi? En l'absence d'une réponse officielle, les hypothèses courent et l'une d'entre elles veut que M. Roberge n'aurait pas accepté qu'une simple commission scolaire vienne au secours de son ministère.
Une école «instrumentalisée»
Ce fiasco en éducation est encore plus évident quand on songe à la façon dont le Premier ministre Legault a annoncé son intention de rouvrir les écoles: la fréquentation ne sera pas obligatoire et on n'y fera que de la consolidation des apprentissages. Bref, de la garderie.
Les rumeurs courent dans le milieu de l'éducation que même le ministre Roberge aurait été surpris par cette annonce. Mais est-il encore dans le coup, cet homme qui a fait la preuve de son inefficacité depuis plus de six semaines? Il faut être bien naïf, pour ne pas dire plus, pour croire comme c'est son cas que les émissions de Télé-Québec, la plateforme École ouverte et les trousses pédagogiques conçues par son ministère permettraient d'assurer une continuité pédagogique aussi bonne que celle offerte par bien des écoles privées.
Cette réouverture des écoles, on a tenté de la «légitimiser» de bien des façons au cours des derniers jours. Pourtant, il est faux de croire que, dans un environnement aussi anxiogène, les jeunes auront le plaisir de retrouver leurs amis peut-être porteurs du virus. Oublions aussi l'idée que les enseignants, avec la distanciation sociale et le stress, sauront repérer les indices permettant de dénoncer des parents abuseurs à la DPJ. Enfin, contrairement aux souhaits de l'Association des pédiatres et du bon docteur Julien, qui semblent finalement s'imaginer bien des choses, dans une école, en temps de pandémie, on ne donnera pas de petits déjeuners aux enfants qui ont faim.
En fait, si le premier ministre Legault a décidé de rouvrir les écoles, c'est pour des raisons sanitaires et peut-être économiques. Oublions l'éducation. De toute façon, qui s'en soucie vraiment au Québec? Croyant au principe de l'immunité collective et que les enfants sont peu atteints par le covid-19, le gouvernement veut favoriser une hausse de la contamination de la population québécoise. Pour ce faire, il «instrumentalisera» donc les écoles et les travailleurs qu'on y retrouve pour transformer chaque jeune en vecteur de contamination auprès de sa famille plus âgée et les 150 000 membres du personnel scolaire. C'est aussi simple que cela. Le corps enseignant deviendra sous peu un corps infecté à son corps défendant.
Ce faisant, le gouvernement placera sciemment des travailleurs dans des conditions de travail dangereuses qui n'ont aucun lien avec la nature même de leur emploi. Est-ce légal? Après tout, un prof devrait oeuvrer à propager le savoir, pas un virus. Au risque de vous surprendre, la réponse à cette question est oui. Actuellement, ce gouvernement peut fonctionner par décret lui donnant d'immenses pouvoirs tout en lui permettant de ne répondre qu'à certaines questions de quelques journalistes pas toujours bien informés. Il peut même transformer un prof en concierge s'il l'estime nécessaire. MM Legault et Roberge n'ont même pas à répondre de leurs actions devant le Parlement ironiquement fermé pour on ne sait pas combien de temps.
Oh bien sûr! Des mesures sanitaires seront mises de l'avant. On prendra soin de retirer le personnel de plus de 60 ans et ceux atteints de maladies chroniques demandant un suivi régulier. Un individu dont le diabète ou l'hypertension est contrôlé devra donc se présenter au travail. Et on recommandera le port du masque pour les adultes et les élèves au secondaire. Remarquez l'astuce: entre les lignes, on comprend qu'on ne l'obligera pas puisqu'il serait impossible au gouvernement d'en fournir en quantité suffisante. Ce sera donc aux travailleurs eux-mêmes, qu'on place dans des conditions de travail extra ordinaires, de fournir leur propre équipement de protection. On a vu dans des hôpitaux et des CHSLD des soignants devant oeuvrer sans masque et blouse. Que verra-t-on en éducation? Des quantités de masques tomber du ciel?
Mais plus que tout, peut-on m'expliquer pourquoi instaurer des mesures de protection et de distanciation sociale dans une école si le but de toute cette opération est, au contraire, de favoriser la contamination? Comment des enseignants peuvent-ils se sentir respectés professionnellement alors qu'ils sont utilisés dans le cadre d'une manoeuvre aussi grossière?
Au cours de sa jeune histoire, la CAQ a parfois fait peu de cas des travailleurs syndiqués. Un exemple parmi tant d'autres: en bon comptable qu'il est, M. Legault s'imagine qu'augmenter les salaires attirera davantage de préposés aux bénéficiaires (PAB). Il a tout faux: c'est un environnement de travail sain et sécuritaire qui incite les gens à se présenter au boulot. Si quelqu'un décide de devenir PAB en courant le risque d'attraper le covid-19 pour quatre dollars de l'heure de plus, c'est l'argent qu'il aime, pas cet emploi. Quand il a suggéré une possible réouverture des écoles il y a deux semaines, jamais le Premier ministre Legault n'a mentionné les mot «enseignant» ou «personnel scolaire» tellement ceux-ci n'existent pas dans son esprit.
Qu'on se comprenne bien: il faudra en venir un jour ou l'autre à un déconfinement. Mais pas au détriment de la santé des enseignants, pas à ce moment-ci étant donné les circonstances et l'état des connaissances:
- manque de capacité à tester les gens en grand nombre;
- manque de capacité à tracer les personnes infectées et leurs contacts;
- manque de connaissances sur le virus lui-même;
- manque de connaissances sur sa transmission par les enfants (élevée ou pas);
- manque de connaissances sur l'existence d'une immunité après l'infection;
- manque de connaissance sur la faisabilité d'atteindre une immunité collective;
- manque de certitude quant à la possibilité pour les milieux d'être en mesure de mettre en place les consignes de la santé publique dans des écoles parfois délabrées et mal conçues;
- manque de blouses, de masques, de gel désinfectant, de lavabos.
À ceux qui dénonçaient le comportement paresseux de certains enseignants et clamaient bien haut que ceux-ci devaient devenir les «anges gardiens de l'éducation», j'espère qu'ils seront comblés. On les envoie stupidement au front, dénaturant la nature même de leur travail et le rôle fondamental de l'école. Comme des soldats conscrits de force, mal préparés et mal équipés dans un combat où on connait à peine l'ennemi. Comme si on tenait à créer une source de distraction pour cacher l'hécatombe des CHSLD. Wag the dog...
L'éducation n'est pas un service essentiel, on l'a bien compris au cours des dernières semaines avec l'inaction relative du ministre Roberge: elle est essentiellement un service dont la nature varie au gré du pouvoir politique. Et il serait faux de croire que ce débat ne concerne que l'éducation: il concerne toute la société québécoise. Les experts sont d'avis que la marge est très mince en ce qui concerne le déconfinement actuellement. Il n'est absolument pas certains que nos services hospitaliers soient prêts à accueillir une deuxième vague.
Bref, le prof masqué sera véritablement masqué. Et il se souviendra.
17 avril 2020
L'éducation: désormais et maintenant
Le réseau de l'éducation n'en peut plus des tergiversations du gouvernement Legault qui remet constamment à demain une évidence: l'année scolaire 2019-2020 est finie. Il n'existe aucune raison pédagogique valable de poursuivre celle-ci. Cessons de perdre un temps précieux à concevoir des plans pour une hypothétique réouverture partielle des écoles qui se traduira par des heures de classe où on fera de la révision aux quelques braves qui se présenteront devant des enseignants apeurés et dont on ne pourra garantir la sécurité. Les recherches commencent à peine à découvrir les effets de ce virus, notamment sur le cerveau.
Ce temps précieux, perdu par des dizaines de milliers d'enseignants, des milliers de membres du personnel non enseignant et des milliers de directions d'école, il faut le consacrer dès maintenant à une réalité à laquelle nous serons confrontés pendant des mois, soit celle d'écoles ouvertes ou fermées selon les circonstances éprouvantes que nous pourrions connaitre et qui devront tenir compte des normes de distanciation sociale qu'il faudra appliquer dans des lieux souvent surpeuplés qui n'ont pas été conçus en tenant compte de ces contraintes.
Il aura fallu une crise majeure pour qu'on établisse plusieurs constats très clairs quant à l'école québécoise. Le premier est le réseau actuel est incapable d'offrir une offre à distance digne de ce nom. Oublions les émissions de Télé-Québec et la plateforme École ouverte qui font davantage office de services «occupationnels» que de véritables activités d'apprentissage. Ni les enseignants ni les élèves du réseau public sont adéquatement formés et équipés pour vivre une telle réalité. Pendant qu'au Québec, on réfléchit à comment corder des jeunes de façon sécuritaire dans un autobus scolaire, l'Ontario achète des tablettes et des ordinateurs par millier pour les élèves qui en ont besoin.
Un deuxième constat très dur et qu'il ne faut pas généraliser à toutes les situations est à l'effet qu'actuellement, bien des jeunes, qui ne vivent pas de situation de détresse particulière, accordent peu ou pas d'importance à l'idée d'apprendre si cela ne se traduit pas en examens et en notes au bulletin. Bien sûr, on les comprend quand aucun nouvel apprentissage n'est prévu et que tous les examens de fin d'année ont été annulés (ce qui était une décision fort légitime). Il s'agit d'un sujet tabou dont on n'ose pas parler dans les médias. Il est bien plus facile de dénigrer les enseignants, de blâmer des directions d'école mais, hormis les cours en ligne des écoles privées, où sont les élèves qui ont envie d'apprendre? Majoritairement au primaire. Plusieurs poursuivent aussi des apprentissages à la maison d'une façon différente, sous la supervision de parents engagés et imaginatifs, mais cette situation ne pourra pas durer éternellement.
On devra se questionner longtemps sur le peu de valeur que ces jeunes, et bien souvent leurs parents, accordent à l'école. Au delà de ceux qui la voient comme la suite logique du CPE pour s'occuper de leurs enfants, on est en droit de se demander ce qu'ils attendent de l'école et surtout de ce qu'ils sont prêts à lui donner et à donner à leurs enfants.
C'est pourquoi le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, doit faire maintenant preuve d'un leadership pédagogique, lui qui a été enseignant pendant 17 années, et expliquer aux Québécois, jeunes comme vieux, que l'école ne peut plus être celle que nous avons connue, que la réalité qui a changé ne peut plus nous permettre de répéter des modèles impossibles à appliquer. Qu'on me comprenne bien: je ne suis pas un fervent de l'enseignement à distance et des technologies que nous vendent ces prophètes illuminés du numérique. Mais une situation nouvelle demande qu'on cesse de tenter de répéter ce qui ne fonctionnera plus.
Il faut consacrer les prochaines semaines et les prochains mois à préparer la rentrée 2020-2021 d'une école qui fonctionnera de façon tout à fait différente. Un modèle hybride qui comportera de l'enseignement à distance et aussi à l'occasion de l'enseignement en classe. Il faut également que l'école se recentre sur les apprentissages essentiels. Il faut cesser d'attendre et préparer l'avenir au lieu de le subir. Et surtout il faut aussi que chaque Québécois se demande ce qu'il peut faire pour son éducation future ou celle de ses enfants et s'y engage. Répéter le modèle actuel en temps de pandémie n'est pas viable.
(Le texte mis en ligne était originalement un brouillon. Les passages en rouges sont des ajouts matinaux.)
Ce temps précieux, perdu par des dizaines de milliers d'enseignants, des milliers de membres du personnel non enseignant et des milliers de directions d'école, il faut le consacrer dès maintenant à une réalité à laquelle nous serons confrontés pendant des mois, soit celle d'écoles ouvertes ou fermées selon les circonstances éprouvantes que nous pourrions connaitre et qui devront tenir compte des normes de distanciation sociale qu'il faudra appliquer dans des lieux souvent surpeuplés qui n'ont pas été conçus en tenant compte de ces contraintes.
Il aura fallu une crise majeure pour qu'on établisse plusieurs constats très clairs quant à l'école québécoise. Le premier est le réseau actuel est incapable d'offrir une offre à distance digne de ce nom. Oublions les émissions de Télé-Québec et la plateforme École ouverte qui font davantage office de services «occupationnels» que de véritables activités d'apprentissage. Ni les enseignants ni les élèves du réseau public sont adéquatement formés et équipés pour vivre une telle réalité. Pendant qu'au Québec, on réfléchit à comment corder des jeunes de façon sécuritaire dans un autobus scolaire, l'Ontario achète des tablettes et des ordinateurs par millier pour les élèves qui en ont besoin.
Un deuxième constat très dur et qu'il ne faut pas généraliser à toutes les situations est à l'effet qu'actuellement, bien des jeunes, qui ne vivent pas de situation de détresse particulière, accordent peu ou pas d'importance à l'idée d'apprendre si cela ne se traduit pas en examens et en notes au bulletin. Bien sûr, on les comprend quand aucun nouvel apprentissage n'est prévu et que tous les examens de fin d'année ont été annulés (ce qui était une décision fort légitime). Il s'agit d'un sujet tabou dont on n'ose pas parler dans les médias. Il est bien plus facile de dénigrer les enseignants, de blâmer des directions d'école mais, hormis les cours en ligne des écoles privées, où sont les élèves qui ont envie d'apprendre? Majoritairement au primaire. Plusieurs poursuivent aussi des apprentissages à la maison d'une façon différente, sous la supervision de parents engagés et imaginatifs, mais cette situation ne pourra pas durer éternellement.
On devra se questionner longtemps sur le peu de valeur que ces jeunes, et bien souvent leurs parents, accordent à l'école. Au delà de ceux qui la voient comme la suite logique du CPE pour s'occuper de leurs enfants, on est en droit de se demander ce qu'ils attendent de l'école et surtout de ce qu'ils sont prêts à lui donner et à donner à leurs enfants.
C'est pourquoi le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, doit faire maintenant preuve d'un leadership pédagogique, lui qui a été enseignant pendant 17 années, et expliquer aux Québécois, jeunes comme vieux, que l'école ne peut plus être celle que nous avons connue, que la réalité qui a changé ne peut plus nous permettre de répéter des modèles impossibles à appliquer. Qu'on me comprenne bien: je ne suis pas un fervent de l'enseignement à distance et des technologies que nous vendent ces prophètes illuminés du numérique. Mais une situation nouvelle demande qu'on cesse de tenter de répéter ce qui ne fonctionnera plus.
Il faut consacrer les prochaines semaines et les prochains mois à préparer la rentrée 2020-2021 d'une école qui fonctionnera de façon tout à fait différente. Un modèle hybride qui comportera de l'enseignement à distance et aussi à l'occasion de l'enseignement en classe. Il faut également que l'école se recentre sur les apprentissages essentiels. Il faut cesser d'attendre et préparer l'avenir au lieu de le subir. Et surtout il faut aussi que chaque Québécois se demande ce qu'il peut faire pour son éducation future ou celle de ses enfants et s'y engage. Répéter le modèle actuel en temps de pandémie n'est pas viable.
(Le texte mis en ligne était originalement un brouillon. Les passages en rouges sont des ajouts matinaux.)
11 avril 2020
Ouvrir les écoles?
Ouvrir les écoles.
Lancée en fin de point de presse hier, l'idée de M. Legault a fait l'effet d'une bombe. Il existe plusieurs raisons à cette réaction. Et le gouvernement est en partie responsable de celle-ci. Ce n'est pas la première gaffe que fait ce dernier (mais il ne faut pas le dire...), mais celle-ci est de loin la plus visible.
Tout d'abord, plusieurs notions sont mal maitrisées par la population et il sera difficile d'obtenir son adhésion à un tel projet actuellement. Mettons quelques faits au clair.
Il n'existe aucun vaccin actuellement. Il n'existe aucune façon d'acquérir une protection contre ce virus. Le concept d'«immunité communautaire» ne signifie pas que les gens, s’ils se tiennent ensemble, vont transférer leur immunité à d’autres. Ça signifie simplement qu’il y a des gens qui ne subiront aucun ou peu d’effet dans la communauté. L'immunité communautaire signifie que la fraction de la population qui est immunisée par des anticorps, acquis via des vaccins ou la présence de la maladie, empêche le virus de passer d'un hôte à un autre. Cette fraction de la population doit atteindre entre 70-80% pour qu'on puisse parler d'immunité communautaire dans le cas d'une grippe.
Il n'existe aucun vaccin actuellement. Il n'existe aucune façon d'acquérir une protection contre ce virus. Le concept d'«immunité communautaire» ne signifie pas que les gens, s’ils se tiennent ensemble, vont transférer leur immunité à d’autres. Ça signifie simplement qu’il y a des gens qui ne subiront aucun ou peu d’effet dans la communauté. L'immunité communautaire signifie que la fraction de la population qui est immunisée par des anticorps, acquis via des vaccins ou la présence de la maladie, empêche le virus de passer d'un hôte à un autre. Cette fraction de la population doit atteindre entre 70-80% pour qu'on puisse parler d'immunité communautaire dans le cas d'une grippe.
Le confinement n'a pas comme objectif de réduire significativement le nombre de personnes atteintes en bout de ligne. Au Québec, il visait ici à ralentir la propagation parce que notre réseau de la santé n'était pas assez solide pour accueillir un grand nombre de personnes atteintes en même temps. Plus des gens vulnérables sont atteints en même temps, plus des gens se retrouvent à l'hôpital en même temps, plus les risques que ces mêmes gens meurent faute de soins adéquats sont élevés. On ne soulignera jamais assez que cette «fragilité» du sytème hospitalier est le résultat de toutes les années de gestion des gouvernements qui se sont succédé à Québec.
La grande majorité de la population ne peut être confinée jusqu'à l'arrivée d'un vaccin. De toute façon, la grande majorité de la population aura peu ou pas de conséquence si elle est contaminée par ce virus.
L'idée est de contrôler combien de personnes sont atteintes en même temps. Le confinement était une de ces techniques, mais il a donné l'impression qu'on pourrait se prémunir pour toujours de la maladie. Il était aussi beaucoup plus rassurant que ce qui s’en vient parce qu’on a malgré tout une impression de contrôle sur notre destin. Avec le déconfinement, on essaiera d’éviter d’exposer des personnes vulnérables au virus. Mais il y aura inévitablement des morts et des morts. Beaucoup plus que maintenant. Mais ce n’est pas payant politiquement de le reconnaitre.
À cet égard, depuis une semaine, la gestion de la crise par le gouvernement est très questionnable. L’épisode de la «Fée des dents» a montré que le premier ministre était trop confiant par rapport à la réalité. On ne fait pas des blagues dans un point de presse sur une pandémie. Platement, si le premier ministre ne verra pas sa mère pour Pâques, c’est qu’elle est une personne vulnérable et que les risques qu’elle meurt au cours de prochains mois sont élevées. Je m'excuse de citer cet exemple, mais c'est une réalité.
M. Legault n’est manifestement pas un pédagogue. On peut aussi en douter dans le cas de son ministre de l’Éducation. Quant aux journalistes de la Colline parlementaire, leurs connaissance en sciences sont très relatives.
Le problème maintenant est de savoir à quelle vitesse on ouvre les valves du réservoir afin de respecter la capacité du réseau de la santé à accueillir adéquatement tous les gens qui subiront des conséquences sérieuses du virus. À Montréal, les unités sont sur un point de rupture. Mais on ne le dit pas trop.
Il y a aussi le fait qu'on ne teste pas assez la population. On n'a aucune idée véritable du pourcentage de la population déjà atteinte. On sait que le Québec a fait bonne figure en matière de confinement. Ce qu'on ignore est si cela pourrait maintenant lui jouer des tours et être un facteur important dans la suite des choses. Il existe donc des risques de connaitre ce qu'on appelle une «seconde vague».
En éducation, il serait illogique d'envoyer des enseignants à risque dans les classes. Mais comment déterminera-t-on qui sont ces derniers? Du côté des parents, dire que les jeunes ne subiront aucune retombée négative de retourner en classe est faux. Il y aura très peu de risques si on se base sur l’état actuel des connaissances quant à ce virus. Mais des enfants pourraient mourir. C’est arrivé dans d’autres pays. Il y en aura peu, très peu, mais il y en aura fort possiblement. Certains parents refuseront d’envoyer leurs enfants en classe pour des raisons tout à fait légitimes : ceux-ci ou leurs proches peuvent être des personnes à risque. Est-ce que le gouvernement est prêt à prendre vraiment le risque que des jeunes ou leurs proches meurent pour un mois et demi de classe? D’ailleurs, que fera-t-on en classe dans un tel climat?
Tout cela pour dire que l’on ne propose pas d'ouvrir les écoles pour des raisons académiques. Mais bien des raisons sanitaires. Et comme il n’y a pas de vérité absolue en la matière, il s’agit d’une opération comprenant des risques mais que l’on «croit» pouvoir contrôler.
Si actuellement, c’est une prof toute seule dans un studio de télé qui a été la meilleure réponse pédagogique à la pandémie (La classe de madame Marie-Ève), j’ai hâte de voir qui sera celle ou celui qui arrivera à expliquer tout cela correctement aux Québécois.
05 avril 2020
Trousse pédagogique: un produit perfectible
Le ministère de l'Éducation vient d'envoyer aux enseignants du Québec les fameuses trousses pédagogiques pour chaque niveau. Ceux-ci, si je comprends bien, peuvent les bonifier en équipe-école mais pas les modifier de façon à en retirer certains éléments. Une fois les bonifications apportées, elles seront envoyées aux parents qui pourront ainsi superviser des activités d'apprentissage pour leurs enfants. Dans ce texte, je me livrerai à une critique sommaire de ces trousses mais auparavant, quelques mots sur la continuité pédagogique qui est un concept sous-jacent relié à celles-ci.
Mettre sur les épaules des autres
La continuité pédagogique est la volonté de s'assurer, en ces temps troublés, de poursuivre des apprentissages scolaires hors des murs de l'école. Elle s'exerce actuellement de façons différentes selon les pays. Cette continuité présuppose que les enseignants, les parents et les élèves soient habiletés à la mettre en oeuvre, ce qui n'est pas le cas. Il faut des ressources, des infrastructures et des compétences numériques que tous ces intervenants ne possèdent pas nécessairement. Mais qu'importe! La bureaucratie gouvernementale se dédouane ainsi de ses responsabilités et de ses manquements passés en ce qui a trait à ce manque d'éducation numérique en en faisant porter le poids sur d'autres épaules que les siennes.
En France et en Belgique, bien des parents commencent à se rebeller contre ce concept. Ils n'ont ni l'expertise, ni le temps, ni l'équipement pour y répondre. On relève également, avec raison, que la continuité pédagogique accentue les inégalités sociales. Or, avec le matériel que vient de produire le ministère de l'Éducation, on va exactement dans la même direction.
Une analyse de la trousse pédagogique
Si l'on est généreux, l'on peut dire que le MEES fait ce qu'il peut en ces temps de crise. Soulignons-le. Par contre, ce qu'il produit est très révélateur de son niveau de compétence et de connaissances de la réalité du terrain.
Une chose importante est que, dans certains programmes, le ministère semble prendre pour acquis que tous les enseignants du Québec ont vu la même matière dans le même ordre et que tous les élèves sont rendus au même point. Par exemple, en éducation financière, il propose de faire un budget. Or, certains enseignants gardaient ce contenu de cours pour la troisième étape parce qu'il était plus intéressant.
a) la langue utilisée
Tout d'abord, le document est rédigé en français. On prend pour acquis donc que tous les parents maitrisent bien cette langue, ce qui n'est pas le cas. De plus, le français utilisé n'est pas toujours accessible et reprend un jargon rébarbatif qui montera bien aux parents avec quelle réalité les enseignants doivent parfois composer.
Exemple concernant des élèves de deuxième secondaire:
Consigne à l’élève
Cherche dans le dictionnaire les mots suivants, qui sont abondamment utilisés actuellement, souvent à mauvais escient.
Le mot «escient» ne correspond pas au vocabulaire de la majorité des élèves de ce niveau. Quand il faut chercher au dictionnaire des mots de la question qui porte sur des définitions...
Exemple concernant les parents:
Les élèves ont généralement une certaine représentation du sens d’un concept étudié en histoire. Le travail de conceptualisation réalisé en classe vise à permettre le passage d’une idée préalable, parfois incomplète, parfois fausse, à un concept formel, adéquatement
Faut-il commenter davantage?
b) un sujet à éviter?
Le MEES a décidé d'avoir comme thème la pandémie actuelle dans certaines activités. Ce choix est discutable. Je ne l'aurais pas fait. Oui, on peut penser qu'il est important de faire réfléchir les jeunes sur la situation exceptionnelle que nous vivons. D'un autre côté, on ne leur change pas vraiment les idées et on risque de renforcer l'anxiété de certains jeunes. Surtout si ces jeunes ont des parents qui travaillent actuellement dans des services essentiels.
c) des consignes floues
Certains diront qu'on y est habitué depuis quelque temps en éducation... mais certaines consignes manquent de précision ou de clarté. Après plus de vingt dans une classe, je peux déjà anticiper les questions des élèves quand je lis certaines d'entre elles.
- «Cherche dans le dictionnaire les mots suivants, qui sont abondamment utilisés actuellement, souvent à mauvais escient.» ---» Escient, ça veut dire quoi?
-->
d) le matériel nécessaire
Pour effectuer ces activités, un appareil électronique et une connexion internet semblent incontournables. On nous dit qu'un format papier sera envoyé aux parents. Belle idée, mais que fera-t-on avec les activités qui demandent d'écouter des extraits sonores ou visuels? Que fera-t-on aussi en anglais avec le matériel suivant : «Various information-based texts available online.»
En fait, on comprend que les gens qui ont produit ces activités ne sont pas toujours conscients de la réalité du terrain quand ils écrivent pour une activité qu'il ne faut aucun matériel en particulier alors qu'elle nécessite de consulter le site Allo Prof et ceux du gouvernement canadien.
L'effort est louable, rappelons-le. Mais révélateur. Souhaitons que, si la crise actuelle s'étire, ce contenu et les moyens de «l'enseigner» s'amélioreront. Parce que, pour l'instant, pour reprendre les mots d'un universitaire qui a regardé ce matériel à ma demande, on est dans l'«occupationnel». Et la réponse des élèves à nos appels et courriels est plus que faible au secondaire.
--> --> -->
Mettre sur les épaules des autres
La continuité pédagogique est la volonté de s'assurer, en ces temps troublés, de poursuivre des apprentissages scolaires hors des murs de l'école. Elle s'exerce actuellement de façons différentes selon les pays. Cette continuité présuppose que les enseignants, les parents et les élèves soient habiletés à la mettre en oeuvre, ce qui n'est pas le cas. Il faut des ressources, des infrastructures et des compétences numériques que tous ces intervenants ne possèdent pas nécessairement. Mais qu'importe! La bureaucratie gouvernementale se dédouane ainsi de ses responsabilités et de ses manquements passés en ce qui a trait à ce manque d'éducation numérique en en faisant porter le poids sur d'autres épaules que les siennes.
En France et en Belgique, bien des parents commencent à se rebeller contre ce concept. Ils n'ont ni l'expertise, ni le temps, ni l'équipement pour y répondre. On relève également, avec raison, que la continuité pédagogique accentue les inégalités sociales. Or, avec le matériel que vient de produire le ministère de l'Éducation, on va exactement dans la même direction.
Une analyse de la trousse pédagogique
Si l'on est généreux, l'on peut dire que le MEES fait ce qu'il peut en ces temps de crise. Soulignons-le. Par contre, ce qu'il produit est très révélateur de son niveau de compétence et de connaissances de la réalité du terrain.
Une chose importante est que, dans certains programmes, le ministère semble prendre pour acquis que tous les enseignants du Québec ont vu la même matière dans le même ordre et que tous les élèves sont rendus au même point. Par exemple, en éducation financière, il propose de faire un budget. Or, certains enseignants gardaient ce contenu de cours pour la troisième étape parce qu'il était plus intéressant.
a) la langue utilisée
Tout d'abord, le document est rédigé en français. On prend pour acquis donc que tous les parents maitrisent bien cette langue, ce qui n'est pas le cas. De plus, le français utilisé n'est pas toujours accessible et reprend un jargon rébarbatif qui montera bien aux parents avec quelle réalité les enseignants doivent parfois composer.
Exemple concernant des élèves de deuxième secondaire:
Consigne à l’élève
Cherche dans le dictionnaire les mots suivants, qui sont abondamment utilisés actuellement, souvent à mauvais escient.
Le mot «escient» ne correspond pas au vocabulaire de la majorité des élèves de ce niveau. Quand il faut chercher au dictionnaire des mots de la question qui porte sur des définitions...
Exemple concernant les parents:
Information aux parents
À propos de l’activitéLes élèves ont généralement une certaine représentation du sens d’un concept étudié en histoire. Le travail de conceptualisation réalisé en classe vise à permettre le passage d’une idée préalable, parfois incomplète, parfois fausse, à un concept formel, adéquatement
Faut-il commenter davantage?
b) un sujet à éviter?
Le MEES a décidé d'avoir comme thème la pandémie actuelle dans certaines activités. Ce choix est discutable. Je ne l'aurais pas fait. Oui, on peut penser qu'il est important de faire réfléchir les jeunes sur la situation exceptionnelle que nous vivons. D'un autre côté, on ne leur change pas vraiment les idées et on risque de renforcer l'anxiété de certains jeunes. Surtout si ces jeunes ont des parents qui travaillent actuellement dans des services essentiels.
c) des consignes floues
Certains diront qu'on y est habitué depuis quelque temps en éducation... mais certaines consignes manquent de précision ou de clarté. Après plus de vingt dans une classe, je peux déjà anticiper les questions des élèves quand je lis certaines d'entre elles.
- «Cherche dans le dictionnaire les mots suivants, qui sont abondamment utilisés actuellement, souvent à mauvais escient.» ---» Escient, ça veut dire quoi?
-->
- « Transcris la définition et le ou les contextes dans lesquels chacun d’eux devrait être utilisé.» Contexte, je ne comprends pas!
- «Tu peux dresser un champ lexical lié à la situation actuelle.» Pour le plus faibles: ---» C'est quoi un champ lexical? Pour les plus forts: ---» Oui, mais quel est le nom de ce champ lexical? Situation actuelle?
- «Dresse la liste des raisons pour lesquelles ce quotidien, à l’instar de plusieurs médias, a décidé de rendre accessibles gratuitement toutes les informations en lien avec la situation actuelle.» ---» Combien de raisons? Deux, c'est assez?
- · « Réfléchis et rédige un court texte sur l’importance d’être bien informé en temps de crise. Utilise au moins cinq mots de ton champ lexical.» --» Court, c'est combien de mots?
Et qu'on ne me dise pas que je suis de mauvaise foi: ces observations viennent toutes de la même activité que j'ai choisi au hasard. Activité qui ne comprend aucun corrigé, en passant.d) le matériel nécessaire
Pour effectuer ces activités, un appareil électronique et une connexion internet semblent incontournables. On nous dit qu'un format papier sera envoyé aux parents. Belle idée, mais que fera-t-on avec les activités qui demandent d'écouter des extraits sonores ou visuels? Que fera-t-on aussi en anglais avec le matériel suivant : «Various information-based texts available online.»
En fait, on comprend que les gens qui ont produit ces activités ne sont pas toujours conscients de la réalité du terrain quand ils écrivent pour une activité qu'il ne faut aucun matériel en particulier alors qu'elle nécessite de consulter le site Allo Prof et ceux du gouvernement canadien.
L'effort est louable, rappelons-le. Mais révélateur. Souhaitons que, si la crise actuelle s'étire, ce contenu et les moyens de «l'enseigner» s'amélioreront. Parce que, pour l'instant, pour reprendre les mots d'un universitaire qui a regardé ce matériel à ma demande, on est dans l'«occupationnel». Et la réponse des élèves à nos appels et courriels est plus que faible au secondaire.
--> --> -->
03 avril 2020
Écoles québécoises : une crise révélatrice
Chaque crise agit toujours comme un puissant révélateur. Les moments inquiétants que le Québec traverse actuellement sont porteurs de plusieurs leçons quant à notre système d’éducation.
Un système clairement inégalitaire
Dès les premiers jours de la pandémie, on a tout de suite pu constater que le système scolaire québécois est à trois vitesses : l’école ordinaire, les programmes particuliers et l’école privée.
En effet, il a fallu moins de deux semaines pour que bien des écoles privées mettent en branle un enseignement à distance. Les parents, payant chaque mois des frais pour les services de ces institutions, ont clairement signifié qu’ils s’attendaient à rien de moins. On verra plus loin que cette forme de télé-enseignement est plus facile à implanter en éducation privée que publique.
On s’est également aperçu que l’école québécoise, malgré ses beaux discours et ses efforts, n’arrive pas à assurer l’égalité des chances pour tous. Un élève venant d’un milieu défavorisé a et aura, à moins de changements profonds, moins de probabilités de bénéficier d’une instruction que le mènera à sortir du cycle de la pauvreté.
Un improbable enseignement à distance
Les efforts des écoles privées pour mettre en œuvre un télé-enseignement ont montré les lacunes profondes du secteur public en la matière. Ce ne sont pas tous les élèves des écoles primaires et secondaires du Québec qui ont un appareil électronique en leur possession et qui sont habiletés à s’en servir à des fins académiques. Soit que leurs parents n’ont pas les moyens de leur acheter un, soit que leur école ne leur en fournit pas.
Pour avoir enseigné à des élèves bénéficiant chacun d’un portable personnel, pour être efficace, le télé-enseignement doit tout d’abord être effectué en classe, sous la supervision d’un enseignant. C’est par la suite que le jeune pourra faire preuve d’autonomie à la maison. À part les élèves d’une commission scolaire à Sherbrooke, peu d’élèves québécois ont eu cette possibilité. On aura beau mettre en ligne une foule de sites et de contenu comme l’a fait le ministère de l’Éducation avec École Ouverte, les études montrent bien que cette façon de fonctionner est souvent inefficace. L’école publique a un retard abyssale en matière de culture technologique et ce, à tous les niveaux.
L’école garderie versus l‘école de la performance
Un autre constat facile à effectuer également relève de la vision qu’ont les gens de l’école québécoise. Alors que nous traversons une crise sanitaire majeure, les jeunes doivent demeurer à la maison au grand désarroi de certains parents. Je ne peux oublier cette phrase d’une mère désespérée : «Mais qu’est-ce que je vais faire pognéeavec mes deux enfants?»
Pour plusieurs, l’école n’est pas tant un lieu d’apprentissage qu’un endroit où l’on envoie nos enfants alors qu’on ne sait pas quoi faire avec eux. La situation peut être difficile pour quelqu’un qui travaille actuellement hors de la maison ou qui doit faire du télétravail. À force d’organiser l’horaire de bien des enfants et de subvenir à tous leurs besoins, on en est aussi venu à négliger l’essentiel : développer leur autonomie et leur soif d’apprendre.
Pour d’autres, par contre, l’école est un lieu indispensable à la réussite de leurs enfants. Le moindre jour, le moindre cours manqué met en péril rien de moins que l’avenir de leur progéniture. Pour eux, une mauvaise note en première secondaire empêchera leurs enfants de devenir médecins. En pleine pandémie, ils insistent pour recevoir des leçons, des travaux. Ils veulent même des examens à distance. On est alors dans une autre dynamique, celle qui crée des jeunes anxieux, souvent incapables de se définir et de se développer hors du cadre scolaire.
Le rôle des enseignants du secteur public
On pourra reprocher aux enseignants leur manque d'engagement dans la présente crise. Quant à moi, cette attitude est le résultat d'années et d'années d'une gestion où l'on a court-circuité les initiatives personnelles et l'esprit critique.
Je pense à cette gestion du Renouveau pédagogique fondé sur des données improbables et où certains enseignants ont été castrés à force de se faire dire de respecter leur devoir de réserve. Je pense à ces enseignants qui ont démissionné ou perdu leur emploi à cause de leurs critiques quant à la gestion du réseau scolaire. Je pense à ces enseignants qui doivent se tourner vers leur convention collective parfois tellement ils ne comprennent pas la gestion de certains administrateurs.
Alors, en pleine crise, que font-ils? La majorité attendent, le pied résolument sur le frein, qu’on leur dise quoi faire et comment. Ils ont reçu tellement d’ordre et de contre-ordres au cours des dernières semaines. Ils ont compris aussi au cours de leur carrière à en faire moins avec moins. Et s’ils prennent des initiatives, c’est dans la peur d’être jugé à la fois par leurs patrons mais aussi par leurs collègues. Vaut mieux alors pour eux de ne rien faire et attendre. Ils seront évidemment blâmés parce qu’au fond, ils sont des boucs émissaires tout désignés, ceux qu’on sacrifiera comme d’habitude au lieu de procéder à une véritable réflexion sur ce que cette crise nous aura fait vivre et nous aura montré.
01 avril 2020
Un camouflet au visage du ministre?
Les moments que nous vivons révèlent le caractère des gens et de nos décideurs. Et la façon dont le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, gère actuellement son ministère semble indiquer qu'il est manifestement débordé par l'ampleur de sa tâche en temps de crise. L'homme est pâle, le visage émacié. Ses consignes manquent de clarté et se contredisent parfois. Il inquiète.
Depuis les tout débuts des moments difficiles que nous vivons, le ministre affirmait qu'il permettrait aux parents de récupérer les effets laissés par leurs enfants dans les écoles. Une date limite à cette opération était même fixée. Dans le milieu scolaire, c'était la consternation. Mais peu osaient répondre au ministre que cette idée était contre-indiquée. Il faut dire qu'actuellement, presque tout le Québec a perdu sa faculté de critiquer le gouvernement Legault quand il commet une erreur. Dans le réseau, si on soulevait la moindre question à propos de cette décision du ministre Roberge, la réponse était lapidaire: «C'est une directive du ministre.»
Il aura fallu les nombreuses interventions de diverses organisations et individus pour que la Santé publique demande au ministre de se rendre à l'évidence: ce n'est pas une bonne idée en temps de pandémie, alors que le Premier ministre suggère fortement aux Québécois de restreindre leurs déplacements, de permettre à des dizaines de milliers de parents et d'étudiants de retourner chercher des biens dans des écoles et institutions d'enseignement.
Je ne sais pas, mais il suffit de lire cette phrase pour comprendre toute l'incohérence de la position ministérielle qui a été en vigueur au cours des derniers jours. Des directions d'école et des commissions scolaires ont perdu un temps fou à répondre à cette demande. Comme si elles n'avaient pas d'autres préoccupations plus importantes! De l'extérieur, une décision qui aurait dû être guidée par des considérations reliées à la santé publique prenait des allures de décision politique. Comme me le confiait un intervenant d'expérience dans ce milieu: «Avec le ministère, il faut toujours attendre le contre-ordre avant d'obéir à l'ordre.» Et c'est toute la crédibilité des services publics qui en souffre.
Le ministre indique que c'est «sur la base des plus récentes informations relatives à l'évolution épidémiologique du virus» que la Santé publique lui a demandé de surseoir à cette idée. Il faudra alors qu'il explique pourquoi, pas plus tard que la veille de sa volte-face, le cégep de Sherbrooke, situé dans une zone où l'on interdit pourtant aux parents de l'Estrie de récupérer les effets scolaires de leurs enfants, invitait ses étudiants à se rendre sur le campus sans aucun problème. Comment, tout à coup, ce qui était bon dans une zone pourtant désignée à risque devient soudainement une pratique à laquelle il fallait surseoir pour l'ensemble du Québec?
La nouvelle directive du ministre a suscité la grogne chez certains parents. Mais ce n'est pas lui qui fait face à cette colère. Ce sont les directions d'école et les centres scolaires qui passent toutes, aux yeux d'un certain public, pour des organisations incompétentes et désorganisées. Ce fut la même chose lorsque le ministre a indiqué qu'il serait bien que chaque enseignant appelle chacun de ses élèves hebdomadairement. Il avait manifestement oublié qu'au secondaire, certains prof en ont jusqu'à 320 et qu'il n'était pas certain qu'un parent aimerait recevoir un coup de fil des huit enseignants de son enfant chaque semaine...
En temps de crise, les citoyens ont souvent le réflexe de se rallier autour de leurs leaders et ceux-ci sont alors investis d'une confiance dont ils doivent se montrer à la hauteur. En ce moment, le ministre Roberge inquiète ceux qui suivent l'éducation. Avec de grands pouvoirs viennent aussi de grandes responsabilités, dit-on dans un film hollywoodien bien connu. Jean-François Roberge saura-t-il se ressaisir et être l'homme de la situation? La tâche est lourde, difficile, faut-il le rappeler. Mais c'est ce qu'il faut nous tous souhaiter.
Depuis les tout débuts des moments difficiles que nous vivons, le ministre affirmait qu'il permettrait aux parents de récupérer les effets laissés par leurs enfants dans les écoles. Une date limite à cette opération était même fixée. Dans le milieu scolaire, c'était la consternation. Mais peu osaient répondre au ministre que cette idée était contre-indiquée. Il faut dire qu'actuellement, presque tout le Québec a perdu sa faculté de critiquer le gouvernement Legault quand il commet une erreur. Dans le réseau, si on soulevait la moindre question à propos de cette décision du ministre Roberge, la réponse était lapidaire: «C'est une directive du ministre.»
Il aura fallu les nombreuses interventions de diverses organisations et individus pour que la Santé publique demande au ministre de se rendre à l'évidence: ce n'est pas une bonne idée en temps de pandémie, alors que le Premier ministre suggère fortement aux Québécois de restreindre leurs déplacements, de permettre à des dizaines de milliers de parents et d'étudiants de retourner chercher des biens dans des écoles et institutions d'enseignement.
Je ne sais pas, mais il suffit de lire cette phrase pour comprendre toute l'incohérence de la position ministérielle qui a été en vigueur au cours des derniers jours. Des directions d'école et des commissions scolaires ont perdu un temps fou à répondre à cette demande. Comme si elles n'avaient pas d'autres préoccupations plus importantes! De l'extérieur, une décision qui aurait dû être guidée par des considérations reliées à la santé publique prenait des allures de décision politique. Comme me le confiait un intervenant d'expérience dans ce milieu: «Avec le ministère, il faut toujours attendre le contre-ordre avant d'obéir à l'ordre.» Et c'est toute la crédibilité des services publics qui en souffre.
Le ministre indique que c'est «sur la base des plus récentes informations relatives à l'évolution épidémiologique du virus» que la Santé publique lui a demandé de surseoir à cette idée. Il faudra alors qu'il explique pourquoi, pas plus tard que la veille de sa volte-face, le cégep de Sherbrooke, situé dans une zone où l'on interdit pourtant aux parents de l'Estrie de récupérer les effets scolaires de leurs enfants, invitait ses étudiants à se rendre sur le campus sans aucun problème. Comment, tout à coup, ce qui était bon dans une zone pourtant désignée à risque devient soudainement une pratique à laquelle il fallait surseoir pour l'ensemble du Québec?
La nouvelle directive du ministre a suscité la grogne chez certains parents. Mais ce n'est pas lui qui fait face à cette colère. Ce sont les directions d'école et les centres scolaires qui passent toutes, aux yeux d'un certain public, pour des organisations incompétentes et désorganisées. Ce fut la même chose lorsque le ministre a indiqué qu'il serait bien que chaque enseignant appelle chacun de ses élèves hebdomadairement. Il avait manifestement oublié qu'au secondaire, certains prof en ont jusqu'à 320 et qu'il n'était pas certain qu'un parent aimerait recevoir un coup de fil des huit enseignants de son enfant chaque semaine...
En temps de crise, les citoyens ont souvent le réflexe de se rallier autour de leurs leaders et ceux-ci sont alors investis d'une confiance dont ils doivent se montrer à la hauteur. En ce moment, le ministre Roberge inquiète ceux qui suivent l'éducation. Avec de grands pouvoirs viennent aussi de grandes responsabilités, dit-on dans un film hollywoodien bien connu. Jean-François Roberge saura-t-il se ressaisir et être l'homme de la situation? La tâche est lourde, difficile, faut-il le rappeler. Mais c'est ce qu'il faut nous tous souhaiter.
Inscription à :
Articles (Atom)